Utilisateur:Alice Roussel/Statue funéraire de Claude de Laubespine

Statue funéraire de Claude de Laubespine
Statue funéraire de Claude de Laubespine , Musée Sainte-Croix
Artiste
Date
Type
Technique
Dimensions (H × L)
138 × 60 centimètres
Format
107 kg
Mouvement
Propriétaire
Propriété de l'Etat
No d’inventaire
M0852_D820.1.1
Localisation

L’œuvre est une statue funéraire représentant une femme agenouillée, mains jointes, réalisée entre 1614 et 1617 par le sculpteur Nicolas Guillain. Cette statue, conservée au Musée Sainte-Croix à Poitiers[1], a été commandée par Mme. Claude de Laubespine dans l’objectif d’orner sa sépulture qui devait être placée au sein d’une chapelle funéraire dans l'église du Couvent des Feuillants à Paris. Le sculpteur a réalisé un dessin préalable donnant ainsi une idée précise de l’aspect que devait originellement prendre le monument funéraire doté d'un socle sur lequel la statue devait être posée.

Monument funéraire de Claude de L'Aubespine (1550-1613) dans l'église du couvent des Feuillants de la rue Saint-Honoré.[2]

Histoire modifier

Circonstances de création : histoire de l'œuvre de sa création jusqu'à son arrivée au musée de Poitiers modifier

La statue a été achevée en 1617 et a été, dans un premier temps, transférée au dépôt des Petits-Augustins durant les saisies révolutionnaires entre 1791 et 1792[3]. C’est ainsi qu’elle entra dans les collections du musée des Monuments Français. Après 1816, on retrouve la trace de la statue de Mme. Claude de Laubespine, qui avait été confondue avec la statue funéraire de Jeanne Vivonne[4] (aujourd'hui conservée au musée du Louvre), en raison de sa provenance de l’église des Cordeliers de Poitiers. À la suite de cette erreur, l'abbé Gibault, premier conservateur des collections municipales de la ville de Poitiers, réclame la restitution de la statue. Grâce à cette requête, elle été transportée à Poitiers en 1819, avant qu’une gravure publiée par A-L Millin dans son premier volume des Antiquités nationales en 1790[5] permette enfin de découvrir après toutes ces années l’identité du mystérieux modèle.

Description modifier

Modèle de la statue modifier

La femme ayant servi de modèle à la réalisation de cette statue n’a été identifiée qu’au début du XXème siècle grâce à des descriptions ainsi qu’une gravure de 1790 par A-L Millin dans son premier volume des Antiquités Nationales[6]. Il s’agit de Mme. Claude de Laubespine (1550-1613), nièce de Claude et Sébastien de Laubespine, qui épouse à partir de 1573 Emery de Barbezières, seigneur de Marigny-Chemerault[7]. L’époux de Mme. Claude de Laubespine était maréchal des logis de la maison du roi et occupait ainsi, par ce poste, une position respectable au sein de la société. Claude de Laubespine est devenue veuve en 1609 et, sans enfants, elle demande à être inhumée dans une chapelle de l’église du couvent des Feuillants à Paris. Le 24 mai 1614, son exécuteur testamentaire, permettant de faire respecter les demandes formulées par Mme. Claude de Laubespine de son vivant[8], sollicite le sculpteur Nicolas Guillain pour la réalisation de ce priant en marbre, ainsi que pour le décor de la chapelle qui devait servir d’écrin à sa statue funéraire.

Description de la statue modifier

Il s’agit d’une statue funéraire en marbre blanc, grandeur nature, qui mesure 138cm de hauteur, 60cm de largeur et pèse 107kg[9]. Elle est exécutée à l’aide de la technique de la taille directe, et a été réalisée dans le premier quart du 17ème siècle par le sculpteur Nicolas Guillain. La défunte est représentée agenouillée avec les mains jointes, vraisemblablement en position de prière. Ses vêtements correspondent à la tenue classique des bourgeois du 17ème siècle soit une grande jupe animée de nombreux drapés, un corset resserré à la taille ainsi qu’une fraise tuyautée enserrant son cou. Il y a beaucoup d’attention de la part du sculpteur quant aux détails des drapés et plissés de ses vêtements, apportant une certaine magnificence au modèle. Son visage est creusé, semble être plongé dans une grande méditation, il y quelques rides et veines perceptibles sur son visage, démontrant à nouveau la précision ainsi que la grande technicité dont était doté le sculpteur.

