Discussion:Le Drame des Jardies

Dernier commentaire : il y a 5 ans par Nestorrefacteur dans le sujet Réaction de Pierre-Barthélémy Gheusi au Drame des Jardies
Autres discussions [liste]
  • Admissibilité
  • Neutralité
  • Droit d'auteur
  • Article de qualité
  • Bon article
  • Lumière sur
  • À faire
  • Archives
  • Commons

Un roman tombé dans l'oubli... modifier

Pour illustrer, on peut noter que, à la date de création de cet article, Le Drame des Jardies ne figurait pas dans liste de 31 romans recensés dans l'article wiki consacré à Léon Daudet. Un paragraphe intitulé «Léon Daudet écrivain» confirme : «Si ses romans - il poursuit toute sa vie une carrière de romancier avec un insuccès littéraire à peu près total - ont beaucoup vieilli, si son œuvre de polémiste ne suscite plus l'intérêt, ses Souvenirs restent une mine pour tous ceux que la IIIe République intéresse.»--Nestorrefacteur (discuter) 2 juin 2018 à 23:28 (CEST)Répondre

Réaction de Pierre-Barthélémy Gheusi au Drame des Jardies modifier

En mode texte, l'article du Figaro en date du 28 juillet 1924, fait apparaître beaucoup d'erreurs. Il a été recopié ci-dessous pour faciliter la lecture :

M. Léon Daudet poursuit, dans l’Action Française, une discussion courtoise que nous avons le devoir de soutenir encore. Romancier, il veut absolument que Gambetta soit allé à Varzin. C’est son droit de conteur ; mais l’histoire dira qu’il n’y est pas allé. Journaliste, M. Daudet lui reproche d’avoir voyagé en Allemagne avec Léonie Léon. Ceux des partisans du tribun qui l’ont nié jadis furent des imbéciles –tout simplement. C’est peut-être leur ancien démenti qui permit de donner à ces voyages l’on ne sait quel faux nez de trahison. Ainsi, huit ans après la défaite de 1870, Gambetta, chef de la majorité républicaine – qui passa vingt-deux jours en Italie et à Vienne en avril 1878, sans entrer en Allemagne – n’aurait pas eu le droit d’aller à Berlin ?... C’est comme si nous disions qu’en 1926 – dans deux ans – un ancien ministre allemand de 1918 ne saurait venir à Paris sans mériter les pires soupçons de ses ennemis politiques. - Dans tous les cas, s’il est passé par Berlin, reprennent tous les adversaires de Gambetta, c’est qu’il allait chez Bismarck ! Personne au monde ne pourra soutenir, avec un semblant de preuves, que cette conjecture est une vérité. Et d’ailleurs, si Gambetta, pendant les dernières années de sa vie, est allé à Varzin, pourquoi l’aurait-il nié ? Il ne passait inaperçu nulle part. Son physique, si particulier et si populaire, était connu de toute l’Europe. Trente témoins auraient signalé son passage et sa visite dans le domaine de Bismarck, assiégé sans cesse de touristes et de badauds. Chaque fois qu’il parcourait l’Allemagne, la police secrète de l’Empire prussien était à ses trousses et informait Varzin de ses moindres gestes. Elle n’a jamais – malgré son désir scélérat, et peut-être celui du chancelier – parlé d’une entrevue, concertée ou fortuite, avec Bismarck. Aucune lettre intime – chacune d’elles est une confession totale à son père, à sa sœur, à Fieuzal ou à Clément Laurier – aucun carnet de route au jour le jour, pas un des propos réels du tribun, pas une de ses lettres authentiques – on les a beaucoup falsifiées, ou, tout au moins, tripatouillées – n’a mentionné cette visite. Pourtant, si les affaires du pays avaient exigé un dialogue utile avec l’ennemi, Gambetta, passant par l’Allemagne, n’eût sans doute point hésité à voir le maître de l’empire germain et à rendre compte de leur entrevue. Le voyage à Varzin n’est donc qu’un « bobard » - ainsi aime à dire Léon Daudet, de politiciens. Il peut figurer dans un roman ; il n’entrera pas dans l’Histoire.

  • * *

Gambetta, nous l’avons dit, était passé par Berlin, avec Léonie Léon, pour visiter l’école où le neveu de son amie apprenait l’allemand. - Voilà, écrit Daudet, ce fameux « bobard » de la connaissance des langues ennemies indispensable à la Revanche ! Or, il n’y a là aucune invention. Dans notre jeunesse, on nous a corné sur tous les tons que l’instituteur prussien nous avait vaincus et que nos officiers avaient perdu les batailles faute d’avoir su déchiffrer ou entendre le langage de l’envahisseur. L’obligation d’apprendre l’allemand faisait partie de notre programme, comme les bataillons scolaires, le tir de guerre avec des fusils Gras qui nous démolissaient l’épaule et les documentations tudesques et pédantes de nos textes classiques. Six mois avant sa mort, en 1882, Gambetta recommandait à l’un de nos parents de nous contraindre, mon cousin, mon frère et moi, d’apprendre l’allemand malgré nos répugnances – au lycée de Toulouse et au collège de Castres, aujourd’hui « Jean Jaurès » - puis de nous expédier, après le bachot, six mois à Berlin pour y perfectionner notre vocabulaire. Daudet soutiendra-t-il, après cela, qu’il voulait nous emmener à Varzin ?... Je me suis, trop tard, souvenu de ce conseil lorsque, trois semaines avant la guerre, j’ai souffert, à Berlin, de ne pas saisir les détails des violents dialogues que mes propos avaient provoqués, entre diplomates prussiens et officiers du vieil Haeseler. Visiblement, l’ennemi armait contre nous à outrance ; mais je n’ai pu – n’ayant pas suivi le conseil de Gambetta, saisir le sens exact des discussions qui, devant moi, divisaient encore nos adversaires sur le sabotage espéré de notre mobilisation. Depuis la nouvelle mise en scène de Sapho, à l’Opéra Comique – il y a sept ans – je n’ai pas revu Léon Daudet. Mais nous conservons, lui et moi, tout au moins la même vénération pour Mme Adam : c’est elle qui, dans cette controverse, va nous apporter son témoignage irrécusable : - « Le valet négligent des Jardies, nous écrivait-elle l’autre semaine, avait été, en effet, imposé par Mme Léonie Léon, qui détestait François (Roblin). Comme celui-ci le lui rendait bien et exécrait « le petit » (le neveu, mauvais écolier pour tout, même pour l’allemand). Sa tante l’avait envoyé en pension à Berlin. Gambetta allait, en Allemagne, le voir avec son amie, et en profitait pour étudier le pays ennemi, ce qui était d’un véritable homme politique. Il me raconta avoir été frôlé, en regardant une revue, par Bismarck à cheval !... » C’était, en effet la seconde, fois que Gambetta voyait le chancelier de si près ; la première fois, nous l’avons dit, remontait à 1867, pendant l’Exposition de Paris. Mais que devient, dans cette déposition loyale, le fameux voyage à Varzin ?... C’est bien un « bobard » décidément, - tout au plus un épisode de romain moderne.

