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modifierLE MARCHAND DE SABLE EST PASSE
modifierNon et non ! Ca ne pouvait plus durer ainsi ! Comment lui, Narcisse Parigeot pouvait-il continuer à accepter cela ?
Qu’on lui fiche la paix ! C’est tout ce qu’il demandait.
Mais la Bonne Société en avait décidé autrement. Voir ce clochard souvent aviné, traîner dans les rues en gesticulant et engueulant le bourgeois, ça, ce n’était pas acceptable.
Alors, il s’était retrouvé là “ maison de repos les ajoncs d’or ” que ça s’appelait. Joli nom pour ne pas dire “ asile ”. Oui, c’est ça, on l’avait mis à l’asile ! Mais, pour qui le prenait-on !
Oh ! Certes, l’endroit était agréable avec ses bâtiments bien blancs dans ce grand parc aux arbres majestueux. Mais enfin, qu’avait-il à voir avec tous ces compagnons avec lesquels il ne se liait guère ? Tous ces hommes et ces femmes prématurément vieillis et au regard étrange qui semblaient attendre avec résignation que s’achève de se dérouler le fil de leur vie.
Non, vraiment, il fallait que cela cesse!
Alors ce matin de printemps, il avait décidé de partir, ou plutôt de s’échapper.
Il savait qu’à quelques kilomètres de là l’océan lui ouvrait ses bras.
Homme libre toujours tu chériras la mer ! Ce poème de Baudelaire appris sur les bancs de l’école lui revenait à l’esprit. Oui, c’est bien vers cela qu’il partait d’un pas déterminé: la Liberté !
Quelques heures plus tard, il arrivait sur une plage, là où la Loire se marie à l’Océan par un large estuaire.
La mer était basse. Des rochers couverts d’algues émergeaient çà et là. De bonnes odeurs iodées chatouillaient ses narines. A son apparition, quelques mouettes s’étaient envolées et tournoyaient au-dessus de sa tête en poussant des cris joyeux. Ah ! Enfin il revivait !
Et c’est là qu’il vit cette grotte au pied de la falaise, où s’accrochaient chênes verts et genêts dorés.
Il s’approcha. La grotte était large et profonde, le sol bien plat. C’était décidé, c’est là qu’il s’établirait. Un “ sam’suffit ” avec vue imprenable sur la mer.
Il ne fallut que quelques jours à Narcisse Parigeot pour aménager son étonnante demeure: un vieux sommier, un four à bois, divers ustensiles récupérés dans les lieux de décharge où, selon son expression, “ on jetait gras ”, et il s’était constitué un mobilier de bric et de broc, mais qui donnait à son antre un air de sympathique capharnaüm.
Là, face à la mer, il se prenait enfin à être heureux. Mais, pouvait-on parler de bonheur après tout ce qu’il avait vécu ?
L’avant-guerre ... les années heureuses, ouvrier chaudronnier aux Chantiers Navals de Penhoët de Saint-Nazaire, il se souvenait avec fierté du départ, en 1935, du “ plus beau paquebot du monde ”: le NORMANDIE !
L’année suivante, c’était le grand coup de gueule de la classe ouvrière. C’était aussi son mariage avec Noémie. Et comme les luttes avaient permis d’obtenir les quinze jours de congés payés, l’occasion avait été belle de prendre les sacs à dos, d’enfourcher les bicyclettes et de partir en voyage de noces à 80 kilomètres de là, dans la presqu’île de Rhuys où Noémie avait de la famille.
Et puisqu’il était dit que ce serait l’année des grands bouleversements, Noémie se retrouvait enceinte et donnait naissance quelques mois plus tard au petit Jacques.
Narcisse et Noémie étaient au paradis !
Il avait quand même fallu affronter les copains de boulot, qui le brocardaient gentiment en dressant un parallèle audacieux entre la mise en chantier puis le lancement du “ Normandie ”, et la conception et la naissance de Jacques. Mais pour Narcisse, c’était quand même bien autre chose: un immense orgueil et un immense amour dans lequel ils se fondaient tous les trois.
Oh! Bien sûr, Noémie n’avait pas été très contente, quand il était rentré un soir avec “ les souliers à bascule ”. C’est qu’il avait bien été obligé de célébrer l’événement, avec les copains, après le boulot, dans les cafés de Penhoët.
Mais, maintenant, c’était bien fini, Narcisse apprenait son métier de père et rêvait d’offrir un avenir radieux à son fils. C’est sûr, il serait ingénieur aux Chantiers ! ...
Et puis, 1939, tout avait basculé. La déclaration de guerre, la mobilisation, et l’amertume de la défaite. Plus chanceux que la plupart des soldats restés prisonniers en Allemagne, Narcisse avait pu regagner Saint-Nazaire et reprendre son travail aux Chantiers Navals. Mais rien n’était plus comme avant. Les amis de son âge n’étaient plus là et c’était l’ uniforme vert-de-gris qui dirigeait les Chantiers dont la production servait surtout à enrichir la machine de guerre nazie.
Mais le pire était encore à venir. Cette nuit du 14 au 15 avril 1943, à nouveau les sirènes avaient hurlé, une attaque aérienne allait avoir lieu sur Saint-Nazaire.
Narcisse en avait assez de ces alertes répétées. Il fallait réveiller le petit Jacques et descendre aux abris avec Noémie. Non ! Cette fois, ils resteraient ensemble. Leur petite maison de la rue de la Dermurerie lui semblait un havre qui le protégeait du malheur.
Hélas non ! Cette nuit-là, il n’y avait pas de bonne étoile dans le ciel, mais des avions vrombissant qui larguaient leurs chapelets de bombes dans une apocalypse de feu, d’éclairs et de tonnerre.
Blottis tous les trois, trop terrorisés pour pleurer ou crier, ils priaient ...
Et puis, soudain un sifflement strident suivi aussitôt d’un bruit énorme. Les murs qui vacillent, le plafond qui s’écroule, la poussière de plâtre et de gravats qui étouffent... Vite, il faut sortir. Mais, c’est trop tard, tout chancelle, tout bascule, le toit de la maison s’abat sur eux comme le couvercle d’un cercueil...
C’est fini !... pauvre Narcisse !... Sait-il s’il est mort ou vif ?... Tout se bouscule dans sa tête. Jacques... Noémie... Où sont-ils ? Mais non, ce ne doit être qu’un cauchemar.
La douleur de son corps, ce sang et cette poussière plein la bouche le ramènent à la réalité.
Le bruit des avions, l’éclat des bombes, le crépitement des défenses antiaériennes, tout a cessé. Autour de lui, un calme angoissant s’établit peu à peu, parfois coupé par la chute de quelques gravats.
Et puis, soudain, il perçoit de faibles gémissements. “ Jacques ?... ” “ Noé-mie ?... ” Mais seules des plaintes inaudibles lui répondent. Il croit entendre sangloter le petit Jacques. “ Jacques, mon enfant ! Noémie !... Tenez bon, on va venir nous chercher ! ... ”
Mais les heures avaient passé, les gémissements s’étaient éteints. Narcisse avait compris, tout était dit. Lui aussi maintenant ne demandait plus qu’à mourir. Sans Noémie, et sans Jacques, sa vie était finie. Mourir, mourir pour mieux revivre ! Peut-être...
