Être dans le placard

le fait de garder le silence sur son orientation sexuelle ou son identité de genre

L'expression « rester dans le placard » désigne les personnes LGBT qui n'ont pas divulgué leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Il est parfois également utilisé pour décrire toute personne qui cache une partie de son identité pour éviter des conséquences sociales, par exemple ses idéologies politiques.

Historique

modifier

Dans l'Amérique de la fin du XXe siècle, le placard devient une métaphore importante de la vie gay, ainsi que le concept de coming out. Le concept oppose le fait d'être dans le placard, ou d'en être sorti ; les personnes qui y sont tendent à être décrites comme malheureuses et inauthentiques[1]. Cependant, beaucoup de personnes sont dans l'obligation de rester dans le placard pour ne pas subir de répercussions économiques, sociales ou personnelles[2]. En 1953, la peur violette mène à la mise en application d'un décret exécutif privant les personnes homosexuelles de travailler au sein du gouvernement fédéral des États-Unis, forçant des personnes à se cacher pour garder leur emploi. D'autres personnes restent dans le placard parce qu'elles ne savent pas comment exprimer ou n'acceptent pas leur sexualité ou genre[3].

Certaines tactiques servent à masquer son orientation sexuelle. Un exemple est le mariage lavande (en), ou un mariage à orientations mixtes servant à dissimuler la non-hétérosexualité d'au moins un des époux. La méthode est très répandue à Hollywood au début du vingtième siècle afin de protéger les carrières des artistes[4].

Au XXIe siècle, l'idée de « placard de verre » naît au sein des discours LGBT. Ce terme décrit des personnalités publiques qui ne cachent pas leur orientation sexuelle activement, mais qui ne la confirment jamais réellement non plus[5]. Colton Haynes et Ricky Martin sont par exemple forcés à rester dans le placard pendant leur carrière[6],[7].

 
Collection de badges sur le thème d'être dans le placard.

En 1993, Michelangelo Signorile (en) écrit Queer in America, un livre dans lequel il explore les conséquences négatives du placard sur les personnes affectées et sur la société dans son ensemble[8].

Rester dans le placard nuit généralement à la santé mentale de l'individu, en particulier à l'adolescence, ce qui explique en partie la fréquence des tentatives de suicide des jeunes LGBTQ[9]. Les femmes dans le placard sont deux fois plus souvent dépressives que celles qui sont out, alors qu'on observe le phénomène inverse chez les hommes[10]. Le fait de rester dans le placard fait augmenter le coût des soins de santé et de sensibilisation du public aux questions LGBTQ[11].

Fréquence

modifier

Une étude de 2019 de la Yale School of Public Health estime que 83 % des personnes LGBT dans le monde cachent leur orientation sexuelle[12].

Selon une enquête de 2020 de l'agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, 30 % des personnes LGBT dans l'UE sont dans le placard[13]. En Chine, une enquête de 2016 a révélé que 85 % des personnes LGBT n'ont parlé à personne de leur orientation sexuelle et 95 % ne l'ont pas révélée en dehors de leur famille[14]. Aux États-Unis, 4 % des personnes gays et lesbiennes et 26 % des personnes bisexuelles le cachent à au moins une des personnes importantes dans leur vie[15].

Bibliographie

modifier
  • George Chauncey (trad. Didier Eribon, cité dans Seidman 2003), Gay New York (1890-1940), New York/Paris, Basic Books/Fayard, coll. « Sciences humaines », , 576 p. (ISBN 9782213601229).
  • (en) Laud Humphreys, Tearoom Trade: Impersonal Sex in Public Places, Chicago, Aldine, (1970), 180 p. (ISBN 9780202301174, lire en ligne).
  • (en) Elizabeth Kennedy (cité dans Seidman 2003), « But We Would Never Talk about It : The Structure of Lesbian Discretion in South Dakota, 1928-1933 », dans Ellen Lewin (ed.), Inventing Lesbian Cultures in America, Boston, Beacon Press, , VIII-232 p. (ISBN 9780807079430).
  • (en) Steven Seidman, Beyond the Closet : The Transformation of Gay and Lesbian Life, (ISBN 0-415-93207-6).
  • (en) Steven Seidman, Chet Meeks et Francie Traschen, Beyond the Closet? The Changing Social Meaning of Homosexuality in the United States, vol. 2, (DOI 10.1177/136346099002001002), chap. 1, p. 9-34.
  • (en) Eve Kosofsky Sedgwick, Epistemology of the Closet, University of California Press, , XI-258 p. (ISBN 9780520070424).

Notes et références

modifier
  1. Seidman, Meeks et Traschen 1999.
  2. (en) « What Does It Mean to Be in the Closet? », sur Verywell Mind (consulté le )
  3. M. D. Jack Drescher, « The Closet: Psychological Issues of Being In and Coming Out », Psychiatric Times, psychiatric Times Vol 21 No 12, vol. 21, no 12,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en) « "These People Are Frightened to Death" », sur National Archives, (consulté le )
  5. « The Glass Closet », www.out.com, (consulté le )
  6. (en) Matthew Jacobs, « Colton Haynes, Once Told To Stay In The Closet, Returns With A Sparkling Outlook », HuffPost, (consulté le )
  7. (en) « 'I was told my career would collapse if I came out,' says Ricky Martin », The Independent, (consulté le )
  8. re-released in 2003 by University of Wisconsin Press, (ISBN 0-299-19374-8)
  9. « Generation Q Pride Store brought to you by LAMBDA GLBT Community Services », www.lambda.org (consulté le )
  10. John E. Pachankis, « The Mental Health of Sexual Minority Adults In and Out of the Closet:A Population-Based Study », Journal of Consulting and Clinical Psychology, vol. 83, no 5,‎ , p. 890–901 (PMID 26280492, PMCID 4573266, DOI 10.1037/ccp0000047)
  11. « The 'Global Closet' is Huge—Vast Majority of World's Lesbian, Gay, Bisexual Population Hide Orientation, YSPH Study Finds »
  12. (en) John E. Pachankis et Richard Bränström, « How many sexual minorities are hidden? Projecting the size of the global closet with implications for policy and public health », PLOS ONE, vol. 14, no 6,‎ , e0218084 (PMID 31194801, PMCID 6564426, DOI 10.1371/journal.pone.0218084, Bibcode 2019PLoSO..1418084P)
  13. (en) European Union Agency for Fundamental Rights, EU LGBTI II: A long way to go for LGBTI equality, Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, (ISBN 978-92-9474-997-0, DOI 10.2811/7746, lire en ligne)
  14. (en) Zheping Huang, « Only 5% of China's LGBT citizens have come out of the closet », Quartz, (consulté le )
  15. « Bisexual adults are far less likely than gay men and lesbians to be 'out' to the people in their lives », Pew Research Center (consulté le )