Philippe Harlé

architecte naval français

Philippe Harlé[1] est un architecte naval français né le à Mont-Saint-Aignan et mort le à La Rochelle[2].

En trente ans, à partir des années 1960, Philippe Harlé a dessiné près de deux-cent-vingt types de bateaux différents, principalement pour la voile de plaisance, mais aussi pour la pêche, la mytiliculture et le transport de passagers. Il a associé Alain Mortain à son cabinet d'architecture en 1982.

Biographie modifier

Après des études de physique-chimie, il se consacre au nautisme.

Aux Glénans modifier

Philippe Harlé devient, dans les années 1950, stagiaire, puis chef de bord, puis permanent au Centre Nautique des Glénans. En 1958, il dessine les plans de l'Archipel, un bateau à moteur de construction classique (en bois), servant aux liaisons et au ravitaillement de ces îles. Il apporte une contribution significative à la rédaction du premier tome du Cours de Navigation des Glénans. D' à , il supervise la construction du Glénan, un voiler de course au large de 13 m dessiné par l'architecte anglais John Illingworth.

Architecte naval modifier

En 1961, il dessine le Haddock, un dériveur de 4 mètres en polyester, puis le plan qui le fera connaître, celui du Muscadet, un voilier de croisière de 6,40 m en contreplaqué[3]. En 1963 il quitte le Centre des Glénans et s'installe comme architecte naval. Le prototype du Muscadet, construit au chantier Aubin près de Nantes, se fait remarquer au Festival de la croisière côtière de la Rochelle[4]: "Nouveau venu rapide, fonctionnel, laid et relativement peu coûteux". "Bateau intelligent, sans concessions"[5], il connaît un rapide succès et sera produit à près de six cents exemplaires de 1963 à 1979.

À la suite du Muscadet, il dessine en 1965 les plans de l'Armagnac[6] et du Cognac (1968), construits en contreplaqué[7]. Le Coquelicot sera également construit en contreplaqué par Mallard en 1966. Il poursuivra cette technique une dizaine d'années, avec notamment plusieurs voiliers de type dériveur lesté, à faible tirant d'eau, comme le Cabernet (1976).

Se tournant vers le stratifié polyester, matériau bien adapté à la fabrication en série, il trace en 1967 les plans de l'Edel III (7,80 m)[8], puis en 1968 les plans du Sangria (7,62 m) pour le chantier Jeanneau; il sera construit à 3 000 unités, puis remplacé à partir de 1980 par le Fantasia (1 500 unités produites). Architecte désormais reconnu, il signe les plans de nombreux voiliers fabriqués par différents chantiers.

Il s'est intéressé dès ses débuts à l'aluminium, matériau alors peu utilisé dans la plaisance (sauf en Hollande) ; après le Suroit de 7 m en 1963 (coque en alu et pont en contreplaqué), La Grenouille, (1965) embarcation de plongée très novatrice et très sûre dessinée pour le CESM St Florent[9], fabriquée à La Madeleine dans le Nord par le chantier SEAN et toujours en service en 2019 dans ce club installé en Corse, 43 ans après sa construction, le Jaja, un bateau de service destiné à remplacer la caravelle des Glénans, le Coquelicot 9,30 m quillard (1964) puis le Naïade VI 9,70 m dériveur lesté (1967), c'est la naissance en 1972 du Romanée, quillard de 10,20 m, construit en série chez Pouvreau en Vendée. Suivra toute une série de voiliers de grande croisière, la plupart à faible tirant d'eau (à dérive relevable).

En 1977, la famille Harlé (Philippe, Claude et leurs trois filles) part naviguer autour de l'Atlantique à bord de leur Beaujolais Juliénas (12,25 m) construit en aluminium.

En 1982, Alain Mortain rejoint le cabinet et en 1984, celui-ci devient le cabinet Harlé-Mortain[10].

Dans ses derniers jours, Philippe Harlé travaillait sur Helvim, le deuxième bateau de Jean-Luc Van Den Heede. Après sa mort en , Alain Mortain a repris le bureau d'études, en association avec Yiannis Mavrikios[10].