 
Vue de dos de la statue
 
Vue rapprochée du visage et du buste de la statue

Analyse iconographique et stylistique modifier

Mme. Claude de Laubespine est représentée agenouillée avec les mains jointes devant elle : il s’agit d’une iconographie assez classique au regard des statuaires funéraires du 17ème siècle. En effet, la figure immobile du priant est fréquemment employée par les sculpteurs qui confèrent, par ce moyen, une posture digne au défunt représentant ainsi son rang et sa classe au sein de la société[10]. Au 17ème siècle, honorer sa famille par le biais des monuments funéraires était cher aux yeux des élites qui ont fait de cette pratique monnaie courante. Au regard de l’histoire stylistique et iconographique de la statuaire funéraire, la période moderne est véritablement marquée par une diversification des modèles iconographiques, avec notamment la figure du défunt « en prière », qui devient l’un des modèles les plus courants[11]. Claude de Laubespine est représentée avec une grande jupe formée par un vertugadin, un corset à la taille, et un cou resserré par une fraise tuyautée : ce costume bourgeois féminin est caractéristique du début du 17ème siècle et l’ancre parfaitement dans son époque. Nicolas Guillain a réussi à rendre compte des détails du vêtement, leur conférant une importance certaine, notamment au travers des nombreux plis et drapés finement réalisés. En outre, la dimension mémorielle du sujet, essentielle dans l’art de la statue funéraire, est entièrement respectée par le sculpteur.

Le sculpteur modifier

Le sculpteur à qui l’on doit ce marbre est Nicolas Guillain (v. 1550-1639). Il s’agit d’un sculpteur né vers 1550 à Cambrai dans le Nord et dont les sources ont permis de situer son activité principalement à Paris et dans la région parisienne. Il est également appelé “Cambray” ou “Nicolas de Cambray” et s’est rapidement spécialisé dans l’art funéraire, d’où cette commande de l'exécuteur testamentaire de Mme. Claude De Laubespine. Il s’agit d’un très beau travail de sculpture au sein duquel l’artiste a su donner un caractère digne au modèle par les détails apportés à sa posture, son visage et ses vêtements. Il y a peu d’informations biographiques claires au sujet de cet artiste et son œuvre reste relativement obscure pour les chercheurs qui ont encore un certain nombre d’archives à étudier à son sujet[12]. Ce qui reste de lui à ce jour se limite à quelques œuvres signées accompagnées de peu, si ce n’est pas d’archives associées.

Autres œuvres de l'artiste et comparaisons modifier

 
Statue funéraire de Louise de Lorraine, abbesse de Notre-Dame de Soissons, 1630, Cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais de Soissons, Picardie

Il est possible de comparer la statue de Mme. Claude de Laubespine à cette statue funéraire réalisée en 1630 pour l’Abbaye de Notre-Dame de Soissons à l’effigie de l’abbesse Louise de Lorraine. Les matériaux utilisés par le sculpteur sont du marbre blanc, du marbre noir ainsi que du calcaire peint.

Il est retrouvé dans cette réalisation de Cambray les attentions portées au vêtement, à la posture du personnage ainsi qu’aux détails du visage. Il y a cependant une différence quant à l’objectif dans la réalisation de cette statue qui n’était pas le même que pour celle de Mme. Claude de Laubespine puisqu’il s’agit ici d’un bien ecclésiastique et non d’une réalisation pour un particulier. En outre, la statue de l’abbesse Louise de Lorraine est signée sur le côté droit, permettant ainsi de l’attribuer de manière certaine à Nicolas Guillain.

Comparaisons avec d'autres statues funéraires de la même période modifier

 
Monument de Colbert à Saint-Eustache (Antoine Coysevox et Jean-Baptiste Tuby)

Au cours du 17ème siècle, deux modes de représentation principaux dans la statuaire funéraire sont identifiés : soit en position de priant les mains jointes et agenouillé, soit en buste. Deux exemples peuvent être évoqués par le buste de François Créqui conservé à l'Eglise Saint-Roch à Paris ou encore par ce monument de Colbert à Saint-Eustache[13]. La statue de Mme. Claude de Laubespine s’apparente donc au mode de représentation du défunt en priant, caractéristique de la période au cours de laquelle l'œuvre a été réalisée.

La mode de la statue funéraire au cours des siècles et son ancrage au 17ème siècle modifier

La réalisation de statues pour orner les sépultures est une pratique courante dans l’art funéraire qui s’est exercé pendant plusieurs siècles[14]. Les échanges entre le commanditaire et l’artiste ainsi que le passage de l’idée à la réalisation seront essentiels dans ce domaine, car l’objectif est bien de rendre, et ce de la manière la plus fidèle possible, une certaine image du défunt. En effet, dans ce domaine, la tension entre les désirs des commanditaires et les propositions des artistes peut permettre de réfléchir à la création artistique dans son rapport aux normes sociales. Beaucoup d’artistes majeurs ayant pris place entre le 17ème siècle et le 20ème siècle ont pratiqué la sculpture funéraire. De ce fait, la discipline à part qu’est la sculpture de monuments funéraires sera représentée régulièrement au Salon au cours du 18ème siècle. Comme chaque forme d’art, la sculpture funéraire s’ancre dans son époque par les modes auxquels elle s’y rattache, notamment grâce aux vêtements ou encore aux coiffures des personnes représentées[15]. Par ailleurs, il y eut une certaine influence du genre du portrait sur la statuaire funéraire à partir du 17ème siècle. La sculpture funéraire est donc un domaine d’étude fondamental quant à la compréhension des modes de représentations des différentes époques qu’elle traverse, cet art reflète la manière dont les civilisations appréhendent leur temps.

