Rayon laser à travers un dispositif optique
Démonstration de laser hélium-néon au laboratoire Kastler-Brossel à l'Université Pierre et Marie Curie.
Principe de fonctionnement du laser : 1 - milieu excitable 2 - énergie de pompage 3 - miroir totalement réfléchissant 4 - miroir semi-réfléchissant 5 - faisceau laser

Un laser est un appareil émettant de la lumière (rayonnement lumineux) amplifiée par émission stimulée. Le terme laser provient de l'acronyme anglais « light amplification by stimulated emission of radiation » (en français : « amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement »). Le laser produit une lumière spatialement et temporellement cohérente basée sur l'effet laser. Descendant du maser, le laser s'est d'abord appelé maser optique.

Une source laser associe un amplificateur optique basé sur l'effet laser à une cavité optique, encore appelée résonateur, généralement constituée de deux miroirs, dont au moins l'un des deux est partiellement réfléchissant, c'est-à-dire qu'une partie de la lumière sort de la cavité et l'autre partie est réinjectée vers l'intérieur de la cavité laser. Avec certaines longues cavités, la lumière laser peut être extrêmement directionnelle. Les caractéristiques géométriques de cet ensemble imposent que le rayonnement émis soit d'une grande pureté spectrale, c’est-à-dire temporellement cohérent. Le spectre du rayonnement contient en effet un ensemble discret de raies très fines, à des longueurs d'ondes définies par la cavité et le milieu amplificateur. La finesse de ces raies est cependant limitée par la stabilité de la cavité et par l'émission spontanée au sein de l'amplificateur (bruit quantique). Différentes techniques permettent d'obtenir une émission autour d'une seule longueur d'onde.

Au XXIe siècle, le laser est plus généralement vu comme une source possible pour tout rayonnement électromagnétique, dont fait partie la lumière visible. Les longueurs d'ondes concernées étaient d'abord les micro-ondes (maser), puis elles se sont étendues aux domaines de l'infrarouge, du visible, de l'ultraviolet et commencent même à s'appliquer aux rayons X.

Historique modifier

 
Coupe d'un laser rubis

Le principe de l’émission stimulée (ou émission induite) est décrit dès 1917 par Albert Einstein. En 1950, Alfred Kastler (Prix Nobel de physique en 1966) propose un procédé de pompage optique, qu'il valide expérimentalement, deux ans plus tard, avec Brossel et Winter. Mais ce n'est qu'en 1958 que le premier maser (maser au gaz ammoniac) est conçu par J. P. Gordon, H. J. Zeiger et Ch. H. Townes. Au cours des six années suivantes, de nombreux scientifiques tels N. G. Bassov, A. M. Prokhorov, A. L. Schawlow et Ch. H. Townes contribuent à adapter ces théories aux longueurs d'ondes du visible. Townes, Bassov, et Prokhorov partagent le Prix Nobel de Physique en 1964 pour leurs travaux fondamentaux dans le domaine de l'électronique quantique, qui mènent à la construction d'oscillateurs et d'amplificateurs basés sur le principe du Maser-Laser. En 1960, le physicien américain Théodore Maiman obtient pour la première fois une émission laser au moyen d'un cristal de rubis. Un an plus tard, Ali Javan met au point un laser au gaz (hélium et néon) puis en 1966, Peter Sorokin construit le premier laser à liquide.

Les lasers trouvent très tôt des débouchés industriels. La première application fut réalisée en 1965 et consistait à usiner un perçage de 4,7 mm de diamètre et de 2 mm de profondeur dans du diamant avec un laser à rubis. Cette opération était réalisée en 15 min, alors qu’une application classique prenait 24 heures[1].

En 1967, Peter Houlcroft découpe une plaque d’acier inoxydable de 2,5 mm d'épaisseur à une vitesse de 1m/min, sous di-oxygène avec un laser CO2 de 300 W[2] et conçoit la première tête de découpe.

Dans la même période en 1963 des chercheurs américains tels que White et Anderholm montrent qu’il est possible de générer une onde de choc à l’intérieur d’un métal suite à une irradiation laser impulsionnelle. Les pressions exercées sont de l’ordre de 1 GPa.

Bien que les procédés soient démontrés, il faut attendre leurs associations à des machines adaptées pour qu’ils soient implantés en milieu industriel. Ces conditions sont remplies à la fin des années 1970. Et les premières plates formes industrielles sont implantées en France dès les années 80[3]. Dès lors le laser s'impose comme un outil de production industriel dans le micro-usinage. Ses principaux avantages sont un usinage à grande vitesse de l'ordre de 10 m/min, sans contact, sans usure d'outil.

