Fond stochastique d'ondes gravitationnelles


Le fond stochastique d'ondes gravitationnelles est un fond aléatoire d'ondes gravitationnelles imprégnant l'Univers, qui est détectable par des expériences sur les ondes gravitationnelles, comme les Pulsar Timing Array[1]. Le signal peut être intrinsèquement aléatoire, comme celui issu de processus stochastiques dans l’Univers primitif, ou peut être produit par une superposition incohérente d’un grand nombre de sources d’ondes gravitationnelles faibles, indépendantes et non résolues, comme les binaires de trous noirs supermassifs. La détection d'un fond d'ondes gravitationnelles peut fournir des informations inaccessibles par tout autre moyen sur la population source astrophysique, comme d'hypothétiques anciens trous noirs supermassifs binaires, et les processus de l'Univers primitif, comme le phénomène théorique d'inflation et les cordes cosmiques[2].

Sources d'un fond stochastique

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Plusieurs sources potentielles de fond sont identifiées, couvrant différentes bandes de fréquences et produisant des fonds avec des propriétés statistiques différentes. Les sources du fond stochastique peuvent être divisées en deux catégories : les sources cosmologiques et les sources astrophysiques.

Sources cosmologiques

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Les fonds stochastiques cosmologiques peuvent provenir de plusieurs sources de l’univers primitif. Cela inclut par exemple l'inflation, un mécanisme théorisé dans lequel l'univers primitif s'est étendu extrêmement rapidement dans les instants suivant le Big Bang, les mécanismes de « préchauffage » suivant l'inflation impliquant le transfert d'énergie des particules d'inflaton vers la matière ordinaire, les transitions de phase cosmologiques dans l'univers primitif (telles que la transition de phase électrofaible), les cordes cosmiques, etc. Bien que ces sources soient plus hypothétiques, la détection d'un fond d'ondes gravitationnelles primordiales à partir d'elles serait une découverte majeure qui aurait un impact profond sur la cosmologie et sur la physique des hautes énergies[3],[4].

Sources astrophysiques

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Un fond astrophysique est produit par le bruit combiné de nombreuses sources astrophysiques faibles, indépendantes et non résolues[2]. Par exemple, le fond astrophysique des fusions de trous noirs binaires de masse stellaire devrait être une source clé du fond stochastique pour la génération actuelle de détecteurs d’ondes gravitationnelles au sol. Les détecteurs LIGO et Virgo ont déjà détecté des événements d’ondes gravitationnelles individuels résultant de telles fusions de trous noirs. Cependant, il y aurait un grand nombre de telles fusions qui ne pourraient pas être résolues individuellement, ce qui produirait un bruit aléatoire dans les détecteurs. D'autres sources astrophysiques qui ne peuvent pas être résolues individuellement pourraient également donner naissance à un fond stochastique, comme les supernovas, ou des instabilités dans la rotation d'étoiles à neutrons[4].

Cependant, d'autres moyens d'observation pourraient observer un fond stochastique issu d'autres sources astrophysique; c'est le cas pour les Pulsar Timing Arrays (PTA). Trois consortiums – le European Pulsar Timing Array (EPTA), l'Observatoire nord-américain Nanohertz pour les ondes gravitationnelles (NANOGrav) et le Parkes Pulsar Timing Array (PPTA) – se coordonnent en tant que l'International Pulsar Timing Array. Ceux-ci utilisent des radiotélescopes pour surveiller un ensemble de pulsars millisecondes, qui agissent comme un détecteur à l’échelle galactique sensible aux ondes gravitationnelles avec des basses fréquences, comprises entre le nanohertz et 100 nanohertz. Avec les télescopes existants, de nombreuses années d’observation sont nécessaires pour détecter un signal, et la sensibilité des détecteurs s’améliore progressivement. Les limites de sensibilité se rapprochent de celles attendues pour les sources astrophysiques[5].

Une des sources importantes pour les PTA serait les binaires de trous noirs supermassifs, qui possèdent des masses de 105 à 109 masses solaires se trouvent au centre des galaxies. Lorsque des galaxies fusionnent, on s’attend à ce que leurs trous noirs supermassifs centraux fusionnent également. L'accumulation de tels éléments peut être la source d'un fond d'ondes gravitationnelles à très basse fréquence[6], [7].

Détection

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Graphique de corrélation entre les pulsars observés par NANOGrav (2023) en fonction de la séparation angulaire entre les pulsars, par rapport à un modèle théorique de Hellings-Downs (en pointillés violets), comparé à l'absence d'un fond d'ondes gravitationnelles (vert uni)[8], [9].

Le 11 février 2016, les collaborations LIGO et Virgo ont annoncé la première détection et observation directe d'ondes gravitationnelles, qui a eu lieu en septembre 2015; celle-ci correspond à une fusion de deux trous noirset représente une première étape vers la détection potentielle d’un GWB.

Le 28 juin 2023, la collaborationNANOGrav a annoncé la preuve d'un fond stochastique utilisant les données d'observation d'un réseau de pulsars millisecondes[10],[11]. Les observations de l'EPTA[12], de l'Observatoire Parkes[13] et du Chinese Pulsar Timing Array (CPTA)[14],[15] ont également été publiées le même jour, fournissant une validation croisée des preuves du fond stochastique en utilisant différents télescopes et méthodes d'analyse[16]. Ces observations ont fourni la première mesure de la courbe théorique de Hellings-Downs, c'est-à-dire la corrélation quadripolaire entre deux pulsars en fonction de leur séparation angulaire dans le ciel, signe révélateur de l'origine gravitationnelle du fond observé[17]. La source exacte de ce fond d’ondes gravitationnelles ne peut pas être identifiées sans observations et analyses supplémentaires, bien que les binaires de trous noirs supermassifs soient les principaux candidats[1].

