Différentiel généralisé

En mathématiques, et plus spécifiquement en analyse non lisse, on appelle différentiel généralisé ou différentielle généralisée les différentes notions généralisant aux fonctions non dérivables dans un sens classique, la notion de différentielle des fonctions différentiables au sens de Fréchet. Les fonctions considérées ne sont le plus souvent que localement lipschitziennes. Lorsque la fonction est convexe à valeurs réelles, on retrouve généralement le concept de sous-différentiel.

La notion de dérivée est fondamentale en analyse fonctionnelle car elle permet d'approcher localement des fonctions par des modèles linéaires, plus simples à étudier. Ces modèles fournissent des renseignements sur les fonctions qu'ils approchent, si bien que de nombreuses questions d'analyse passent par l'étude des fonctions linéarisées (stabilité, inversibilité locale, etc).

Le différentiel de Clarke, dont il est principalement question ci-dessous, est une notion décrivant le comportement local d'une fonction en un point. Si la fonction est dérivable en ce point (il faut un peu plus que cela en réalité), ce différentiel se confond avec la dérivée. Sinon c'est un ensemble d'approximations linéaires censées décrire toutes les possibilités de variation infinitésimale de la fonction. Ce différentiel est donc sujet à des variations brusques qui apparaissent lorsqu'on quitte un point de non-différentiabilité. On montre toutefois que, en tant que fonction multivoque, le différentiel de Clarke garde la propriété de semi-continuité supérieure.

Quelques notions de différentiel modifier

Soient   et   deux espaces normés de dimension finie,   un ouvert de   et   une fonction localement lipschitzienne (c'est-à-dire lipschitzienne sur un voisinage de tout point de  , avec une constante de Lipschitz pouvant varier avec le point). On note   l'ensemble des points où   est Fréchet différentiable. Par le théorème de Rademacher, on sait que   est négligeable pour la mesure de Lebesgue dans  .

Différentiel de Clarke modifier

Définitions modifier

Le différentiel de Bouligand[1] en   de   est l'ensemble

 

Ce différentiel n'est ni simple à calculer, ni facile à manier. Par exemple, il ne permet pas d'avoir des conditions d'optimalité en optimisation et ne permet pas d'avoir un théorème de la moyenne. On obtient de meilleures propriétés en prenant son enveloppe convexe, ce qui conduit au différentiel de Clarke.

Le différentiel de Clarke[2] en   est l'ensemble

 

  désigne l'enveloppe convexe de l'ensemble  .

Exemple. On considère la fonction linéaire par morceaux   définie en   par

 

On observe que   et on obtient

 

On a alors

 

Premières propriétés modifier

On a bien sûr

 

avec égalité si   est différentiable dans un voisinage de   et si   est continue en  , auquel cas les deux différentiels sont le singleton  . Mais si   est lipschitzienne dans un voisinage de   et seulement dérivable en  ,   n'est pas nécessairement un singleton, comme le montre le cas où la fonction   est définie par[3]

 

Elle est localement lipschitzienne en zéro. Sa dérivée en   vaut   et  , si bien que   est dérivable en  , mais la dérivée n'est pas continue en  . En prenant des suites  , avec  , telles que   soit constant dans  , on voit que  .

Propriétés immédiates — Si   est  -lipschitzienne dans un voisinage de  , alors

  1.   est un convexe compact non vide (  pour tout  ),
  2.   est semi-continue supérieurement en  .

On simplifie souvent le calcul de   en ne retenant que des suites   dans    est un ensemble négligeable quelconque[4] :

 

C-régularité modifier

Les notion et propriété suivantes sont utiles pour obtenir le résultat de convergence locale de l'algorithme de Newton semi-lisse.

C-régularité — On dit que le C-différentiel   est régulier s'il ne contient que des opérateurs inversibles. On dit alors que le point   est C-régulier.

Diffusion de la C-régularité — Si   est lipschitzienne dans un voisinage de   et C-régulière en  , alors il existe des constantes   et   telles que

 

Différentiel produit modifier

Définition modifier

Le différentiel produit[5] de   en   est le produit cartésien des différentiels de Clarke de chaque composante

 

Exemple. Si   est donnée comme dans l'exemple ci-dessus, on obtient

 

Propriété modifier

On a[6]

 

Comme le montre l'exemple ci-dessus, on n'a pas nécessairement l'égalité.

Annexes modifier

Notes modifier

  1. S.M. Robinson (1987). Local structure of feasible sets in nonlinear programming, part III: stability and sensitivity. Mathematical Programming Study, 30, 45–66.
  2. Page 70 chez Clarke (1990).
  3. Exemple 2.2.3 chez Clarke (1983).
  4. Ce fait n'est pas reconnu dans la section 2.6.3 de Clarke (1983), mais est attesté à la section 7.1.1 de Facchinei et Pang (2003), sans preuve. Sans référence à une démonstration, cette affirmation reste douteuse.
  5. Voir Facchinei et Pang (2003).
  6. Proposition 7.1.14 chez Facchinei et Pang (2003).

Article connexe modifier

Bibliographie modifier

  • (en) F.H. Clarke (1990). Optimization and Nonsmooth Analysis (seconde édition). Classics in Applied Mathematics 5. SIAM, Philadelphia, PA, USA.
  • (en) F. Facchinei, J.-S. Pang (2003). Finite-Dimensional Variational Inequalities and Complementarity Problems (deux volumes). Springer Series in Operations Research. Springer.
  • (en) A.F. Izmailov, M.V. Solodov (2014). Newton-Type Methods for Optimization and Variational Problems, Springer Series in Operations Research and Financial Engineering, Springer.