Aulisua est un dieu maure de la fertilité, protecteur des récoltes et honoré en Tingitane et dans l’ouest de la Césarienne durant l'époque romaine[1]. En effet, il était honoré à la fois à Volubilis, Aïn Khial et Pomaria où dans les trois cas, il est qualifié de Sanctus mais aussi dans l'une d'entre elles d’Invictus par des officiers militaires. De même, sur une stèle en marbre blanc de Volubilis, il est qualifié d’Aug(usto)[2]. Il ne s’agit donc pas d’une simple divinité locale mais d’une importante divinité maure[3].

Aulisua
Caractéristiques
Fonction principale Divinité de la fertilité
Lieu d'origine Maurétanie
Période d'origine Période romaine mais possiblement plus ancienne
Équivalent(s) par syncrétisme Consus, Hercule et Saturne
Culte
Région de culte Maurétanie Tingitane et Césarienne
Date de célébration 21 août
Symboles
Attribut(s) Massue, épis de blé, peau de lion, sexe apparent

L’un des autel le mieux conservé et découvert en dehors de Volubilis sur son domaine rural porte sur l’une de ses faces, la dédicace d’un cordonnier (sutor) affranchi nommé Valerius Victor en l’honneur d’Aulisua représenté sous les traits de Consus-Hercule[3]. Ainsi Aulisua pourrait être un Hercule indigène[4].

En Césarienne, il est attesté par trois inscriptions du IIIe siècle ap. J.-C. dont deux proviennent de Pomaria (Actuelle Tlemcen)[5]. Aulisua était aussi honoré par des fidèles occupant des fonctions officielles comme les exploratores Pomarienses[6]. Il s’agit d’officiers qui procédaient à des opérations de reconnaissance et de surveillance le long du limes[5].

Étymologie modifier

Le nom de cette divinité est d’origine libyque et pourrait s’apparenté au verbe « AWH » en tamahaq qui signifie « avoir l’œil sur..., surveiller... et se dit d’un chef qui veille sur son pays pour le préserver de tout mal »[7]mais aussi la racine berbère « AWL » qui prend aussi ici le sens de « veiller sur »[8].

Représentation et attributs modifier

L'un des bas-relief de l'autel découvert à Volubilis représente Aulisua se tenant sur un socle vêtu d'une tunique courte, léonté[9], le sexe apparent en tenant une massue dans la main gauche et deux possible épis dans la main droite[2]. Ainsi ses attributs le relie à Consus, Hercule mais aussi Saturne dont le culte n'est par ailleurs pas attesté dans cette partie de l'Afrique.

Culte modifier

Sur une stèle de Volubilis, la victime offerte est un bélier représenté devant un autel portant l’inscription Aulis(uae) Aug(usto) sacru(m)[5]. Ses caractéristiques cultuelles rappellent aussi celles du Saturne africain/Baal Hammon[10]. Ainsi peut s’expliquer la rareté si non pas l’absence de témoignages du culte de Saturne en Tingitane remplacé par une divinité locale en l’occurrence ici Aulisua. Cependant il présente des caractéristiques propres qu’on ne retrouve pas chez Saturne comme la présence d’épis comme attribut et une certaine diversité sociale de ses adorateurs (Saturne n’étant pas vénéré par des militaires)[11].

En plus de ces liens avec Saturne et Hercule, Aulisua présente aussi de nombreuses affinités avec Consus. En effet, l’une des inscriptions est datée du douzième jour des calendes de septembre (21 août), ce qui correspond aux Consualia, les fêtes en l’honneur de Consus, divinité agraire. D'autant plus que sur le bas-relief de l'autel est aussi représenté un cheval dont des courses étaient organisé durant les Consualia. Cette association est par ailleurs aussi renforcée par la présence des épis et du sexe apparent qui conviennent bien à une divinité agraire. Il semble donc qu’Aulisua ait fait l’objet d’une interpretatio romana même si son nom indigène fut préservé. Il s’agit d’après Néjet Brahmi d'un syncrétisme d’assimilation[12].

Références modifier

  1. Jean-Marie Lassère, Africa, quasi Roma 256 av. J.-C. - 711 apr. J.-C., Paris, CNRS, , 778 p. (ISBN 978-2-271-07673-1, ISSN 0768-2352), chap. 13, p. 320
  2. a et b Le Glay Marcel. Le paganisme en Numidie et dans les Maurétanies sous l'Empire romain : état des recherches entre 1954 et 1990. In: Antiquités africaines, 42,2006. p. 77
  3. a et b Camps Gabriel. Qui sont les Dii mauri ?. In: Antiquités africaines, 26,1990. p. 135
  4. Néjat Brahmi, Volubilis : approche religieuse d'une cité de Mauretanie Tingitane (milieu Ier-fin IIIème siècles apr. J.-C.), Le Mans, Université du Maine, (lire en ligne), p. 255
  5. a b et c Néjat Brahmi, Volubilis : approche religieuse d'une cité de Mauretanie Tingitane (milieu Ier-fin IIIème siècles apr. J.-C.), Le Mans, Université du Maine, (lire en ligne), p. 297
  6. Marcel Bénabou, La résistance africaine à la romanisation, Paris, Éditions La Découverte, , 623 p. (ISBN 2-7071-4692-7), p. 305
  7. G. Camps, « Aulisua », Encyclopédie berbère, no 7,‎ , p. 1065–1066 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.1225, lire en ligne, consulté le )
  8. Camps Gabriel. Qui sont les Dii mauri ?. In: Antiquités africaines, 26,1990. p. 134
  9. Brouquier-Reddé V., « De Saturne à Aulisua. Quelques remarques sur le panthéon de la Maurétanie Tingitane », in L’Afrique, la Gaule, la religion à l’époque romaine, Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Latomus, Vol. 226, Bruxelles, 1994, p. 159
  10. Virginie Bridoux, Sous l’influence de Rome : de l’Amicitia à l’intégration dans l’ager publicus, in : Les Royaumes d’Afrique du Nord, Publications de l’école française de Rome, 2020, p. 42
  11. Néjat Brahmi, Volubilis : approche religieuse d'une cité de Mauretanie Tingitane (milieu Ier-fin IIIème siècles apr. J.-C.), Le Mans, Université du Maine, (lire en ligne), p. 299
  12. Néjat Brahmi, Volubilis : approche religieuse d'une cité de Mauretanie Tingitane (milieu Ier-fin IIIème siècles apr. J.-C.), Le Mans, Université du Maine, (lire en ligne), p. 300-301

Bibliographie modifier

  • Brouquier-Reddé V., « De Saturne à Aulisua. Quelques remarques sur le panthéon de la Maurétanie Tingitane », in L’Afrique, la Gaule, la religion à l’époque romaine, Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Latomus, Vol. 226, Bruxelles, 1994
  • Lenoir M., « Aulisua, dieu maure de la fécondité », in L’Africa Romana, Atti del III convegno di studio, Sassari 1985, Sassari, 198