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Le lesbianisme radical français

Le lesbianisme n'est pas réductible à l'homosexualité féminine. Il est traversé par plusieurs courants politiques. On parle alors de lesbianisme politique et de lesbiennes politiques. Ainsi, on parlera de lesbiennes féministes, de lesbiennes radicales, de lesbiennes séparatistes, de lesbiennes gayistes, pour ne citer que les courants les plus connus.

Les origines de la pensée lesbienne radicale modifier

Le féminisme radical des années 1970 modifier

Une partie du MLF se réclame d’un « féminisme radical », coupant à la racine l’idéologie naturaliste et son idée de « La Femme ». Dans une société non patriarcale, les individus se rencontreront sur le fondement de leur singularité. Il ne s’agit pas de revendiquer le droit à la différence (qui conduit à l’oppression) mais le droit à l’autonomie.

Le féminisme radical des années 1970 refuse toute ingérence des groupes politiques existant dans sa problématique, il considère que les femmes appartiennent à une même classe sociale victime d’une dynamique oppressive, la classe des femmes. La classe des hommes étant la classe des oppresseurs.

Monique Wittig (1935-2003) et "La Pensée straight : une avancée encore plus radicale modifier

Cet article a d'abord fait l'objet d'une communication en anglais dédiée aux lesbiennes américaines à New York en 1978.

Cet article est paru en français initialement dans Questions féministes n°7, revue des féministes radicales, en 1980.

Monique Wittig cite parmi ses principales inspiratrices : Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Paola Tabet, Christine Delphy... qui ont défini et théorisé le féminisme matérialiste

"La pensée straight", paru dans QF en 1980

Monique Wittig souligne l'importance qu'a pris l'étude du langage. Elle parle ensuite du langage symbolique qui fonctionne à partir de très peu d'éléments. Elle ironise sur le fait que l'inconscient est censé se structurer quasi automatiquement à partir des symboles du langage symbolique : castration, œdipe, mort du père, échange des femmes. Elle constate que seuls des spécialistes sont en droit de déchiffrer l'inconscient et que les langages interprétant ses symboles sont extrêmement riches. Pour Wittig, Lacan a trouvé dans l'inconscient les structures qu'il dit avoir trouvées puisqu'il les a lui même mises. Elle déplore qu'on n'entende que la parole des psychanalystes et pas des psychanalysés. Pour elle, le psychanalyste est un oppresseur face au psychanalysé qui est un opprimé. Wittig se demande alors si ce besoin des communiquer des psychanalysés ne peut se trouver que dans la psychanalyse. Elle constate aussi que les homosexuels, les lesbiennes et les femmes qui sont venues à la psychanalyse ont opéré une rupture du contrat psychanalytique dés qu'ils se sont aperçus que ce n'étaient pas eux qui étaient "malades" mais que leur état venait plus d'un état de choses général.

Wittig souligne la violence du discours hétérosexuel pour les lesbiennes et les hommes homosexuels. Elle explique ensuite ce qu'est la "pensée straight" en référence à la "pensée sauvage" de Levi-Strauss. Il s'agit des concepts de femme, d'homme, de différence qui marquent l'histoire, la culture. Elle souligne qu'il reste au sein de la culture un noyau soit disant naturel qu'on se refuse à examiner, c'est à dire la relation hétérosexuelle ou relation obligatoire entre l'"homme" et la "femme". La pensée straight va ainsi interpréter de façon totalisante l'histoire, le langage, la culture et les sociétés. Elle a une tendance universalisante dans sa production de concepts. On va ainsi former des lois générales valant pour toutes les époques, tous les individus, toutes les sociétés : l'échange des femmes, la différence des sexes, l'inconscient, le désir, la culture. Ces catégories n'ont de sens pour Wittig que dans l'hétérosexualité ou pensée de la différence des sexes en tant que dogme philosophique.

"Qu'est-ce que la-femme?...Franchement c'est un problème que les lesbiennes n'ont pas, simple changement de perspective, et il serait impropre de dire que les lesbiennes vivent, s'associent, font l'amour avec des femmes car la-femme n'a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes.

P.S. N'est pas davantage d'ailleurs une femme toute femme qui n'est pas dans la dépendance personnelle d'un homme."[1]

en résumé

Le lesbianisme radical des années 80 s’est construit et développé dans la critique du féminisme radical des années 70, qui s’était peu à peu déradicalisé.

En effet seuls dorénavant comptent les intérêts à court terme des femmes hétérosexuelles. L’idéologie hétéroféministe envisageant la libération des femmes à l’intérieur de l’institution hétérosexuelle, la guérilla quotidienne est à l’honneur, la théorie de la complémentarité des sexes est sous entendue, tandis que le féminisme s’institutionnalise.

Les textes du Front des lesbiennes radicales (FLR) modifier

Les textes du Front des lesbiennes radicales affirment entre autres, en 1981, pour un projet de plate-forme:

-Le lesbianisme est pour nous une position politique

-Le FLR est autonome par rapport au mouvement féministe et au mouvement homosexuel mixte.

-Notre but est la libération de toutes les femmes par la destruction du système de pouvoir de la classe des hommes, et la destruction des classes de sexe.

-Notre stratégie consiste à développer une force politique lesbienne, à construire des espaces de résistance, présentant ainsi aux femmes homosexuelles une perspective politique, et aux femmes hétérosexuelles, que nous appelons à rompre avec l'hétérosocialité, une alternative.