  • * *

Nous voici, toutefois, arrêtés devant l’argument le plus obstiné de Daudet : pourquoi ne parlons-nous pas des relations de Léonie Léon et de la Païva ?... C’est que nous touchons ici à un point douloureux, à une tradition sacrée, respectée de tous parmi nous. Jamais, ni dans les lettres brûlées par Pallain, ni dans nos papiers de famille, dans les souvenirs des nôtres, dans les récits de Gambetta pieusement recueillis par nos parents, il n’a été question de « relations » possibles entre ces deux femmes. Le tribun adorait sa fiancée ; il la tenait en haute estime. On sait ce qu’il disait, en riant, au sortir d’un dîner chez la Païva, où il venait de passer trois heures, parmi vingt autres convives parisiens. Comment eût-il toléré le moindre dialogue suspect entre son affection idolâtre et son mépris... courtois ? La véritable figure de Léonie Léon n’en est pas moins singulièrement déformée par les polémiques actuelles – par les légendes aussi. Ni belle, ni intrigante, ni dominatrice, « la pauvre Léonie » n’était qu’une amoureuse ombrageuse, résignée et, le plus souvent, abîmée dans les remords mystiques et les larmes. A Bruyères, Gambetta lisait les lettres qu’il recevait d’elle à Mme Adam, son hôtesse de quelques jours : - « Quel dommage, nous écrivait naguère la grande Française, que ces lettres aient été brûlées !... Celles que Gambetta m’a lues à Bruyères, écrites sur de grandes feuilles d’une écriture serrée, étaient remarquables. Elles commentaient avec clarté les évènements intérieurs et extérieurs. Beaucoup d’hommes politiques y étaient jugés rudement ; et c’est pour cela qu’on a dû les brûler... » Hélas ! à distance, ces lettres doivent un peu faire illusion. Les intimes de Gambetta détestaient Léonie. Ils lui en voulaient de retenir le tribun si souvent auprès d’elle. Sa piété distante leur faisait peur. Jusqu’à leur mort, les plus aimés du chef – ce ne sont pas ceux qui s’en sont vantés – ont soutenu qu’elle était exclusivement dominée par son confesseur. Elle a vécu, en effet, jusqu’à sa mort, dans le giron de l’Eglise. En voyage, à Paris, partout où elle est passée avec Gambetta, celui-ci – tout en la grondant quelquefois de lui « faire perdre » tant de temps dans les chapelles – respectait ses croyances et ses prières. Il était un peut jaloux de ses pratiques religieuses continuelles. Et elle est morte en chrétienne parfaite, attachée à tous ses devoirs. Elle obtenait aisément de son ami des concessions stupéfiantes, comme celles que les femmes et les filles de nos plus farouches anticléricaux savent encore conquérir sur les sectaires, en les amenant à marier leurs enfants à l’église ou à admettre leurs moribonds à recevoir les secours suprêmes de la religion – dont ils font grief à leurs clients politiques. Et voilà la femme que les adversaires du tribun voudraient flétrir en espionne de Bismarck, en complice de la politique luthérienne de la Prusse et du Kulturkampf contre le catholicisme français !... Allons donc ! « Bobard ! » écrirait Daudet historien, s’il avait à défendre Daudet romancier !...

  • * *

Après la mort de Gambetta, quand sa sœur Benedetta – toujours vivante et de belle santé, malgré ses 85 ans – eût renvoyé à Léonie ses lettres, empaquetées dans le chiffonnier des Jardies, échappées au pillage de l’un des disciples, qui avait audacieusement emporté le butin des papiers dans quatre grands sacs de distribution – la rumeur publique affirma que l’écolier absent était le fils de Léonie Léon et de Gambetta. Léris, très ému, alla voir la demi-veuve, recluse dans son désespoir et dans son deuil : - « Madame, lui dit-il, mon beau-frère laisse une petite fortune de trois à quatre cent mille francs, tout ce qui reste de ses actions de la République Française, vendues deux millions par Edmond Adam et par Ruiz. Si votre « neveu » est le fils de Gambetta, je suis prêt à vous remettre cet argent. Il me suffira de votre parole. » Et la malheureuse répondit, la main levée vers le crucifix de son prie-Dieu : - « Cet enfant est le fils de ma sœur. Aucun lien du sang ne le relie à Gambetta, qui fut très bon pour lui, à cause de moi. D’ailleurs, il est facile de ruiner cette légende : mon neveu est né bien avant que j’eusse rencontré votre beau-frère pour la première fois. » Comment une telle femme eût-elle supporté la moindre intimité avec l’ancienne fille, ennemie haineuse du tribun de la revanche et d’une religion qui devait soutenir et consoler jusqu’à la mort la compagne meurtrie de l’organisateur de la Défense nationale ? --Nestorrefacteur (discuter) 11 juillet 2018 à 12:08 (CEST)Répondre

Revenir à la page « Le Drame des Jardies ».