Réaction d'Asinger

réaction chimique

La réaction d'Asinger ou synthèse de thiazoline d'Asinger est une réaction de chimie organique. Elle a été découverte par Friedrich Asinger (en) lors de son séjour forcé en Union soviétique (Action Ossoawiachim : déportation des scientifiques allemands en URSS)[1].

La réaction d'Asinger est l'une des réactions multi-composants classée comme A-4CR (abréviation de "Asinger-4 component reaction") : du soufre élémentaire, une cétone ou un aldéhyde α-substitué, un autre composant avec un groupe carbonyle et de l'ammoniac forment avec un bon rendement une 3-thiazoline[2] ou des mélanges de plusieurs 3-thiazolines :

Un exemple d'une réaction d'Asinger classique avec une cétone.
Un exemple d'une réaction d'Asinger classique avec un aldéhyde.

Mécanisme modifier

Le mécanisme expliqué sur une cétone est identique pour un aldéhyde (R3=H).

Première étape :

 
formation d'une α-mercaptocétone

Une réaction de thiolation forme un intermédiaire α-mercaptocétone : L'α-thiolation est catalysée par une base - ici l'ammoniac- qui déprotone l'atome d'hydrogène en α de la cétone. La réaction est initiée par un énolate. Un cycle S8 du soufre élémentaire s'additionne sur la double liaison de l'énolate puis par protonation et réaction avec un autre énolate, forme une α-mercaptocétone et un polysulfure avec un soufre en moins qui par protonation et réaction avec d'autres énolates successivement forme de l'α-mercaptocétone jusqu'à ce qu'il soit lui-même une α-mercaptocétone.

Deuxième étape :

 

L'α-mercaptocétone réagit de manière irréversible avec un aldéhyde et de l'ammoniac pour former une 3-thiazoline : L'aldéhyde est ici l'autre composé carbonyle dans la réaction de cyclisation. Il s'agit d'une α-amino-alkylation d'un atome du carbone lié à S et O et donc polarisé et, pour encore plus de stabilisation, d'une cyclisation concertée avec le départ d'une molécule d'eau. Finalement une seconde déshydratation transforme la 3-thiazolidine en 3-thiazoline.

La formation de 3-thiazolines se produit également à l'aide d'α-thioaldéhyde ou d'α-thiocétone et d'ammoniac, ce qui revient à supprimer la première étape du mécanisme[3].

Variante modifier

Une version plus simple de la réaction d'Asinger a été développée par la société Degussa AG. La réaction d'un composant carbonyle α-halogéné avec l'hydrogénosulfure de sodium, NaHS génère in situ le composant α-mercapto-carbonyle (α-thiol) qui peut réagir directement avec des aldéhydes ou des cétones et de l'ammoniac pour donner des 3-thiazolines[4] :

 

Dans l'industrie chimique, des procédés multi-composés basés sur cette variante de l'A-4CR (synthèse d'Asinger à 4 composants) ont été développés pour la production de produits pharmaceutiques tels que le médicament D-pénicillamine[5] et l'acide aminé DL-cystéine[6] :

 
Variante de la réaction d'Asinger comme première étape vers la production de cystéine (R=H) et pénicillamine (R=CH3)

La synthèse de 3-oxazolines (analogues oxygénés des 3-thiazolines) peut être réalisée via une autre variante de la réaction d'Asinger avec un 2-halogénoaldéhyde, de l'ammoniac, de l'hydroxyde de sodium, NaOH et un autre composé carbonyle, en général une cétone[7].

Notes et références modifier

  1. (de) F. Asinger, « Über die gemeinsame Einwirkung von Schwefel und Ammoniak auf Ketone », Angew. Chem., vol. 68, no 12,‎ , p. 413 (ISSN 1433-7851, DOI 10.1002/ange.19560681209).
  2. (de) R. Beckert, Organikum : organisch-chemisches Grundpraktikum, Weinheim (Allemagne), Wiley-VCH-Verlag, , 23e éd., 861 p. (ISBN 978-3-527-32292-3), chap. D6 (« Oxidation und Dehydrierung »), p. 434.
  3. (de) F. Asinger et M. Thiel, « Einfache Synthesen und chemisches Verhalten neuer heterocyclischer Ringsysteme », Angew. Chem., vol. 70, nos 22-23,‎ , p. 667–683 (ISSN 1433-7851, DOI 10.1002/ange.19580702202).
  4. (en) K. Drauz, H. G. Koban et al., « Phosphonic and Phosphinic Acid Analogs of Penicillamine », Liebigs Ann. Chem., vol. 1985, no 3,‎ , p. 448–452 (ISSN 1433-7851, DOI 10.1002/jlac.198519850303).
  5. (en) W. M. Weigert, H. Offermanns et al., « D-Penicillamine—Production and Properties », Angew. Chem. Int. Ed., vol. 14, no 5,‎ , p. 330–336 (ISSN 1433-7851, DOI 10.1002/anie.197503301).
  6. (en) J. Martens, H. Offermanns et al., « Facile Synthesis of Racemic Cysteine », Angew. Chem. Int. Ed., vol. 20, no 8,‎ , p. 668 (ISSN 1433-7851, DOI 10.1002/anie.198106681).
  7. (de) M. Weber, J. Jakob et al., « Synthese und Reaktivität von 3-Oxazolinen », Liebigs Ann. Chem., vol. 1992, no 1,‎ , p. 1-6 (ISSN 1433-7851, DOI 10.1002/jlac.199219920102).

Bibliographie modifier

  • Friedrich Asinger, Chemiker-Treffen Salzburg: Über die einfache und ergiebige Synthese von Thiazolinen., Angewandte Chemie, 1956, vol. 68, pp. 376–389. DOI 10.1002/ange.19560681109.
  • Friedrich Asinger, Über die gemeinsame Einwirkung von Schwefel und Ammoniak auf Ketone., Angewandte Chemie, 1956, vol. 68, pp. 413–413. DOI 10.1002/ange.19560681209.
  • Imre Schlemminger, Hans-Hermann Janknecht, Wolfgang Maison, Wolfgang Saak, Juergen Martens, Synthesis of the first enantiomerically pure 3-thiazolines via Asinger reaction., Tetrahedron Letters, 2000, vol. 41, pp. 7289–7292.DOI 10.1016/S0040-4039(00)01266-1.
  • Jürgen Martens, Hans-Herrmann Janknecht, Synthese von 2-tert-Butyl-3-thiazolinen und Untersuchungen zur Diastereoselektivität der Asinger-Reaktion., Sulfur Letters, 1990, vol. 11, pp. 263–270.