Utilisateur:Ps4/Séquence 5/L'homme a ri - Victor Hugo

Séquence 5 La poésie. Poésie et engagement.
L'homme a ri (Les châtiments, III, II) de Victor Hugo
« M. Victor Hugo vient de publier à Bruxelles un livre qui a pour titre : 
Napoléon le petit, et qui renferme les calomnies les plus odieuses contre le prince-président.
« On raconte, qu'un des jours de la semaine dernière, un fonctionnaire apporta ce libelle à Saint-Cloud. 
Lorsque Louis Napoléon le vit, il le prit, l'examina un instant avec le sourire du mépris sur les lèvres ; 
puis, s'adressant aux personnes qui l'entouraient, il dit, en leur montrant le pamphlet : 
"Voyez, messieurs, voici Napoléon-le-petit, par Victor Hugo-le-grand."»

Journaux Elyséens, août 1852.

Ah ! tu finiras bien par hurler, misérable !
Encore tout haletant de ton crime exécrable,
Dans ton triomphe abject, si lugubre et si prompt,
Je t'ai saisi. J'ai mis l'écriteau sur ton front ;
Et maintenant la foule accourt et te bafoue.
Toi, tandis qu'au poteau le châtiment te cloue,
Que le carcan te force à lever le menton,
Tandis que, de ta veste arrachant le bouton,
L'histoire à mes côtés met à nu ton épaule,
Tu dis : je ne sens rien ! et tu nous railles, drôle,
Ton rire sur mon nom gaiement vient écumer ;
Mais je tiens le fer rouge et vois ta chair fumer. 

Analyse

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Le texte qui précède

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  • Ce poème de Victor Hugo est précédé d'un article paru dans un journal du pouvoir. Le poème est donc une réponse directe à cet article. La date symbolique d'août 1852 a été retenue par Hugo. Elle diffère de la date de composition, inscrite à côté.
  • L'article fait allusion à des "calomnies odieuses", il s'agit bien entendu du contenu du pamphlet écrit par Victor Hugo, intitulé "Napoléon le petit".
  • Cependant, Napoléon III semble être au dessus de ces attaques - ce qui se remarque par son "mépris". Celui-ci se permet même un jeu de mots "Victor Hugo-le-grand".

Le titre

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  • Le titre du poème de Victor Hugo est un jeu de mots. Le terme "ri" fait allusion au proverbe "rira bien qui rira le dernier" et annonce dès le titre la riposte amorcée dans ce poème. Napoléon III est désigné par le terme générique "homme" qui le rabaisse au niveau de n'importe qui, de n'importe quel homme.

Début du poème

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  • Le poème commence tout de suite et sans entrée en matière par une interjection "Ah!", qui ouvre un premier vers très violent. Napoléon III y est pris à parti, au travers de l'apostrophe "misérable". L'utilisation du pronom "tu", pronom du mépris, est révélatrice du jugement que porte Victor Hugo au sujet de Napoléon III. L'utilisation du futur indique la certitude de Victor Hugo. Le terme "hurler" laisse présager la suite du poème ; hurler de rage ? de colère ? du châtiment ?
  • Le second et le troisième vers amènent une véritable dénonciation du coup d'Etat et la répression effectués par Napoléon III. La formule "crime excécrable", à mettre en parallèle avec le groupe "triomphe abject" (oxymore) (on remarque l'utilisation du son "ri" en début de chacun de ces deux groupes pour mieux les relier). Le mot "haletant" nous donne l'image d'une bête essouflée par la vitesse des événements.
  • Le rejet du groupe "Je t'ai saisi" porte un formidable accent sur celui-ci, notamment parce qu'il coupe le vers suivant en le faisant commencer après la quatrième syllabe. Le verbe saisir renvoie à l'idée de l'interruption brutale de la course effrénée de Napoléon III.

La description d'un châtiment

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  • (04) : idée de montrer le personage, allusion aux esclaves de l'époque romaine, qui étaient marqués lorsqu'ils fuyaient
  • (05) : opposition très forte entre le "triomphe" du passé et le terme "maintenant", qui insiste sur le fait que la foule est au courant.
  • opposition entre le pronom "je" et l'apostrophe monosyllabique "toi", renforcée par l'anaphore "tandis", "que" et "tandis que", qui martèle les étapes du châtiment.
  • il faut le "clouer" au pilori, et le carcan le "force à" => Ces deux verbes expriment des contraintes.
  • l'idée de dénuder l'épaule du condamné revient à le dépouiller, à montrer ce qu'il est vraiment. L'"histoire" qui vient ici en aide au poète est bien l'histoire du pays, l'histoire réelle, enseignée dans les écoles.
  • La formule "Tu nous railles" est un rappel de l'anecdote qui précède ce texte. L'utilisation du pluriel "nous" désigne tout le monde, le peuple, l'histoire. L'apostrophe de fin de vers "drôle" est un jeu de mots entre le sens "amusant" et le sens "brigand" du Moyen-Âge.
  • Dans le vers suivant, le verbe "écumer" comporte deux idées. A la fois celle d'un animal ayant la rage qui bave, mais aussi l'image de la vague qui s'évanouit sans force sur le rivage. Ce vers est une référence très précise à la réaction de Napoléon III au pamphlet de Victor Hugo. Le rapprochement très net des termes "rire" et "nom" en début de vers indiquent la lutte, le face à face entre les deux hommes.
  • La conjonction "mais" sert de véritable charnière à la phrase. Le verbe "je tiens" souligne le pouvoir de Victor Hugo. Le "fer rouge" auquel il fait allusion est bien entendu son oeuvre, grâce à laquelle il va marquer l'histoire. Napoléon III est montré dans ce vers comme un objet. La fumée qui s'en dégage véhicule à la fois l'idée d'un marquage pour la vie mais aussi que le régine de Napoléon III n'aura pas de suite.

Conclusion

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  • On remarque que Victor Hugo - engagé contre la peine de mort (cf. Les dernières heures d'un condamné) - ne demande pas la mort comme châtiment pour Napoléon III. Ce serait trop doux. Le châtiment qu'il propose est associé à l'idée d'une marque.