Mais il était dit que le destin ne lui accorderait même pas cette délivrance.
Plus de deux jours s’étaient écoulés depuis le bombardement. Malgré la faim, la soif, malgré ses blessures qui le faisaient délirer il avait survécu.
Les secours avaient déblayé la maison, sans espoir d’y trouver âme qui vive. Et pourtant là sous ces décombres, le râle d’un homme leur était parvenu. Hébété, blessé, meurtri, mais en vie. Il y avait cinquante-trois heures qu’il était là enterré vivant.
On ne renaît pas d’une telle épreuve. La vie de Narcisse Parigeot n’avait plus été qu’une succession de souffrances. Sans travail, sans logis autre que les foyers d’accueil ou les hôpitaux, et au bout du chemin, cette grotte au flanc de la falaise, son ermitage où il connaîtrait peut-être une paisible solitude.
Peu à peu, il avait organisé sa vie. Une ou deux fois par semaine, il parcourait la côte pour récupérer le bois rejeté par la mer et qui lui permettait de se chauffer.
Et puis, il y avait toujours quelque chose à faire pour améliorer son confort. Ainsi, il s’était bricolé une sorte de cheminée faite de tuyaux de poêle hétéroclites qui évitait à sa grotte d’être trop enfumée.
Narcisse avait fini par se trouver une certaine utilité sociale en nettoyant la plage des papiers et autres déchets qui y traînaient. En échange les autorités municipales lui donnaient volontiers un sac de charbon ou un colis alimentaire pour améliorer son ordinaire. Il était devenu une sorte de curiosité touristique. On allait voir la grotte du “ Père Parigeot ” comme d’autres vont visiter le palais du Facteur Cheval.
Le jeudi était un jour de grande animation autour de la grotte. Les enfants qui avaient congé ce jour-là venaient le voir et s’amuser avec lui. Encore que certains garnements le faisaient entrer dans des fureurs terribles, comme ce jeu imbécile qui consistait à l’appeler du haut de la falaise et à lui pisser sur la tête quand il sortait.
Ainsi passait le temps...
Mais, peu à peu, la bienveillante curiosité qu’il avait suscitée s’était estompée. De l’indifférence, voire une certaine gêne à son égard commençait à apparaître. Dans ces années d’après-guerre, où la France refleurissait, la misère de cet homme paraissait anachronique dans l’insouciance de l’époque.
Le monde changeait. Narcisse vieillissait. Quand il arpentait la plage, son pas était plus lent, sa silhouette plus voûtée.
Tout s’accélérait. Dans l’estuaire, il voyait défiler la noria des tankers, ces énormes navires qui allaient décharger leurs soutes de pétrole à la raffinerie de Donges.
Pour satisfaire à ce gigantisme, il avait fallu creuser le chenal, construire de nouveaux quais, bétonner les berges. Insidieusement, la nature se vengeait. Les courants du fleuve contrariés, repoussaient le sable sur la plage. Des rochers où Narcisse avait l’habitude de pêcher les moules et les berniques commençaient à être recouverts. Les jours de tempête, le sable poussé par le vent montait à l’assaut de la falaise.
Pour Narcisse, c’était devenu un combat incessant de déblayer le sable qui s’accumulait à l’entrée de sa grotte. Il y avait bien longtemps qu’il ne pouvait plus espérer l’aide de quiconque. “ Quand on veut vivre en dehors de la société, on assume. ” disaient les bonnes âmes.
Le film de sa pauvre vie défilait devant ses yeux usés: son enfance, les Chantiers, Noémie, Jacques... Ah ! Il faudrait bien qu’il les retrouve, il devait bien il y avoir un au-delà, Nom de Dieu !
Et ce sable qui continuait à tourbillonner ...
Au début, il le repoussait avec son vieux balai de genêts, et puis il avait du prendre la pelle. Une petite dune s’était formée devant sa grotte. Il fallait la franchir pour entrer, et ce n’était pas sans glissades, sans chutes, lui dont le corps était las, si las...
Avec l’automne, la plage s’était vidée. Des quelques estivants curieux qui venaient parfois encore lui rendre visite, il n’y avait plus personne. Rien, le ciel gris, la mer qui grondait et le sable qui volait, qui volait...
Et puis, il y eut cette grande tempête qui dura plusieurs jours. Il vit le mur de sable s’élever devant l’entrée de sa grotte. Non, il ne lutterait plus, à quoi bon !...
Le troisième jour, il ne restait qu’une petite ouverture par où entrait une faible lumière grisâtre. Il s’était allongé sur son grabat, il ne s’alimentait plus. Il avait survécu à la claustration sous les décombres de sa maison, mais aujourd’hui, il n’y aurait pas de miracle, d’ailleurs il n’en voulait pas. Il était arrivé au bout de sa misérable vie. Un froid à la fois glacial et apaisant l’envahissait. Etait-il midi ? Etait-il minuit ? Ce n’était plus Baudelaire, mais le dernier vers de Victor Hugo qu’il se récitait: C’est ici le combat du jour et de la nuit. Et, bien sûr, c’était la nuit qui triomphait. Les ténèbres étaient définitivement tombées. Plus un souffle de vent, plus un souffle de vie. Dors, Narcisse, le marchand de sable est passé.
Si quelqu’un s’était trouvé à ce moment-là devant la grotte, il aurait sans doute vu une petite lueur, sorte de feu follet, courir le long de la falaise, puis monter tout droit vers le ciel et prendre place parmi les étoiles.
Personne ne s’aperçut de la disparition de Narcisse Parigeot. La rumeur disait qu’on l’aurait vu rassembler ses affaires et partir le long des plages. Après tout, qu’il aille se faire pendre ailleurs ! Ici, c’est un lieu touristique, une plage des familles, bien fréquentée, bien propre. On n’avait pas besoin de crasseux de son espèce, ça n’amusait plus personne !
Et puis cette nouvelle dune où commencent à pousser ces herbes des sables, les oyats, c’est joli non, vous ne trouvez pas ? Comme le sable est chaud là où était cette satanée grotte. C’est le coin des amoureux, c’est là qu’ils s’allongent au soleil, cachés au milieu de cette nouvelle végétation.
Mais, il y a quand même un phénomène bien étrange, dans ce sable presque aride, tous les printemps, on peut y voir fleurir des narcisses.
SECRET REMONTANT
modifier« Qu’est ce qui t’arrive, t’en fais une tête ! »
« Si tu savais… J’ai un secret qui me mine depuis des années. »
« Je suis ton ami, raconte, ça te fera du bien »
« Voilà : Mon père n’est pas mon père. »
« Je ne te crois pas ! »
« Si hélas ! C’est vrai. »
« Ben dis donc ! Comment ça s’est passé ? »
« Tu sais, pendant la dernière guerre, ma mère habitait Marseille, c’est là
qu’elle a connu celui qui croit être mon père. Il a été mobilisé en 1940, et fait
prisonnier en Allemagne. Moi je suis né en 1941. Quand il est revenu de captivité, ma mère ne lui a rien dit. Il a cru qu’il m’avait conçu lors d’une de ses
permissions.