Collaborateurs modifier

Plusieurs personnalités de la plaisance ont travaillé chez Philippe Harlé, notamment : Jean-Pierre Aubry[Note 1], Patrick Roséo, Jean-Marie Finot[Note 2], Vincent Lauriot-Prévost, Marc Lombard, et finalement Alain Mortain comme associé.

Production modifier

À la suite de Jean-Jacques Herbulot, l'architecte du dériveur vaurien et du Corsaire, Philippe Harlé a profondément marqué l'architecture navale de plaisance française ; on estime que, dans les années 1970, un voilier naviguant en France sur cinq était signé Harlé, proportion montant à un sur quatre pour les voiliers habitables, ce qui lui a valu le surnom humoristique de Monsieur 20% (relatif à la proportion de voiliers de plaisance français portant sa signature)

Sa production peut se classer comme suit :

Voiliers en bois classique
Ce sont des bateaux construits à l'unité, comme en 1962 le dériveur lesté Naïade V (9,45 m)[11],[12], le Mélisande[13] 11,60 m, Armide et Winger[14],[15] 11,30 m en 1965.
Les voiliers en contreplaqué, à bouchains vifs
"Le contreplaqué me semble avoir encore un très bel avenir devant lui"[16]. Commençant avec le Muscadet en 1963, plusieurs de voiliers aux noms de vins ou d'alcools (Armagnac, Cognac...) seront construits par le chantier Aubin à Nantes et d'autres comme Arié à la Rochelle, La Réserve à Nice, Lemaistre à Fécamp. Ces voiliers étaient beaucoup plus simples à construire que ceux en bordé classique, et donc plus économiques, permettant à la plaisance de toucher des classes moins aisées qu'auparavant. Avec une construction légère et un rapport de lest important (environ 40 % du poids à vide), les performances au près (contre le vent) sont bonnes. Ces voiliers sont devenus la «marque de fabrique» de Philippe Harlé. Il poursuivra cette technique avec le Grisard, un fifty-fifty (voile et moteur) biquille de 6,40 m en 1964, le Belon (5,45 m) au chantier Stéphan [Note 3] en 1965, le Cabernet 7,40 m (avec un roof en stratifié), le Bacom, le Sauvignon 8,80 m tous à dérives relevables chez Aubin en 1976-1979, le quillard Aquavit de 10 m au chantier Moinard en 1977[17]. Il dessine en 1974 un dériveur en solitaire, le Pschitt (3,03 m)[18].
Voiliers en plastique
Ces croiseurs avec une coque en forme seront construits par des chantiers mettant en œuvre le stratifié polyester, qui étaient alors en plein essor[Note 4]. Ce sont par exemple les chantiers et modèles suivants : Jouet YF (Sheriff, Calife, Tarentelle), Jeanneau (Folie Douce[19], Sangria, Love-Love, Aquila, Brio, Bahia 22, Tonic 24, Sun Way 27), Kelt marine (Kelt 6.20), APS Aubin (Chablis 8,70 m[Note 5], Scotch 8,90 m, Champagne 10,40 m, Sancerre 11,40 m), Edel (Edel III 7.80 m), GibSea (33.1, 35.1), Archambault (Coco 6.50), Kirié (Feeling 9.60, 10.40, 286, 10.90, 326, 446, 416 ; Elite 32, 324, 346, 364), Mallard (Start 6[20], Start 7[21]), Mirage Yachts (Mirages 27.5, 29 et 38), Etap (Etap 28i, Etap 32i, Etap 35, Etap 38), Dufour (Dufour 56).
Voiliers en aluminium
Après le Suroit et le Coquelicot construits aux CMN à Cherbourg, le Romanée a été fabriqué chez Pouvreau à partir de 1973, à environ 200 exemplaires durant 10 années. le Romanée demeure aujourd'hui encore un voilier de référence comme bateau de voyage[Note 6]. Il a suivi le Mareuil de 12 m chez Pouvreau en 1978. Le Beaujolais 12,25 m et le Beaujolais 10,10 m, deux dériveurs lestés, ont été construits par le chantier Chaventré aux Sables d'Olonne. Le chantier Garcia à Condé-sur-Noireau a construit plusieurs modèles : Maracuja, Maeva, Nouanni, Passoa dans plusieurs tailles (34, 47, 50, 54 pieds) et le grand Jeroboam de 20 m en 1984.
Voiliers à faible tirant d'eau
De type dériveur lesté (DL), avec une configuration proche des voiliers d'Eugène Cornu (à quille longue) : Naïade V en bois et Naïade VI en alu,
ou comparables à ceux de Jean-Jacques Herbulot[Note 7] : Belon, Cervoise, Baco, Listel, Cabernet, Sauvignon, Champagne, Beaujolais,
ou bien de type dériveur intégral (DI)[Note 8] : Maracuja, Carambola, Maeva, Nouanni, Passoa, Jeroboam.
Voiliers multicoques
Catamarans de sport Punch 4.28 et 5.15, Handi 48[Note 9], catamaran Punch 8.50 pour Multicap Caraïbes. D'autres catamarans Punch plus grands ont été dessinés plus tard par Mortain & Mavrikios.
Bateaux de travail
Notamment l'Archipel, la vedette de liaison des îles Glénan, La Grenouille, embarcation de plongée en aluminium de 8M30, insubmersible, extrapolée de la coque du Muscadet, des bateaux pour l'ostréiculture, un navire à passagers catamaran (200 passagers) de 22 m.

