Marbre de Thorigny

socle d'une statue en grès (et non en marbre) découverte à Vieux (et non à Thorigny) dans le département du Calvados

Le marbre de Thorigny est le socle d'une statue en grès (et non en marbre) découverte à Vieux (et non à Thorigny) dans le département du Calvados. Les inscriptions gravées expliquent la carrière politique d'un haut personnage gallo-romain, Titus Sennius Sollemnis. Cette pierre, découverte en 1580, est le principal document épigraphique de Normandie.

Marbre de Thorigny
Date
238
Matériau
Localisation
Protection
Objet français classé monument historique (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata

Le piédestal est classé au titre de mobilier depuis 1922[1].

Origine

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Copie du socle au musée archéologique de Vieux-la-Romaine

Le 17e jour des calendes de janvier () en 238, le conseil des Gaules choisit d'élever une statue en l'honneur d'un de ses membres Titus Sennius Sollemnis à Aregenua, ville dont il était magistrat, alors qu'il était administrateur des mines de fer gauloises. On grava sur trois faces de sa base le nom de la personne honorée, sa carrière ainsi que la copie de lettres que lui avaient envoyées de puissants personnages. Titus Sennius Sollemnis remplit d'abord des fonctions municipales à Aregenua (duovir, augure) avant d'exercer des charges provinciales : il a fait partie de la délégation de notables que les cités de Gaule romaine envoyaient annuellement à Lugdunum, capitale de la province, pour célébrer le culte impérial. Les délégués des cités l'ont choisi comme grand prêtre de Rome et d'Auguste en 220 apr. J.-C.. Le texte nous apprend aussi à quel point ce notable gaulois était intégré à l'Empire. Son réseau d'amis (gouverneurs, tribuns militaires) le liait à la classe dirigeante romaine. En finançant la fin des travaux des thermes d'Aregenua et en offrant quatre jours de spectacle de gladiateurs, il se montra un parfait évergète[2].

Conservation

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La pierre, exhumée en 1580, a été transportée par Jacques de Matignon dans son château de Torigni-sur-Vire, dont elle tire son nom. Laissée à l'abandon pendant un siècle, elle est finalement retrouvée dans l'orangerie du château des Matignon[3]. La pierre a ensuite été conservée à Saint-Lô, où elle fut très abîmée lors des bombardements. Déposée à l'université de Caen, dans le bâtiment Droit, elle réintègre les collections du musée de Saint-Lô à la fin des années 1980.

Inscription

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Détail de l'inscription, face, seconde moitié.
 
Détail de l'inscription, face, haut de la seconde moitié.
 
Détail de l'inscription, face, en bas.

T(ito) Sennio Sollemni Sollem
nini fil(io) IIvir(o) sine sorte quater aug(uri)
[o]mnib(us) honorib(us) mun[icipio ---]q(ue) VII
[---]us in
[s]ua c[i]vitate eodemq(ue) tem[po]re sacerdo[s]
R[om]ae [et Augusti ad aram omn]e genus spec
taculorum e[did]it [fu]erunt gladia[to]
r[um c]ertam(ina) n(umero) XXXII ex quibus per quad
riduum [n(umero)] V[III] s[ine] missione edideru[nt]
[bal]neum quod [pop]u[lar]ibus coloniae s[uae]
pr[ofutu]rum S[ollemninus ---]ribus
funda[me]ntis inst[itutis reli]querat
consumm[av]it [item legavit ---] fructum unde
in perpetuum instauraretur is Sollemnis
amicus Tib(eri) Claud(i) Paulini leg(ati) Aug(usti) pro
pr(aetore) pro
vinc(iae) Lugd(unensis) et cliens fuit cui postea
[l]eg(ato) Aug(usti) p(ro) p(raetore) in Brit(annia) ad legio
nem sext[am]
adsedit [q]uique e[i] salarium militiae
in auro aliaque munera longe pluris missi[t]
fuit cliens probatissimus Aedini Iuliani
leg(ati) Aug(usti) prov(inciae) Lugd(unensis) qui postea
praef(ectus) praet(orio)
fuit sicut epistula quae ad latus scripta es[t]
declaratur adsedit etiam in provincia Num[id(ia)]
Lambense M(arco) Valerio Floro trib(uno) mil(itum) leg(ionis) III Aug(ustae)
iudici arcae ferrar(iarum)
tres prov(inciae) Gall(iae)
primo umquam in sua civitate posuerunt
locum ordo civitatis Viducass(ium) libera(e) dedit
p(osita) XVII K(alendas) Ian(uarias) Pio et Proculo co(n)s(ulibus)[4]