« Ah ! Ben ça alors… »
« En fait ma mère avait rencontré un garçon coiffeur Italien, dont elle était
tombée amoureuse. »
« Mais alors, c’est qui ton père ? »
« Voilà, je suis le fils d’Yves MONTAND ! »
« Tu te fous de moi ?… »
« Tu ne me crois pas ?… Tu verras, je te montrerais le costume qu’il m’avait
offert. C’est celui qu’il portait dans le film « Le Millionnaire » où il a tourné
avec Marylin MONROE.
Ah ! Papa, quel magnifique cadeau tu m’as fait ! Quand je pense que Marylin
l’a serré, l’a caressé… Il y a encore l’odeur de son parfum. Je ne l’ai jamais fait
nettoyer pour ne rien perdre. »
« Ca alors ! T’as l’air complètement bouleversé. »
« Tu ne peux pas savoir… Si j’osais, je t’avouerais bien quelque chose… »
« Ose, mon vieux, ose !… »
« Ben voilà, je suis fétichiste. »
« Fétichiste ?… »
« Oui tu sais, ce costume je le porte tous les soirs comme pyjama. Tu ne peux
pas t’imaginer le bonheur ! j’ai l’impression de coucher avec Marylin MONROE. Si je te disais que toutes les nuits… »
« Non, arrête, tu me fais fantasmer moi aussi. »
« T’as raison, j’aurais pas dû t’en parler. »
« Si, si, t’as bien fait, ça t’aura soulagé. »
« Ah ! je ne sais pas si MONTAND aurait été d’accord pour que je révèle tout ça… J’aurais jamais dû exhumer cette vieille histoire. »
« Remets toi mon vieux ! Allez viens, je vais t’offrir un petit remontant.
SOUVENIRS CERTIFIES
modifierJe me souviens, j’allais avoir quatorze ans, c’étaient les vacances de Pâques. Après ce serait la dernière ligne droite avant le Certificat d’Etudes. Le Certif !… Il fallait s’y préparer sérieusement. Quelle honte pour mes parents si je ne l’obtenais pas. Déjà je subissais des menaces.
- « Fais tes révisions au lieu de rêver. Je te préviens si tu n’as pas ton Certif, tu redoubleras en pension chez les Frères de Saint Christophe, ils seront te mater eux !… »
Faire des révisions !… Ils en avaient de bonnes !… Quand le printemps est là, avec cet appel de la nature qui invite plutôt à aller musarder dans la campagne.
et puis il y avait ce sentiment étrange que mon enfance était en train de m’échapper. Il fallait que j’en profite à pleins poumons avant de devenir trop sérieux.
Je me souviens, ce matin là, le Docteur LE QUINIO était venu visiter ma grand-mère qui se plaignait de je ne sais plus quelle douleur. Le bon docteur qui me connaissait depuis toujours avait jeté sur moi un regard professionnel et inquisiteur, et m’avait lancé :
- « Dis-donc Jean-Jean, t ‘as grandi toi … et tu m’as l’air un peu fatigué, non ?… »
Le médecin venait d’ouvrir une brèche dans laquelle ma mère s’engouffra aussitôt , pour raconter avec des accents désespérés, le martyre que je lui faisais endurer.
-« Ah ! Docteur si vous saviez les soucis qu’il me donne, c’est une vraie « tête en l’air ». Pas moyen de le faire travailler, il est de plus en plus étourdi… si je vous disais que pas plus tard qu’hier soir…
J’avais tout de suite compris. Il fallait que je trouve un moyen de m’échapper si je ne voulais pas subir l’interminable litanie des griefs que ma mère, trop heureuse d’avoir trouvé une oreille ou s’épancher, allait débiter contre moi.
Je prétextais l’obligation d’aller réparer le pneu crevé de mon vélo, et m’éclipsais sans plus attendre.
En fait, j’allais vérifier dans le bois voisin, si la cabane qu’on avait construite dans un arbre avec mes copains, n’avait pas été découverte et détruite par la bande du « Haut Caillou », des petits prétentieux qui se croyaient supérieurs parce qu’ils habitaient sur une colline, et qu’on avait pourtant rossés, pas plus tard que jeudi dernier.
Je suis revenu une demi-heure plus tard. Tout de suite ma mère m’a interpellé :
-« Alors, il est réparé ton vélo ? »
-« Ben non, j’avais plus de rustines. »
-« Ca tombe bien. Tu vas aller à pied jusqu’au bourg, ça te fera de l’exercice. Le docteur t’a prescrit un médicament.
Elle s’arrêta un instant puis reprit en appuyant bien sur chaque mot.
-« C’est très important pour toi, pour ta réussite scolaire. Allez, file à la pharmacie. »
Elle me tendit un billet de dix francs à l’effigie de Richelieu. Je connaissais tout du prélat à la barbichette : le Ministre de Louis XIII, le siège de La Rochelle, l’interdiction des duels, la journée des Dupes… Ah ! si je pouvais tomber sur lui au Certif’, j’étais incollable !…
Je suis donc parti, trop heureux de me retrouver enfin seul et libre. Rapidement j’ai quitté la route goudronnée,
n’ayant pas envie d’être pris par la voiture d’un voisin croyant me rendre service. J’ai bifurqué vers le petit sentier qui descend jusqu’au ruisseau puis remonte à flanc de coteau jusqu’au village.
Le soleil commençait à être haut dans le ciel. Une douce chaleur s’installait dans le vallon. L’air transportait des effluves embaumés, glanés à travers les frondaisons des arbres et des buissons. Ah ! quel bonheur de marcher ainsi sans le poids d’un cartable plein de livres et de cahiers !
C’est en entendant le roucoulement du ruisseau, que je me suis rappelé que l’avant veille j’avais posé une nasse pour prendre des écrevisses. Dédé, mon copain de la ferme d’à-côté, s’était procuré une tête de mouton qu’on avait laissé faisander pendant plusieurs jours : un appât irrésistible pour les petits crustacés !…
En arrivant à l’endroit, je me suis tout de suite rendu compte que quelque chose n’allait pas. La ficelle qui retenait la nasse n’était plus nouée de la même façon. Quand je l’ai relevée, il n’y avait rien dedans. Ce n’était pas possible ! Sûrement encore un coup de la bande du « Haut Caillou ». Ils ne perdaient rien pour attendre ceux-là !…
Le concert des oiseaux qui se répondaient de branche en branche, m’a vite fait oublier ma déconvenue. Bientôt je quittais l’abri du bois pour retrouver sur la partie découverte et caillouteuse qui remonte vers le village. Déjà j’apercevais le clocher de l’église. Avant l’entrée du bourg, le sentier s’engageait entre les murets de pierres qui abritaient des jardins potagers. A nouveau d’autres odeurs, plus rustiques, me chatouillaient les narines.
Je débouchais enfin juste derrière le presbytère aux murs rongés par le lierre et qui bourdonnait d’insectes.
Après avoir contourné l’église, je me retrouvais sur la place du village. Devant moi apparaissait l’opulente devanture de la pharmacie, entre l’épicerie de la Mère CORNET et le café « Aux bons amis » du Père CABIRON, ou l’on vendait une autre sorte de médicament.
C’est en me dirigeant vers la pharmacie, que, juste au coin du monument aux morts, j’ai rencontré Aglaé.
Ah ! Aglaé !… On se connaissait depuis la Maternelle, on était toujours dans la même classe.
Je me souviens, à la fin du cours préparatoire, lors de la Kermesse de l’école, on avait joué une petite saynète devant les parents.
Aglaé tenait le rôle d’une jeune bergère, tout de blanc vêtue, qui repoussait tous ses prétendants car leur métier ne lui convenait pas. C’est alors que j’arrivais avec un tablier, un chapeau de paille et un râteau à la main. Les enfants se mettaient à chanter :
Mais elle veut bien d’un jardinier )
c’est un gentil petit métier ) bis
la verdurette, durette
la verdurette des bois.
Je partais alors bras dessus, bras dessous avec Aglaé sous les applaudissements du public et les regards jaloux de nos petits camarades.
A partir du cours moyen, on nous avait séparé, hélas !… Les garçons d’un coté, les filles de l’autre. J’apercevais parfois Aglaé dans l’autre cour séparée par un grillage et une haie de troènes. Je la voyais sauter à la corde avec ses chaussettes blanches et sa jupe plissée qui volait au- dessus de ses genoux, ce qui me fascinait et me troublait à la fois.
Aujourd’hui, de la voir de nouveau devant moi, je ressentais la même émotion, plus intense peut-être. Elle avait changé. Bien que j’eusse quelques mois de plus qu’elle, je me sentais décalé. Elle était presque aussi grande que moi. Sa poitrine gonflait le polo blanc qu’elle portait. La jupe plissée avait fait place à un jean à patte d’éléphant qui épousait la forme prometteuse de son corps. Tout cela me rendait presque timide. C’est tout juste si j’arrivais à lui balbutier une ou deux banalités, sur l’école, les vacances… J’essayais aussi une ou deux plaisanteries. Aglaé, bonne fille, riait en rejetant sa tête en arrière, ses longs cheveux blonds tombaient presque à la cambrure de ses reins…
«Ah ! Jean-Jean, tu n’as pas changé…» disait-elle, en plongeant son regard dans le mien.
Mon Dieu qu’elle était belle !…
Soudain, j’ai sursauté ! Derrière nous le carillon de l’église se mit à sonner midi ! Il fallait que je parte illico, mes parents ne toléraient aucun retard pour le repas. Je pris brutalement congé d’Aglaé, sûr qu’elle ne me pardonnerait jamais cette impolitesse.
J’ai couru jusqu’à la maison, directement par la route, sans m’égarer vers le sentier et le ruisseau.
C’est en franchissant la barrière de notre jardin, que je me suis rendu compte que j’avais oublié d’acheter le médicament pour me stimuler la mémoire !
Il n’empêche que je l’ai eu mon Certificat d’Etudes. Même que j’ai été reçu premier des garçons !
Et Aglaé, première des filles, d’ailleurs.
Quoi ! Vous ne me croyez pas ? on va lui demander…
-« Aglaé !… Aglaé ?…»
-« Ah ! C’est vrai elle n’est pas là. Elle est partie conduire nos enfants à l’école. Mais quand elle rentrera, elle vous le dira, car ça, ce sont des choses dont on se souvient toute sa vie."
UNE VRAIE PETITE FRANCAISE
modifierCe fut la chute du livre qui venait de glisser de sa main qui le réveilla. A vrai dire, il ne s’était assoupi que quelques instants, bien calé dans sa chaise longue sous le grand saule qui le protégeait du soleil. Thierry était heureux. Oui, vraiment il était heureux : le parfum des bois qui l’entouraient, le gazouillis du ruisseau qui coulait tout près, ajoutaient à sa plénitude.
C’était vraiment une bonne idée d’avoir loué ce vieux moulin à eau dont les aubes s’étaient figées il y avait près d’un demi-siècle. Mais le logement des meuniers avait été restauré et aménagé en gîte rural. Là, au fond de cette vallée au coeur de la Bretagne, il pouvait oublier la vie trépidante de la ville où son travail l’appelait. On était en juillet et il était en vacances. Heureux, je vous dis, il était heureux !
Et puis, tout à l’heure, elle allait arriver : l’odeur de genêts les envelopperait tous les deux , le soleil brillerait encore plus fort et jetterait ses milliers d’étoiles dans l’eau du ruisseau.
De penser à Jenny augmentait son bonheur. Thierry se souvenait de la petite Anglaise timide qui s’était assise pour la première fois à la table familiale, il y avait déjà cinq ans. Ses parents avaient l’habitude d’accueillir chaque années une jeune fille au pair, généralement une étudiante venue perfectionner son français. Il en avait connu Thierry des Allemandes, des Scandinaves, des Britanniques, des Espagnoles. Toute l’Europe avait défilé chez lui. Souvent des relations amicales s’établissaient, et puis Jenny était arrivée, et pourrait-on dire, elle n’était plus repartie.
Fille d’un ingénieur en informatique et d’une mère directrice d’un collège de jeunes filles dans le Kent, Jenny Isherwood était l’archétype de l’Anglaise. Grande, les cheveux blonds et fins, le visage un peu anguleux, mais qu’adoucissait un rayonnant sourire et de beaux yeux bleus étonnés. Jenny cachait derrière une apparente candeur, la tranquille détermination des filles d’Albion.
Dès la rentrée suivante, ils étaient partis à Nantes pour suivre leurs études ; Thierry à la faculté des sciences et Jenny dans une grande école de commerce. Après un parcours sans fautes, ils avaient débuté leur carrière professionnelle, lui comme ingénieur dans un institut de recherche agronomique et elle comme attachée de direction à la Chambre de commerce et d’industrie.
Jenny et Thierry avaient beau se dire “ libérés ”, ils n’avaient pas pu résister à l’affectueuse pression de leurs proches pour convoler en justes noces. D’ailleurs pour eux, il n’y avait pas de doute, leur amour méritait bien cet engagement solennel.
Le mariage avait eu lieu en France. Afin d’éviter un débat à une appartenance à une religion différente, un mariage civil leur avait finalement paru le plus œcuménique. C’est ainsi qu’à la fin de l’été, ils avaient échangé leur consentement devant Monsieur le Maire.
Le père de Jenny, James-Henry Isherwood, très british avec sa jaquette et son haut-de-forme conduisait la mariée, suivi par sa femme Kathleen vêtue d’un ensemble bleu-roi et d’un chapeau à large bord à rendre jalouse la Reine Elizabeth . Quant à Jenny, malgré l’entorse faite au symbole de la virginité, elle portait une magnifique robe blanche brodée de roses dont la longue traîne était portée par sa petite nièce et un petit neveu de Thierry.
