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James Fenimore Cooper - Si féroce, si sauvage...

Le féroce Magua saisit par le bras le jeune Mohican incapable d'opposer aucune résistance, et il lui enfonça un couteau dans le sein à trois reprises différentes avant que sa victime, l'œil toujours fixé sur son ennemi avec l'expression du plus profond mépris, tombât morte à ses pieds. (...)

Magua vainqueur regarda le jeune guerrier, et lui montrant l'arme fatale toute teinte du sang de ses victimes, il poussa un cri si féroce, si sauvage, et qui en même temps peignait si bien son barbare triomphe, que, ceux qui se battaient dans la vallée à plus de mille pieds au-dessous d'eux l'entendirent, et ne purent en méconnaître la cause. Il fut suivi d'une exclamation terrible qui s'échappa des lèvres du chasseur qui, franchissant les rocs et les ravins, s'avançait vers lui d'un pas aussi rapide, aussi délibéré que si quelque pouvoir invisible le soutenait au milieu de l'air ; mais lorsqu'il arriva sur le théâtre même du massacre, il n'y trouva plus que les cadavres des victimes.

James Fenimore Cooper (15/09/1789 - 1851) - Le Dernier des Mohicans (1826) - Chapitre XXXII

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s:septembre 2009 Invitation 1

Benjamin Péret – Le souffle des pierres

Assise flamberge assis vents
la mer se décolore et le rouge domine
le rouge de mon cœur est le vent de ses îles
le vent qui m’enveloppe comme un insecte
le vent qui me salue de loin
le vent qui écoute le bruit de ses pas décroître sur mon ombre
si pâle qu’on dirait un poisson volant
As-tu senti les cheveux se dénouer comme les aiguilles d’une pendule
et le souffle des pierres s’atténuer de crainte que les mains ne les remarquent
As-tu senti la sève jaillir hors des arbres de paille
et se répandre sur les fleuves


Benjamin Péret - Dormir dans les pierres (Éditions surréalistes, Paris, 1927)

s:septembre 2009 Invitation 2

James Fenimore Cooper - Si féroce, si sauvage...

Le féroce Magua saisit par le bras le jeune Mohican incapable d'opposer aucune résistance, et il lui enfonça un couteau dans le sein à trois reprises différentes avant que sa victime, l'œil toujours fixé sur son ennemi avec l'expression du plus profond mépris, tombât morte à ses pieds. (...)

Magua vainqueur regarda le jeune guerrier, et lui montrant l'arme fatale toute teinte du sang de ses victimes, il poussa un cri si féroce, si sauvage, et qui en même temps peignait si bien son barbare triomphe, que, ceux qui se battaient dans la vallée à plus de mille pieds au-dessous d'eux l'entendirent, et ne purent en méconnaître la cause. Il fut suivi d'une exclamation terrible qui s'échappa des lèvres du chasseur qui, franchissant les rocs et les ravins, s'avançait vers lui d'un pas aussi rapide, aussi délibéré que si quelque pouvoir invisible le soutenait au milieu de l'air ; mais lorsqu'il arriva sur le théâtre même du massacre, il n'y trouva plus que les cadavres des victimes.

James Fenimore Cooper (15/09/1789 - 1851) - Le Dernier des Mohicans (1826) - Chapitre XXXII

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s:septembre 2009 Invitation 3

Georges Simenon - Suspense

Les vieilles s'éveillaient toutes à la fois. Les pieds remuaient sur les froids carreaux bleus du temple. Une paysanne se dirigea vers la sortie, puis une autre. Le sacristain parut avec un éteignoir, et un filet de fumée bleue remplaça la flamme des bougies...

Le jour était né. Une lumière grise pénétrait dans la nef en même temps que les courants d'air. Il restait trois personnes... Deux... Une chaise remuait... Il ne restait plus que la comtesse, et les nerfs de Maigret se crispèrent d'impatience...

Le sacristain, qui avait terminé sa tâche, regarda Mme Saint-Fiacre. Une hésitation passa sur son visage. Au même moment le commissaire s'avança.

Ils furent tous deux près d'elle, à s'étonner de son immobilité, à chercher à voir le visage que cachaient les mains jointes.

Maigret, impressionné, toucha l'épaule. Et le corps vacilla, comme si son équilibre n'avait tenu qu'à un rien, roula par terre, resta inerte.

La comtesse de Saint-Fiacre était morte.

Georges Simenon (1903 - 04/09/1989) - L'Affaire Saint-Fiacre (éd. Fayard, 1932)

s:septembre 2009 Invitation 4

Claude Nougaro - Mai mai mai Paris mai

C'est ainsi que parlait sans un mot ce jeune homme
Entre le fleuve ancien et le fleuve nouveau
Où les hommes noyés nagent dans leurs autos.
C'est ainsi, sans un mot, que parlait ce jeune homme
Et moi l'oiseau-forçat, casseur d'amère croûte
Vers mon ciel du dedans j'ai replongé ma route,
Le long tunnel grondant sur le dos de ses murs
Aspiré tout au bout par un goulot d'azur
Là-bas brillent la paix, la rencontre des pôles
Et l'épée du printemps qui sacre notre épaule

Claude Nougaro (9/09/1929 - 2004) - Paris mai (Philips, 1968)

s:septembre 2009 Invitation 5

Doris Lessing – L'enfant étrange

Elle voyait la table s'allonger, s'élargir, et les visages se masser tout autour, toujours des visages souriants, car ce rêve ne pouvait accueillir ni critique ni discorde. Et les bébés... les enfants... elle entendit des rires de petits enfants, leurs voix ; et puis le vaste étincellement de la table sembla s'assombrir, et voilà que paraissait Ben, l'étranger, le destructeur. Elle tourna des yeux circonspects vers lui, redoutant d'éveiller des sens qu'elle devinait en lui, et le vit là, sur un siège. Il se tenait à l'écart des autres, toujours à l'écart ; et comme toujours ses yeux scrutaient les visages des autres, les observaient. Des yeux froids ? Elle les avait toujours trouvé froids ; mais que voyaient-ils ? Pensifs ? On pouvait l'imaginer pensant, absorbant des données d'après ce qu'il voyait, et les ordonnant – mais selon des critères que ni elle ni personne ne pouvait deviner.

Doris LessingLe cinquième enfant (page 199) (éd. Albin Michel, 1990)