André Girard (chimiste)

André Girard

Naissance
Avesnes-sur-Helpe (France)
Décès (à 84 ans)
Cannes (France)
Nationalité Française
Résidence France
Domaines Chimie, Médecine, Pharmacie
Institutions Institut Pasteur, Laboratoires Roussel-UCLAF
Diplôme Université de Paris
Formation Faculté de médecine, Faculté des sciences, Université de Paris
Renommé pour Réactif de Girard et Sandulesco, hormones stéroïdiennes
Distinctions Chevalier de la Légion d'Honneur (1936)

André Girard est un médecin et chimiste français, né le à Avesnes-sur-Helpe (Nord) et décédé le à Cannes (Alpes-Maritimes). Il fut à l'origine du développement de la chimie des stéroïdes dans les années 30 aux Laboratoires Roussel. Le succès de ce développement très important pour Roussel, puis Roussel-UCLAF reposa en premier lieu sur la mise au point d'une série de réactifs qui ont permis l'extraction des stéroïdes animaux avec des rendements très élevés.

Biographie modifier

Au début des années 1910, André Girard entama des études de médecine à Paris qui furent interrompues par la grande guerre en 1914. Il les reprit en 1919 tout en poursuivant des études de chimie à la faculté des sciences. Il obtint sa licence de chimie et soutint sa thèse de médecine en 1921 à l'Université de Paris alors qu'il travaillait en tant que préparateur dans le laboratoire de chimie thérapeutique d'Ernest Fourneau à l'Institut Pasteur depuis 1920. En parallèle de son travail au laboratoire d'Ernest Fourneau, il exerce comme médecin dans une clinique parisienne pour arrondir les mensualités à mi-temps de l'Institut Pasteur.

Travaux modifier

Bismuth modifier

Pendant ses années à l'Institut Pasteur, il met au point une formulation huileuse de bismuth dont les propriétés antisyphilitiques avaient été découvertes par Levaditi[1],[2], alors à l'Institut Pasteur et qui y pratiqua les essais de cette solution sur l'animal[3]. La solution huileuse de bismuth fut commercialisée par le laboratoire Roussel sous le nom de Bivatol. À cette occasion (), un accord est établi entre Gaston Roussel et André Girard qui se concrétisa par la création d'une entreprise filiale, "Les Laboratoires Français de Chimiothérapie"[4] (LFC), dont l'activité de recherche et de développement est très liée à la maison mère Roussel.

Vitamine D modifier

Aux LFC, Girard s'intéressa à la préparation de la vitamine D. En 1926-1927, Rosenheim et Windaus avaient montré que la vitamine D se formait à partir de l'ergostérol après irradiation aux UV[5],[6],[7]. Girard modifia le procédé d'extraction de l'ergostérol en traitant de la levure sèche par saponification alcoolique. Ceci aboutit à la commercialisation par Roussel du Stérogyl[8],[9], le pendant français d'autres préparations de vitamine D telles que le Vigantol[10] alors développé en Allemagne.

Stéroïdes modifier

En 1930, à la suite d'observations par Butenandt de la présence d'une fonction cétone dans la molécule d'oestrone[11], puis par Zondek de la forte teneur en œstrone des urines de juments gravides, André Girard et Georges Sandulesco se lancèrent aux LFC dans l'extraction d'hormones stéroïdes. Ce projet les amena à utiliser des hydrazines particulières[12], qui permirent d'extraire de nombreuses hormones stéroïdes avec d'excellents rendements. En 1932, à Londres, à l'occasion d'un congrès sous l'égide de la Société des Nations, alors qu'on déplorait la rareté des quantités d'œstrone purifiée disponibles, Girard sortit de sa poche sous le regard interloqué et incrédule des participants, un flacon de 25 g d'œstrone qu'il mit à leur disposition. À ce même congrès, Girard annonce l'obtention à l'état pur de nouvelles hormones œstrogènes chez le cheval (équiline (en)[13] et équilénine (en)[14]). Par ce coup d'éclat et ce geste, le laboratoire Roussel prenait place dans le cercle très fermé des laboratoires pharmaceutiques européens engagés dans la recherche et la production d'hormones stéroïdes et organisés en véritable cartel. Ceci servit en particulier dans des échanges et dans la libre disposition de savoir-faire dans ce domaine.

Fort de leur avance, Girard, ses collègues et le laboratoire Roussel consolidèrent leur expertise dans la préparation de stéroïdes d'origine animale. Le laboratoire Roussel fut ainsi le premier à commercialiser la progestérone. La famille de réactifs hydraziniques connus sous le nom de réactifs de Girard et Sandulesco[15] fut adaptée par le laboratoire Roussel au développement de méthodes d'extraction massive de molécules stéroïdes (cholestérol, acides biliaires) à partir d'organes animaux (moelle épinière, vésicule biliaire). Roussel-UCLAF produisit ainsi à la fin des années 1980 près des 3/4[8] de la quantité mondiale des stéroïdes de base[16]. Girard communiqua aussi à Reichstein la méthode d'extraction de corticoïdes à partir des extraits de glandes surrénales. Celui-ci put ainsi produire les corticoïdes en quantités suffisantes pour ses travaux de caractérisation qui lui valurent le prix Nobel en 1950[17].

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  Cet article s'appuie en grande partie sur une notice autobiographique, Les souvenirs du Docteur GIRARD, remise par André Girard à la documentation scientifique de Roussel UCLAF en . Une retranscription est accessible en ligne dans PaJ@Mo, patrimoine numérisé de l'Institut Pasteur.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

  • Une sélection de travaux scientifiques de Georges Sandulesco (1896-1978), proche collaborateur et ami d'André Girard a été rassemblée par Constantin George Sandulescu (1933-2018), linguiste et neveu de Georges Sandulesco. Cette sélection comporte notamment des copies d'articles et des brevets co-signés par Girard et Sandulesco, des coupures de presse et quelques photographies des deux chercheurs. Cette compilation intitulée Georges Sandulesco The Chemistry Researcher- Collected Papers (2011) est publiée par Contemporary Littérature Press The online publishing house of the University of Bucharest. Lire en ligne.
  • D'autres sources mentionnent les collaborations entre André Girard et le laboratoire Roussel et sa filiale, les Laboratoires français de chimiothérapie, notamment la revue du Patrimoine en Seine Saint-Denis (N° 15, 2007), article rédigé par André Furio. Lire en ligne.
  • Sur Roussel et Girard, voir aussi Contrepoints, 4 décembre 2016. Lire en ligne.

Notes et références modifier

  1. (en) Levaditi C., « The Therapeutic Action of Bismuth in Syphilis. », Can. Med. Assoc J., vol. 13,‎ , xvii-xix (lire en ligne)
  2. (en) Levaditi C., « The value of bismuth therapy in syphilis. », The Lancet, vol. 1,‎ , p. 692-697
  3. (en) Levaditi C., « An Experimental Study of Some Bismuth Compounds of Arsinic Acids from the Point of View of Their Therapeutic Action in Experimental Syphilis and Spontaneous Spirochaetosis of the Rabbit. », Br J Vener Dis, vol. 4,‎ , p. 25-43 (lire en ligne)
  4. Le sens du terme chimiothérapie était alors plus large que celui qu'on lui donne de nos jours qui se restreint à présent aux traitements des cancers par voie chimique.
  5. (en) Rosenheim O., « The Parent Substance of Vitamin D », Biochem J, vol. 21,‎ , p. 389-397 (lire en ligne)
  6. (en) Windaus A., « The chemistry of irradiated ergosterol. », Proc R Society (Lond), vol. 108,‎ , p. 568-575
  7. (en) Wolf G., « The discovery of vitamin D: the contribution of Adolf Windaus. », J Nutr, vol. 134,‎ , p. 1299-1302 (lire en ligne)
  8. a et b Bourrinet P., « Antoine Furio "De Gaston Roussel à Sanofi-Aventis". », Revue d'histoire de la pharmacie, vol. 363,‎ , p. 328-330. (lire en ligne)
  9. Raynal C., « Médicaments irradiés, sources de santé. », Revue d'histoire de la pharmacie, vol. 369,‎ , p. 53-70 (lire en ligne)
  10. (de) Haas J., « [Vigantol--Adolf Windaus and the history of vitamin D]. », Wurzbg Medizinhist Mitt, vol. 26,‎ , p. 144-181 (lire en ligne)
  11. (de) Butenandt A., « Über die physikalische und chemische Eigenschaften des krystallisierten Follikelhormons. Untersuchungen über das weibliche Sexualhormon. (5. Mitteilung.). », Biological Chemistry, vol. 191,‎ , p. 140-156 (lire en ligne  )
  12. Les hydrazines sont des réactifs généraux des groupements carbonyle notamment ceux des fonctions cétones. De nombreux stéroïdes portent au moins une fonction cétone, ce qui fait des hydrazines des réactifs de choix pour extraire les stéroïdes.
  13. Girard A., « Sur une nouvelle hormone sexuelle cristallisée retirée de l'urine des juments gravides », Compt. Rend. Acad. Sci,, vol. 194,‎ , p. 909-911 (lire en ligne)
  14. Girard A., « Sur une nouvelle hormone sexuelle cristallisée. », Compt. Rend. Acad. Sci., vol. 195,‎ , p. 981-983 (lire en ligne)
  15. Girard A., « Sur une nouvelle série de réactifs du groupe carbonyle, leur utilisation à l’extraction des substances cétoniques et à la caractérisation microchimique des aldéhydes et cétones », Helvetica Chimica Acta, vol. 19,‎ , p. 1095-1107 (lire en ligne)
  16. Ces stéroïdes de base peuvent ensuite être transformés par hémisynthèse en tout un ensemble de principes actifs (progestérone, testostérone, corticoïdes, contraceptifsetc.).
  17. (en) Reichstein T. (L'aide fournie par A. Girard est mentionnée en note dans l'article), « Chemistry of the adrenal cortex hormones », Nobel Lectures,‎ (lire en ligne)