Les mamans avaient essuyé une larme à l’instant du “oui ” traditionnel, les papas s’étaient congratulés en franglais, et les mariés s’étaient embrassés longuement, trop longuement peut-être, si
l’on en juge par le petit rire gêné des deux vieilles cousines de Jenny pour lesquelles il n’avait pas été possible de trouver un cavalier.
Après la cérémonie, on s’était retrouvé autour d’une bonne table aux produits du terroir, où le “ il est des nôtres, il a bu son verre comme les autres… ” avait répondu avec brio au “ For he’s a jolly good fellow ! ”.
Et puis chacun était retourné chez soi, la tête un peu bourdonnante et l’estomac un peu lourd, surtout pour ceux qui durent retraverser la Manche par une mer très agitée.
Contrairement à ce que l’on reproche souvent aux sujets de sa gracieuse Majesté, Jenny n’avait absolument voulu cultiver sa différence. Au prix d’un effort constant, elle était parvenue à parler un français sans accent, malgré certaines prononciations qu’on estime généralement inaccessibles aux gens d’outre Manche. Ainsi, le “ Touloutoutou Tchêpô pogntou ” était devenu un clair et sonore : “ Turlutu chapeau pointu ”.
Comble de la félicité pour l’épicurien qu’était Thierry, Jenny s’était révélé un fin cordon bleu. Ses craintes de se voir nourri avec de la panse de brebis farcie ou du ragoût de mouton bouilli à la sauce à la menthe, s’étaient avérées sans fondement. Jenny n’avait pas sa pareille pour lui préparer de la bonne cuisine française comme la blanquette de veau ou le bœuf miroton et même, chose impensable pour un appareil digestif britannique : la poêlée d’escargots à la Brièronne. De même, le porridge ou les œufs au bacon qui empestaient la cuisine au petit déjeuner, avaient rapidement cédé la place au bol de chocolat ou de café avec des croissants ou des tartines beurrées.
Quand Jenny venait d’acheter sa baguette de pain, on aurait pu penser que si elle ne portait pas le béret basque, c’était sans doute, parce que le joli chignon qui ornait sa tête ne permettait pas le port de cette coiffure. Oui, vraiment, Jenny était devenue “ une vraie petite Française ”.
Un plaisir qu’appréciait particulièrement Jenny, c’était au printemps quand Thierry l’emmenait passer une journée en Brière, ce vaste marais au nord de Saint-Nazaire. Un copain leur prêtait un “ chaland ”, embarcation à fond plat, que Thierry poussait à l’aide d’une perche parmi les roseaux et les nénuphars.
Après le pique-nique sur une butte, ils n’oubliaient jamais en rentrant d’attraper quelques grenouilles qu’ils péchaient à l’aide d’un petit grappin muni d’une étoffe rouge au bout d’une ligne.
Thierry avait appris à Jenny comment “ appeler ” les grenouilles en imitant leur cri. Il fallait émettre un son guttural, inspiré de : “ cacahuète, coucou … cacahuète, coucou … ”, en se tordant la bouche.
Le soir à la maison, Thierry dépeçait les batraciens pendant que Jenny se plongeait dans son livre de cuisine pour y chercher une recette inédite. Cela dépassait l’entendement pour un Britannique : pire qu’“ une vraie petite Française ”, Jenny était devenue une “ Froggie ”.
L’évocation de ces souvenirs meublait l’attente de Thierry. Il avait hâte de la serrer dans ses bras.
Il avait été convenu qu’il passerait trois ou quatre jours seul, pendant que Jenny irait voir ses parents en Angleterre, et qu’ensuite, elle le rejoindrait dans ce vieux moulin.
Thierry se serait sans doute assoupi de nouveau si soudain il n’avait entendu la sonnerie de son téléphone portable dans la cuisine toute proche.
Il se leva d’un bond. C’était Jenny !
- Allô, mon Amour !
- Ca y est, je suis arrivée à Kergrist. Je te téléphone de la place de l’église. Je suis un peu perdue. Personne pour me renseigner comment aller au moulin. J’ai hâte de te retrouver mon Amour !
- Ecoute, Jenny, devant toi, tu dois avoir un panneau qui indique “ Trémargat ”
- Oui, je le vois !
- Tu roules dans cette direction. Moi, je prends la voiture tout de suite, et quand on va se rencontrer, je ferai demi-tour et tu me suivras, car c’est assez compliqué pour t’expliquer comme ça. A tout de suite, mon Cœur !
Thierry prit juste le temps de chausser une paire de tennis et sauta dans son auto qui partit en fanfare.
Quand il eut quitté le chemin caillouteux qui desservait le moulin, il se retrouva sur la route goudronnée où, à vrai dire, on avait autant de chance de rencontrer le tracteur ou la bétaillère d’un agriculteur qu’une automobile.
Il avait du mal à maîtriser sa fébrilité. Dans quelques instants, il étreindrait sa“ vraie petite Française ”, comme il ne cessait de la taquiner. Tout à son émotion, il voyait à peine le paysage pourtant merveilleux qui l’entourait. La route serpentait doucement au milieu des bois de hêtres, de chênes et de sapins qui mêlaient les nuances de leurs vertes frondaisons. Et puis, çà et là, accrochés au talus, d’énormes rochers de granit rappelaient qu’on était en terre d’Armorique.
Soudain, après le virage, au bout de la petite ligne droite, il vit une voiture blanche. Oui, c’était elle, c’était la voiture de Jenny ! Mais que fait-elle ? Pourquoi ? Pourquoi ? ? Dans un éclair, il croise le regard étonné de Jenny. Le choc est terrifiant. Le pare-brise vole en éclat et l’aveugle. Il a encore le temps de penser : “ maudits Anglais, ils ne comprendront jamais qu’en France, on roule à droite ! … ”
Tout tourne autour de lui. Il a du sang plein la bouche. Péniblement il parvient à s’extirper du véhicule. Il est là, debout, hébété. Il entend son cœur battre dans ses oreilles. Il a l’impression que sa tête va éclater.
Jenny, où est Jenny ? A une vingtaine de mètres il voit la voiture couchée dans le fossé, des volutes de fumée sortent du capot ouvert par le choc. Il veut se précipiter, mais ses jambes le supportent à peine. En titubant comme un homme ivre, il parvient jusqu’à la voiture.
Jenny est là sanglée dans la ceinture de sécurité. A demi-inconsciente, elle a le regard vitreux et semble vouloir lui dire quelque chose qu’il ne comprend pas. Il a un curieux crépitement qui sort du moteur. Une odeur d’huile chaude et d’essence l’entoure. Et cette maudite portière qui ne veut pas s’ouvrir !…
« Jenny ! Jenny ! je vais te sortir de là !… »
Et soudain c’est l’explosion ! Thierry est projeté plusieurs mètres en arrière. Pendant quelques secondes, il s’évanouie. Quand il reprend conscience, il voit les flammes qui enveloppent le véhicule et s’élèvent en tournoyant. Le souffle brûlant fait frémir les arbres alentour. A travers les flammes, il aperçoit une silhouette figée, les bras tendus, suppliants, qui s’incline doucement et disparaît dans le brasier.
