Utilisateur:Tane74/Brouillon


Modèle MLn

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Les modèles communément appelés MLn impliquent la présence d’espèces catalytiques qui associent un métal à plusieurs ligands : 2 ligands = modèle ML2, 3 ligands modèle ML3, etc. Dès que l’on associera deux ligands (ou plus) sur un même métal, plusieurs diastéréomères sont possibles. Toutes ces espèces peuvent avoir une concentration et une réactivité différente et donc induire des perturbations. Ces modèles prennent en compte la cinétique de la réaction. Ces modèles s'appliquent également lorsque l'on a des oligomères : dimère (ML)2, trimère (ML)3, etc.

Modèle ML2

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Description du modèle
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Le cas le plus simple serait l'assemblage de deux ligands chiraux avec un métal pour former un complexe, ce qui donne le modèle ML2. Dans un tel système, trois stéréoisomères sont possibles comme le montre la figure 5. Deux complexes homochiraux (MLRLR et MLSLS, qui donneront les produits avec les excès énantiomériques ee2 et -ee2, respectivement) et un complexe hétérochiral (MLRLS) qui donnera le produit racémique (ee = 0%). Le produit de la catalyse est de ce fait obtenu à partir des trois catalyseurs en équilibre et qui fonctionnent simultanément. Par conséquent, l'excès énantiomérique du produit (eeP) dépendra de (i) l’ee du ligand (eeL), (ii) de la réactivité relative g, avec k2 et k2' étant les constantes cinétiques correspondantes et de (iii) la concentration relative en catalyseur β (avec [RR], [SS] et [RS] définit comme les concentrations individuelles des espèces MLRLR, MLSLS et MLRLS. K est la constante d'équilibre entre les espèces homochirales et hétérochirales.

Figure 5. Schéma général pour le modèle ML2 qui permet de simuler les courbes eeP = f(eeL). L'eeP global dépendra de l'ee du ligand (eeL), de l'énantiosélectivité du dimère homochiral (ee2), des quantités relatives des catalyseurs présents ([RR], [SS] et [RS], exprimées par la constante d'équilibre K et de leur réactivité relative g.

En prenant en compte tous ces paramètres, il est possible de relier eeP à eeL :



avec

Interprétation des résultats mathématiques du modèle ML2
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  • Si β = 0, aucun complexe hétérochiral (MLRLS) n'est présent ; l'équation ML2 se simplifie. Idem si g = 1, les complexes auront la même réactivité. Par conséquent, dans ces deux cas, les propriétés additives simples devraient s'appliquer pour établir une relation linéaire entre l'énantiosélectivité du produit et l'énantiopureté du ligand chiral.
  • Si l'on a une distribution statistique des trois espèces chirales, alors la constante d'équilibre sera égale à 4. La figure 6 décrit des simulations de courbes à différentes valeurs de g. Si g = 0 (c'est-à-dire que l'espèce hétérochirale n'est pas active), un effet (+)-NLE est observé. Si g > 1 alors l'espèce hétérochirale est plus active que l'espèce homochirale, un effet (-)-NLE est observé.
Figure 6. Modélisation de courbes pour le modèle ML2 avec K = 4 (c'est-à-dire une distribution égale des trois espèces) et pour différentes valeurs de g (0, 0,01, 0,1, 0,33, 1, 3, 10 et 100).
  • Une situation devient intéressante lorsque la constante K est élevée, autrement dit lorsqu'il y a une prédominance du composé hétérochiral (ou composé méso). La figure 7 représente des exemples à différentes valeurs de g pour K = 2500. Si g = 0 (c'est-à-dire que l'espèce hétérochirale n'est pas active), l'effet non linéaire positif devient extrêmement important . Inversement, si g est grand (par exemple g = 100), l'espèce hétérochirale prédomine et comme elle génère le produit sous sa forme racémique, une forte déplétion est observée (effet non linéaire négatif).
Figure 7. Modélisation de courbes pour le modèle ML2 avec K = 2500 et pour différentes valeurs de g (0, 0,01, 0,1, 0,33, 1, 3, 10 et 100).

Modèle ML3

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Figure 8. Description générale du modèle ML3.
Description du modèle
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Sur le même schéma, le modèle peut être étendu à des systèmes plus complexes, par exemple lorsqu'un complexe métallique avec 3 ligands donnant une espèce de type ML3 est formé, ou une espèce trimérique (ML)3. Dans le cas ML3, quatre espèces sont possibles : (MLRLRLR), (MLSLSLS), (MLRLRLS) et (MLSLSLR) (Figure 8). Comme dans le modèle ML2, il y a coexistence d'une espèce homochirale et d'une espèce hétérochirale. mais avec une différence majeure: l'espèce hétérochirale n'est pas méso et va donc générer un produit de réaction qui ne sera pas racémique. Il s'agit de ce fait d'une situation où les deux espèces vont générer le produit avec un certain ee, les courbes des effets non linéaires peuvent être très caractéristiques. La forme devient alors indicative d'un mécanisme.

