Carrier

personne travaillant dans une carrière pour l’extraction de matériaux de construction
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Un carrier, ou anciennement casseur de pierres, est un ouvrier travaillant dans une carrière pour l’extraction de matériaux de construction. Le mot carrier désigne aussi l'entrepreneur qui fait ouvrir une carrière pour en tirer de la pierre.

Groupes de carriers à Sankt Margarethen im Burgenland, en Autriche (date inconnue).

Dénominations modifier

Le casseur de pierres casse les cailloux destinés à l'entretien des routes[1].

 
Carriers dans la carrière de granite de Kervern en Trégunc (photographie prise vers 1935).

Plusieurs termes aujourd'hui obsolètes désignent les ouvriers travaillant dans des perrières (petites carrières) :

  • troueurs qui implantent des coins disposés en ligne dans des mortaises (appelées aussi boites à coins guidant la fente de séparation) ou qui introduisent des « pétards » dans les trous de mine forés avec une barre à mine ou un perforateur[Note 1] ;
  • perriers ou rompeurs, fendeurs de pierre qui manient la masse pour briser les blocs après la fente au coin, au feu[Note 2] ou les tirs de mines (opération appelée rompage) ;
  • refendeurs qui forment des tranches ;
  • épinceurs qui tirent de ces tranches des pavés (opération appelée épinçage) ;
  • perrayeurs qui sont des tailleurs de pierre[4].

Éléments historiques modifier

 
Dalle de l'allée couverte des Meurtiaux, perforée de trous alignés pour l'emplacement des coins de carriers, image parmi bien d’autres d’un « vandalisme utilitaire »[5].

Les sources documentaires (textes littéraires, juridiques), épigraphiques (inscriptions recueillies dans des carrières, sur des monuments ou sur des blocs isolés) et iconographiques, donnent des indications sur l'extraction, la taille et le transport des pierres, ainsi que l'origine (esclaves et hommes libres, civils et militaires) et les conditions de travail que connaissaient mineurs et carriers durant l'Antiquité[6].

Toutes ces sources témoignent de la parfaite maîtrise des carriers dans la prospection et l'exploitation des gisements. Le métier exige en effet une connaissance affinée de la nature des roches, arrachées par les rompeurs (nom des anciens carriers) aux meilleurs filons. Une fois débitées, les roches sont livrées aux picoteurs[Note 3], ancien nom des tailleurs de pierre[7].

Au Moyen Âge, les contrats d'exploitation montrent l'existence de trois types de personnes liées à ce métier : les marchands carriers qui commercialisent la pierre, sans participer au travail, soit parce qu'ils possèdent la terre (laboureurs), soit parce qu'ils possèdent les moyens de transport (voituriers par terre qui fixent le prix des charrois et voituriers par eau, conducteurs de bateaux) ; les employés (compagnons et apprentis carriers) qui semblent plutôt spécialisés dans l'abattage de la pierre ; les carriers professionnels (qualifiés de maîtres carriers ou tout simplement carriers) qui procèdent à l'exploitation de la carrière et supervisent les employés[8].

De nos jours modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Une première technique consistait à faire une saignée autour du bloc que l'on souhaitait extraire et de le décoller avec des coins en bois (arrosés d'eau pour qu'il gonfle) ou en métal. La seconde technique, dite « fente à la potée », se pratiquait en réalisant des trous ractangulaires espacés régulièrement (creusés au poinçon ou au pic, ces trous sont appelés « emboitures », « encoignures » ou « potées ») et disposés suivant la ligne de fracture. La troisième technique, la plus récente, utilisait la dynamique pour fracturer les blocs. Pour approfondir ces mortaises, le troueur utilisait une pointerolle ou une smille. Les boîtes suffisamment fouillées, le carrier y engageait les coins et les enfonçait à l'aide d'une masse de cinq kilos, ou . « On disait que les coins chantaient sous le marteau et que les sons qu'ils émettaient, du grave à l'aigu, indiquaient la progression de la fêlure au sein de la roche. Afin d'améliorer la prise des coins et de réduire la détérioration de la roche, les carriers glissaient quelquefois du feuillard, des bouts d'un cercle de tonneau, contre les parois des boîtes… Lorsque les blocs à exploiter semblaient excéder les cent tonnes, ou que leur croûte paraissait trop friable, on abandonnait les coins pour l'explosif. On utilisait jadis de la poudre noire ; aujourd'hui, on lui préfère la dynamite ou la cheddite, malgré les fentes secondaires qu'elles ont tendance à provoquer. Par équipe de trois , à l'aide de barres à mine munies de quatre cornes en couronne, les carriers perçaient à la verticale un trou qui pouvait s'enfoncer jusqu'à plus de deux mètres si l'épaisseur de la roche le nécessitait. L'un tenait fermement la barre sur laquelle les deux autres frappaient à la volée, selon une cadence parfaitement réglée qui empêchait leurs masses de s'entrechoquer ». Entre les coups portés par les deux frappeurs, « le teneur remontait la barre de quelques centimètres , prestement, en la virant d'un quart de tour afin de lui conserver son mordant ». Ce type de débitage a été la règle jusqu'à l’apparition des forets mécaniques ou pneumatiques[2].
  2. Au néolithique, certains carriers allumaient de grands brasiers au front de taille pour aider à la rupture des joints. Une fois atteinte la température voulue, ils arrosaient le bloc rocheux d'eau froide et aussitôt après frappaient la future ligne de fracture d'un coup de marteau[3].
  3. En référence à l'instrument qui leur sert à tailler les pierres, le picot (espèce de marteau pointu).

Références modifier

  1. « Casseur », sur cnrtl.fr (consulté le ).
  2. Gérard Boutet, La France en héritage. Dictionnaire encyclopédique : métiers, coutumes, vie quotidienne, 1850-1960, Perrin, , p. 721-722.
  3. Pierre-Roland Giot, Jean L'Helgouach, Jean Laurent Monnier, Préhistoire de la Bretagne, Ouest-France éditions, , p. 485.
  4. Gaël Milin (dir.), La fabrication du paysage, CRBC, , p. 232.
  5. Louis Chauris, « Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne. Neuvième partie : Le batholite granitique hercynien médio-armoricain », Revue archéologique de l'Ouest, no 35,‎ , p. 241-276 (DOI 10.4000/rao.5626)
  6. Robert Bedon, Les carrières et les carriers de la Gaule romaine, Picard, , p. 11-12
  7. Jacqueline Lorenz, Carrières et constructions en France et dans les pays limitrophes, Ed. du CTHS, , p. 282
  8. Paul Benoit et Philippe Braunstein, Mines, carrières et métallurgie dans la France médiévale, CRNS éditions, , p. 404

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Robert Bedon, Les carrières et les carriers de la Gaule romaine, Picard, Paris, 1984, 247 p. (ISBN 2-7084-0107-6)
  • Marius Gibelin, « Les carriers », in Métiers et savoir-faire de toujours, De Borée, Romagnat, 2005, 312 p. (ISBN 2-8449-4352-7)

Articles connexes modifier