Sur une petite route bretonne, un homme agenouillé pleure à longs sanglots devant une automobile qui se consume, tel un bûcher en expiation dont on ne sait trop quelle hérésie...
Poèmes
modifierA LA SAINT MEDARD
modifierLe jour de la Saint Médard, Le jour de la Saint Médard,
J'ai fumé un pétard. J'ai fumé un pétard.
Faut dire qu'il pleuvait dru, Le bon Saint Barnabé,
Mon lit était en crue, M'a laissé m'embourber.
Et débordait de pleurs : J'ai pensé au suicide,
Les larmes de mon cœur. Tellement j'étais humide.
Elle m'avait quitté, Je hais tous les proverbes.
Sans même acquitter Vaut mieux fumer de l'herbe.
Du loyer la facture. Au moins, ça rend joyeux,
Partie sans signature, On voit l'avenir radieux.
L'infâme, la traîtresse, Du stress, y'en a point
Que j'appelais maîtresse. Lorsqu'on se roule un joint.
J'en reste là mes frères,
Maudite soit la putain,
Qui, malgré mes prières,
Est partie ce matin.
Revenez vite les potes,
Pour chasser mon cafard.
On va faire une belote,
Et fumer un pétard !
ACROSTICHE (en souvenir d’un voyage aux Pays-Bas)
modifierJe n’oublierai pas Amsterdam
Et ses canaux et ses clochers
Tes yeux, tes seins aussi, Madame,
Auxquels je me suis abouché.
Il ne reste que la fumée
Mégot éteint, joint consumé
Et un oreiller déplumé.
BESTIAIRE
modifierUne poule sur un mur
Qui picore du pain dur
Un canard trop bavard
Qui arrive toujours en retard
Un cochon maigrichon
Bête comme un cornichon
Un lapin dans son bain
En costume d’Arlequin
Un dindon sur un pont
Qui dit rien, ça en dit long
La pintade, camarade
Finira en grillade
Madame l’Oie, quelques fois
A vraiment très mal au foie
Mais l’ivrogne n’en a cure
Il picole sa mixture
Pas besoin de discours
Pour nommer la basse-cour
Picoli, picola
Vide son verre
Et puis s’en va…
HAINE DE LA POESIE
Poésie, je te hais !
Tes hémistiches, tes acrostiches, je m’en fiche !
Il manque un pied à mon alexandrin ?
Tiens, prends le au bas des reins !
Ah ! Que ma vie était belle,
Avant d’être rongée par le vers.
Pas régulière ma villanelle ?
Je vous trouve bien sévère
Et pour tout dire, ça m’est égal
Comme la guerre l’était au dormeur du val.
Poésie, je te hais !
Mais, que t’ai-je fait, Grand Dieu ?
Rien ne trouve grâce à tes yeux.,
Mes sonnets sont laids,
Mes rondeaux sonnent faux.
Mes lais auraient fait la désespérance
De la bonne Marie de France.
Trop, c’est trop !
Poésie, vade retro !
Poète, prends ta lyre
C’est l’arme absolue pour les séduire
Disait mon oncle Rodéric
Qui connaissait si bien la musique
Et pourtant …
Je lui parlais d’amour au long de mes poèmes,
De matins lumineux, de parfums d’ambroisie.
Elle est partie au loin, malgré tous mes “ je t’aime ”
C’est pourquoi, je te hais, perfide poésie.
JE NE VEUX PAS ETRE POETE
modifierJe ne veux pas être poète
Cela me crée trop de devoirs
De vous parler des amourettes
De Jeanneton est dérisoire
Au diable toutes les contraintes
Un pied de trop d’alexandrin
Me fait naître l’envie non feinte
De vous le mettre au bas des reins !
Je n’ai que faire de l’hémistiche
Ne me donnez surtout pas tort
D’une seule moitié je me fiche
Ce que je veux c’est tout son corps
Sous la menace de la rime
Mon écrit n’a plus libre cours
Il me paraît illégitime
De mettre en cage mon discours
Si la poésie nous délivre
Adressez vos œuvres aux prisons
Poste restante ou faire suivre
Multipliez les évasions !
Je suis trop bien dans ma paresse
Et j’aime le Dormeur du Val
Qui, pour qu’en paix on le laisse
S’offrit un somme pour deux balles
Ne me traitez pas de cynique
Je suis ému comme Rimbaud
Lorsque le soldat héroïque
Se repose près du ruisseau
Je ne veux pas être poète
Ou bien, je le dis tout de go
Dussé-je avoir la grosse tête
Appelez moi, Victor Hugo !
JE SUIS TOMBE DANS LA MARMITE
modifierJe suis tombé dans la marmite,
Losque j'étais petit enfant.
Depuis ce jour, un rien m'agite,
On dit mon cas désesperant.
Il bouillonnait une mixture
Qui débordait du récipient.
On y voyait rime et césure,
Et beaucoup d'autres ingrédients.
La recette, signée Malherbe,
Avait Boileau comme parrain.
Le vieux chaudron était superbe,
Tout ciselé d'alexandrins.
J'ai attrapé la maladie
Qui se propage par les pieds.
On l'appelle la prosodie,
Cela se soigne à l'encrier.
Lentement j'y baigne ma plume
Pour que vivent d'étranges mots,
Nés du matin et de la brume,
Sur l'onde ou dans les rameaux.
Je vois des fleurs dans les étoiles.
Le Petit Prince est mon ami,
Et quand l'horizon se dévoile,
Je me retrouve à Miami.
Mais bon sang ! Où as-tu la tête ?
Me reprochait l'instituteur.
Il ne savait pas qu'un poète
Est en récré bien avant l'heure.
Pour me punir, cet imbécile,
Me faisait réciter Nerval.
Devant cette sanction débile,
Mon bonheur était sans égal !
La potion m'a rendu lubrique.
(Elle avait un goût de pêché.)
Ma poésie est érotique,
Je ne peux plus m'en empêcher.
Je suis tombé dans la marmite.
Son effet reste permanent.
Tu le sais, ma douce Brigitte,
Car ce poète est ton amant !
LA DAME BLANCHE
modifierQue me veux-tu Dame blanche ?
Pour venir visiter mon sommeil
Ton suaire qui frissonne à la brise
A fait entrer le froid dans ma chambre
Que me veux-tu Dame blanche ?
Tu est là, muette, impassible
Aucun sourire sur ta face blême
Juste un regard douloureux comme un Christ
Et dans tes yeux, comme un reproche
Que me veux-tu Dame blanche ?
Tu dois partir maintenant
Tu vas réveiller ma compagne
Elle m’a donné deux beaux enfants
Ils dorment aussi, ce sont des anges
Que me veux-tu Dame blanche, que me veux-tu ?
Tu t’en vas Dame blanche, tu t’en vas…
Hé ! Dame blanche, Dame blanche !
