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JUMARTS, JUMERRES, GIMERRI, GIMEROU, DZOUMA modifier

RÉSUMÉ modifier

Les jumarts (pour les mâles) et les jumerres (pour les femelles) , appelés aussi gimerri en Provence et gimerou en Piémont, ou encore dzouma en Suisse francophone, sont des hybrides entre espèces d’équidés : âne et jument, plus rarement cheval et ânesse.  Mais, à cause de leurs difformités, provoquées par un gène récessif qui perturbe le développement des cartilages et modifie la forme du crâne, on a longtemps pensé que ces mulets provenaient d’un croisement entre équidés et bovins. Il y avait, selon cette croyance, trois possibilités : cheval croisé avec vache, taureau croisé avec jument ou ânesse). Cette anomalie génétique, l’achondroplasie, circulait notamment dans les populations équines des alpes franco italiennes (Dauphiné, Haute Provence, Piémont).

Ces mulets paradoxaux étaient déjà signalés dans l’Antiquité, mais c’est seulement au 18ème siècle que leur véritable nature a fait l’objet d’un intense débat entre naturalistes et vétérinaires.  A la fin du 19ème siècle on abandonna définitivement l’hypothèse du croisement entre bovins et équidés ; et au milieu du 20ème la preuve fut fournie de l’impossibilité de ce croisement. Toutefois le souvenir de cette provenance fabuleuse a persisté dans certaines régions, et on en trouve encore des traces dans des publications scientifiques contemporaines.

SUR L’ANIMAL LUI-MÊME modifier

Son aspect: modifier

Grâce aux collections du Musée Fragonard il est possible de comparer un crâne d'équidé normal à celui du mulet achondroplasique, jadis disséqué par Claude Bourgelat (fig.1). On décèle immédiatement le fort prognathisme mandibulaire relevé par tous les témoins, ainsi qu’un important développement du bourrelet supra orbital qui a pu faire penser à des ébauches de cornes. Une vue frontale montrerait en outre un élargissement facial donnant l’idée d’une tête de taureau Voir le jumart peint par Jacques SEVE, figure 6..

                     

Figure 1: Crânes d'un équidé normal (à gauche) à comparer avec celui du jumart disséqué par Claude Bourgelat (ci-dessous à droite)   .Site de l’ENVA, Musée Fragonard.

 



 
Crâne d'équidé normal







On dispose également de deux dessins du jumart de Claude Bourgelat réalisés par J.P.HOUEL en 1776 avant la dissection(fig.2).                                        

 
 
Dessin de l'animal vivant, avant sa dissection par Claude Bourgelat


Fig.2; Dessins réalisés en 1766 à l’École Vétérinaire d’Alfort et envoyés par J.P.HOUEL à D. TUPPUTI, publiés par ce dernier dans son Recueil d’opuscules, 1807.BnF Gallica 12148/bpt6k55667160


Sur l’un de ces dessins on remarque aussi le défaut d’aplomb des membres antérieurs, signalé chez le Fongga (cf. infra).


Quelques auteurs[1] indiquent la taille de l’animal: «trois pieds, deux pouces» pour Buc’hoz et Valmont de Bomare, soit 1,03 m. Mais selon Vicq d’Azyr il est «plus fort que le mulet à taille égale». Pour François de Garsault il est «plus grand qu’un âne». Le Pasteur Jean Léger dit au contraire qu’«ils sont plus petits que le mulet», mais il distingue ceux nés «d’une cavale [qui] sont plus gros» et ceux issus d’une ânesse, plus petits. Valmont de Bomare fait de même et précise que la jumarre issue du taureau et de la jument «n’avait rien de différent d’une petite mule ordinaire». Il faut donc admettre une taille plutôt réduite pour ces animaux, avec cependant une certaine variabilité.

 
Figure 3. Fongga, mulet à courte face d'Abyssinie

Une ressemblance étonnante: le Fongga ou mulet à courte face d’Abyssinie : modifier

En1914, Paul Dechambre cite le vétérinaire en second H.-C.-E.-J.Groslambert, militaire en mission en Abyssinie, qui décrit un animal ressemblant de façon frappante à ce que les anciens auteurs ont dit du jumart:«Le front est bombé et les frontaux arrondis; les os sus-nasaux sont courts et écrasés à leur base; le maxillaire inférieur est projeté en avant; ses branches sont fortement incurvées sur leur bord inférieur et ses incisives n'entrent pas en contact avec les supérieures.[...]La taille du Fongga est très légèrement supérieure à celle de l'Âne (1mètre environ), mais inférieure à celle des Mulets normaux. L'animal est, en général, assez râblé; il a la réputation d'être vigoureux; son caractère est vif.[...] Chez ceux dont le raccourcissement de la face et le  prognathisme mandibulaire sont très accentués, l'état général est peu satisfaisant. L'animal s'entretient mal; les incisives ne se juxtaposant pas, la préhension des aliments devient pour ainsi dire impossible: le Fongga éprouve de grandes difficultés à saisir les herbes courtes.[2]»Il joint à ce témoignage la photographie d’un de ces animaux (fig.3), qui se superpose de façon frappante au dessin laissé par J.-B.Houel en 1766.

Quelques mentions, descriptions et autres dessins : modifier

La ressemblance avec un bovin est peut-être à rapprocher de l’histoire du cheval d’Alexandre le Grand rapportée par Aulu-Gelle[3]  selon lequel «le roi Alexandre avait un cheval que la forme de sa tête avait fait appeler Bucéphale». Cet animal présentait en outre un comportement particulier, que d’autres narrateurs signalent bien des siècles plus tard à propos des jumarts: un caractère ombrageux et exclusif:«Lorsqu'il était harnaché et préparé pour le combat, il ne se laissait jamais monter que par le roi ». D’autres auteurs de l’Antiquité rapportent des témoignages analogues, quoiqu’assez vagues.

Les descriptions plus précises commencent au XVIIe siècle: Le Pasteur Jean Léger écrit en1669:«Cet animal s’engendre ou d’un taureau et d’une cavale, ou d’un taureau et d’une ânesse. Ceux là sont plus gros et s’appellent Baf; ceux-ci sont plus petits et s’appellent Bif; Ils ont la mâchoire supérieure beaucoup plus courte que l’inférieure, [...] tellement que ni les uns ni les autres ne peuvent paistre à la campagne que là où l’herbe est si longue ils la coupent avec la langue; ils ont tête et queue de bœuf et tant soit peu d’élévation à la place des cornes; et par tout le reste, ils tiennent de l’âne ou du cheval. Leur force est inconcevable, eu égard à leur grosseur, ils sont plus petits que le mulet et dévorent le chemin[4]Le Pasteur ajoute qu’il a fait «jusqu’à dix-huit lieues tout par la montagne, le 3 et 4 septembre, avec un tel jumart» Il déclare avoir été beaucoup plus à son aise que s’il eût été monté sur un cheval. Il donne donc une explication génétique, relève le prognathisme, les bosses frontales, la force étonnante, et aussi des noms que l’on retrouve en Provence deux siècles plus tard (Cf. infra: Frédéric Mistral).Il complète enfin son témoignage par un croquis, la première représentation que nous possédons de cet animal (fig.4). On peut comparer utilement le dessin du Pasteur Léger à l’image d’un animal achondroplasique actuel: la chèvre Djallonké (fig.5)

Figure 4: Le Jumarre. LÉGER Jean, Histoire générale des Églises évangéliques des vallées du Piémont ou vaudoises, Leyde : Le Carpentier, 1669. BnF.

