Utilisateur:Leonard Fibonacci/Dion Cassius

Histoire romaine, livre LXVI modifier

LXVI, 4 modifier

4. Titus, chargé de la guerre contre les Juifs, essaya de les amener à composition par ses paroles et par ses promesses ; mais, n'ayant pu les persuader, il leur fit la guerre. Ayant, après des chances égales dans les premiers engagements, conquis ensuite l'avantage, il mit le siège devant Jérusalem. La ville, avec l'enceinte du temple, était entourée d'une triple muraille. Les Romains élevèrent des ouvrages au pied des remparts, firent avancer des machines, repoussèrent en diverses occasions les sorties des assiégés et écartèrent à coups de frondes et à coups de flèches ceux qui se tenaient sur la muraille ; car ils avaient dans leurs rangs un grand nombre d'auxiliaires envoyés même par des rois barbares. Les Juifs, de leur côté, aidés de nombreux renforts venus tant du pays même que de chez leurs coreligionnaires non seulement de l'empire romain, mais encore des contrées au-delà de l'Euphrate, lançaient, eux aussi, des traits et des pierres, les unes à la main, les autres à l'aide de machines, et avec d'autant plus de force que ces pierres tombaient de haut; puis, dans des sorties de jour et de nuit, suivant l'occasion, ils incendiaient les machines, tuaient un grand nombre de soldats, et, creusant la terre, la ramenaient sous le rempart ; tantôt ils enlevaient les béliers avec des cordes, tantôt ils les arrachaient avec des crocs ; ils détournaient le choc des autres engins au moyen de planches épaisses jointes avec du fer, qu'ils faisaient glisser le long des murs. Le manque d'eau tourmentait beaucoup les Romains, qui n'en avaient que de mauvaise et amenée de loin. Les Juifs tenaient bon, grâce à leurs souterrains; car ils en avaient qui s'étendaient de l'intérieur de la ville par-dessous les remparts, jusque bien avant dans la campagne, et ils sortaient par ces souterrains pour attaquer ceux qui faisaient de l'eau, et causer des pertes aux corps détachés; Titus en ferma toutes les issues.

Comme le note Shaye J. D. Cohen, la principale différence avec Flavius Josèphe, c'est que selon Dion Cassius les révoltés étaient aidés de nombreux renforts fournis par leurs coreligionnaires venus notamment des contrées au-delà de l'Euphrate. Cette occultation de Josèphe n'est naturellement pas anodine.

Par ailleurs Dion Cassius insiste sur le rôle des souterrains dans la défense qui sont quasi ignorés, ou en tout cas fortement minimisés dans la relation du siège que fait Josèphe.

LXVI, 5 modifier

5. Pendant ces travaux, il y eut de part et d'autre beaucoup de blessés et beaucoup de morts ; Titus lui-même fut atteint d'une pierre à l'épaule gauche et conserva cette main plus faible. Avec le temps, enfin, les Romains franchirent l'enceinte extérieure, et, campés au milieu des deux enceintes, ils attaquèrent la seconde muraille. Mais la lutte ne fut plus la même : retirés tous derrière cette muraille, les assiégés se défendirent plus aisément, attendu la moindre étendue du cercle dont ils étaient entourés. Aussi Titus leur offrit-il de nouveau l'impunité par une proclamation. Mais ils n'en persistèrent pas moins : les prisonniers et les transfuges gâtaient en cachette l'eau des Romaine et égorgeaient les hommes qu'ils pouvaient surprendre seuls. Titus alors ne reçut plus aucun transfuge. Sur ces entrefaites, quelques Romains découragés, ce qui est l'ordinaire à la suite d'un long siège, et s'imaginant, comme on le répandait, que la ville était véritablement imprenable, passèrent à l'ennemi; celui-ci, bien que manquant de vivres, les accueillit , afin de montrer que, lui aussi, il recevait des transfuges.

Les différences sont marquées en gras.

LXVI, 6-7 modifier

6. Le mur ayant été abattu par les machines, les Juifs, malgré cela, ne se rendirent pas encore ; bien plus, ils tuèrent un grand nombre de soldats qui cherchaient à s'ouvrir un passage par la force ; puis, mettant le feu à quelques édifices voisins dans l'intention d'empêcher les Romains, bien que maîtres du cercle, d'avancer plus loin, ils endommagèrent le mur et brûlèrent avec lui, malgré eux, l'enceinte qui protégeait le lieu sacré, et le chemin du temple fut ouvert aux Romains. Néanmoins les Juifs n'y coururent pas sur-le-champ, retenus par la superstition ; ce ne fut que tard que, forcés par Titus, ils se retirèrent dedans. Ils repoussèrent les Romains avec bien plus d'ardeur encore, comme s'ils avaient rencontré une heureuse occasion, en tombant auprès du temple et pour sa défense, rangés, le peuple dans le vestibule, les sénateurs sur les degrés, les prêtres dans le sanctuaire même. Ils ne furent vaincus, bien que combattant en petit nombre contre des forces bien supérieures, que lorsque le feu eut dévoré une partie du temple ; alors, volontairement, les uns se percèrent des épées des Romains, les autres s'entre tuèrent, d'autres s'égorgèrent eux-mêmes, d'autres enfin s'élancèrent dans le feu. Il semblait à tous, mais surtout aux derniers,] que c'était non la perte, mais la victoire, le salut et le bonheur de périr avec le temple.

7. Entre autres prisonniers que l'on fit néanmoins, fut Bargioras, leur chef ; il fut seul exécuté à mort après le triomphe. C'est ainsi que Jérusalem fut prise le jour même de Saturne, jour que les Juifs révèrent encore aujourd'hui. Depuis ce temps fut imposée aux Juifs qui gardaient les lois de leurs pères l'obligation de payer tous les ans deux drachmes à Jupiter Capitolin. A la suite de cette expédition, Vespasien et Titus prirent l'un et l'autre le titre d'imperator; mais ni l'un ni l'autre n'eut le surnom de Judaïque, bien qu'on leur eût décerné les autres honneurs naturellement dus pour une telle victoire et des arcs de triomphe.

La phrase « Depuis ce temps fut imposée aux Juifs qui gardaient les lois de leurs pères l'obligation de payer tous les ans deux drachmes à Jupiter Capitolin » semble contredire la thèse de Mireille Hadas-Lebel pour qui Nerva a transformé cette contribution en impôt classique et que c'est cela qui est célébré sur une de ses monnaies. À moins que cette humiliation ait été rétablie pas la suite, par exemple à l'issue de la révolte de Bar Kochba. Autre possibilité : cette humiliation aurait été levée uniquement pour les partisans de Jésus (circoncis ou non) et c'est en cela que comme le disent certains historiens, la contribution des 2 Drachmes aurait contribué à la séparation entre les Juifs et ceux qui sont en train de devenir les chrétiens.