Bibliographie modifier

  • François Deshoulières, La statue de Claude de Laubespine et celle de Jeanne de Vivonne, coll. « Bulletin Monumental » (no 84), (lire en ligne), p. 172-173
  • Alexandre Lenoir, Musée des monumens français ou description historique et chronologique des statues en marbre et en bronze, bas-reliefs et tombeaux des hommes et des femmes célèbres pour servir à l'histoire de France et à celle de l'art ; augmentée (...) d'un certain nombre de gravures...., , p. 54-55
  • Claire Maignon, Magie du funéraire : regard sur l’historiographie de la sculpture funéraire et l’image de la mort (xviie-xxe siècle), Perspectives, (lire en ligne), p. 177-183
  • Claire Mazel, La mort et l'éclat : Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (lire en ligne)
  • Claire Mazel-Nguyen, Le Brun et ses sculpteurs : les monuments funéraires, Histoire de l'art (lire en ligne), p. 55-66
  • Aubin-Louis Millin, Antiquités nationales ou recueil de monumens : pour servir à l'histoire générale et particulière de l'Empire françois, tels que tombeaux, inscriptions, statues, vitraux, fresques, etc. ; tirés des abbayes, monastères, châteaux, et autres lieux devenus domaines nationaux, Paris, M.Drouhin, (lire en ligne)
  • Jacques Verger, La forme des réseaux : France et Europe (xe-xxe siècle), Les réseaux des sculpteurs parisiens sous Henri IV et Louis XIII, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, (lire en ligne)
  • Paul Vitry, Le Sculpteur Nicolas Guillain dit Cambray, Revue Archéologique, (lire en ligne), p. 188-204

[[Catégorie:Sculpture]]

  1. « Statue funéraire de Claude de l'Aubespine- D820.1.1 - Alienor.org », sur www.alienor.org (consulté le )
  2. Le musée des Monuments français d'Alexandre Lenoir, histoire et collections, AGORHA - Bases de données de l'Institut national d'histoire de l'art, histoire et collections Le musée des Monuments français d'Alexandre Lenoir et Béatrice de Chancel-Bardelot, Claude de Laubespine (1550-1613), épouse d'Emery de Barbezières, seigneur de Marigny-Chemerault, (lire en ligne)
  3. « Statue funéraire de Claude de l'Aubespine- D820.1.1 - Alienor.org », sur www.alienor.org (consulté le )
  4. François Deshoulières, « La statue de Claude de Laubespine et celle de Jeanne de Vivonne », Bulletin Monumental, vol. 84, no 1,‎ , p. 172–173 (lire en ligne, consulté le )
  5. M. Drouhin, Antiquités nationales ou recueil de monumens : pour servir à l'histoire générale et particulière de l'Empire françois, tels que tombeaux, inscriptions, statues, vitraux, fresques, etc. ; tirés des abbayes, monastères, châteaux, et autres lieux devenus domaines nationaux. Tome premier, Bibliothèque de l'Institut National d'Histoire de l'Art, collections Jacques Doucet, (lire en ligne)
  6. M. Drouhin, Antiquités nationales ou recueil de monumens : pour servir à l'histoire générale et particulière de l'Empire françois, tels que tombeaux, inscriptions, statues, vitraux, fresques, etc. ; tirés des abbayes, monastères, châteaux, et autres lieux devenus domaines nationaux. Tome premier, Bibliothèque de l'Institut National d'Histoire de l'Art, collections Jacques Doucet, (lire en ligne)
  7. « Statue funéraire de Claude de l'Aubespine- D820.1.1 - Alienor.org », sur www.alienor.org (consulté le )
  8. Claire Mazel, La mort et l'éclat : Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-6659-0, lire en ligne)
  9. « Statue funéraire de Claude de l'Aubespine- D820.1.1 - Alienor.org », sur www.alienor.org (consulté le )
  10. Claire MAZEL, La mort et l'éclat : Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-6659-0, lire en ligne)
  11. Claire Mazel, La mort et l'éclat : Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-6659-0, lire en ligne)
  12. Paul VITRY, Le Sculpteur Nicolas Guillain dit Cambray,, p188-204
  13. Claire MAZEL-NGUYEN, Le Brun et ses sculpteurs : les monuments funéraires, , p 55-66
  14. Claire Maingon, « Magie du funéraire : regard sur l’historiographie de la sculpture funéraire et l’image de la mort (xviie-xxe siècle) », Perspective. Actualité en histoire de l’art, no 1,‎ , p. 177–183 (ISSN 1777-7852, DOI 10.4000/perspective.5835, lire en ligne, consulté le )
  15. Claire Mazel, La mort et l'éclat : Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-6659-0, lire en ligne)