[E]xemplum epistulae Cl(audi)
[Pa]ulini leg(ati) Aug(usti) pr(o) pr(aetore) prov(inciae)
[B]ritanniae ad Sennium Sollem
nem a Tampio
licet plura merenti tibi h[aec]
a me pauca tamen quonia[m]
honoris causa offeruntu[r]
velim accipias libente[r]
chlamidem Canusinam
dalmaticam Laodiciam fibulam
auream cum gemmis rachanas
duas tossiam Brit(annicam) pellem vituli
marini semestris autem epistulam
ubi prope diem vacare coeperi[t]
mittam cuius militiae salarium
[i]d est HS XXV(milia) n(ummum) in auro suscip[e]
[d]is faventibus et maiestate sanct[a]
Imp(eratoris) deinceps pro meritis
adfectionis magis digna
consecuturus concordit(er)[5]

Exemplum epistulae Aedin[i]
Iuliani praefecti praet(orio)
ad Badium Comnianum pr[o]
cur(atorem) et vice praesidis agen[t(em)]
Aedinius Iulianus Badio
Comniano sal(utem) in provincia
Lugduness(i!) quinquefascal(is)
cum agerem plerosq(ue) bonos
viros perspexi inter quos
Sollemnem istum oriundum
ex civitate Viduc(assium) sacerdote[m]
quem propter sectam gravitat[em]
et honestos mores amare coep[i]
his accedit quod cum Cl(audio) Paulin[o]
decessori meo in concilio
Galliarum instinctu quorund[am]
qui ab eo propter merita sua laes[i]
videbantur quasi ex consensu provin[c(iarum)]
accussationem instituere temtar[ent]
Sollemnis iste meus proposito eor[um]
restitit provocatione scilicet inte[rpo]
[s]ita quod patria eius cum inter ce[ter(os)]
legatum eum creasset nihil de ac
tione mandassent immo contra laud[as]
[se]nt qua ratione effectum est ut o[mnes]
[a]b accusatione desisterent que[m]
magis magisque amare et compro[bare]
coepi is certus honoris mei er[ga se]
ad videndum me in urbem venit [atq(ue)]
proficiscens petit ut eum tibi [com]
mendarem recte itaque feceris [si]
de[si]d[e]rio illius adnueris et r(eliqua)[6]

Source : CIL XIII, 3162

Traduction partielle

Le gouverneur de la Lyonnaise écrit : "Bien que tu mérites de plus nombreux présents, je te prie de bien vouloir accepter de moi le peu que voici... , une chlamyde de Canusium, une dalmatique de Laodicée, une fibule en or enrichie de pierres précieuses, deux manteaux, un vêtement breton, une peau de veau marin. Quant au brevet de tribun semestriel, je te l'enverrai à la prochaine vacance; reçois en attendant la solde de ce grade, soit vingt-cinq milles sesterces payées en or"[7].

Notes et références

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Sur les autres projets Wikimedia :

  1. « Piédestal dit marbre de Torigni », notice no PM50001009, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  2. Texte complet de l'inscription en l'honneur de T. Sennius Sollemnis (CIL XIII, 3162).
  3. Barthélemy Pont, Histoire de la ville de Caen : ses origines, Caen sous les ducs de Normandie, Caen, E. Alliot, 1866, p. 53.
  4. Vipard 2008, p. 49-50.
  5. Vipard 2008, p. 59.
  6. Vipard 2008, p. 53, 57.
  7. La vie quotidienne en Gaule pendant la paix romaine, page 210, auteur Paul-Marie Duval, ISBN 2.01.005755.9

Bibliographie

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  • Jérôme Carcopino, « Le marbre de Thorigny », Revue des Études Anciennes, t. 50, nos 3-4,‎ , p. 336-347 (lire en ligne, consulté en ).
  • Élisabeth Deniaux, « La Conquête et l'intégration à l'empire romain », dans Élisabeth Deniaux, Claude Lorren, Pierre Bauduin et Thomas Jarry, La Normandie avant les Normands, Rennes, Ouest-France, , 448 p. (ISBN 2737311179).
  • Hans-Georg Pflaum, Le Marbre de Thorigny, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de l'École des hautes études. Sciences historiques et philologiques, 4e section » (no 292), , 71 p. (OCLC 490070900).
  • Pascal Vipard, Marmor Tauriniacum : le marbre de Thorigny (Vieux, Calvados). La carrière d'un grand notable gaulois au début du troisième siècle ap. J.-C., Paris, De Boccard, coll. « Gallia Romana » (no 8), (ISBN 978-2-7018-0243-5, lire en ligne).