Allodynie
L'allodynie (du grec ancien ἄλλος / állos, « autre »[1] et ὀδύνη / odýnē, « douleur »[2], littéralement « autre douleur ») est une douleur déclenchée par un stimulus qui est normalement indolore. Par exemple, un léger effleurement de la peau ou une faible sensation de chaud ou froid peuvent alors être douloureux[3].
Types
modifierIl existe différents types d'allodynie[4] :
- l'allodynie mécanique (aussi connue comme l'allodynie tactile) :
- soit une allodynie mécanique statique : la douleur en réponse au toucher léger / pression,
- soit une allodynie mécanique dynamique : la douleur en réponse à une caresse légère ;
- l'allodynie thermique (chaud ou froid) ;
- l'allodynie liée aux mouvements : la douleur est déclenchée par un mouvement normal des articulations ou les muscles.
- etc.
L'allodynie est notamment associée à certaines neuropathies telles que la migraine, la fibromyalgie, la névralgie post-zostérienne ou le syndrome douloureux régional complexe ; avec parmi les phénomènes les plus connus du grand public : la photophobie, la phonophobie, la thermophobie ou encore l'olfactophobie (lors des crises, les stimuli en temps normal indolores vont à égal intensité induire ou augmenter la sensation douloureuse). Les troubles neurologiques centraux, tels que l'autisme, ou le sevrage de certains médicaments comme les opiacés, peuvent également générer une allodynie.
Causes
modifierL'allodynie est une caractéristique clinique de nombreuses conditions douloureuses, telles des neuropathies[5], notamment :
- le syndrome douloureux régional complexe ;
- la névralgie post-zostérienne ;
- la fibromyalgie ;
- l'autisme[6] ;
- l'arrêt de médicaments opioïdes[7] ;
- la migraine.
L'allodynie peut aussi avoir une cause syndromale exogène (ex : photophobie et hydrophobie chez les sujets atteints de la rage) ou iatrogène (par exemple avec certaines populations de cellules souches utilisées pour traiter des lésions nerveuses y compris les blessures de la moelle épinière[8]).
Les patients souffrant d'allodynie caractérisent la douleur comme rayonnante, sensible, « enserrante », constante, réveillant la nuit. Ce sont souvent des patients ayant eu recours à toutes les méthodes antalgiques connues sans résultats. Ces radiculalgies proviennent de lésions partielles des nerfs cutanés (fibres A-beta)[9].
Physiopathologie
modifierPlusieurs études suggèrent que les blessures à la moelle épinière pourrait conduire à la perte et la réorganisation des nocicepteurs, mécanorécepteurs et des interneurones, conduisant à la transmission d'informations de la douleur par des mécanorécepteurs[10]. Une autre étude rapporte l'apparition de fibres descendantes au site de la lésion[11]. Tous ces changements affectent finalement les circuits neuronaux à l'intérieur de la moelle épinière, et à la modification de l'équilibre des signaux conduisant probablement à l'intense sensation de douleur associée à l'allodynie. Différents types de cellules ont également été associés à l'allodynie. Par exemple, il y a des publications scientifiques qui montrent que la microglie dans le thalamus pourrait contribuer à l'allodynie en changeant les propriétés des nocicepteurs secondaires[12]. Le même effet peut être obtenu dans la moelle épinière par le recrutement de cellules du système immunitaire tels que les monocytes / macrophages et lymphocytes T[13].
Une sensibilisation du système nerveux central contribuerait à l'apparition d'une allodynie. Cette sensibilisation se réfère à l'augmentation de la réponse des neurones à la suite d'une stimulation répétitive. Le travail de nombreux chercheurs a conduit à l'élucidation des voies qui peuvent conduire à une sensibilisation des neurones à la fois dans le thalamus et dans les cornes dorsales de la moelle épinière.
Hyperacousie et allodynie (allodynie auditive)
modifierLes patients atteints de troubles neuropathiques d'origine centrale peuvent souffrir de sensations douloureuses même lorsque la stimulation somatatosensorielle est inoffensive (allodynie) ou ressentir une sensation anormalement élevée de douleur ou d'inconfort produit par des stimuli nociceptifs (hyperalgésie). Il existe donc des similitudes dans les symptômes entre l'hyperacousie de douleur (sensation douloureuse aux bruits) et ce type de douleur neuropathique (De Ridder et al., 2011)[14].