 
Le Jumart dessiné par le Pasteur Léger, en 1669












Figure 5 :La chèvre Djallonké. On remarque le même aspect trapu que dans le croquis du Pasteur Léger.(image fr.wiktionnary.org) :

 


Pierre Joseph Buc’Hoz (1731-1807) un siècle plus tard, fournit lui aussi un croquis et donne des indications concordantes: «Quant au jumart qui devait le jour au taureau et à l’ânesse, il était de la taille d’environ 3 pieds 2 pouces [...], son front était bossué à l’endroit des cornes du père, sa mâchoire inférieure était plus longue de 2 pouces au moins que la supérieure, il avait le mufle du taureau, il en avait aussi le corps par la longueur et la conformation, il en tenait encore par la queue et par les genoux, qui sont serrés l’un contre l’autre comme ceux du veau[5]

 


Figure 6 : représentation d’un jumart in Pierre Joseph BUC’HOZ, Histoire générale des animaux, des végétaux et des minéraux qui se trouvent dans le royaume, représentés en gravure..., 1776. (Image BnF d11363)

François Alexandre Garsault (1741) donne exactement le même témoignage: « Le joumart est un petit animal un peu plus grand qu’un âne, mais excessivement fort; sa tête ressemble assez à celle du taureau, ayant le front très large et le bout du nez gros, de façon que quand on le voit de face, on croirait que c’est un taureau sans cornes. Les joumarts sont communs en Dauphiné; on ne s’en sert que pour porter des fardeaux[6]

L’abbé Jean Pierre Papon (1780) semble être le premier à mentionner la présence du jumart dans la vallée de l’Ubaye.«Dans la haute Provence, on voit le jumerre, qui naît de l’accouplement de l’ânesse et du taureau. Il a la tête plus courte que le mulet, auquel il ressemble par les jambes, les pieds et la queue; mais il a beaucoup de rapport avec le Bœuf par le museau, les narines et la couleur du poil. Le jumerre ne se reproduit point; il est d’un grand usage dans la vallée de Barcelonnette[7]

Christophe de Villeneuve-Bargemon, futur Préfet des Bouches du Rhône, alors en poste à Agen, décrit minutieusement le paysage et les ressources de la vallée de l’Ubaye, et il écrit: « Le jumart est commun dans ce pays; et on l'apprécie beaucoup, parce qu'il réunit la force du bœuf à la patience et à la sobriété de l'âne: il naît de l'accouplement du taureau et de l'ânesse qu'on enferme la nuit dans la même étable; c'est ce que l'expérience atteste tous les jours[8]

Le mauvais caractère des jumarts modifier

C’est un trait que tous les auteurs soulignent:

Charles Bonnet écrit en 1779,à propos de la jumerre disséquée par Claude Bourgelat:«[...] Elle n’avait ni le hennissement du cheval, ni le braiement de l’âne; mais faisait entendre un cri grêle et aigu qui tenait de celui de la chèvre [...]Elle était très forte, et traînait seule des tombereaux chargés de fumier. Elle était vicieuse et se défendait des pieds et des dents de l’approche de tout le monde, excepté de son maître. Lorsqu’on l’irritait elle entrait en fureur, élevait la queue dans toute sa longueur, et urinait sur le champ, en dardant son urine à huit ou neuf pieds de distance[9] ».

Sarcey de Sutières (1789): «[Le jumart] ne se laissait monter que par mon épouse; si quelqu’un essayait de le faire, il mordait et levait le cul; s’il ne venait pas à bout de son dessein, il marchait tranquillement, ensuite donnait un crochet et se frottait en galopant contre un mur ou contre un arbre; si tout cela ne réussissait pas, il finissait par se coucher.[...]Quelquefois il refusait d’avancer; ou lorsqu’il était à une certaine distance, il prenait le galop et s’en retournait à la maison, ou se couchait pour jeter la charge par terre[10]

Thomas Sedgewick Whalley,(cité par Eugène Mc Carthy, voir note 54), voyageur anglais (1746–1828):«Le prêtre d’Allezon fit préparer sa bête favorite pour que je retourne à Chambéry, et il m’y envoya. Au début, je trouvais que c’était une mule robuste et méchante; mais en la regardant encore et encore, ma croyance fut ébranlée, et je demandai au serviteur du prêtre qui me suivait quelle sorte de bête c’était. "C’est un jumarre, Milord. Et qu’est-ce que c’est qu’un jumarre mon ami? Ô Milord, c’est une bête qui est faite entre un Taureau de montagne et une Jument". J’allai donc sur mon jumarre, l’examinant de la tête aux pieds, et surtout, ayant un œil sur ses intentions ignobles de me briser le cou dans les rochers, tandis que nous descendions les chemins accidentés et parfois presque verticaux qui conduisaient à Chambéry. La mule de Vincent osait-elle l’approcher, une morsure et un coup de pied étaient son accueil assuré. Si même le serviteur du prêtre s’approchait de trop près, ses postérieurs malveillants se tournaient aussitôt dans une attitude commode pour lui envoyer une ruade. Ainsi je descendis les montagnes, parfois avec la peur au ventre, et parfois essayant de me raisonner, en dépit de ma bête, jusqu’à ce que je parvienne, enfin en sécurité, dans la vallée. Je cheminais avec moins d’appréhension, et avec des rênes détendues. Tout alla bien jusqu’au moment où nous traversâmes une petite rivière, au bout de la ville, quand mon animal étrangement engendré, décidant , avec le véritable esprit d’une bête catholique, de se venger de son cavalier hérétique, s’arrêta, donna une secousse grossière, et en un instant, et sans me laisser le temps pour la prévention ou même la pensée, je me suis retrouvé au milieu de la rivière, tandis que le gentil jumarre faisait des efforts répétés pour mettre un terme à tous mes soucis dans ce monde en me frappant à la tête. Et son aimable dessein aurait sans doute été accompli, si Vincent n’avait pas plongé dans l’eau et ne m’avait sauvé de ses charitables sabots. Et pourtant je le remontai, trempé comme j’étais, et lui orné d’un grand filet de soie, frangé au-dessus et au-dessous, avec des clochettes et des glands. Je frappai mes éperons sur ses côtés, en jurant et prenant mes précautions, et ainsi je traversai Chambéry dégoulinant, cliquetant et tintinnabulant, dans tous les états possibles.[11]»

La répartition des jumarts en France    modifier

En s’appuyant sur les recherches effectuées à la fin du XIXe siècle par Armand Goubaux, directeur de l’École Vétérinaire d’Alfort, recherches portant non sur les animaux vivants, mais sur les mentions qui en avaient été faites. Alain Riols a pu dresser une carte de la distribution de ces animaux en France[12]. Selon cette carte,  on trouve:

  •   1 jumart en Saône et Loire,
  • 10 en Auvergne,
  • 22 en Rhône-Alpes,
  • 17 en Provence-Alpes-Côte d’Azur,
  • 11 en Languedoc-Roussillon,

et semble-t-il aucun dans les autres régions, ce qui confirme les témoignages cités précédemment, concernant la rareté et la distribution géographique de ces animaux. Il faut rajouter à ce recensement les vallées piémontaises limitrophes.

Les traces laissées par cet animal dans le vocabulaire provençal et le souvenir populaire modifier

 
MISTRAL Frédéric, articles GIMERRI et BEFI


Figure 7 : Mistral Frédéric, Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire provençal-français, t. 1 (articles GIMERRE et BEFI (1879)[13],


Deux siècles après Jean Léger, Frédéric Mistral confirme la permanence des termes Bif et Baf mentionnés par le pasteur, mais désormais appliqués métaphoriquement à des individus difformes ou particulièrement mal embouchés. Ce qui confirme le mauvais caractère attribué aux jumarts.