Résultats en compétition modifier

Le Suroit a gagné le championnat GCL (Groupement de Croiseurs légers) devant 40 bateaux en 1965. Les Muscadets Diable à quatre et Cul-sec étaient connus à l'époque de courses du GCL, dans les années 1964-1968). L'Armagnac (notamment Raki et Iskra II avec Philippe Harlé à bord) ont obtenu les premières places de la Coupe de l'Atlantique en 1966. Les Tequila prototypes ont brillé dans les Quarter Ton Cup de 1970 à 1972[22]. Plus tard, le Muscadet s'est fait une bonne place dans la Mini-Transat ; pour cette course, Philippe Harlé dessine le Gros Plant, à bord duquel il va courir en 1979, puis le Coco[23], qui sera aussi un succès, notamment avec Laurent Bourgnon. Sa femme Claude, participe à l'édition 1987 à bord de Coco Girl's. Pour la course du Vendée Globe 1989, Jean-Luc Van Den Heede demande à Philippe Harlé de dessiner l'IMOCA 36.15 MET, qui sera réalisé en aluminium au chantier Garcia.

Ses voiliers modifier

 
Armagnac en Bretagne.

La plupart des plans de cet architecte portent un nom de vin ou d'alcool; une exception, le Pschitt, un nom de boisson non alcoolisée... pour un dériveur d'école de voile.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Philippe Harlé a préfacé son livre Structure et construction du voilier
  2. Coauteur avec Philippe Harlé du Folie doucem devenu ensuite Brin de folie.
  3. Le chantier Stéphan construisait aussi le Mousquetaire de Jean-Jacques Herbulot
  4. Les voiliers en plastique étaient moins chers à fabriquer et vieillissaient mieux que les voiliers en contreplaqué, qui peuvent se dégrader rapidement faute d'entretien suffisant.
  5. La version en stratifié polyester du Sauvignon en contreplaqué.
  6. Un Romanée a par exemple franchi le passage du Nord-Est (jonction de l'Atlantique au Pacifique par le nord de la Russie).
  7. La dérive pivote et se loge dans la quille externe à la coque.
  8. La dérive rentre dans la coque; il n'y a pas de quille
  9. Voilier conçu pour les handicapés.
  10. Dériveur lesté de 6,95 m, croiseur familial disposant de 2 cabines encadrant un cockpit central . Son gréement est fractionné (le foc ne monte pas en tête de mat).
  11. Dériveur de 3,90 m en stratifié polyester, 1963
  12. Half tonner 1970; prototype "Araok-Atao, vainqueur de la Course de l'Aurore en 1973
  13. Dériveur lesté 12 m en bois moulé-contreplaqué, chez Moinard