Des auteurs ont montré une augmentation des ondes beta (l'onde bêta est une onde cérébrale que l'on peut mesurer par électro-encéphalographie) dans la zone dorsale du cortex cingulaire antérieur (CCA) et le cortex orbitofrontal chez des personnes atteintes d'hyperacousie (Song JJ, De Ridder D, Weisz N, Schlee W, Van de Heyning P et Vanneste S., 2014)[15]. Des modifications similaires sont également présentes chez les patients présentant une hyperalgésie et l'allodynie. De nombreuses études ont mis en évidence l'implication du CCAd dans la perception subjective de la douleur. Quand des sujets s'infligent eux-mêmes une douleur, l'activation du CCAd est moins forte que quand ils subissent la même douleur. Song et al. (2014), font donc un parallèle entre l'hyperacousie et l’allodynie, mettant probablement en jeu des circuits neuronaux communs[15].
Traitements
modifierUne nouvelle méthode chirurgicale parvient néanmoins à soigner cette maladie pour certains patients : la neurostimulation médullaire consistant à stimuler des zones spécifiques de la moelle afin de contrer l'influx douloureux.
Personnes connues atteintes d'allodynie
modifierNotes et références
modifier- Anatole Bailly, Dictionnaire Grec-Français, Nouvelle édition revue et corrigée dite Bailly 2020-Hugo Chávez, entrée ἄλλος
- Anatole Bailly, Dictionnaire Grec-Français, Nouvelle édition revue et corrigée dite Bailly 2020-Hugo Chávez, entrée ὀδύνη
- La définition originale est de Merskey & Bogduk (1994) : « L'hyperalgie est la survenue d'une douleur anormalement intense déclenchée par un stimulus ; par exemple piqure avec une aiguille. L'hyperpathie est la survenue d'une douleur anormalement intense (extrêmement intense) et prolongée (persiste après le stimulus) déclenchée par un stimulus douloureux. » « Douleur causée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur », Traduction de Malenfant 1998
- C. LoPinto, W. B. Young et A. Ashkenazi, « Comparison of dynamic (brush) and static (pressure) mechanical allodynia in migraine », Cephalalgia: An International Journal of Headache, vol. 26, , p. 852-856 (ISSN 0333-1024, PMID 16776701, DOI 10.1111/j.1468-2982.2006.01121.x, lire en ligne, consulté le )
- Landerholm, A. (2010). Neuropathic pain: Somatosensory Functions related to Spontaneous Ongoing Pain, Mechanical Allodynia and Pain Relief. Thesis. Stockholm: Karolinska Institutet
- (en-US) « Hyperesthesia and Autism », sur Autism Parenting Magazine, (consulté le )
- « Tolérance, hyperalgésie opioïdo-induite, hyperalgésie de sevrage, développement nouveau d'allodynie », sur Palli-Science : site officiel de formation en soins palliatifs et oncologie de 1ère ligne, (consulté le )
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- (en) Spicher CJ, Mathis F, Degrange B, Freund P, Rouiller EM « Static Mechanical Allodynia is a Paradoxical Painful Hypoaesthesia: Observations derived from neuropathic pain patients treated with somatosensory rehabilitation » Somatosens Mot Res. 2008;25(1):77-92. [PDF]
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- De Ridder, Dirk et al. « Phantom Percepts: Tinnitus and Pain as Persisting Aversive Memory Networks. » Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 108.20 (2011): 8075–8080.
- Song JJ, De Ridder D, Weisz N, Schlee W, Van de Heyning P, Vanneste S. Hyperacusis-associated pathological resting-state brain oscillations in the tinnitus brain: a hyperresponsiveness network with paradoxically inactive auditory cortex. Brain Struct Funct. 2014 May;219(3):1113-28. Doi: 10.1007/s00429-013-0555-1.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- « Ma thèse en 180 secondes - Finale internationale 2014 : Noémie Mermet », sur YouTube, 1er du jury avec sa thèse « Implication des récepteurs 5-HT2A dans la modulation des interneurones PKC gamma dans un contexte d'allodynie »