D’autre part le nom de Gimerri est encore donné aux habitants de Châteaudouble (83300), aux portes de Draguignan, « Car c'était le nom que l'on donnait aux habitants du village au XIXe siècle, avant que la route des gorges ne soit ouverte vers 1860/1870. L'accès au village depuis Draguignan se faisait alors par des chemins muletiers.»[14]

De même dans le Val Pellice, vallée piémontaise symétrique du Queyras français, s’est constituée une association touristico-culturelle locale, nommée justement : La Jumarre: Il Rifugio Jumarre, Centre d’expériences éducatives dans les montagnes du Val Pellice. www.rifugiojumarre.it

L’origine du nom : modifier

Frédéric Mistral propose d’abord le mot hébreu חמו (chamor, aujourd’hui transcrit Khamor) qui désigne un âne. Mais dans la suite de son article il indique le mot «chimae-ra, monstre fabuleux». Notons qu’en arabe algérien pour désigner un âne on a le mot: ḥmar, ةرامح, au féminin: ḥmara, termes qui phonétiquement  sont très proches  des mots jumart et jumerre.   Ces mots auraient-ils traversé la Méditerranée, et si oui dans quel sens ?

Jacques Mulliez, à la suite de Pierre Gardette, retient la piste du mot «chimère»:

«Si l’on en croit Littré il y aurait historiquement deux étymologies pouvant rendre compte du terme Jumart. D’une part une déviation irrégulière de jument: «Jum» et la finale péjorative «art», et de l’autre un terme languedocien «gimerre» ou «gimerou» qui, selon Diaz fait penser au latin «chimera». Depuis l’étude de Pierre Gardette, parue en 1958, il ne fait pas de doute que la deuxième étymologie ne soit la bonne. Selon cet auteur, ce serait le jésuite lexicographe lyonnais qui, le premier, a fait entrer le jumart dans la langue française, d’abord sous la forme «Jeumarre», dans son «Petit dictionnaire royal français-latin» daté de 1670, puis sous la forme «Ju-marre», d’où il serait passé dans la première édition du dictionnaire de l’Académie en 1694. L’enquête menée sur le terrain à l’instigation de Pierre Gardette fait apparaître l’existence à l’heure actuelle de «quatre formes du mot, réparties dans quatre zones cohérentes: en franco-provençal «Jomar», dans les Alpes «Ju-merre»,dans l’Aveyron «Choumarrou», dans le sud «Jimerre» et il conclut ainsi: «La figure que constituent ces aires juxtaposées est celle d’un vaste triangle dont la base suit la côte méditerranéenne, tandis qu’une pointe se trouve à Lyon. Elle est la figure type des mots d’origine massaliote. Elle vient ainsi à l’appui de l’étymologie proposée par le grec «chimère». Ainsi, parti de Marseille, Jumart a non seulement remonté la vallée du Rhône, mais aussi, en empruntant les humbles chemins qui de temps immémorial, ont fait communiquer les gens de la côte avec les montagnards des Alpes et du Massif Central, gagné l’Ubaye et le Rouergue »[15]

L’ÉVOLUTION DU JUGEMENT SUR LA NATURE DES JUMARTS modifier

De la certitude au doute: de l’Antiquité au XVIII ème siècle modifier

Jusqu’au XVIIe siècle compris, apparemment personne ne met en doute l’idée que ces animaux sont des hybrides de bovins et d’équidés. Au cours du siècle suivant les avis sont plus partagés. En effet la question des jumarts est très souvent évoquée pendant cette période: par intérêt scientifique mais aussi économique. Elle oppose dans un débat encore courtois des partisans convaincus de l’hybridation et de nombreux sceptiques.

Ceux qui sont pour la possibilité de l’hybridation modifier

Félix Vicq d’Azyr (1748-1794):«Ce serait une erreur de soutenir que le jumart n’existe point. Il est rare à la vérité dans le département du Cantal, je n’en ai vu que deux; plusieurs de mes compatriotes m’ont assuré en avoir rencontré quelques-uns: c’est le fruit de l’union du taureau avec la jument, ou de la vache avec le cheval. Cet animal est plus fort que le mulet à taille égale; il sert ordinairement de bardeau à la suite des troupes de mulets destinés au transport. »[16]

Valmont de Bomare, le premier naturaliste auteur d’un dictionnaire d’histoire naturelle, dont quatre éditions sont successivement tirées, s’étend longuement sur les jumarts. Il rappelle, entre autres faits, qu’en 1767 on pouvait voir à l’École Vétérinaire de Paris, deux de ces productions tirées du Dauphiné; l’un de ces animaux était mâle, l’autre femelle.«La jumarre était le produit du taureau et de la jument; elle n’avait rien de différent d’une petite mule ordinaire, si ce n’est que sa mâchoire supérieure était beaucoup plus courte que l’inférieure. Quant au jumart, qui devait le jour au taureau et à l’ânesse, il était de la taille de trois pieds deux pouces.»[17] Suit une description minutieuse de l’animal, de ses habitudes, de sa manière de manger. C’est pourquoi, « par cette description, ajoute-t-il, il ne reste plus d’incertitude sur la possibilité d’existence de ces mulets»[18]

Charles Bonnet (1779) est plus méthodique, et s’adresse directement à Claude Bourgelat dont il rapporte littéralement les propos :

« Je désirais fort de pouvoir me décider sur l’intéressante question de l’existence des jumarts. J’avais vu dans une feuille périodique la description d’une jumarre que Monsieur Bourgelat, Inspecteur Général des Écoles vétérinaires de France avait fait disséquer sous ses yeux, dans l’École de Lyon […]. J’ai pris le parti de m’adresser en droiture à M. Bourgelat lui-même, et la lettre savante et détaillée que j’ai reçue de cet homme célèbre, (lettre du 28 août 1778) ne me permet pas de douter le moins du monde que les jumarts ne soient des animaux très réels. L’auteur débute même par me dire : "Je crois à l’existence d’un genre particulier de mulets appelés jumarts comme à la mienne même. J’en ai eu plusieurs, dont quelques-uns m’ont été envoyés du Haut-Dauphiné par des élèves des Écoles vétérinaires, et qui avaient pris naissance dans les fermes cultivées par leurs pères." […] Notre habile académicien me décrit d’abord la jumarre disséquée dans l’École de Lyon. Elle avait eu pour père un taureau ; mais on n’avait pu s’assurer si la mère était une jument ou une ânesse […] Le particulier qui l’avait vendue à M. Bourgelat l’avait assuré qu’elle était peu délicate sur la nourriture et qu’elle passait quelquefois des étés entiers sans boire[19] ».

Suit une description de l’anatomie de cette bête, d’où il ressort néanmoins qu’ « elle tenait moins de son père que de sa mère » (c'est-à-dire l’ânesse ou la jument).

Dans sa correspondance avec Charles Bonnet, le même Claude Bourgelat émet cependant des réserves :

« Pour juger des rapports que pouvait avoir ma jumerre avec le père et la mère qui lui avaient donné le jour, il faudrait être assuré de l’espèce de l’un et de l’autre. Le particulier de qui je la tenais, n’était pas, selon les apparences, plus instruit que moi[20]. »

Dans une lettre précédente (19 février 1778) il avait déjà précisé cette incertitude au sujet de la provenance de la jumarre :

« J’ignore si elle était le produit de l’accouplement du taureau avec une jument ou avec une ânesse : il ne m’a pas été possible d’en être instruit[21]. »

Charles Bonnet cite encore Claude Bourgelat qui lui raconte son expérience :

« Je crois d’autant plus volontiers qu’il peut naître un jumart de l’accouplement de l’âne et de la vache, que voici un fait que je puis attester. J’avais placé, il y a environ vingt ans, un étalon navarrin dans les hautes montagnes de la province du Beaujolais. Cet étalon plein d’ardeur, couvrit une vache. Il en naquit un jumart. Vous pensez bien que je recommandais très fort cette production précieuse, et pour engager le Garde du cheval à en avoir plus de soin, je m’engageai à la payer au moment où elle serait sevrée, un prix très supérieur à celui d’un poulain. Ce jumart ne vécut que quatre mois. Il avait beaucoup plus de rapport avec la Mère qu’avec le Père ; et je fus frappé des deux proéminences dont vous me parlez et qui se faisaient sentir à l’endroit des cornes, comme dans le veau naissant. C’est une vérité qu’aperçurent et que je fis remarquer à deux personnes qui m’accompagnaient. Je suis fâché aujourd’hui de ne pas l’avoir fait constater d’une manière authentique. Je ne négligerai rien désormais de ce qui pourra me procurer le fil de la généalogie des mulets que je me procurerai. J’en comparerai très exactement toutes les parties avec celles du père et de la mère[22]. »

La dissection de la jumerre par Claude Bourgelat modifier

Claude Bourgelat, toujours cité par Charles Bonnet, fait procéder sous ses yeux à la dissection d’une jumerre par les élèves de l’École Vétérinaire de Lyon, dont il est fondateur et directeur. Il décrit l’animal :

« Le crâne est plus arrondi que chez le cheval… l’entrée de la fosse orbitaire est ronde, alors qu’elle est ovale chez le cheval […]. La mâchoire antérieure a comme chez le bœuf au moins deux pouces en longueur de plus que la postérieure […] tout l’intervalle qui sépare les molaires des incisives est convexe tandis que chez le cheval il est concave […]. La langue ne différait point de celle du bœuf, les yeux ne différaient en rien de ceux du cheval […], l’estomac était unique et constitué précisément comme celui du cheval, mais il était beaucoup plus ample […], la rate était de la même figure et de la même consistance que celle du bœuf. La matrice était absolument semblable à celle de la jument ou de l’ânesse […]. Du reste nulle vésicule de fiel et nulle différence dans les autres viscères qui ressemblaient tous aux viscères de la jument. Enfin la myologie de cette jumarre était parfaitement semblable à celle du cheval. »[23]

L’erreur de Bourgelat : D’une part Bourgelat avoue ignorer quels étaient les vrais parents de cet animal. D’autre part, à l’évidence, l’animal examiné était bien un équidé : certains détails du crâne pouvaient prêter à confusion, mais la musculature et les viscères, sauf la rate, étaient ceux d’un cheval. Certes un animal difforme et prognathe, mais clairement un authentique mulet. Bourgelat n’a pourtant pas remis en cause sa certitude première quant à la généalogie de l’animal qu’il avait sous les yeux.

Ceux que Bourgelat, par son prestige, entraîne avec lui modifier

L’Abbé Lazzaro Spallanzani, (1729-1799) :

« Les dernières observations faites par un célèbre Naturaliste français ne laissent aucun doute sur la naissance des Jumarts, produits par l'accouplement de l’Âne & de la Vache , ou du Taureau avec l’Ânesse & la Jument quoique M. De Buffon l'ait formellement niée »[24]

« L'autorité de cet homme célèbre mérite une entière foi[25]. ».

Louis Furcy Grognier, (1805) :

« Lorsqu’un homme véridique et éclairé dit avoir observé un phénomène extraordinaire, on n’est pas en droit d’en nier l’existence par la raison qu’on ne l’a pas observé soi-même. C’est cependant de cette manière qu’ont raisonné plusieurs auteurs : "Nous n’avons jamais vu de jumarts, donc ceux qui disent en avoir vus se trompent, ou ils veulent nous en imposer"[26] ».

Le même auteur dit encore :

« J’ai souvent ouï parler des jumarts qui étaient nés dans le Dauphiné. On a présenté souvent à l’école vétérinaire de Lyon des animaux dont les formes semblables sous quelques rapports à celles des mulets ou des bardeaux, en différaient considérablement sous quelques autres. Les propriétaires de ces animaux nous les ont donnés pour de véritables jumarts[27]. »

« Tout ce que nous savons, c’est qu’on a vu souvent des taureaux couvrir des cavales, et des étalons saillir des vaches. Nous pensons que, pour avoir reconnu cent fois que ces accouplements avaient été stériles, on ne peut conclure qu’ils n’ont jamais été féconds. Nous avons la certitude que, dans les pays où les mâles et les femelles de toutes espèces sont pêle-mêle au pâturage, il naît quelquefois des mulets à tête de veau, à queue de vache, avec des protubérances à la place des cornes, ayant le corps ainsi que les jambes faits comme dans le cheval. Que ces sortes de monstres soient ou non des mulets nommés jumarts, on ne pouvait les passer sous silence dans un cours de zoologie vétérinaire[28]. »

Mais dès l’année suivante, Louis-Furcy Grognier modère ses affirmations : « Sans rejeter l’existence des jumarts, nous les regardons comme invraisemblables[29]. »

Domenico Antonio Tupputi (1807), vétérinaire à Bisceglie, Royaume de Naples, mais exilé en France, justifie lui aussi sa méprise :

« Si je suis tombé dans l'erreur, c'est avec des hommes d'un mérite si éminent, qu'il est presqu'aussi honorable de s'égarer avec eux, que de suivre la vraie route avec d'autres […]. C'est moins pour défendre mon opinion, donnée comme une simple conjecture qui pouvait être abandonnée sans honte, que par respect pour ces savants, que j'ai recueilli tant de preuves de l'existence des jumarts[30]. »

Ceux qui doutent modifier

Georges Louis Leclerc comte de Buffon (1771) :

« On a prétendu que de l’accouplement du taureau et de la jument, il résulterait une autre sorte de mulet ; Columelle est, je crois, le premier qui en ait parlé. Gessner le cite, et ajoute qu’il a entendu dire qu’il se trouvait de ces mulets auprès de Grenoble, et qu’on les appelle en français jumars. J’ai fait venir un de ces jumars du Dauphiné, j'en ai fait venir un autre des Pyrénées, et j’ai reconnu, tant par l’inspection des parties extérieures que par la dissection des parties intérieures, que ces jumars n’étaient que des bardeaux, c'est-à-dire des mulets provenant du cheval et de l’ânesse : je crois être fondé, tant par cette observation que par l’analogie, à croire que cette sorte de mulet n’existe pas, et que le mot jumars n’est qu’un nom chimérique et qui n’a point d’objet réel. La nature du taureau est trop éloignée de celle de la jument pour qu’ils puissent produire ensemble ; l’un ayant quatre estomacs, des cornes sur la tête, le pied fourchu, etc. l’autre étant solipède et sans cornes, et n’ayant qu’un seul estomac[31]. »

De nombreux autres naturalistes mettent eux aussi en doute l’existence de ces hybrides et assurent qu’il s’agit de mulets ou de bardots dégénérés.

Pourquoi cet intérêt particulier pour les jumarts à la fin du XVIIIe siècle ? modifier

L'intérêt pour cet animal justifie sa présence dans le Calendrier Républicain à la date du 15 Messidor, entre le jour de la lavande et celui du tabac.

L’intérêt est d’abord scientifique : la science est à la mode à cette époque.

