Utilisateur:Manucolo/Structures de la pensée

{{Ébauche Sommeil et Rêve}}Les ondes encéphalographiques du rêve ont été détectées chez des mammifères et des oiseaux. L’étude de ces ondes fait entrer le psychisme dans le cadre des sciences pouvant montrer ses exactitudes avec des manipulations techniques. Nous croyons qu’il est temps d’approcher une définition de la pensée, objet philosophique qu’on n’ose pas trop aborder. Les sciences humaines ont un besoin urgent de renouveler leurs principes. Avec modestie nous devrions constater que la définition des aborigènes australiens « penser c’est rêver éveillé » aide à placer le problème dans un pragmatisme utile.

Maintenant nous savons que notre psychisme trouve ses racines chez des vertébrés à sang chaud capables de rêver. Que la petite hirondelle rêve énormément pendant la période où elle quitte son nid ; que les vaches rêvent davantage enfermées dans l’étable que quand elles dorment à l’extérieur dans la prairie,etc…

Nos langages articulés ont participé sans aucun doute à l’élaboration de notre pensée réfléchie, mais une pensée réfléchie n’a pas toujours besoin de parole, de même qu’une parole peut très bien être le résultat d’une pensée irréfléchie. Ce que nous pouvons affirmer c’est que dans les comportements stéréotypés innés des vivants nous ajoutons quelques gouttes d’hésitation individuelle qui apporte une souplesse de plus en plus volontaire dans nos adaptations.

Pour tenter de saisir les structures de base de nos pensées collectives nous avons suivi les règles d’oppositions, substitutions, etc. ;que l’œuvre de Lévi-Strauss suggère. Nous préférons écrire Pensée collective à la place du mot culture pour y inclure la pensée des peuples sans agriculture et aussi Pensée collective à la place du mot civilisation quand il s’agit de psychismes éloignés de l’idée de cité.

Les mythes lient souvent l’origine de l’humanité avec l’origine des langues humaines. Aussi l’origine de la diversité des sociétés est mythiquement liée à l’origine de produits alimentaires. Souvent pour se désigner les unes les autres ces sociétés utilisaient des expressions comme : « ceux qui mangent le maïs », « ceux qui mangent l’huître », etc. L’idée d’un premier monde d’abondance est bien établie. La coutume de laisser de provisions pour le voyageur occasionnel précède celle du pillage qui finira par s’imposer partout.

Chez les plus guerrières des tribus amérindiennes la conviction que le nombre d’humains vivants était bien au delà du convenable est un principe directeur dont découlent les principales propriétés des traditions et coutumes. Nos génocides modernes deviennent rare perversion face à la condamnation au « massacre » d’un peuple dans l’Amérique ancienne. On devait tuer évidemment toute la tribu ainsi condamnée(même leurs animaux domestiques), brûler et faire disparaître leurs biens et traces. Que l’espace vital soit devenu si rapidement insuffisant ne doit pas nous étonner chez des esprits qui s’étaient déjà emparé de tout le visible et presque tout l’imaginable avec leurs richesses linguistiques.

En opposant les propriétés que les matrices structurales explicitent nous avons dégagé parmi les 800 mythes cités par Lévi-Strauss des axes évolutifs révélateurs. Les hégémonies guerrières pouvaient exister parce que à la base des types de sociétés attentives aux éléments fertiles d’une existence étaient les plus nombreuses, même si chacune restait plus réduite et toujours peu apte aux hégémonies. On peut affirmer que là où la naissance de chaque enfant est un évènement social avec des rites qui renforcent la cohésion de l’ensemble, les anciennes traditions de partage équitable survivent, tandis que là où la mort et ses rituels funèbres jouent ce rôle une idéologie élitiste et discriminatoire impose des disciplines formelles parfois absurdes. Ne croyez pas que l’analyse comparative de deux pensées à travers les transformations des séries mythiques fait apparaître des méchants cannibales d’un côté et des gentils non cannibales de l’autre. Pour certains détails ce serait plutôt le contraire. La férocité des guerriers de langue Gé paraît plus arbitraire que la bonhomie avec laquelle certains peuples de langue Tupi pratiquent leur cannibalisme. Ce sont par exemple, des différences de technique culinaire bien précises qui deviennent révélatrices, ou bien des pratiques sociales comme la mixité sexuelle et les souplesses des initiations formatives chez les Gé, opposées aux rigidités de discrimination sexuelle stricte pratiquée par les Tupi.

L’existence des mythes sur l’origine des femmes est un indice révélateur. Prenons le mythe Sherenté(de langue Gé) : « Autrefois, les femmes n’existaient pas et les hommes pratiquaient l’homosexualité. L’un d’eux se trouva enceint et, comme il était incapable d’accoucher, il mourut.

