François Naville

médecin suisse

François Naville, né le à Neuchâtel, mort le à Genève, est un médecin suisse, directeur de l'Institut médico-légal de l'Université de Genève. Il est le seul expert vraiment neutre de la Commission internationale Katyn enquêtant sur le massacre de Katyń par les Soviétiques de quelque 22 000 prisonniers de guerre polonais, principalement des officiers de l'armée polonaise, arrêtés et emprisonnés au cours de la double invasion soviétique et allemande de la Pologne. Leurs corps ont été découverts dans une série de grandes fosses communes dans la forêt près de Smolensk en Russie, à la suite de l'opération nazi allemande Barbarossa[1],[2],[3].

François Naville
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 84 ans)
GenèveVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Cimetière de Poussy (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Distinction
Vue de la sépulture.

Biographie modifier

Avec une lointaine ascendance française, François Naville est issu de la bourgeoisie genevoise. Parmi ses ancêtres paternels, on trouve :

François Marc Louis Naville (1784-1846), pasteur et éducateur (son arrière-grand-père)
Ernest Naville (1816-1909), théologien et philosophe (son grand-père)
Adrien Naville (1843-1930), professeur (son père)[4],[3].

François Naville suit ses études secondaires à Genève, à l'issue desquelles il obtient la maturité en 1901. Contre l'avis des siens, il décide de faire des études de médecine à l'université de Genève et dans d’autres universités, suisses et étrangères. Il fait des stages à Paris et Munich, et obtient son doctorat en 1910 après une thèse sur l'aliénation mentale[5]. Il se spécialise alors en neurologie et en psychiatrie infantile. Il s'oriente ensuite vers la criminologie clinique, et devient professeur de médecine légale en 1928, puis directeur de l’Institut de médecine légale à l’université de Genève en 1934, ce qui lui vaudra d'être un des experts intervenant dans l'affaire de Katyn en 1943, et d'entrer ainsi dans l'histoire. Son cursus se poursuit comme président du Conseil de surveillance psychiatrique et médecin-inspecteur des classes d’enfants anormaux du canton de Genève, ainsi que président de la Société suisse de neurologie entre 1930 et 1932, et doyen de la faculté de médecine de Genève de 1948 à 1950.

Retiré en 1956, il est cependant appointé comme expert dans l'affaire Jaccoud qui se déroule entre 1958 et 1960, et procède à l'autopsie de la victime[6].

Il meurt subitement en 1968[2],[3].

Affaire de Katyn modifier

 
Signatures des membres de la commission internationale Katyn, 30 avril 1943

« Le 13 avril 1943 la radio allemande communique la découverte du charnier contenant des cadavres d’officiers polonais dans la forêt de Katyn, près de Smolensk. Les recherches ultérieures montrent qu’il s’agit d’officiers emprisonnés par les Russes en automne 1939, qui n’avaient pas donné de leurs nouvelles depuis le printemps 1940. Le CICR refuse de s’occuper de cette affaire sans accord préalable de l’Union soviétique. À la suite de ce refus, les Allemands, de leur propre gré, réunissent une commission d’experts internationale et chargent celle-ci d’examiner les fosses communes à Katyn »[2].

Le professeur François Naville, directeur de l’Institut de médecine légale de l’Université de Genève, sans avoir ni le soutien ni l'interdiction du Conseil fédéral, accepte cette invitation, attiré par l'intérêt scientifique que présente cette affaire sur le plan médico-légal[3].

« [Il] est le seul expert vraiment neutre dans cette commission. Fin avril 1943 ses membres visitent les fosses communes à Katyn et concluent que les exécutions ont eu lieu au printemps 1940, c’est-à-dire dans la période où ce territoire se trouvait sous contrôle soviétique »[2].

En avril 1946, appelé à la barre de Nuremberg par Göring afin de réaffirmer l’innocence des Allemands à Katyn, il refuse de s'y rendre, sans toutefois revenir sur ses conclusions, malgré de nombreuses pressions, en particulier de la part des Soviétiques[3],[7].

« Le , au Conseil d’État de Genève, le député du parti du travail (communiste) M. Jean Vincent pose la question sur le rôle joué par le professeur Naville, dans « l’Affaire de Katyn ». M. Vincent lui reproche d’avoir accepté de se rendre à Katyn et prétend que le massacre de Katyń était l’œuvre des Allemands eux-mêmes. Dans sa réponse le professeur Naville décrit les conditions d’appel et d’acceptation de sa mission et maintient les conclusions d’expertise de 1943. Il déclare qu’en signant le rapport sur Katyn il n’a « nullement cherché à rendre service aux Allemands, mais exclusivement aux Polonais et à la vérité ».

Il ne trouve, malheureusement, ni compréhension, ni soutien de la part du CICR et du Département politique fédéral. Ces institutions ont agi d’une façon strictement pragmatique, avec le seul but de ne pas offenser le gouvernement soviétique et d’éviter les complications diplomatiques. Elles voulaient « ne pas savoir » qui était responsable du massacre de Katyn. C'est seulement en 1990[8] que la découverte du professeur Naville est acceptée et confirmée par les autorités soviétiques »[2],[3].

Cette affaire l'aura marqué à tel point qu'il déclarait « avoir souffert toute sa vie d'avoir participé en 1943 à la Commission constituée par l'Allemagne pour déterminer les auteurs du massacre de Katyn et ayant révélé la vérité, alors niée par l'URSS »[9].