Mais il s’agit aussi d’intérêt économique : C’est le moment où commence le débat sur le rapport entre la population de la Terre et la capacité de l’agriculture à la nourrir. Deux réponses : soit on limite l’accroissement de la population, c’est la position de Thomas Robert Malthus (1766–1834), soit on améliore la productivité de l’agriculture : c’est le mouvement des « Physiocrates ». Le jumart étant un animal sobre et particulièrement robuste, sa multiplication constitue un enjeu économique certain :

Sarcey de Sutières, envisage, en 1789, l’intérêt économique, mais aussi une étrange application :

« Je trouve bien étonnant que des animaux si utiles ne soient pas en plus grand nombre. Qui sait même si, en s’occupant sérieusement à faire différents mélanges, on ne parviendrait pas, avec le temps et à l’aide de certaines combinaisons, à faire reparaître des espèces d’animaux connus des anciens, et qui ont disparu, faute de circonstances favorables pour les entretenir[32] ? »

L’abbé Spallanzani envisage de façon plus réaliste l’aspect scientifique comme celui de la productivité, et songe même à une méthode de reproduction :

« En supposant la réalité de ces mulets, je voudrais qu’on les multipliât parce qu’ils seraient très propres à répandre du jour sur la génération et l’on en retirerait du profit par l’emploi de la force de ces animaux. […] La fécondation naturelle n’est pas trop favorable à cette multiplication […] La fécondation artificielle pourrait être ici fort utile, et je l’aurais tentée si mes occupations me l’eussent permis. […] Quand je réussis à féconder artificiellement une chienne, je méditai sur cette invention, et elle me parut un moyen excellent pour avoir différentes espèces bizarres de mulets[33]. »

Domenico AntonioTupputi, constatant en 1807 que les véritables mulets « participent des qualités des deux races » envisage toutes sortes de croisements, de façon à ce que le Royaume de Naples parvienne…

« au plus haut point de prospérité qu’il puisse atteindre, sous le rapport de l’agriculture qui ne demande qu’à y être encouragée […]. L’agriculture ! Quel parti ne tirerait-elle pas de cet accouplement[34] ! »

Du doute à la polémique : le XIXe siècle modifier

Dès 1807 l’affaire prend un tour polémique :

Jean Baptiste Huzard, Inspecteur général des Écoles vétérinaires, critique avec véhémence les positions de Domenico Tupputi :

« Il faudra attendre longtemps pour qu'une pareille multiplication [celle des mules, que Tupputi prétend fertiles] puisse contribuer en quelque chose à l'amélioration de l'agriculture du royaume de Naples. C'est encore pour accélérer cette amélioration que M. T. veut que les agriculteurs et les commerçants napolitains tirent parti, pour la culture et les charrois, des jumarts dont l'existence est restée un objet de discussion entre quelques savants seulement, et qui, en la supposant vraie, n'a jamais pu remplacer, dans l'économie rurale, le père et la mère d’où on les suppose issus. J'ai dit que les prétendus jumarts de Bourgelat n’étaient, très vraisemblablement, que des bardeaux mal conformés, comme il s'en rencontre encore quelques-uns. […] J'ai dit que les habitants des vallées Vaudoises, où Léger, ministre du Saint-Évangile, faisait dix-huit lieues en un jour sur un jumart, ne connaissent pas plus ses bifs et ses bafs que M. Tupputi et que moi ; que la description qu'il en donne est celle d'un mulet dont la mâchoire est mal conformée, comme il y en a beaucoup, et que cette description ne cadre même pas avec la mauvaise figure qu'il en a fait graver dans son livre. […] J'ajoute que je viens tout récemment encore (juin 1807) de parcourir ces vallées avec le docteur Buniva, que la Société connaît bien, qui y est né, dont les connaissances en histoire naturelle sont très-étendues, et que nous n'avons pu trouver chez les cultivateurs et les propriétaires, qui, pour ces sortes de faits, valent beaucoup mieux que des citations de livres, aucun renseignement, aucune trace de l'existence passée et présente de cette espèce de mulet[35]. »

Effectivement jumerres et jumarts semblent avoir disparu de Haute Provence dès le début du XIXe siècle : Paradoxalement, bien que le voyageur Villeneuve-Bargemont[36], mentionne en 1815 la présence des jumarts dans cette région, on n’en trouve aucune trace dans la Statistique de 1804[37], établie à partir des réponses aux questionnaires adressés aux maires des communes du département des Basses Alpes (aujourd’hui  Alpes de Haute Provence). Tel est le sens de la réponse du maire de La Colle-Saint-Michel, près de Thorame Haute,  village du haut Verdon (04170) : « Deux mules, deux mulets et de jumerres point [1]».

 
Réponse du Maire de la Colle Saint Michel à l'enquête préfectorale sur les ressources agricoles du département des Basses Alpes


(Archives départementales des Alpes de Haute Provence 6M294/296)



Nouvelle polémique en 1854 : Un article du Journal de Senlis annonce la naissance d’un jumart chez une cultivatrice de la région :

« Tout le monde sait que le mulet est le produit d’un âne et d’une jument ; mais beaucoup de personnes sans doute ignorent que l’homme parvient à unir la jument au taureau ; l’animal qui en naît et qui se nomme Jumart […] a les formes du cheval et la physionomie du bœuf ; il a plus souvent un seul sabot comme le premier, et quelquefois deux sabots comme le second ; mais jusqu’à présent la nature lui a refusé des cornes. Un jumart existe en ce moment à Fresnoy la Rivière, dans l’étable de la dame veuve Daugicourt ; il est remarquable en ce qu’il est le produit, non d’une jument, mais d’une ânesse ; son père est un taureau de race berrichonne. Cette singularité n’et pas la seule qui distingue cet être anormal : la nature lui a donné ce qu’elle a refusé à tous ses devanciers. Son front est surmonté de deux cornes très bien conformées et en tout semblables à celles d’un bœuf. Mme Vve Daugicourt se propose de conduire son jumart au prochain marché de Senlis, où il ne manquera sans doute pas de visiteurs[38]. »

L’animal en question devait sans doute ressembler au Bœuf Nato-Cornevin[39], qui est pour les bovins l’équivalent du jumart chez les mulets :



Isidore Geoffroy Saint Hilaire, peut-être en réaction à cette annonce, s’exprime assez violemment :

« On a rejeté de la science les cinq produits mixtes de solipèdes et de ruminants, désignés par les auteurs sous le nom de jumarts ; L’existence de cet hybride a été souvent attestée depuis trois siècles ; il ne serait même pas rare, assure-t-on, dans le Dauphiné et dans le Piémont. Le savant Bourgelat dit l’avoir possédé, disséqué, et vu disséquer à l’école vétérinaire d’Alfort. Son existence paraissait aussi à Spallanzani très digne de foi. Mais on ne l’a que très vaguement décrit. On ne lui a jamais assigné un seul caractère zoologique ou anatomique, vraiment étranger au type des solipèdes. On n’a pu montrer aux naturalistes, ou on ne leur a fait voir, sous le nom de jumart, qu’un bardot ou même un mulet ordinaire : et tous s’accordent aujourd’hui à laisser en dehors de la science ce produit extrêmement douteux, sinon décidément fabuleux, d’une union qui est d’ailleurs loin d’être sans exemples[40]. »

De la polémique à la démonstration de l’inexistence des jumarts en tant qu’hybrides de bovin et d’équidé modifier

À la fin du XIXe siècle seulement, on commence à formuler des réfutations argumentées :

Les réfutations « techniques » modifier

Armand Goubaux (1888) estime que les descriptions de prétendus jumarts sont beaucoup trop vagues pour qu’on puisse les retenir :

« Les descriptions anatomiques de Bourgelat sont incomplètes, assez mal présentées, et n'ont aucune valeur; d'abord, parce qu'il ne connaissait pas, d'une manière certaine, quels étaient les ascendants (le père et la mère) des sujets disséqués, et ensuite parce qu'on ne trouve pas, dans les caractères anatomiques indiqués, la preuve que le taureau ou la vache avait concouru à la formation du prétendu jumart. »[41]

« En résumé, pour aucun des jumarts, on n'a noté:

(a). La forme et la direction des oreilles;

(b). La forme des naseaux;

(c). Le mufle du bœuf (avec ses véritables caractères);

(d). Les dents incisives du bœuf;

(e). S'il y avait ou non une communication entre la bouche et les cavités nasales par l'appareil de Jacobson, elle existe chez le boeuf et n'existe ni chez le cheval ni chez l'âne.

(f). Le pied fourchu du bœuf;

(g), Le nombre des trayons (celui de la vache ou celui de la jument et de l'ânesse) ;

(h). La forme du fourreau et celle de la tête, du pénis ou de la verge (taureau ou cheval et âne);

(i). S'il n'existait pas de châtaignes ou s'il en existait, quels étaient les caractères (du cheval ou de l'âne) ;

( j), S'il ruminait ou ne ruminait pas;

(k). Les caractères de la voix (du cheval, de l'âne ou du bœuf) ; etc., etc.

Les observateurs croyaient-ils donc qu'on admettrait leurs assertions seulement d'après leurs écrits, ou sur leur affirmation?»[42]« Tout concourt à prouver que les observations ont été faites avec peu de soin. On ne peut ajouter foi aux publications des auteurs, parce que la science a des exigences qu'on ne saurait trop respecter. Admettre l'existence des jumarts sur l'autorité de Bourgelat, qui, sans doute été trompé par des gens qui manquaient de bonne foi, cela a été possible ; mais, aujourd'hui, nier l'existence des jumarts est une chose absolument scientifique. En matière de science, le raisonnement suffit dans quelques cas ; mais, en anatomie et en physiologie, il faut voir, il faut toucher, il faut que les résultats de l'expérimentation ou de l'examen d'un fait soient toujours les mêmes. Or, l'étude attentive de toutes les publications relatives aux divers jumarts ne conduit pas à de semblables résultats [43]. »

Réfutation « historique » modifier

Mettant à profit ses nombreuses relations, tant politiques que scientifiques, André Suchetet, député de la Seine Inférieure, mais aussi passionné par les questions d’hybridation et membre de nombreuses sociétés savantes, adresse des courriers à des correspondants habitant diverses régions de France et reçoit quantité d’informations dont il ressort que bien des gens disent avoir vu, et même possédé, des jumarts, que leur existence est un fait assuré pour beaucoup, mais… :

« Tels sont les faits qui nous ont été communiqués ; la plupart d'entre eux nous sont envoyés par des personnes dignes de foi ; ils auraient donc une certaine valeur, si ces personnes avaient pu les contrôler. Malheureusement, ils nous parviennent tous de seconde, de troisième ou de quatrième main. Malgré les recherches que nous avons faites, et celles très nombreuses qui ont été entreprises pour nous dans le pays même des Jumarts, il a été tout à fait impossible de nous mettre en relations avec des éleveurs ayant fait eux-mêmes saillir des ânesses et des Juments par des Taureaux, ou des Vaches par des ânes et des étalons. Tantôt, […] le propriétaire qui aurait pu donner des indications était mort et l'animal qu'il avait eu entre les mains était échu à une personne incapable de fournir la moindre indication sur son origine, tantôt les possesseurs actuels n'avaient point vu naître les Jumarts qu'ils avaient acquis, tantôt encore ces animaux avaient été amenés dans le pays par des maquignons venant de loin : toujours l'origine est obscure et mal connue. […] En ce qui concerne le dernier Jumart dont nous avons donné la description, nous sommes parvenus à nous procurer les noms des diverses personnes qui tour à tour s'en sont rendues acquéreurs, nous avions donc espéré un moment pouvoir entrer en relations avec l'éleveur connu du dernier acheteur. Mais celui-ci interrogé par nous s'est contenté de nous dire qu'il habitait à 30 kilomètres de son domicile, il ne nous a point donné son nom, malgré les demandes réitérées que nous lui avons faites[44]. »  Par conséquent Il apparait qu’au moment où André Suchetet fait son enquête, plus personne en France ne peut lui faire voir un jumart vivant. Il peut donc en conclure qu’il s’agit d’une légende.

La réfutation expérimentale a été donnée au XXème siècle modifier

« Les limites des hybridations ont clairement été définies en 1953 par Annie Gray[45]. Avant même les études génomiques, sa recension bibliographique a rendu compte des tentatives d’hybridations naturelles et d’inséminations artificielles, réussies et scientifiquement documentées, de trois cents espèces de mammifères. Elle précise, à l’occasion, le taux de fécondité des produits. »[46] Il est donc établi que « les jumarts , au sens d’hybrides issus de bovins et d’équidés, n’existent pas et n’ont jamais existé. Les spécimens désignés comme tels n’étaient autres que des mulets atteints de malformations »[47]

Les derniers jumarts : modifier

Vers 1960 encore on a des témoignages la présence d’animaux appelés jumarts : en Basse Provence : Monsieur Jean Pierre DIGARD, directeur honoraire émérite au C.N.R.S. et membre de l'Académie d'Agriculture de France, a signalé[48] que jusqu’en 1960 les maraîchers de Châteaurenard (Bouches du Rhône, mais à 8 km seulement d’Avignon) utilisaient des mulets prognathes appelés « gimerres »[49].

D’autre part un intéressant article (Ma il gimérou non era solo "valdese"  (Mais le jumart n’était pas seulement vaudois) paru dans la Revue La Beidana[50] du 27 octobre 1996,  sous la plume de Arturo Genre et Daniele Tron,  fournit plusieurs témoignages attestant de la présence récente (jusque vers 1960) de jumarts, appelés localement « Gimerou » dans le Val Pellice, vallée piémontaise symétrique du Queyras français, ainsi qu’en Suisse francophone, où ils portent le nom de « dzouma »[51].

« En ce qui concerne les vallées, il a été possible sans grandes difficultés d’obtenir trois témoignages directs:

a)          Levi Peyronel, de Trusan di Riclaretto a déclaré (Perosa Argentina, 27/01/1996) que  Jacques Peyronel, dit Coulin, père du mycologue Beniamino, posséda un gimerou de 1902 à 1929, et que c’est avec cet animal que l’on transporta la chaux à la Tiriero pour y construire la maison, plus tard incendiée par les Allemands. Il était petit, le museau court, la mâchoire débordante, et ressemblait peu à un âne.

b)          Aldo Peyran, de Campo la Salza (Massello), né en 1932, dit qu’un gimerou venait régulièrement depuis Balsiglia pour labourer les champs du village, quand il était enfant. Plus petit que les mulets que l’on connaissait dans la vallée, la tête plus courte, et plus large au niveau des narines, lesquelles ressemblaient à celles des vaches : c’était le détail le plus frappant. Il avait une force incroyable. Il traînait des troncs énormes, mais il était « fou comme une chèvre » et il fallait le tenir attaché, sinon il s’enfuyait et retournait à Balsiglia. C’était, disait-on, le fruit du croisement, difficile à obtenir, entre un bovin et un équidé. Le poil était de longueur normale et sombre. Il a été vendu vers 1950, quand les propriétaires sont allés habiter à Pignerol. Il est exclu qu’il se fût agi d’un bardot, comme certains prétendent, car dans ce cas « les routes en auraient été pleines » !

c)           Le témoignage de D’Aldo Peyran a été confirmé par un voisin, Guido Peyran, de quelques années plus âgé, qui a attesté la présence à Massello aussi bien de ce gimerou que d’un autre, ayant appartenu à Bar Jan Gaidou, de la bourgade Rouchas.

En outre, selon le témoignage du berger Bruno Bellio, à Bobbio Pellice on disait que le gimerou s’obtenait en faisant saillir une jument par un taureau, lequel, après la saillie devenait stérile (punition surnaturelle pour cette union contre nature ?) Pour cette raison on avait recours à de vieux taureaux qui étaient ensuite abattus. (…)

Voici quelques témoignages directs recueillis dans la Suisse francophone (où la présence de l’hybride avait déjà été signalée par le passé), aimablement communiqués par Marie Claire Schüle. Dans ces témoignages on distingue les différents croisements. De sa lettre du 13/11/1995 nous extrayons :

« Ce qui peut vous intéresser, ce sont les attestations que j’ai notées à Nendaz, je vous !es donne en français et en résumé:

• D'après moi le mouhlo est le produit d'une vache et d'un âne, le dzouma d'une jument ou d'une ânesse et d'un taureau. Quand la mère est une jument c'est l'animal le plus fort qui existe chez nous (1952).