Le laser devient un moyen de lecture en 1974, avec l'introduction des lecteurs de codes barres. En 1978, les laserdiscs sont introduits, mais les disques optiques ne deviennent d'usage courant qu'en 1982 avec le disque compact. Le laser permet alors de lire un grand volume de données.


Principe de fonctionnement modifier

Phénomènes mis en jeu modifier

Pour comprendre comment fonctionne un laser, il est nécessaire d'introduire le concept de quantification de la matière : les électrons sont répartis sur des niveaux d'énergie discrets (les « couches »). Cette hypothèse est fondamentale et non intuitive : si l'on considère l'image selon laquelle les électrons ne peuvent se trouver que sur certaines orbitales bien précises autour du ou des noyaux atomiques.

Dans la suite, on considérera un atome ne possédant qu'un électron (hydrogène), pour simplifier la discussion. Celui-ci est susceptible de se trouver sur plusieurs niveaux. La connaissance du niveau sur lequel se trouve cet électron définit l'état de l'atome. Ces états sont numérotés par ordre croissant d'énergie avec un nombre entier  , pouvant prendre les valeurs  ,  , ... L'état   est donc l'état d'énergie la plus basse, correspondant à un électron sur l'orbitale la plus proche du noyau.

Venons-en aux principaux processus d'interaction entre la lumière et la matière, à savoir l'absorption, l'émission stimulée et l'émission spontanée.

  • L’absorption — Lorsqu'il est éclairé par un rayonnement électromagnétique (la lumière), un atome peut passer d'un état   à un état  , en prélevant l'énergie correspondante sur le rayonnement. Ce processus est résonnant : la fréquence du rayonnement   doit être proche d'une fréquence de Bohr atomique pour qu'il puisse se produire. Les fréquences de Bohr atomiques sont définies par  , où   sont les énergies des états   et  . On peut interpréter ce processus comme l'absorption d'un photon du rayonnement (d'énergie  ) faisant passer l'atome du niveau d'énergie   vers le niveau d'énergie  . La condition de résonance correspond alors à la conservation de l'énergie.
 
Le phénomène d'absorption. Le photon d'énergie   fait passer l'atome de son état fondamental 1 vers l'état excité 2
  • L’émission stimulée — Un atome dans l'état   peut se « désexciter » vers le niveau   sous l'effet d'une onde électromagnétique, qui sera alors amplifiée. Comme pour l'absorption, ce processus n'est possible que si la fréquence du rayonnement   est proche de la fréquence de Bohr  . On peut l'interpréter comme l'émission d'un photon d'énergie   qui vient s'« ajouter » au rayonnement.
 
Le phénomène d'émission stimulée. La désexcitation de l'atome est stimulée par l'arrivée du photon incident. Le photon émis viens s'ajouter au champ incident : il y a amplification
  • L’émission spontanée — Ce processus est le symétrique du précédent : un atome dans un état excité   peut se désexciter vers un état  , même en l'absence de rayonnement. Le rayonnement est émis dans une direction aléatoire avec une phase aléatoire, et sa fréquence est égale à la fréquence de Bohr  . On peut interpréter ce processus comme l'émission d'un photon d'énergie   dans une direction aléatoire.
 
Le phénomène d'émission spontanée. La désexcitation de l'atome se produit de façon spontanée et s'accompagne de l'émission d'un photon dans une direction aléatoire

Réalisation d'un amplificateur optique modifier

Considérons un ensemble d'atomes à deux niveaux. Si on envoie un champ sur un ensemble d'atomes dans l'état "haut", le phénomène privilégié sera l'émission stimulée et le champ sera amplifié. Pour réaliser un amplificateur optique, il faut donc trouver le moyen d'exciter les atomes vers l'état d'énergie supérieure. De façon plus générale, si certains atomes sont dans l'état fondamental "bas", des photons peuvent êtres également absorbés, ce qui diminue l'intensité du champ. Il n'y aura amplification que si les atomes sont plus nombreux à être dans l'état "haut" (susceptible d'émettre) que dans l'état "bas" (susceptible d'absorber) : il est nécessaire d'avoir une « inversion de population ».

Cependant, à l'équilibre thermodynamique, l'état le plus bas est toujours le plus peuplé. Pour maintenir une inversion de population, il est nécessaire de fournir constamment un apport d'énergie extérieure aux atomes, pour ramener dans l'état supérieur ceux qui sont repassés dans l'état fondamental après l'émission stimulée : c'est le « pompage ». Les sources d'énergie extérieures peuvent être de différent type, par exemple un générateur électrique, ou un autre laser (pompage optique)...

