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Blondel oppose deux thèses qui sont artificiellement poussées à bout pour poser la question du rapport entre le dogme et l'histoire, l'extrincécisme et l'historicisme. La position de Blondel est résumée et contextualisée par Pierre Colin dans L'Audace et le soupçon : La Crise du modernisme dans le catholicisme français '1893-1914), Paris, DDB, 1997., p. 403-411.

Les deux impasses de l' extrincésisme et de l'hisoriocisme modifier

L'extrincésisme ne cherche dans les Écritures que les « majeures[1]» des thèses théologiques. En somme l'extrincésisme qui est en réalité la tendance dominante de la théologie catholique est indifférent à l'histoire. C'est poussé à bout la thèse scolastique ou dogmatique des théologiens.

Au contraire l'historicisme est au plus haut point soucieux de l'histoire. Blondel décrit ici une position abstraite un idéal-type, mais qui est inspiré par les écrits d'Alfred Loisy. L'historicisme s'intéresse de près aux faits rapportés par les évangiles. L'historicisme considère que l'historien comme tel ne doit pas prendre en compte les réalités surnaturelles sauf à travers la foi des évangélistes. Blondel ne conteste pas ce principe mais la manière dont Loisy à son estime le fait jouer, car il sépare dans les évangiles ce qui relève du témoignage historique et ce qui relève de la foi[2].. Le témoignage historique est selon Loisy absent de l'évangile de Jean et dans les synoptiques il ne se trouve que dans une « couche primitive du texte[3] ». À partir de là on peut construire un portrait de Jésus fidèle à ce qu'en ont perçu ses disciples.

Ceci est un présupposé selon lequel l'histoire/science a seule compétence pour dire le tout de l'histoire/réalité, puisque, pour Loisy, c'est ce témoignage qui permet seul de dire ce que Jésus a été réellement. L'historicisme exclut en outre toute compréhension rétrospective de ce qu'a été Jésus, comme, par exemple, ce que les disciples ont pu comprendre de lui à partir de la foi née en eux qu'il était ressuscité[4].

Mais la raison pour laquelle l'historicisme l'exclut, c'est parce qu'il pense qu'il serait possible de saisir les faits en eux-mêmes indépendamment de toute « compréhension interprétative » : « On réduit la vie de Jésus à un ensemble de données saisissables par un regard fonctionnant comme un pur appareil enregistreur[5].. » Ces données s'organisent autour du thème de Jésus comme Messie, mais sans qu'on ne se pose la question de ce que cela signifie d'une part pour Jésus, et, d'autre part pour ses auditeurs. C'est se limiter à ce que Dilthey selon Colin appellerait « expliquer ». Un « expliquer » qui s'interdit d'aborder la réalité d'une vie humaine avec le complément de ce que Dilthey appelle le « comprendre ».

Du premier étage où est le dogme, les extrincésistes laissent tomber une échelle de corde semblant aller du fait aux dogmes alors qu'en réalité elle descend des dogmes à l'histoire y puisant seulement une étiquette pour les justifier. Alors que du côté des historicistes, on imagine que l'on pourra monter du rez-de-chaussée au premier étage grâce à un escalier. Mais on y a amassé tant de faits historiques qu'il n'y a plus le moindre espace pour monter. Le lien entre l'histoire et les dogmes est coupé dans les deux thèses extrêmes[6].

La solution de la Tradition modifier

Pour Blondel, les témoignages consignés dans les évangiles ne sont qu'un extrait d'une expérience plus large. La Tradition autrefois se comprenait comme ce qui complète cet extrait par une transmission du même ordre que ce qui a été consigné par écrit. Mais pourquoi ne pas alors l'avoir consigné par écrit? Il faut, selon Blondel, se faire une autre conception de la Tradition : « Elle n'a rien à innover, parce qu'elle possède son Dieu et son tout ; mais elle a sans cesse à nous apprendre du nouveau, parce qu'elle fait passer quelque chose de l'implicite vécu à l'explicite connu[7]. »

Ceci s'éclaire à partir de la philosophie de l'action. Il y a (1) priorité de la pratique (ici la foi vécue de l'Église). Puis il y a (2) la production de ce qui éclaire cette pratique, la superstructure intellectuelle (articles de foi, concepts théologiques, dogmes) et enfin (3), le retour de cette superstructure à la pratique qu'elles informent. Une théologie trop intellectualiste ne voit pas ce lien entre cette superstructure intellectuelle et la vie de la foi qui prend appui sur elle[8].

Mais, pour Blondel, la foi se vit dans l'action et si l'action se vit, il lui est essentiel de dire ce qui la porte et l'inspire. La parole porte l'expérience vécue qu'elle interprète, comme elle interprète le texte biblique. Le discours de la foi ne s'épuise jamais car il y a toujours un vécu de celui-ci qui le déborde . Ce processus existe depuis les origines chrétiennes avec des communautés disposant d'un savoir narratif du Christ mais déjà aussi d'une pratique qui se rattache à lui.

Le passage de l'implicite vécu à l'explicite connu se réalise par la médiation de la vie collective de la communauté chrétienne, le « travail lent et progressif alimenté par la foi et par la pratiquez de tous[9]. » Le fidèle seul n'arriverait jamais à déchiffrer ce que Dieru lui dit dans la Bible et son âme. il a besoin de l'Église, du Magistère, « garantie supérieure et véritablement surnaturelle de la fid&élité ed el tradition au sens de la parole de Dieu[10]. » Mais l'Église ne serait pas totalement en vie si chaque fidèle ne lui apportait sa contribution et le Magistère trouve son fondement naturel dans le « concours des forces de chaque chrétien et de toute la chrétienté[11]. »

  1. Pierre Colin, op. cit., p. 406.
  2. Pierre Colin, op. cit., p. 407.
  3. Pierre Colin, op. cit., p. 407.
  4. Pierre Colin, op. cit., p. 408.
  5. Pierre Colin, op. cit., p. 408.
  6. Maurice Blondel, Histoire et dogme dans La Quinzaine (1904), p.372.
  7. Maurice Blondel, Histoire et dogme : Les Lacunes philosophiques de l'exégèse moderne, cité par P.Colin, op. cit., p. 409-410.
  8. P.Colin, op. cit., p.410
  9. Maurilio Guasco, Le Modernisme : Les Faits, les ides, les hommes, DDB, Paris, 2007, p. 130.
  10. M. Guasco, op. cit., p. 30
  11. M.Guasco, op. cit., p. 130.