Tu as laissé tomber quelque chose
Tiens ton anneau, tu as perdu ton anneau
Une bague en or, une bague de fiançailles
Comme celle que j’avais offert à une femme
Quand j’étais jeune, fou, infidèle…
Que me voulais-tu Dame blanche ?
Que me voulais-tu ?…
LA FRATERNITE D’ABRAHAM
modifierSi vous me dîtes :Haine !
Je vous réponds :Amour !
Pour mieux briser les chaînes
Arrêtons d’être sourds.
Je veux refaire le monde
Et vous a mes côtes
Tuer la bête immonde
Au cri de liberté !
Musulman ,ô mon frère
Et toi Juif mon cousin,
Faisons notre prière
En nous tenant la main.
Pour que règne la paix,
L’amour, la tolérance,
L’entraide et le respect .
Arrêtons la violence !
Nous sommes du même sang .
Le Dieu qui nous contemple
Nous aime tous autant.
Eglise, Mosquée ou Temple,
Qu’importe le sanctuaire
Pourvu qu’il soit sans armes
Et qu’aux doux yeux des mères
Ne coulent plus les larmes.
Je préfère le berceau
Où sourit un enfant
Que le sombre tombeau
Où vagit le néant
Nous sommes fils d’Abraham
Nous n’avons qu’une seule terre
Ensemble hommes et femmes,
Crions : A bas la guerre !
La paix est à construire
Pour tout éternité
Un seul mot nous inspire
Fraternité, Fraternité !
LA LECON DE POESIE (En hommage à Pierre Perret)
modifierPoésie,
Poil au zizi !
Allons Jean-Jean, sois sérieux,
Disait la vielle institutrice,
Tu m'as habitué à mieux,
Enlève-moi cet appendice.
La rime doit être riche,
Et le nombre de pieds exact.
Ne me dis pas que tu t'en fiches,
Par pitié, aies un peu de tact.
Ô douce Poésie,
Au parfum d'ambroisie…
Il y a déjà du progrès,
Mais ce n'est qu'un hémistiche.
L'alexandrin tel est le vrai,
Voilà où le talent se niche.
Si tu veux devenir Malherbe,
Baudelaire ou bien Rimbaud,
Arrête de fumer de l'herbe,
Apprends le sonnet, le rondeau…
C'est grâce a toi Poésie que je peux vivre
Ouvre pour moi, de l'Amour le merveilleux livre.
Il y a un réel effort,
Mais la césure est mal placée.
Il te faut travailler encore.
Tous les mots doivent s'enlacer.
Le vers doit être beau et fluide
Comme une vague de langueur,
Qui s'étale douce et limpide,
Sur le rivage de nos cœurs.
Madame, sauf votre respect,
J'en ai marre de la prosodie.
En un mot, fichez-moi la paix,
J'ai comme une humeur de bandit !
Pour l'éloquence, je préfère
Mille fois Gavroche à Boileau.
Mes idoles sont Jacques Prévert,
Pierre Perret, Raymond Queneau…
A propos, savez-vous ce qu'elle vous dit,
Zazie ?…
Poésie,
Poil au zizi !
G.L. Janvier 2000
LA NUIT DU POETE
modifierLa nuit quand tout est endormi
Le poète sort de son sommeil
Telle Jehanne à Domrémy
Des voix le mettent en éveil
Il part cueillir des paroles
Qu’il baigne dans l’encre bleue
Pour que les enfants à l’école
Chantent le soleil quand il pleut
Le poète n’est plus au monde
Il se promène au firmament
Prend les rimes qu’il féconde
Comme le ferait un fol amant
Accroché au croissant de lune
Il interpelle les planètes
Pour leur conter sa fortune
D’amoureux de midinettes
Le Petit Prince il rencontre
Pour lui dessiner un chat gris
Il voudrait bien qu’on lui montre
Monsieur de Saint-Exupéry
Il part alors en Amérique
Seul sur la Sancta Maria
Pour voir un monde féérique
Où se plaisent les parias
Sur le bras de la LIBERTE
Il écrit le nom d’Eluard
Puis il célèbre avec fierté
Le sacrifice des Communards
Enfin quand la nuit s’achève
Quand l’horizon s’embrase d’or
Finit aussi le temps du rêve
Apaisé, le poète s’endort.
LAI DES REGRETS
modifierEmbruns à Penmarc’h
Soleil à Dinard
Bonheur !
Là, sur le rempart
Flotte l’étendard
Des fleurs.
Je prends ma guitare
Mais il se fait tard
Pour l’heure.
C’est quand même bizarre
Ce qui se prépare
Mon cœur.
Dans tes yeux hagards
Mon amour s’égare
Et pleure.
Finie la fanfare
C’est l’amour qui part
Malheur !
LE NAUFRAGE
modifierSuis parti en croisière Je faisais tout pour elle,
Sur le beau Titanic. Supportais ses fardeaux,
Mon Dieu ! que j’étais fier Vidais mon escarcelle,
Avec ma p’tite Annick ! La couvrais de cadeaux.
C’était une Bretonne C’était mon seul amour,
Native de Molène, J’étais son proprio,
Un regard de madone Elle m’a joué un sale tour
Qui soulageait ma peine. Avec Di Caprio.
C’était pas un iceberg, Ah ! Satanée ordure
Le lit m’en est témoin, Au regard bleu d’acier,
Pour hisser la grand’vergue Attends, je te le jure,
Elle était très au point. Tu vas me le payer !
Neptune m’a bien compris,
Qui fit tout exploser.
Finies les minauderies
De ces deux névrosés.
Leur amour fit naufrage
Et le navire avec.
C’est un beau sarcophage
Pour Annick et son mec.
Je peux leur dire : Amen !
Car moi j’ai survécu.
Voilà où çà nous mène
Ces histoires de cul !
LES SAISONS DE L'AMOUR
modifierParce que souriait un bonhomme de neige,
Parce que je t'aimais au plus froid de l'hiver,
Les flocons ont volé en un joyeux manège,
Un tapis virginal à nos pas s'est offert.
Parce qu'un rossignol a chanté sur la branche,
Parce que je t'aimais au plus doux du printemps,
Ma semence a jaillit dessus ta robe blanche,
Faisant naître des fleurs en bouquets éclatants.
Parce que l'or des blés flamboyait dans la plaine,
Parce que je t'aimais au plus chaud de l'été,
Une brise embaumée a soufflé son haleine,
Pour apaiser ton corps de désir exalté.
Parce que j'ai vu fuir la véloce hirondelle,
Parce que tout se meurt à l'automne infécond,
Les nuages ont plongé à travers la tonnelle,
La glycine a jauni sur le bord du balcon.
De l'insolent bonheur à l'amère tristesse,
Ainsi passe l'Amour au cycle des saisons.
Il n'est d'enchantement qui quelque jour ne cesse,
Les chants les plus joyeux deviennent oraisons.
LETTRE A MON ENNEMI
modifierVous connaîtrez bientôt les plus profonds tourments
Je vous prie d’agréer mes meilleurs sentiments.
J’avais une femme charmante.
Et vous, ignoble séducteur,
Vous avez fait ce qui me hante :
Détruit un paisible bonheur.