Notes et références

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  1. a et b Jonathan O'Callaghan, « A Background 'Hum' Pervades the Universe. Scientists Are Racing to Find Its Source - Astronomers are now seeking to pinpoint the origins of an exciting new form of gravitational waves that was announced earlier this year », Scientific American,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  2. a et b Joseph D. Romano, Neil. J. Cornish, « Detection methods for stochastic gravitational-wave backgrounds: a unified treatment », Living Rev Relativ, vol. 20, no 1,‎ , p. 2 (PMID 28690422, PMCID 5478100, DOI 10.1007/s41114-017-0004-1, Bibcode 2017LRR....20....2R, arXiv 1608.06889)
  3. Krauss, Dodelson et Meyer, « Primordial Gravitational Waves and Cosmology », Science, vol. 328, no 5981,‎ , p. 989–992 (PMID 20489015, DOI 10.1126/science.1179541, Bibcode 2010Sci...328..989K, arXiv 1004.2504, S2CID 11804455, lire en ligne)
  4. a et b Christensen, « Stochastic gravitational wave backgrounds », Reports on Progress in Physics, vol. 82, no 1,‎ , p. 016903 (PMID 30462612, DOI 10.1088/1361-6633/aae6b5, arXiv 1811.08797, S2CID 53712558, lire en ligne)
  5. Sesana, « Systematic investigation of the expected gravitational wave signal from supermassive black hole binaries in the pulsar timing band », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters, vol. 433, no 1,‎ , L1–L5 (DOI 10.1093/mnrasl/slt034, Bibcode 2013MNRAS.433L...1S, arXiv 1211.5375, S2CID 11176297)
  6. Volonteri, Haardt, Francesco et Madau, Piero, « The Assembly and Merging History of Supermassive Black Holes in Hierarchical Models of Galaxy Formation », The Astrophysical Journal, vol. 582, no 2,‎ , p. 559–573 (DOI 10.1086/344675, Bibcode 2003ApJ...582..559V, arXiv astro-ph/0207276, S2CID 2384554)
  7. Sesana, Vecchio, A. et Colacino, C. N., « The stochastic gravitational-wave background from massive black hole binary systems: implications for observations with Pulsar Timing Arrays », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 390, no 1,‎ , p. 192–209 (DOI 10.1111/j.1365-2966.2008.13682.x, Bibcode 2008MNRAS.390..192S, arXiv 0804.4476, S2CID 18929126)
  8. « Focus on NANOGrav's 15 yr Data Set and the Gravitational Wave Background », iopscience.iop.org, (consulté le )
  9. « After 15 years, pulsar timing yields evidence of cosmic gravitational wave background »,
  10. Katrina Miller, « The Cosmos Is Thrumming With Gravitational Waves, Astronomers Find - Radio telescopes around the world picked up a telltale hum reverberating across the cosmos, most likely from supermassive black holes merging in the early universe. », The New York Times,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  11. (en) Agazie, Anumarlapudi, Archibald et Arzoumanian, « The NANOGrav 15 yr Data Set: Evidence for a Gravitational-wave Background », The Astrophysical Journal Letters, vol. 951, no 1,‎ , p. L8 (ISSN 2041-8205, DOI 10.3847/2041-8213/acdac6, Bibcode 2023ApJ...951L...8A, arXiv 2306.16213, S2CID 259274684)
  12. Antoniadis, « The second data release from the European Pulsar Timing Array », Astronomy & Astrophysics, vol. 678,‎ , A50 (DOI 10.1051/0004-6361/202346844, arXiv 2306.16214, S2CID 259274756)
  13. Reardon, Zic, Shannon et Hobbs, « Search for an Isotropic Gravitational-wave Background with the Parkes Pulsar Timing Array », The Astrophysical Journal Letters, vol. 951, no 1,‎ , p. L6 (ISSN 2041-8205, DOI 10.3847/2041-8213/acdd02, Bibcode 2023ApJ...951L...6R, arXiv 2306.16215, S2CID 259275121)
  14. Xu, Chen, Guo et Jiang, « Searching for the Nano-Hertz Stochastic Gravitational Wave Background with the Chinese Pulsar Timing Array Data Release I », Research in Astronomy and Astrophysics, vol. 23, no 7,‎ , p. 075024 (ISSN 1674-4527, DOI 10.1088/1674-4527/acdfa5, Bibcode 2023RAA....23g5024X, arXiv 2306.16216, S2CID 259274998, lire en ligne)
  15. « Probing the Universe's Secrets: Key Evidence for NanoHertz Gravitational Waves », scitechdaily.com, Chinese Academy of Sciences, (consulté le ) : « Chinese scientists has recently found key evidence for the existence of nanohertz gravitational waves, marking a new era in nanoHertz gravitational research. »
  16. Rini, « Researchers Capture Gravitational-Wave Background with Pulsar "Antennae" », Physics, Physics 16, 118 (29 June 2023), vol. 16,‎ , p. 118 (DOI 10.1103/Physics.16.118, Bibcode 2023PhyOJ..16..118R, S2CID 260750773) :

    « Four independent collaborations have spotted a background of gravitational waves that passes through our Galaxy, opening a new window on the astrophysical and cosmological processes that could produce such waves. »

  17. Jenet et Romano, « Understanding the gravitational-wave Hellings and Downs curve for pulsar timing arrays in terms of sound and electromagnetic waves », American Journal of Physics, vol. 83, no 7,‎ , p. 635–645 (DOI 10.1119/1.4916358, Bibcode 2015AmJPh..83..635J, arXiv 1412.1142, S2CID 116950137, lire en ligne)