Un jour, quelques hommes aperçurent, reflétée dans l’eau d’une source, l’image d’une femme qui se tenait cachée en haut d’un arbre. Pendant deux jours, ils essayèrent de saisir le reflet. Enfin, un homme leva les yeux et vit la femme ; on la fit descendre, mais comme tous les hommes la convoitaient, ils la coupèrent en morceaux qu’ils se partagèrent. Chacun enveloppa son morceau dans une feuille, et mit le paquet dans un interstice de la paroi de sa hutte (ainsi qu’on fait d’habitude, pour serrer un objet). Puis ils partirent à la chasse.

Au retour, ils se firent précéder par un éclaireur qui constata, et les prévint, que tous les morceaux s’étaient changés en femmes. Chaque homme obtint une femme, et désormais, quand ils allèrent à la chasse, ils emmenèrent leur femme avec eux ».

Parfois quand l’homosexualité est la norme les clans d’oncles maternels entretiennent une autorité despotique et sans nuances chez des guerriers vivant en petites communautés. Par contre des gros villages s’organisent en confédérations qui, plus sûres d’elles, tolèrent de constantes contestations. En Amérique ancienne les organisations sociales les plus proches du patriarcat sont celles qui deviennent hégémonies esclavagistes.

Grâce à Humboldt nous savons que « des femmes lasses de l’état d’esclavage dans lequel elles sont tenues par les hommes forment de véritables sociétés des femmes guerrières ».La réalité des Amazones du fleuve qui porte aujourd’hui ce nom est confirmée aussi dans le bassin de l’Orénoque par les chroniques du Père Gili. Certains pensent que les amérindiens auraient pu croiser et sélectionner le lama pour en faire une vraie bête de somme, mais ils n’en ont jamais eu besoin parce qu’ils avaient leurs femmes ! Avant l’arrivée des européens le fer était absent de la guerre amérindienne. Ils avaient une métallurgie raffinée de l’or et un usage de plus en plus fréquent du cuivre.(en Eurasie les chaînes en fer permirent un esclavage plus sûr et plus facile que les cordes au cou des travailleurs forcés Tupi). Le massacre amérindien comme coutume intertribal expliquerait la mosaïque de langues. Depuis l’Alaska et jusqu’à au Cap Horn on trouve côte à côte des langues aux familles et particularités très diverses. Quand on fait intervenir le facteur temps depuis les millénaires antérieurs aux pointes Clovis et jusqu’à l’arrivée de l’histoire écrite, on peut dire que les guerres ont été une sorte de chasse aux femmes peut-être au début assez concrète devenue par la suite surtout des guerres idéologiques ou parfois les gestes simples et la parole étaient plus mortels que le fer. Qu’une mémoire généalogique soit matrilinéaire ou patrilinéaire, qu’une tradition d’habitat soit matrilocale ou patrilocale est moins révélateur parfois que la place d’une cuisine à l’étouffée chez les peuples de langue Gé ; ou le goût pour le bouilli chez les Bororo du Chaco. La violence des guerriers Bororo semble moins prémédité et plus romantique, pourrait-on dire, que celle des cannibales esclavagistes Tupi chez qui la condamnation au « massacre » gardait tout son sens. Pour les Bororo la vie est un combat et la flèche qui vient de l’arc pour tuer l’homme un honneur. D’autre part le grand prêtre Tupi semble avoir été aussi naïf que se sont montrés Moctezuma devant Cortés et Atahualpa devant Pizarro. Quand on rêve le jour comme une dégénérescence de la nuit qui amène tout ce qu’on ignore, seule une foi religieuse dans l’ordre des choses où tout trouve sa place peut nous sauver. La pensée esclavagiste utilisera toujours à très bon escient la discipline et l’ordre de la pensée guerrière.

Sachons que les réunions festives ont été quand même d’ innombrables fois plus fréquentes que les massacres. Les modèles de voisinage bienveillant ont maintenu toujours un réseau stable d’échanges positifs. Les cérémonies au caractère joyeux où des nombreuses tribus se rendaient jusqu’au vingtième siècle doivent équilibrer nos extrapolations parfois aussi exagérées que les mythes.

Des pensées collectives avec des instruments de concertation et des connaissances aussi capables d’objectivité que les meilleures des nôtres ont existé en Amérique ancienne.

Les mythes manifestent des rêves collectifs et leurs transformations dévoilent des changements de situations internes et externes. Certains mythes se manifestent comme pensée de ceux qui le transmettent avec intuition et prévoyance admirables.

Nous pouvons témoigner d’une science orale, qu’avant la science écrite, découle de la mythologie amérindienne, laquelle cherchait sans dogme ni préjugé à toujours mieux comprendre le monde qui l’entourait.