Nous voulons impulser une prise de conscience de la classe des femmes, et la lutte, sous toutes ses formes, contre la classe des hommes, ainsi que contre les pratiques, idéologies et théories qui assurent sa domination.

Le FLR organise en 1981 et 1982 deux rencontres, et les analyses politiques de ces lesbiennes radicales pourront circuler grâce aux transcriptions des textes de ces rencontres.

Comme toute pensée révolutionnaire, la pensée lesbienne radicale du FLR n’est pas sans soulever passions et affrontements, comme il en est de la pensée de Monique Wittig, romancière et théoricienne lesbienne. Si le courant du féminisme radical du MLF a introduit la lutte contre l’idéologie de la nature et l’idée de La Femme, la revendication de l’autonomie par rapport aux partis politiques existants et le concept de classes de sexe, le lesbianisme radical va plus loin en dénonçant l’hétérosocialité comme le régime politique sous lequel vit le monde entier et en appelant à la lutte contre la classe des hommes et à la destruction des classes de sexe.

Le féminisme de toutes tendances va réduire au silence les lesbiennes radicales, les accusant d’effrayer les femmes, les traitant de terroristes, de diviseuses, d’élitistes... voire de folles. Le féminisme va tenter de récupérer les autres lesbiennes politisées et de rassembler les lesbiennes isolées. Tandis que le lesbianisme radical lui reproche de son côté, avec non moins de virulence, sa collaboration avec le système hétérosocial.

Certaines LR quittent le féminisme, d’autres lesbiennes essaient de retourner à un féminisme plus radical, d’autres s’attachent à démasquer encore et encore les racines de l’oppression, le système de l’hétérosexualité.

Qu’est-ce que le lesbianisme radical ?

Monique du FLR en donne deux définitions

« Le lesbianisme radical quant à lui est un mouvement dont la stratégie pose que la libération de toutes les femmes ne pourra venir que d’une mise en cause radicale du pouvoir hétérosexuel. » (textes rencontre novembre 81 p.26)

« Le lesbianisme radical est une pratique de vie qui vise à accroître la dimension politique subversive incluse dans toute expérience lesbienne. » "en la collectivisant... en systématisant... en proposant des alternatives... en la rendant manifeste... en l’articulant à une dimension offensive... en la posant comme champ d’existence et d’expérience..."

Les féministes parlent à partir des aménagements et des réformes envisagées et non à partir de leurs résistances au système hétérosocial. Elles cherchent à articuler leurs luttes avec le Pouvoir et les Partis et à créer un mouvement de masse ouvert à toutes.

A toutes, sauf aux lesbiennes radicales qui deviennent parallèlement l’ennemi principal, celui sur lequel le féminisme va s’acharner.

Quelques définitions du féminisme par certaines du FLR modifier

Le féminisme est la théorie des hommes et des femmes prétendant lutter pour la libération des femmes sans lutter contre l’hétérosystème.

Le féminisme est une théorie totalitaire qui prétend être la seule à lutter contre l’oppression des femmes.

Le féminisme ne peut être dans une impasse, il est une impasse en lui-même, une théorie de l’aménagement de l’oppression qui passe toute son énergie dans la lutte sans arrêt pour la conservation de quelques avantages perpétuellement remis en question, et dans la lutte contre le lesbianisme radical.

Le féminisme n’est pas une théorie scientifique pour analyser l’ensemble de la réalité objective, apporter des réponses stratégiques, lutter pour transformer vraiment la réalité.

Le féminisme n’est qu’une des positions politiques par rapport à la libération des femmes, celle de l’aménagement avec la classe des hommes.

Il faudra attendre 1989 pour qu’un nouveau groupe se crée : Perspectives lesbiennes radicales, voué aussi à l'échec après quelques années.

Trente ans plus tard, Danielle Charest (1951-2011), canadienne, co-fondatrice au Québec de la revue lesbienne radicale Amazone d'Hier Lesbiennes d'Aujourd'hui (AHLA), et ayant longtemps vécu en France redonnera vie à la théorie de l’hétérosexualité comme régime politique. Son article "La dictature de l'hétérosocialité" approfondira les liens de ce système avec le néo libéralisme que nous vivons actuellement.

Danielle Charest : "La dictature de l'hétérosocialité" modifier

De l'hétérosexualité "naturelle" à la "complémentarité"

De quelques minutes à toute une vie

L'échappée belle des lesbiennes

Renforcement actuel de l'hétérosocialité

La réplique

Second article

Bibliographie modifier

Chetcuti Natacha, « De “On ne naît pas femme” … à “On n’est pas femme”. De Simone de Beauvoir à Monique Wittig », Sexualité, Genre et Société, n° 1, 2009.

Michard Claire, « Assaut du discours straight et universalisation du point de vue minoritaire dans les essais de Monique Wittig », Sexualité, Genre et Société, n° 1, 2009

Turcotte Louise, 2003, « Féminisme/Lesbianisme : la nécessité d’une pensée radicale », dans Chetcuti Natacha, Michard Claire (dir.), Lesbianisme et féminisme : histoires politiques, Paris, L’Harmattan

Wittig Monique, 1982, « Le point de vue, universel ou particulier (avant-note à La passion de Djuna Barnes) », dans La pensée straight, Paris, Balland, p. 112.

Wittig Monique, 1980, « La pensée straight », Questions féministes, n° 7, février 1980, p. 45-53, réédition dans La pensée straight, Paris, Balland, 2001, p. 65-76.

Références modifier

Catégorie:Projet:Art+Féminisme/2017/Paris

  1. Monique Wittig, « La pensée straight », Question féministe,‎