Utilisateur:Leonard Fibonacci/Diverses versions de la crucifixion

  • Enrico Tuccinardi, Barabbas dans l'Histoire, Cahier N. 249 du Cercle Ernest Renan. Centre d'histoire des religions, de critique biblique et de recherche des origines du christianisme. , 2010

Selon Salomon Reinach (34):

« Certains hérétiques racontaient que Simon de Cyrène avait été crucifié en lieu et place de Jésus; que, pendant la crucifixion, Jésus, sous les traits de Simon, était à l'écart et se moquait des bourreaux. Les chrétiens des sectes manichéennes devaient ajouter foi à cette histoire, car, dans l'abjuration qu'on exigeait d'eux, elle était très expressément condamnée. Ce n'était donc pas une simple fantaisie, une extravagance individuelle : c'était la doctrine constante d'une école, de plusieurs sectes que la grande Église a longuement combattues et fini par vaincre. D'autre part, une pareille conception ne pouvait naître, même sous l'influence du docétisme, du texte un peu énigmatique de Marc; car ce texte, comme nous l'avons vu, est tendancieux dans sa brièveté et présuppose la version hérétique, loin d'avoir pu y donner lieu. Citons des textes. Irénée attribue ce qui suit à Basilide, hérétique alexandrin du temps d'Hadrien, qui prétendait dériver ses informations de Glaukias, interprète de saint Pierre, par conséquent d'un conventicule où la tradition fait figurer Marc lui-même et les deux fils de Simon : “Jésus n'a pas souffert lui-même la mort, mais un certain Simon, originaire de Cyrène, fut obligé de porter la croix à sa place; puis, ayant été transfiguré par Jésus, au point qu'il pouvait passer pour lui, il fut crucifié par ignorance et erreur, alors que Jésus, revêtu de la forme de Simon, se tenait auprès et se moquait d'eux.” Irénée ne cite pas Basilide; il résume, à sa façon, l'opinion du fameux hérétique. Rien ne nous dit que l'obligation de porter la croix, imposée (il ne dit pas par qui) à Simon, ait été mentionnée dans le texte qu'alléguait Basilide; Irénée s'est souvenu de celui de Marc en écrivant. Photius, parlant des actes apocryphes des apôtres, qu'il attribue à Leucius Charinus, écrit : “Il imagine beaucoup de fables absurdes sur la croix; le Christ n'aurait pas été crucifié, mais un autre à sa place, et se serait moqué des bourreaux”. Dans les Actes de saint Jean, au moment de la crucifixion, le disciple aimé s'enfuit sur le mont des Oliviers et se réfugie dans une caverne; là il est rejoint par Jésus lui-même qui lui dit : “Jean, pour la multitude qui est Là-bas à Jérusalem, je suis mis en croix, percé de lances, abreuvé de vinaigre et de fiel; mais à toi je dis la vérité, etc.”. Il n'est pas question, du moins dans la rédaction misérable que nous possédons, de Simon de Cyrène; mais on a déjà supposé avec vraisemblance que cette histoire du crucifié par erreur est impliquée par le récit nébuleux de ces Actes. Voici enfin la formule d'abjuration des Manichéens qui voulaient rentrer dans le sein de l'Église : “J'anathématise ceux qui disent que N.-S. J.-C. a souffert en apparence et qu'il y avait un homme sur la croix, un autre ailleurs qui se tenait debout et riait, comme si le premier souffrait à sa place”. On peut rappeler à ce propos que, suivant saint Augustin, ancien manichéen lui-même, les Actes apocryphes des apôtres étaient reçus parmi les Manichéens comme argent comptant. Concluons que cette singulière histoire était connue des Évangélistes, ou du moins de Marc et de Jean, qui en ont tenu compte et l’ont combattue chacun à leur manière, parce qu'ils la jugeaient, avec raison, dangereuse pour la doctrine chrétienne. »

Version uniquement connue en slavon modifier

Texte d’après la traduction de Salomon Reinach dans Amalthée (35).

« Bien des gens du peuple le suivaient et écoutaient son enseignement; bien des âmes étaient émues, dans la pensée que les tribus juives pouvaient par lui être affranchies du joug romain. Il se tenait d’ordinaire devant la ville, sur le mont des Oliviers, et c’est là qu’il opérait des guérisons. Autour de lui, il avait 150 disciples et une multitude du peuple. Ceux-ci, voyant qu’il pouvait accomplir ce qu’il voulait par la parole, lui révélèrent leur désir: qu’il entrât dans la ville, tuât les soldats romains et Pilate et régnât sur eux. Mais lui ne nous méprisa pas… [cinq mots douteux et lacune] Quand les chefs des Juifs furent informés de ce qui se passait, ils se réunirent avec le grand-prêtre. “Nous sommes, dirent-ils, trop faibles pour résister aux Romains. Mais puisque l’arc bandé nous menace ainsi, allons, communiquons à Pilate ce que nous avons appris, et il nous laissera en paix; car s’il apprend cela par d’autres, nous serons tués et dépouillés de nos biens et nos enfants seront dispersés”. Ils allèrent donc et firent rapport à Pilate. Celui-ci envoya des soldats et fit tuer nombre de gens. Il fit amener devant lui le thaumaturge et, après enquête, prononça le jugement : “C’est un bienfaiteur, non un malfaiteur, ni un rebelle, ni un aspirant à la royauté ”. Et il le laissa partir, car il avait guéri sa femme mourante. Et [Jésus] revint là où il se tenait d’habitude et fit ses œuvres accoutumées. Et quand plus de gens encore s’assemblèrent autour de lui, il se glorifia encore plus par ses actes. Les docteurs de la Loi, dévorés d’envie, donnèrent 30 talents à Pilate pour qu’il le mette à mort. Il prit l’argent et les laissa libres d’agir comme ils le voulaient. Ils mirent la main sur lui et le crucifièrent en accord avec la loi des empereurs. »

Et à propos du voile du Temple:

Ce voile était intact avant cette génération, parce que les gens étaient pieux, mais maintenant il est pénible de voir, car il a été soudainement déchiré du haut en bas, quand au moyen de corruption, ils livrèrent à la mort le bienfaiteur de l’humanité qui à en juger par ses actions n'a pas été un homme.