Utilisateur:Hayastan07/Évasion…

Quand elles étaient enfants, à Istanbul, elles voulaient toujours, İpek et elle, qu'il neigeât beaucoup plus : la neige éveillait en elle le sentiment de la beauté et de brièveté de la vie, et lui faisait comprendre que, malgré toutes les haines, les hommes en réalité se ressemblaient et que dans un univers et un temps si vastes, le monde des hommes était bien étriqué. C'est pourquoi quand il neige les hommes se serrent les uns contre les autres. Comme si la neige, tombant sur les haines, les ambitions et les fureurs, rapprochait les hommes les uns des autres.

~~ Orhan Pamuk - Neige (éd. Gallimard 2003, p.131)

Un jour, j'ai lu un livre, et toute ma vie en a été changée. Dès les premières pages, j'éprouvai si fortement la puissance du livre que je sentis mon corps écarté de ma chaise et de ma table devant laquelle j'était assis. Pourtant, tout en ayant l'impression que mon corps s'éloignait de moi, tout mon être demeurait plus que jamais assis sur ma chaise, devant ma table, et le livre manifestait tout son pouvoir non seulement, sur mon âme, mais sur tout ce qui faisait mon identité. Une influence tellement forte que je crus que la lumière qui se dégagait des pages me sautait au visage : son éclat aveuglait toute mon intelligence, mais en même temps, la rendait plus étincelante.

~~ Orhan Pamuk, La vie nouvelle, Gallimard.