Par quel sinistre sortilège
Est-elle tombée entre vos bras ?
Ma colombe, ma blanche neige,
Mon diamant à cent carats.
Vous ne valez pas plus qu’un vieux tas d’excréments.
Je vous prie d’agréer mes meilleurs sentiments.
Ma jalousie est légitime,
Je dirai plus : c’est un devoir.
La juste fureur qui m’anime
Vous plongera dans un trou noir.
Déjà ma lame se dégaine,
Elle transpercera votre cœur.
De vengeance mon âme est pleine.
Votre mort me rendra l’honneur !
Je suis un vrai dévot pour les enterrements.
Je vous prie d’agréer mes meilleurs sentiments.
Ah ! que revienne mon aimée !
Elle peut croire en mon pardon,
Victime faible et désarmée,
Face à vos airs de Cupidon.
Nous referons les épousailles
Sur votre cadavre pourri,
J’irai au bout des représailles
Quand votre sang sera tari
Pensez à demander les derniers sacrements.
Je vous prie d’agréer mes meilleurs châtiments.
MENHIRS LIBERES
modifierNous les Bretons, on a des chapeaux ronds,
Mais on n’est pas des cons !
Faut pas nous la faire,
Dans nos landes, une prison,
Un mirador, un belvédère
Qui déchirent l’horizon.
Au pays de Carnac,
On n’est pas des Kanaks !
Autour de nos menhirs,
Oser mettre une clôture !…
Les Korrigans, il va sans dire,
N’ont pas supporté l’injure.
Ah ! Le bel incendie
Qu’à tout ça ils ont mis !
Au pays de Carnac,
On n’est pas des Kanaks !
Technocrates, repartez vite
Dans vos bureaux parisiens,
Laissez donc nos mégalithes
On ne vous demande rien.
Le feu qui prit à votre insu
Pourrait bien vous chauffer le cul !
Au pays de Carnac,
On n’est pas des Kanaks !
Vive la Bretagne éternelle !
Son cidre doux, son hydromel,
Ses dolmens, ses menhirs phalliques
Qui font rêver Marie-Annick.
Bravo pour le coup d’Carnac
Qui vaut bien celui d’Jarnac.
Car, nous les Bretons, on a des chapeaux ronds,
Mais on n’est pas des cons !
ŒIL POUR OEIL
(Villanelle)
Souviens-toi, femme frivole,
Des larmes de ton amant,
Pour un amour qui s’envole.
Oubliées sont les paroles
Et les plus jolis moments
Souviens-toi, femme frivole.
Mes souvenirs caracolent
De promesses en serments,
Pour un amour qui s’envole.
De t’aimer, j’étais bien fol,
Et aveugle, assurément,
Souviens-toi, femme frivole.
Point ne souhaite d’auréole,
Mais pur, j’étais, naïvement
Pour un amour qui s’envole.
J’entends une farandole,
Qui m’invite joyeusement,
Souviens-toi, femme frivole.
Une autre me console,
Qui m’offre son diamant,
Souviens-toi, femme frivole.
Pour un amour qui s’envole !
REMORDS
modifierDe la pluie ! Qui veut de la pluie ?
Clamait le moutonnant nuage
Ecoutez bien ce qui s’ensuit
Cela apprend à être sage.
« Hors d’ici nuage sombre
Permet que brille le soleil
Point n’ait besoin de ton ombre
Pour faire mûrir mes fruits vermeils
De l’eau, j’en ai à la fontaine
Pour mes légumes, un arrosoir
Suffit déjà pour leur aubaine
Il n’ont que faire de trop boire. »
Satisfait de son éloquence
Ainsi parlait un paysan
Avant d’entrer en somnolence
Adieu, nuage malfaisant !
Las ! le soleil assez perfide
Mit le feu à l’exploitation
Bois surchauffé, paille aride
Facilitèrent la combustion.
« Reviens nuage, pluie salvatrice.
J’ai fauté, je suis grand pêcheur
J’ai tant besoin de ton service
Eteins ce feu si destructeur.
Dans la rougeur de l’incendie
L’homme maudissait le ciel bleu
Pleurant face à la tragédie
Que le temps est beau quand il pleut !
N’insultez jamais la nature
Le mal est nécessaire au bien
Le nier inflige des blessures
Dont un paysan se souvient.
RHAPSODIE IN SHIT
modifierAu programme Amsterdam Vite du hasch Ou j’me fâche Hasch is shit Isn’t it ? Je m’en fous J’veux être fou Ah ! Volutes Filles de putes La fumée Exhumée De la forge De ma gorge Me transporte Sans escorte Où pardi ? Au paradis ! La jouissance Me balance Dans une île Loin des villes Ma tête éclate Comme Patate Dans le four De l’amour Ma cervelle Etincelle Sur le mur Sang impur Graffitis Confettis... Je délire Ah ! Mourir ! Pour inceul Juste une feuille De cigarette Ce s’ra chouette Merci Hasch Pour ton flash Tchao ! Shit Faut qu’on s’quitte
SAINT-MARC SUR MER
modifierFalaises de genêts décorées
Dans les criques où l’on vit nu
Sur l’estuaire aux plages dorées
Saint-Marc vous dit : “ Bienvenue ! ”
L’Océan épouse la Loire
Et vient caresser tes rochers,
Qui nous racontent l’histoire
Des korrigans, nains débauchés,
Salués par les goëlands,
Les bateaux déploient leurs voiles,
Et jouent avec les cerfs-volants
Qui veulent atteindre les étoiles.
Si ton granit paraît sévère,
Ton sable est doux aux amants
Sous la frondaison des chênes verts
Ils s’enlacent amoureusement.
Ton église aux cloches joyeuses,
Rythme la vie du citadin
Quand, de l’aurore brumeuse
Renaît la lumière du matin.
Tes maisons aux toits ardoisés
Tes balcons d’où tombent les fleurs
Tes sentiers, tes vallons boisés,
Tout ici invite au bonheur.
On y voit d’étranges choses
Ainsi, un jour, au fil de l’eau,
J’ai vu passer près d’une rose,
La pipe de monsieur Hulot.
Ne le répétez à personne
C’est le bon Dieu qui me l’a dit,
Il se peut que ça vous étonne,
C’est à Saint-Marc le Paradis.
A RENE GUY CADOU
modifierL’enfant de la Brière, à l’abri du roseau
Pense à sa cour d’école, au bourg de Sainte Reine
A l’offrande sublime des mains tendues d’Hélène
Vers la chute légère d’une plume d’oiseau.
Le chien à ses genoux y pose son museau
Le lapin effronté trotte dans la garenne
Ainsi descend le soir sur la lande sereine
Dans le roucoulement d’un limoneux ruisseau
Mais la mort n’attend pas, elle hait la jeunesse
Jalouse son talent et ses rimes d’ivresse
Une voix s’est éteinte en la nuit du printemps
Ô René Guy Cadou, ton chant en moi résonne
Pour que tu vives encore, je crie à tout instant
Le Règne Végétal ne meurt pas à l’automne !