Utilisateur:Ahemes/Scandale de Gogol

Le manteau de Gogol est une expression littéraire qui marque un basculement littéraire majeur quant au courant nihiliste russe et l'avènement de la littérature russe en prose. Cette expression est tirée du Roman russe (1886) d'Eugène-Melchior de Vogüé pour qui Dostoïevski aurait affirmé : « Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol »[1][2].

Citation

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« Les nouvelles de cette même époque nous le [Gogol] montrent tâtonnant dans le réalisme ; tantôt il pointe par vieille habitude dans le domaine de la fantaisie, tantôt il s'y engage à fond. Parmi ces compositions inégales, Le Manteau mérite une place à part. Plus je lis les Russes, plus j'aperçois la vérité du propos que me tenait l'un[3] d'eux, très mêlé à l'histoire littéraire des quarante dernières années : « Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol ». »

— Eugène-Melchior de Vogüé, Le Roman russe, 4e édition, 1897[4].

Contexte

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Depuis 1843, Nicolas Gogol, déprimé et hypocondriaque, n'avait plus rien publié, jusqu'à ses Passages choisis d'une correspondance avec des amis en 1846. A présent partisan de l'orthodoxie et de l'autocratie, il y exprime un ultra-conservatisme moral et politique. Cette publication justifie à la fois son évolution mystique, Gogol se sentant à présent le directeur de conscience de la Russie, et le retard pris dans l'écriture de la suite des Âmes mortes, dont il brûle à plusieurs reprise les manuscrits qui en constitueraient la suite[5]. Il se persuade dès lors que sa nouvelle mission est de sauver moralement la Russie, en la guidant vers le paradis. Les Passages choisis permettent de faire comprendre à ses lecteurs la signification de son œuvre, une fois celle-ci achevée. Cette démarche ne requiert comme effort que de rassembler les lettres qu'il envoie depuis quelques années à ses amis et admirateurs, ce qui est une action moindre pour un homme malade et sans inspiration. Les Passages choisis déclenchèrent un véritable scandale dans l'Empire russe. Ses anciens détracteurs se réjouissent alors de son retour aux idées saintes, tandis que ses anciens admirateurs se lamentent de son récent obscurantisme[6]. Le critique littéraire Vissarion Belinski adresse ainsi une lettre amère à Gogol[7], le traitant d'« prédicateur du knout, apôtre de l'ignorance, défenseur de l'obscurantisme et des ténèbres de l'esprit, panégyriste de mœurs tartare[8]. », et l'accusant d'être inspiré par des considérations purement financières. En 1849, le jeune Fiodor Dostoïevski lit une copie de cette lettre lors d'une réunion du cercle de Petrachevski, ce qui lui vaut la prison et une condamnation à mort, commuée, in extremis, par la grâce impériale en plusieurs années de bagne en Sibérie. Cette polémique surprend et bouleverse Gogol, qui croit, sans doute sincèrement, à sa renaissance artistique. Il ne publie plus rien jusqu'à sa mort, en 1852.

Littérature russe

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Articles connexes

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Le Manteau (Gogol)

Passages choisis d'une correspondance avec des amis

  1. Efim Etkind, Georges Nivat, Ilya Serman, Vittoria Strada, Histoire de la littérature russe, tome 2, L'époque de Pouchkine et de Gogol, p.  792, 1996, Fayard
  2. Georges Nivat, Vers la fin du mythe russe. Essais sur la culture russe de Gogol à nos jours, p. 15, Éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1982
  3. Fiodor Dostoïevski est l'écrivain à qui est généralement attribué cette célèbre affirmation.
  4. Eugène-Melchior de Vogüé, Le Roman russe, Elibron Classic, 2005, Fac-similé de la 4e édition, Paris : Plon, 1897, p. 96 (ISBN 1-4212-3512-9)
  5. Gustave Aucouturier, in Nicolas Gogol, Œuvres complètes, Les Âmes mortes, Gallimard, 1973, p. 448 et 449
  6. Gustave Aucouturier in Nicolas Gogol, Œuvres complètes, Les Âmes mortes, Gallimard, 1973, p. 450
  7. Wanda Bannour Lettre à Gogo par V. Belinski, p. 37
  8. Wanda Bannour Lettre à Gogo par V. Belinski, p. 41

Références

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  • Le Manteau de Gogol, Conférence donnée par Nadine SORET en mars 2005 à St Quentin (Aisne).