Références modifier

  1. BNF 11487596
  2. « matchID - moteur de recherche des personnes décédées », sur deces.matchid.io (consulté le )
  3. « The Muscadet Adventure »
  4. 23 voiliers au banc d'essai de la mer, Nautisme no 5, mai 1963
  5. Essai Nautisme-Les Cahiers du yachting no 10, octobre 1963
  6. « Armagnac & Compagnie »
  7. « Aubin », sur The Muscadet Adventure [PDF]
  8. Essai dans Bateaux, no 135, août 1969
  9. « [http://www.cesm.net/fr-infos-plongee-les-bateaux-de-plongee-158-page.html CESM Infos plong�e : Les bateaux de plong�e] », sur www.cesm.net (consulté le )
  10. a et b « Présentation », sur Mortain & Mavrikios Yacht Design [PDF]
  11. Essai dans Bateaux N°75, août 1964
  12. "Les bateaux qui m'on fait démarrer vraiment, ce furent le Muscadet et Naïade" (Les architectes et les bateaux, Nautisme no 35, novembre 1965)
  13. Mélisande, Bateaux no 84, mai 1965, page 91
  14. Armide et Winger, 11,31 m en bois classique, quille longue, dans Nautisme no 28, avril 1965
  15. Armide, Bateaux no 84, mai 1965, page 92
  16. Les architectes et les bateaux, Nautisme no 35, novembre 1965
  17. A bord de l'Aquavit, revue Bateaux no 235, décembre 1977
  18. A bord du Pschitt, Revue Bateaux no 207, août 1975
  19. Site sur le Folie Douce
  20. a et b « Forum consacré au Start 6 »
  21. Site sur le Mallard Start 7
  22. http://www.histoiredeshalfs.com/Quarter%20Tonner/Q%20Harl%E9%20T.htm
  23. Site sur le Coco 6.50
  24. 10 m construit en contreplaqué par Moinard, Les Cahiers du yachting no 173, mai 1977
  25. 6,0 m dériveur lesté construit en contreplaqué chez Aubin
  26. Site consacré au Cabernet
  27. Site consacré au Chablis
  28. Quillard 9,60 m dans "Le Coquelicot", Nautisme n°18, juin 1964 et dans "100 milles sur Coquelicot", Neptune Nautisme no 32, septembre 1965
  29. 7,40 m dériveur lesté, cabine arrière, chantier MOP à Carcassonne
  30. quillard 7.80 m, A la barre de l'Edel III, Bateaux n°135, aout 1969
  31. a b c d e et f Club des Feeling
  32. Fifty-fifty de croisière de 6,40 m, biquille, à bouchain vif, 1963 dans Nautisme no 13, janvier 1964, dans Sillages, Bateaux n°72, mai 64,
  33. Bateaux no 81, février 1965
  34. Présentation dans la revue Bateaux no 257, octobre 1979
  35. 6,10 m, deux cabines, chantier MOP, Les Cahiers du yachting no 169, janvier 1977
  36. « À bord du Start 7 », Les Cahiers du yachting, no 186,‎ (ISSN 0575-0997)
  37. A la barre du Mallard 9 m, Bateaux no 225, février 1977
  38. 11,60 m en bois classique, quille longue et safran au tableau, Les Cahiers du yachting no 21, septembre 1964
  39. dans Bateaux, Quelques bords sur ..., n°60 mai 1963, A la barre n°211 déc 1975
  40. 18 pieds construit chez Aubin, mise à l'eau photo page 119, Les Cahiers du Yachting n° 53 mai 67
  41. quillard 7 m coque alu, dans Bateaux no 88, septembre 1965
  42. Nautisme no 26, février 1965 et no 42, juin 1966
  43. quillard 8m, Yachting France, dans Bateaux no 196, septembre 1974
  44. Neptune Nautisme no 125, août-sept 1973

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Daniel Allisy et Alain Glicksman, 30 ans de voiliers [détail des éditions]
  • "Philippe Harlé et sa flottille"
  • Claude Harlé et Dominique Le Brun, Muscadet, Armagnac, Sangria... Philippe Harlé, architecte naval aux Editions Le Télégramme (2011), 144 pages, (ISBN 9782848332567)
  • La Plaisance française à la découverte de ses architectes, hors-série de Loisirs Nautiques no 19, .

Liens externes modifier