• "Bien sûr que le mouhlo ça existe, c'est un croisement comme le mulet. C'est des bêtes très fortes mais pas méchantes comme les taureaux, elles ne peuvent pas se reproduire, c'est comme des taureaux coupés jeunes. Les dzoumâ, c’est des bêtes rares, car les bovins et les juments n'ont pas la même longueur de gestation alors ces bêtes n'arrivent pas à terme (1958). Je n'ai, à l'époque, pas eu le réflexe de demander si la bête ruminait ou non. - •Mon grand-père avait connu un habitant de la plaine [valaisanne du Rhône] qui avait un mouhlo. il pouvait lui faire tirer des chars énormes. Mon père aurait bien aimé avoir un animal de ce genre. Bien sûr qu'il n'en aurait pas eu l'usage ici en haut, à la montagne, mais il aurait bien pu le revendre. Ça devait être cher. Alors mon père a acheté une jument et quand elle a été « en humeur » il l'a menée au taureau. Ils les ont mis ensemble, dans l'obscurité. Je ne sais pas si le taureau n'a pas voulu ou si la jument n'a pas tenu le veau, en tout cas, ça n'a rien donné. Pourtant le maquignon avait certifié qu'elle était bonne poulinière. Mon père ne l'avait achetée que dans cette idée d'avoir un mouhlo. Il parait que c'est du côté de Bâle qu'ils savent bien s'y prendre pour ces choses-là (1960) (…) Dans le Valais germanophone nous avons plusieurs attestations de la bête nommée Büffelmultini, ce qui me semble être un buffle + mulet.»

CONCLUSION modifier

La disparition des jumarts en France: modifier

La démonstration d’Armand Goubaux, l’enquête minutieuse d’André Suchetet et les travaux d’Annie Grey semblent bien être en mesure de clore définitivement la question des jumarts, tout au moins sur le territoire de la France :

·          Un tel mulet difforme a bien existé mais ne provenait pas d’un croisement entre équidé et bovin. Les prétendus jumarts examinés au cours des siècles étaient des mulets monstrueux.

·          Cette croyance en l’hybridation présente tous les caractères d’une légende : bien des gens y croyaient, mais il fut impossible à André Suchetet, malgré ses relations et sa persévérance, de trouver en France un témoin direct.

Ces animaux semblent donc avoir disparu de France bien avant la fin du XIXe siècle, et de la vallée de Barcelonnette dès le début du même siècle, grâce sans doute à une meilleure sélection des reproducteurs. Mais les jumarts ont sans doute subsisté assez longtemps dans certaines vallées piémontaises et suisses, et peut-être très localement en Basse Provence.

Et pourtant la légende a perduré longtemps : modifier

La croyance en la nature hybride des jumarts a longtemps persisté en milieu populaire, en Piémont par exemple, mais elle apparaît aussi dans les milieux savants : différents auteurs de la fin du XIXème siècle et du suivant évoquant cette région des Alpes ne font que recopier au mot près les uns et les autres ce qu’avait dit l’Abbé Papon en 1780. On la retrouve même aux États-Unis en plein XXème siècle.

Victor Adolphe Malte-Brun, (1816 1889), géographe et cartographe français, secrétaire général de la Société de Géographie au cours des années 1860-1867, auteur de la documentation qui a servi à Jules Verne pour ses romans, écrit :

« On trouve dans ce département [les Basses Alpes, aujourd’hui Alpes de Haute Provence] quelques jumarts, animaux provenant de l’accouplement du taureau avec l’ânesse ; on les emploie comme bêtes de trait [52]. »

En 1929 Niquet écrit encore, en reprenant mot à mot les termes de Villeneuve Bargemon :

« Le jumart, qui résulte de l’accouplement du taureau et de l’ânesse qu’on enferme dans la même étable est commun et on l’apprécie beaucoup parce qu’il réunit la force du bœuf à la patience et à la sobriété de l’âne[53]. »

Plus récemment encore  Eugene McCarthy, professeur de génétique à l’Université de Géorgie, envisage la possibilité d’une hybridation[54] :

« Cette monographie tente de recueillir toutes les preuves disponibles concernant l’existence (ou l’inexistence) des jumarts, prétendus produits par croisement de bovins (Bos Taurus) avec des chevaux (Equus caballus) ou des ânes (Equus asinus). Aucun hybride de ce type ne semble avoir été confirmé par des tests génétiques, et de nombreux biologistes, en particulier ceux qui ne connaissent pas la littérature sur les hybrides de mammifères, écarteraient la possibilité d’un tel croisement. Et pourtant cet article montre que de nombreux rapports sur ces animaux sont en fait consignés, dont un bon nombre provient de sources savantes. Il fournit également des images et des vidéos d’animaux qui semblent être des hybrides viables de cheval et de vache, et indique en outre les endroits où des spécimens testables peuvent être trouvés. »


[1] Les références des auteurs cités dans ce paragraphe sont données plus bas

[2] DECHAMBRE Paul, «Les mulets à courte face d’Abyssinie», Bulletin de la Société nationale d'acclimatation de France, 1914, p.130. (gallica.bnf.fr)

[3] AULU-GELLE, Nuits attiques, V, 2.

[4] LÉGER Jean, Histoire générale des Églises évangéliques des vallées du Piémont ou vaudoises,Leyde: Le Carpentier, 1669.

[5] BUC’HOZ Pierre Joseph, Histoire générale des animaux, des végétaux et des minéraux qui se trouvent dans le royaume, représentés en gravure..., P.: l'auteur et Debure l'aîné, 1776, in-f°, 38pl. en couleurs avec texte inclus

[6] GARSAULT François Alexandre de —, Le nouveau parfait maréchal ou connoissance générale et universelle du cheval, P., Nyon fils, 1741, p.83

[7]  PAPON L’abbé Jean-Pierre, Voyage littéraire de Provence; Contenant tout ce qui peut donner une idée de l'état ancien et moderne des Villes, les Curiosités qu'elles renferment; la position des anciens Peuples, quelques Anecdotes littéraires, l'Histoire-Naturelle, les Plantes, le Climat, etc., etc.; cinq lettres sur les Trouvères et les Troubadours, P., Barrois l'aîné, 1780, p. 375

[8] VILLENEUVE-BARGEMON Christophe de―, Voyage dans la vallée de Barcelonnette, département des Basses-Alpes, Agen: R. Noubel, 1815, Lettre XII, p.89

[9] BONNET Charles, Œuvres d'histoire naturelle et de philosophie, Neuchâtel: Samuel Fauche, 1779-1783, 8 volumes in-4°, t.III, p.433.

[10] SUTIÈRES –SARCEY de―, Cours complet d’agriculture ou leçons périodiques sur cet art, A Paris, chez l'auteur, rue de Tournon, près le Luxembourg, 1788. Tome II, p. 8.

[11] WHALLEY T. S., Journal and Correspondence of Thomas Sedgewick Whalley, D.D. of Edinburgh University, edited by Hill WICKHAM, London R.Bentley, 1863, tome1, p.133.(notre traduction)

[12] A. Riols, «Le Jumart, Mythe biologique ou mystification populaire?», Études Héraultaises, 1989-1990 (en ligne, consulté le 17.11.2019).


[13] MISTRAL Frédéric, Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire provençal-français tome 1..,[1879] reprint Raphèle-d’Arles: Marcel Petit, 1979, t. 1


[14] Renseignement aimablement fourni par M. Jean Jacques Achille, vice président de l'Association «Lei Gimerri» de Châteaudouble (83300).

