Utilisateur:Ps4/Séquence 5/Fable ou histoire - Victor Hugo

Séquence 5 La poésie. Poésie et engagement.
Fable ou histoire (Les châtiments, III, III) de Victor Hugo
01. Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
02. Un singe d'une peau de tigre se vêtit.
03. Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce.
04. Il avait endossé le droit d'être féroce.
05. Il se mit à grincer des dents, criant : « Je suis
06. Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits ! »
07. Il s'embusqua, brigand des bois, dans les épines ;
08. Il entassa l'horreur, le meurtre, les rapines,
09. Egorgea les passants, dévasta la forêt,
10. Fit tout ce qu'avait fait la peau qui le couvrait.
11. Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
12. Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
13. Il s'écriait, poussant d'affreux rugissements :
14. Regardez, ma caverne est pleine d'ossements ;
15. Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
16. Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
17. Les bêtes l'admiraient, et fuyaient à grands pas.
18. Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
19. Déchira cette peau comme on déchire un linge,
20. Mit à nu ce vainqueur, et dit : « Tu n'es qu'un singe ! »
                                      
                  
                              
                                     Victor Hugo, Les Châtiments, 1853

Analyse

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  • poème en alexandrins, rimes plates

Le choix du titre

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  • la "fable" : court récit à visée morale, faisant généralement intervenir des animaux.
    • le premier à écrire des fables : le grec Esope
    • ce texte est un pastiche de La Fontaine. notamment des fables "L'âne vêtu de la peau de lion" et "Le loup devenu berger"
  • l'histoire : terme a deux sens
    • l'histoire au sens du récit qui nous est raconté
    • l'Histoire enseignée dans les écoles, l'histoire réelle du pays

Comparaison avec L'âne vêtu de la peau de lion

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  • âne : animal bête, stupide
  • lion : Roi, noblesse, renvoie une belle image
  • => C'est une fable générale, dont on tire une morale générale, valable pour tous.
  • singe : imitation vicieuse (désigne Napoléon III)
  • tigre : férocité (désigne Napoléon Bonaparte)
  • => Cette fable contient une critique très ciblée.

Analyse du texte

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  • (01) "Un jour" : début typique de fable
  • (01) Insiste sur l'ambition de Napoléon III
  • (03) Construction parallèle, met en relief les similitudes et les différences ; amorce d'un jugement critique.
  • (04) "droit" : Napoléon III croît être investit d'une mission légale.
  • (04) "prendre la peau de" : insiste sur la fausseté du personnage.
  • "féroce" et "atroce", rejetés à la rime, se renforcent mutuellement en se répondant
  • (06) c'est la vantardise, impressionner les autres. "je suis" placé en contre-rejet. Mais en réalité, il ne l'est pas.
  • les termes "roi" et "vainqueur" insistent sur l'ambition du Roi.
  • les termes "nuit" et "halliers" évoquent un monde féroce, un monde de bêtes, lieux de combats d'animaux
  • (07) rythme ternaire, "brigand des bois", au centre, coupe la phrase. "s'embusquer" : fourberie (se cacher pour surprendre)
  • (08) trois termes "horreur", "meurtre", "rapines" => accumulation,être et paraître=faire tomber le masque.
  • Napoléon III commet des "massacres", des vols, il "égorger", "rapide", "dévaster"
  • (10) "fit tout ce qu'avait fait" : verbe "faire" = verbe neutre
    • celui qui agit c'est la peau => périphrase pour désigner le tigre => Napoléon III imite, c'est un imposteur
    • la peau est à la fois un déguisement, mais aussi une couverture au sens moderne du terme
  • (11) "antre" : allusion à son palais. "carnage" : thème récurrent des orgies de ceux qui vivent sur le dos du peuple
  • (12) : illusion du peuple qui y croît
  • (13) : cri de l'animal qui se prend pour le chef. "affreux" désigne le bruit et la peur qui en résulte.
  • (14) : impératif "regardez". "ma caverne est pleine d'ossements". Il se glorifie de ses méfaits et les brandit comme une menace.
  • (15-16) : formule "devant moi" + hyperboles + répétition de "tout" + les verbes reculer, frémir, émigrer, trembler => idée de la peur => Napoléon gouverne par la terreur
  • (16) "admirez-moi" : narcissisme, il veut croire lui-même qu'il est vraiment devenu Napoléon Bonaparte.
  • (17) Ce vers décrit la réaction du peuple. Celui-ci est assimilé à des "bêtes" (au sens animal, mais aussi au sens stupide), ce sont ceux qui y ont cru. C'est une critique de l'attitude couarde, du fait que personne n'ose s'opposer.

=== L'arrivée du belluaire === cela fait de manière implicite référence au poète donc Victor Hugo qui vient dévoiler le vrai visage de cette créature aux "bêtes" c'est à dire au peuple.

  • Cette arrivée se fait sans aucune transition : "Un belluaire vînt." Les belluaires étaient des gladiateurs qui combattaient contre les bêtes au temps
  • Les verbes "vînt", "saisi", "déchira" et "mit à nu", au passé simple, donne l'impression d'une suite d'événements très rapide. Ils rappellent aussi la formule de César "veni, vidi, vici". ("Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu")
  • "saisi" : Napoléon III se croyait supérieur. Le belluaire ose le prendre. Ce qu'il fait très facilement. Le tigre n'était donc pas un tigre !
  • "déchira" : Souligne le côté fragile et superficiel de la peau (comparaison avec du linge).
  • "mit à nu" : Enlever l'apparence extérieure.
  • Les démonstratifs "ce" et "cette" sont ici à prendre avec la valeur latine péjorative du pronom "iste, ista, istud".

« Tu n'es qu'un singe »

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  • Cette formule, dans laquelle la négation restrictive souligne le côté péjoratif, le terme singe revient de nouveau, au sens d'imitateur, d'imposteur vicieux.
  • Le texte se termine sur la parole du poète, prononcée par Victor Hugo lui-même. C'est la morale de la fable.
  • Cette phrase à elle seule symbolise l'oeuvre de Victor Hugo. Le belluaire (Victor Hugo) a utilisé sa parole pour démonter le personnage de Napoléon III.
  • On remarque ici une croyance très forte de la part de l'auteur en le rôle du poète, et de la poésie.