L'amplificateur est donc un ensemble d'atomes ou molécules que l'on fait passer d'un état fondamental ou faiblement excité   à un état plus fortement excité  , au moyen d'une source d'énergie extérieure (pompage). Ces atomes peuvent alors se désexciter vers l'état  , en émettant des photons de fréquence proche de  . Ainsi un rayonnement de fréquence   passant à travers ce milieu peut être amplifié par des processus d'émission stimulée.


Calcul du gain de l'amplificateur modifier

Présentation du modèle modifier
 
Modèle d'atome où les deux états couplés par l'onde électromagnétique ont la même durée de vie   :
  • Alimentation des niveaux par pompage.
  • Décroissance des populations.
  • Considérons un ensemble d'atomes dont on observe deux niveaux atomiques a et b, d'énergie   et  . On note   la pulsation de Bohr :  .

    Ces niveaux ont une durée de vie déterminée. Par exemple, dans le domaine optique, le niveau supérieur de la transition se désexcite par émission spontanée. De même pour le niveau inférieur si il ne s'agit pas du niveau fondamental. Pour simplifier, nous allons supposer ici, que les deux niveaux ont la même durée de vie .

    Si on veut obtenir un régime stationnaire, il faut alimenter ces niveaux par pompage. On note   et   les vitesses d'alimentations (déterminées par la technologie et l'efficacité du pompage).

    Calcul de l'inversion de population modifier

    Évaluons la probabilité qu’un atome situé en r0 qui est apparu à l'instant t0 dans le niveau |a> soit dans le niveau |b> à l’instant t. Elle est le produit de deux termes :

    • la probabilité d'excitation d'un atome de |a> vers |b> sous l'effet du champ électromagnétique (oscillations de Rabi)  , avec I, l'intensité du champ électrique incident et d, la valeur du dipôle atomique:
     
    • la probabilité de survie soit dans |a> soit dans |b> :
     

    Par ailleurs, il y a   atomes apparus dans le niveau a et   atomes apparus dans le niveau b, entre   et  

     


     

    Et de même :

     

    Avec s, le facteur de saturation :

     
    Gain laser modifier

    Fonctionnement modifier

    Un laser est fondamentalement un amplificateur de lumière (fonctionnant grâce à l'émission stimulée) dont la sortie est branchée sur l'entrée.

    On peut comparer ce processus à l'effet Larsen, qui se produit lorsqu'un amplificateur (la chaîne HiFi) a sa sortie (le haut-parleur) « branchée » sur l'entrée (le micro). Alors un bruit très faible capté par le micro est amplifié, émis par le haut-parleur, capté par le micro, réamplifié, et ainsi de suite... Bien sûr l'intensité du son ne croît pas indéfiniment (tout comme l'intensité de la lumière dans un laser) : l'amplificateur sature (il existe un volume maximum du son pouvant être produit). La fréquence du son émise par ce procédé est particulière et dépend de l'amplificateur ainsi que de la distance entre le haut-parleur et le micro : il en est de même pour un laser.


     
    Principe de fonctionnement d'un laser

    Le rayonnement sortant de cet amplificateur est rebouclé sur son entrée au moyen de miroirs, qui constituent une « cavité » (où la lumière est piégée). Bien sûr, un dispositif (comme un miroir partiellement réfléchissant) permet d'extraire de la lumière de ce système, pour obtenir le rayonnement laser utilisable. Ainsi un rayonnement initialement présent dans le système va être amplifié une première fois, puis rebouclé, puis réamplifié, etc. On peut ainsi construire un rayonnement extrêmement important, même à partir d'un rayonnement extrêmement faible (comme un seul photon émis spontanément dans la cavité).



    Notes et références modifier

    1. J. Wilson et J. F. B. Hawkes, Laser principles and Application, International Series in Optoelectronics, Prentice Hall, Englewood Cliffs, 194.
    2. P. A. Hilton (2002), In the Beginning…, Intnl Congrs on Appl on Application of Lasers and Electro-Optics (ICALEO’2002), Scottdales, USA
    3. B. Vannes, Les lasers de puissance, Hermes.

    Annexes modifier

    Sur les autres projets Wikimedia :

    Bibliographie modifier

    • Nicolas Treps, Fabien Bretenaker, Le laser : 50 ans de découvertes, EDP Sciences, 2010.

    Articles connexes modifier


    Catégorie:Acronyme

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