[15] MULLIEZ Jacques, «Croyance et esprit scientifique à la fin du XVIIIesiècle: Le cas du ‘ju-mart’»,Ethnozootechnie, n°50, 1992, p.99-112

[16] VICQ-d'AZYR Félix et MOREAU (de la Sarthe) (dir.), Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières: Médecine, Vol.10, P., Veuve Agasse, 1821, p.391.

[17] VALMONT de BOMARE Jacques-Christophe, Dictionnaire universel et raisonné d'histoire naturelle, Brunet, Paris1775, tome IV, p. 662


[18] Ibid.p. 663

[19] Bonnet Charles, Œuvres d’histoire naturelle et de philosophie. Considérations sur les corps organisés où l'on traite de leur origine, de leur développement, de leur reproduction, etc., et où l'on a rassemblé en abrégé tout ce que l'histoire naturelle offre de plus certain et de plus intéressant sur ce sujet‎, Samuel Fauche Neuchâtel 1779, tome III, chap. VII, notes en bas des p. 433-435.

[20] Bonnet ibid . chap. VIII, notes en bas de page, p. 546

[21] Bonnet ibid . chap. VIII, notes en bas de page, p. 546

[22] Bonnet, 1779, ibid., p. 547.

[23] Bonnet, 1779, ibid., p. 433

[24] Spallanzani L’abbé Lazzaro ―, Expériences pour servir à l’histoire de la génération des animaux et des plantes […], Genève, Barthelemi Chirol, 1785, p. 219

[25] Ibid. « Extrait d’une lettre de Monsieur l’abbé Spallanzani à Monsieur le marquis Lucchesini sur les fécondations artificielles et les mulets »,  p.  317.

[26] Grognier Louis-Furcy, Notice historique et raisonnée sur C. Bourgelat, P., Mme Huzard, Lyon, Reymann, 1805, p. 193-194.

[27] Ibid., p. 194.

[28] Grognier Louis-Furcy, Cours de Zoologie vétérinaire, 2e éd., P. : Mme Huzard (née Vallat-le-Chapelle), 1837, p. 54-55.

[29] Grognier Louis-Furcy, Cours de Zoologie vétérinaire, 2e éd., 2e tirage, P. : Mme Huzard (née Vallat-le-Chapelle), 1838, p. 84.

[30] Tupputi Domenico Antonio, Réplique à la lettre de M. Huzard insérée dans le Moniteur du 10 août 1807, en réponse à celle que D. Tupputi avait adressée à M. le Président de la Société d'Agriculture du département de la Seine, et qui a été insérée dans les nos du Moniteur des 5, 6 et 8 du même mois, s.l.n.d., 36 p., 1 planche par Houel. Cette publication fait suite à :

Tupputi Domenico Antonio, « Lettre à M. le Président de la Société d'Agriculture du département de la Seine sur plusieurs objections faites par MM. Huzard et Desplas, 1°. contre la fécondité des mulets ; 2°. contre l'existence des jumarts ; 3°. contre le vomissement du mouton ; 4°. contre l'accouplement de l'espèce du bufle [sic] avec celle du taureau ; Propositions contenues dans son ouvrage intitulé : "Réflexions succinctes sur 1’état de l’Agriculture et de quelques autres parties de l'administration dans le royaume de Naples, etc." », Annales de l’Agriculture française, 1807, xxxi, p. 193- 233.[Jumarts : p. 204-214. Pour établir l’existence du jumart, Tupputi ne fait que se conformer aux autorités, comme Bonnet, Bourgelat et Spallanzani.] Huzard J.-B., « Réponse à M. Tupputi », Annales de l’Agriculture française, 1807, xxxi, p. 234-243. [« J'ai dit que les prétendus jumarts de Bourgelat n’étaient, très vraisemblablement, que des bardeaux mal conformés, comme il s'en rencontre encore quelques-uns. Quoique Bourgelat soit mon maître, quoi qu'il ait dit et les autres après lui, la confiance sans bornes que lui témoigne M. T. ne me fera pas changer d'avis. » p. 237.]

[31] Buffon, Georges-Louis Leclerc de ―, Œuvres complètes de Buffon mises en ordre par M. le comte de Lacépède, nouvelle édition tome seizième ; Eymerie, Fruger et Cie Libraires, Paris 1829, p.331.

[32] Sarcey de SutiÈres Cours complet d’agriculture ou leçons périodiques sur cet art, A Paris, chez l'auteur, rue de Tournon, près le Luxembourg, 1788. Tome II, p. 9.


[33] Spallanzani L’abbé, « Extrait d’une lettre de Monsieur l’abbé Spallanzani à Monsieur le marquis Lucchesini sur les fécondations artificielles et les mulets », Expériences sur la génération, p. 317.

[34] Tupputi Domenico Antonio, Réflexions succinctes sur l'état de l'Agriculture et de quelques autres parties de l'Administration dans le royaume de Naples, et Réplique à la lettre de Monsieur Huzard, 1807.

[35] Huzard J.-B., « Réponse à M. Tupputi », Annales de l’Agriculture française, 1807, xxxi, p. 234-243 : p. 237-239.

[36] Villeneuve-Bargemont, Voyage dans la Vallée de Barcelonnette, Agen : R. Noubel, 1815, Lettre XII, p. 89.

[37] A.D. Alpes-de-Haute-Provence. 6M294 et 6M296

[38] Journal de Senlis, 1er juillet 1854, p. 1 colonne 4.

[39] CORNEVIN Charles Traité de zootechnie générale…H. Baillière et fils, Paris 1891, p. 259

[40] Geoffroy-Saint-Hilaire Isidore, Histoire naturelle générale des règnes organiques… Victor Masson, Paris1862, tome 3, livre II, chap. 3, p. 145-146.

[41] Goubaux Armand, « Des aberrations du sens génésique et de l’hybridité chez les animaux, 4e partie : des jumarts », Nouvelles archives d’Obstétrique et de Gynécologie, 1888, p. 481

[42] Ibid. p. 474

[43] Ibid. p. 492.

[44] Suchetet André, « La fable des Jumarts », Mémoires de la Société Zoologique de France pour l’année 1889, t. II, 1889, p. 1-30, p. 21.

[45] GRAY Annie P., Mammalians Hybrids. A Check List with Bibliography, “Technical Communication N° 10 of the Commonwealth Bureau of Animal Breedings and Genetics. Edimburgh”, Farnham Royal, Bucks : England, Commonwealth Agricultural Bureau, 1953, X-144 p.

[46] Remarque insérée par M. François VALLAT Dr vétérinaire, Dr en Histoire, en conclusion de l’article de Daniel MESLÉ L’étrange histoire des jumerres et des jumarts  Bulletin de la Société Française d’Histoire de la Médecine et des Sciences Vétérinaires Année 2019 Numéro 19 page 157

[47] François VALLAT ibid.

[48] Communication orale faite à la suite d’un exposé sur les jumarts donné à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort en décembre 2019

[49] Mais les différents courriers envoyés aux instances agricoles de la région sont restées sans réponse.

[50] La Beidana. Cultura e storia nelle valli valdesi 27 octobre 1996 Pubblicazione periodica. Società di studi valdesi, Via Beckwith 3, 1566 Torre Pellice (TO) Centro culturale valdese editore[51] GENRE,TRON 1996 [52] Malte-Brun Victor Adolphe, La France Illustrée, monographie des Basses-Alpes, Jules Rouff Paris, 1881-1884, p. 272 du volume I, p.6 de la monographie,

[53] Niquet, « L'industrie mulassière dans les Basses-Alpes », Office Régional agricole du Midi. Bulletin trimestriel, octobre 1929 (n° 32), p. 160-161 (AD des Alpes-de-Haute-Provence, 8 02 610).

[54] Jumarts, Horse-cows and Donkey-cows: Juillet 2019 (site: macroevolution.com)



  1. Statistique de 1804, Archives départementales des Alpes de Haute Provence 6M294/296