Exemples d'effets non linéaires possibles avec le modèle ML3
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Un exemple intéressant avec le modèle ML3 est décrit sur la figure 9. Si l'espèce hétérochirale est plus réactive que l'espèce homochirale (grande valeur de g avec g = k3'/k3) et qu'elle induit un produit avec une meilleure énantiosélectivité (c'est-à-dire que ee'3 >> ee3) alors, il serait possible d'avoir un catalyseur plus efficace lorsqu'il n'est pas énantiopure. Si l'on prend les courbes de la figure 9, les paramètres ont été fixés à : ee3 = 50% ee et ee'3 = 100% ee donc l'espèce hétérochirale induit une meilleure énantiosélectivité que l'espèce homochirale. Dès que g est significatif, la courbe montre une zone où le catalyseur est plus efficace sous une forme énantiopure.

Afin de nommer ce type d'effet non linéaire, Henri Kagan a proposé le terme d'effet non linéaire hyperpositif.

Figure 9. Exemple de simulation pour le modèle ML3.

Modèle ML4

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Le modèle ML4 a été traité par Henri Kagan, il suit le même schéma que les deux modèles ci-dessus. Des modélisations de ce cas ont donné des courbes caractéristiques.

Exemples expérimentaux d'effets non linéaires et comparaison avec les modèles cinétiques

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Époxydation du géraniol (Réaction de Sharpless)

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Les effets non linéaires de la réaction de Sharpless ont été étudiés avec le géraniol comme substrat par Kagan dès 1986 (Figure 10a). L'effet non linéaire observé est un effet non linéaire positif avec une légère amplification asymétrique comme le montre la figure 10b. En appliquant le modèle de type ML2, il est possible d'avoir une bonne prédiction de la courbe avec les paramètres indiqués sur la figure. Les résultats sont cohérents avec les études menées par Barry Sharpless qui suggéra une espèce dimérique comme espèce active (donc de type (ML)2). La valeur de g dans la simulation est de 0,35 c'est-à-dire que k'2/k2 ≈ 1/3 ce qui suggère que l'espèce dimère (ML)2 homochirale (Figure 10c) est trois plus réactive que l'espèce homochirale.

 
Figure 10. a) la réaction d'époxydation asymétrique de Sharpless avec géraniol comme substrat et le (R,R) diethyltartrate comme ligand chiral. b) Effet non linéaire observé, superposition des résultats expérimentaux et du modèle ML2. c) Structure moléculaire suggérée de l'espèce homochirale.


Réaction d'alkylation asymétrique d'aldéhyde

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La réaction asymétrique du dialkylzinc et du benzaldéhyde en présence du ligand chiral (-)-3-exo-(diméthylamino)isobornéol (nommé DAIB) présente des phénomènes non linéaires inhabituels ayant fait l'objet de nombreuses études mécanistiques. En présence d'une quantité catalytique de DAIB, la réaction du dialkylzinc et d'un aldéhyde aromatique est nettement accélérée pour donner, après hydrolyse, l'alcool correspondant avec une très grande pureté énantiomérique (Figure 11a). L'étude de l'excès énantiomérique du produit en fonction de l'excès énantiomérique du ligand [eeP = f(eeL)] donne un effet non linéaire positif très marqué comme le montre la Figure 11b. Par exemple pour R = Et, un excès énantiomérique de 95% pour le produit est obtenu avec un ligand ayant uniquement 15% d'excès énantiomérique.

 
Figure 11. a) La réaction d'alkylation du benzaldéhyde, catalysée en présence du ligand DAIB. b) Un effet non linéaire positif (+)-NLE est observé avec ZnEt2 ou ZnMe2 comme réactif.

Le mécanisme de la réaction a été étudié par Ryoji Noyori et l'origine de l'effet non linéaire a pu être déterminé. Celui-ci dérive du modèle ML2 de Kagan. Ici, les (+)-NLE proviennent de la formation de dimères homochiraux et hétérochiraux, qui jouent le rôle de réservoir. Contrairement au modèle ML2 de Kagan, la réaction est catalysée par des complexes monomériques tandis que les dimères sont inactifs et en équilibre dynamique avec les monomères. Ici, le NLE est régie purement par les stabilités relatives des espèces dimériques, qui à leur tour modifient le rapport R/S des monomères catalytiquement actifs. Un (+)-NLE se produit lorsque le dimère hétérochiral est plus stable que le dimère homochiral (et inversement). La figure 12 donne un aperçu global du mécanisme.

 
Figure 12. Mécanisme expliquant l'effet non linéaire de la figure 11. L'eeP global est une conséquence du rapport R/S des catalyseurs monomériques actifs (les dimères sont inactifs) qui dépend de l'ee du ligand (eeL), de l'énantiosélectivité du catalyseur et des constantes de dimérisation pour former les dimères. Si l'espèce dimérique hétérochirale est plus stable, alors un effet non linéaire positif sera observé.