Après sa mort, sa famille verse au CICR ses archives relatives à sa participation à cette commission d'enquête internationale constituée en 1943 (28-30 avril) par l'Allemagne[10].

Publications médicales modifier

  • 1910 : Du rôle des classes spéciales dans l'éducation des enfants anormaux et de leur organisation actuelle, à Genève en particulier
  • 1914 : L'éducation des enfants anormaux en Suisse
  • 1917 : Étude anatomique du névraxe dans un cas d'idiotie familiale amaurotique de Sachs
  • 1919 : Notice nécrologique sur le docteur Paul-Louis Ladame, de Genève
  • 1924 : Titres et publications du Dr François Naville
  • 1925 : Note sur l'arriération mentale du type malais (variété de l'arriération mongolienne)
  • 1926 : Note sur quelques cas de paragraphie infantile
  • 1928 : Institute of Legal Medicine at Geneva
  • 1932 : L'action des électrocutions industrielles sur le système nerveux
  • 1932 : Symptômes neurologiques consécutifs aux électrocutions industrielles : rapport présenté au Congrès international de neurologie de Berne
  • 1935 : Contribution à l'étude des équivalents épileptiques chez les enfants
  • 1937 : Aperçu sur l'histoire de la médecine à Genève
  • 1937 et 1938 : Aperçu sur l'histoire de la médecine à Genève
  • 1938 : Résumé des publications de F. Naville, professeur ordinaire de médecine légale à l'Université de Genève
  • 1944 : La prévention de la délinquance primaire
  • 1946 : Le secret professionnel des médecins[11].

Distinctions et hommages modifier

  •   Commandeur de l'ordre du Mérite de la république de Pologne (à titre posthume, par ordonnance du président de la république Lech Kaczyński[12] en date du )[13],[14].
  • Un film documentaire polonais de 2014 réalisé par Grażyna Czermińska, intitulé Poświęcając życie prawdzie (« Consacrer sa vie à la vérité »), traite du sort des membres de la commission d'enquête internationale Katyń après 1943, notamment de François Naville[15].

Notes et références modifier

  1. (en) International Katyn Commission, « Commission Findings », Transcript, Smolensk 30 April 1943, Warsaw Uprising by Project InPosterum, (consulté le ).
  2. a b c d et e Kazimierz Karbowski (de), « Professeur François Naville (1883 - 1968) : Son rôle dans l’enquête sur le massacre de Katyn » [PDF] (Texte élargi des conférences du 31 octobre 2002 à l’Université des aînés de langue francaise à Berne (UNAB), ainsi que du 14 novembre 2002 à la Société d’Histoire et d’Archéologie à Genève), sur archive.wikiwix.com, (consulté le ).  .
  3. a b c d e et f Vincent Monnet, Université de Genève, « Tête chercheuse : François Naville, un savant face à l’histoire », Campus – Le magazine scientifique de l'UNIGE, no 88,‎ novembre 2007 – janvier 2008 (lire en ligne, consulté le ).  .
  4. Base généalogique Roglo, « Ascendants de François Naville », sur roglo.eu (consulté le ).
  5. « Contribution à l'étude de l'aliénation mentale dans l'armée suisse et dans les armées étrangères. Étude clinique, statistique et de prophylaxie, par François Naville. Thèse de Genève, 1910 », sur www.biusante.parisdescartes.fr, Revue neurologique, (consulté le ), p. 199.
  6. Jean-Marc Théolleyre, « La défense harcèle de questions le médecin légiste qui pratiqua les autopsies », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Université de Caen-Normandie, « Les minutes du procès Nuremberg : Cent unième journée. Samedi  », sur www.unicaen.fr (consulté le ).
  8. France 24, « Le massacre de Katyn, un crime de guerre passé sous silence pendant 50 ans », sur www.france24.com, (consulté le ).
  9. Véronique Harouel-Bureloup, Université Paris-VIII, « Katyn : de la difficulté du travail d'expertise en temps de guerre », (François Naville est pris comme cas-type), sur halshs.archives-ouvertes.fr, HAL SHS, (consulté le ).
  10. « Inventaire P FN, François Naville et la Commission d'experts de Katyn 1938-1995 » [PDF] (Fonds d'archives du Pr François Naville), sur www.icrc.org, Genève, CICR, (consulté le ).
  11. WorldCat Identities, « Naville, François » (Liste de publications), sur www.worldcat.org (consulté le ).
  12. Le président Kaczyński périra le à Smolensk dans l'accident de l'avion qui le menait aux cérémonies commémorant le 70e anniversaire du massacre de Katyn.
  13. (pl) « Postanowienie Prezydenta Rzeczypospolitej Polskiej z dnia 14 marca 2007 r. o nadaniu orderów i odznaczeń » [« Ordonnance du Président de la République de Pologne du 14 mars 2007 sur l'attribution des ordres et des décorations »] [PDF], sur isap.sejm.gov.pl, Monitor Polski Nr 39, (consulté le ).
  14. Musée militaire genevois, « Genève et le drame de Katyn » [PDF], sur museemilitaire.ch, Le Brécaillon, (consulté le ), p. 12.
  15. (pl) [vidéo] Poświęcając życie prawdzie (« Consacrer sa vie à la vérité ») sur YouTube (consulté le ).

Annexes modifier

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Sources modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier