Conte urbain

variante des contes d’origine urbaine

Le conte urbain est une forme contemporaine singulière des contes. Il partage des caractéristiques communes à ce dernier, notamment celui d'être un récit imaginaire dont le but est de distraire[1], mais il diffère par son origine urbaine.

Il se distingue ainsi par son côté actuel, très ancré dans la vie de tous les jours et situé précisément en ville avec des histoires réelles ou surnaturelles[2]. Souvent les personnages principaux se retrouvent confrontés à des problèmes des temps modernes (par exemple : la drogue, la violence, l’intimidation, le sexe, etc.) qui sont crus et violents[3].

Ils prennent la place dans les théâtres mais restent proches des veillées traditionnelles. Dans l’art de conter, le comédien joue avec le public et doit briser le quatrième mur pour renouer, pour une partie, avec la conterie traditionnelle proche du public.

Le conte urbain a emprunté la forme du « conte proprement dit » pour rendre hommage au théâtre, qui est le véritable géniteur du « monologue urbain »[3].

« Les Contes urbains, ça parle des gens d'aujourd'hui, explique-t-il. C’est l’histoire de Valérie, c’est toi, l'étudiante de l’UdeM, qui passe tous les jours dans un couloir où il y a une porte qui est barrée depuis des années. En fait, c’est une sortie de secours… »[4]

Origines modifier

Après le quasi-monopole de la littérature orale, dans la première moitié du XIXe siècle, les écrivains vont tirer leurs sources d’inspirations de celle-ci. Les récits légendaires peuvent servir d’inspirations premières pour les textes écrits, les légendes servent également à étoffer.

Le conte est un genre littéraire dominant durant le XIXe siècle. Plusieurs se contentent d’adapter et de retranscrire en langue écrite les histoires venues de France ou du sol canadien qui sont transmises par bouche-à-oreille. Cela fige les histoires de manière définitive[5].

Le conte est constitué d'histoires qui étaient transmises par des conteurs qui se les appropriaient après les avoir eux-mêmes entendues, puis qui les modifiaient et les racontaient à leur tour. C’est d’abord et avant tout par l’oralité que les contes circulaient. Puis ils ont décidé de les retranscrire à l’écrit. Au fur et à mesure, les conteurs, toujours en se réappropriant les contes, ont amené d’autres formes en leur conférant un caractère littéraire plus marqué pour réinventer le genre. De nouvelles histoires sont créées, inspirées de l’air moderne ou contemporaine.

Les caractéristiques du genre du conte, bien que toujours les mêmes, se sont transformées et ont évolué[6].

Après le référendum de 1980, il ne se passait presque rien de ce qu’on pourrait appeler une « pratique de la conterie ». C’est pour cela que l’on peut dire que les contes urbains jouent le rôle de précurseur[7].

Histoire du conte urbain modifier

Tout commence en 1991, avant la fondation du théâtre Urbi et Orbi, quand Stéphane Jacques et Yvan Bienvenue présentent un spectacle qui a pour titre Contes urbains au Théâtre Biscuit dans le Vieux-Montréal. Ce spectacle était un hommage aux conteries traditionnelles qui explorait 150 ans d’oralité au Québec et qui se terminait par le texte d'Yvan Bienvenue Les Foufs, premier conte urbain qui eut un succès instantané. Il avait été écrit pour l’occasion et il allait devenir le concept des contes urbains que nous connaissons aujourd’hui[7]. Ce dernier fut repris et sorti en 1994. Il inspira le nouveau genre littéraire : le conte urbain.

Tout comme le conte contemporain, le conte urbain s’est spectacularisé en utilisant les éclairages, la musique, la danse, les décors[6].

En 2004, les contes urbains sont joués au Théâtre La Licorne. Puis en 2007, ils sont présentés, non pas une fois mais deux fois, en français au Théâtre La Licorne et en anglais au Théâtre Centaur.

Le concept est repris par d’autres compagnies qui ont fait voyager le concept des urban tales sans forcément lui en demander la permission[4].

« La tradition orale, au Québec, elle n’existe pas, en tout cas, pas de façon spectaculaire. Elle n’a jamais été aussi développée qu’aujourd’hui. »[4]

La conception modifier

Pour devenir conteur en général, et par la même occasion conteur urbain, il faut avoir un savoir-faire et une certaine désinvolture car le conteur ne dispose d'aucun artifice théâtral pour le soutenir dans son entreprise de séduction du public[8]. C'est pourquoi il ne suffit pas de choisir d’être conteur pour en devenir un.

Différences modifier

Contes traditionnels Contes urbains
Oral Oral et écrit
Théâtral Théâtral
Temps lointain Temps présent
Formule introductive « il était une fois… » Formule introductive non définie
Formule conclusive « ils vécurent heureux… » Formule conclusive non définie
Récit courts Récits courts
Univers fantastiques Univers urbains (ville)
Personnages irréels et archétypes Personnage réels et lambda
Morale Découverte du monde tel qu'il est
Fin heureuse Fin variée
Récit fictif Récit inscrit dans la société
Auteurs inconnus Auteurs connus
Non daté Daté
Non figé Figé dans l'écriture
Méchants : loups, ogres, sorcières... Méchants : pauvreté, solitude, etc.
Conté dans les granges, etc. (niveau du public) Conté sur scène (surélevée)
Surnaturel Vie citadine, surnaturel
Durant les fêtes de fin d'année
Mise en scène/mise en conte (musique, bruits, déplacements…)

« Aller débusquer les figures, les mythes qui nous rassemblent. Pour comprendre qui nous sommes. Ce n’est pas Roméo et Juliette, c’est Rémi et Chantal, et Rémi bosse au dépanneur. Il y a Steve qui quête dehors. »[4]

Le concept modifier

Selon Yvan Bienvenue modifier

Les concepts et le protocole du spectacle des « contes urbains » ont été inspirés et écrits par Yvan Bienvenue, après la publication de son premier conte urbain les Foufs.

Les contes urbains se présentent comme un récital de contes avec auteur, acteur et une histoire. L’auteur est invité à écrire une courte histoire se prêtant à l’oralité sous forme de conte où l’action se passe en ville durant les fêtes. Celui-ci choisit l’acteur qu’il va commander. Une fois le texte écrit, l’auteur choisit un acteur et le dirige, mais il peut aussi déléguer cette tâche au « metteur en conte ». Ce dernier s’occupe des répétitions de groupe (enchaînements, répétition générale), ou remplace l’auteur à la direction de l’acteur. Un musicien est là pour assurer les liens entre les contes. L’acteur s’adresse directement au public.

Le conte urbain est un hommage à la conterie traditionnelle qui a provoqué une petite révolution dans le paysage théâtral, voire culturel. Selon les amateurs, il a aussi ramené à l’essentiel l’expression de la pratique théâtrale, et a été reconnu comme point de départ du renouveau du conte au Québec[7].

Le conte urbain veut se détacher du monologue théâtral, avec le retour à des personnages s’exprimant à la troisième personne qui savent se détacher d’eux-mêmes pour devenir des observateurs particuliers du monde. Le conte urbain veut se détacher de l’individualité pour amener des réflexions sur la vie dans une culture donnée, avec un fort ancrage dans la société plutôt que dans l’individu. Il veut toucher à l’inconscient collectif, trouver dans le texte ce qui créait chez le spectateur une émotion forte parce qu’il le renvoie à lui-même[9].

« Ce sont des contes sur la ville au moment des Fêtes, donc c’est un peu comme un cadeau de Noël. »[4]

Selon Jean-Marc Massie modifier

Jean-Marc Massie, un artiste conteur, parle de conte « scénographié » et non théâtralisé, c’est-à-dire, que le conte répond aux contraintes de la scène. Le conte urbain va se jouer sur scène avec un éclairage, des costumes et des éléments de décors, mais son spectacle doit pouvoir être joué sans eux. Ainsi, les mots doivent pouvoir prendre le relais de la lumière et du reste en leur absence.

Chez les conteurs québécois, il y a plus de description que d'action car c'est davantage ce qui définit le conte. Dans le conte, il doit se passer quelque chose, il faut prendre un chemin, mais quand on doit suivre des lumières ou la musique, on trahit la narration. Dans le conte urbain, lorsqu'il arrive des « accidents », les conteurs peuvent se servir des lumières ou de la musique pour vraiment parler au public et franchir le quatrième mur. Le but est ainsi de renouer, pour une partie, avec la conterie traditionnelle proche du public.

Pour Jean-Marc Massie, comme les formations étant encore peu développées, les conteurs ont une identité fragile. Ils cherchent à apprendre chez les « gens du théâtre » mais que cela risque de les déstabiliser et de les gêner par la suite. En effet, ils risquent de s'enfermer dans les techniques propres au théâtre : le lien avec le public risque d'être interrompu. Il va alors falloir réapprendre à conter. Massie ajoute que le théâtre est une promotion sociale pour le conte, qui entre dans la « machine du théâtre », mais que l'on perd le sens des mesures. Le conte urbain devient alors davantage du théâtre avec un peu de conte[10].

Les Zurbains modifier

Les Zurbains/ Les Zurbains en série est un recueil de textes, contes urbains, qui sont écrits par des auteurs adolescents. Cet événement permet aux adolescents, depuis 1997, de participer à un projet culturel collectif voire identitaire. Les jeunes écrivent des contes, quelques-uns participent par la suite à un stage, et quelques textes seront sélectionnés pour être portés sur scène. On y retrouve des histoires aux modes et aux styles divers (réaliste, surréaliste, fantastique, dramatique, tragi-comique, idyllique ou épique).

Le conte est produit au Théâtre Denise-Pelletier et Théâtre jeunesse Les Gros Becs. Le conte est produit d’abord par la compagnie Urbi et Orbi, qui devait publier trois contes mais qui finalement n’en a publié qu’un. Puis il a été produit par le Théâtre Le Clou, en 1998, qui ne se limite pas et est à sa 20e édition.

Il existe aussi un dérivé pour les enfants appelé Les Petits Zurbains[11].

Diffuseurs modifier

Festival du conte urbain à Québec modifier

Théâtre La Licorne modifier

Le théâtre La Licorne présente ses Contes urbains à Québec. Ils reviennent chaque année avec la thématique habituelle : la ville dans le temps des fêtes. Plusieurs auteurs prennent la parole pour raconter la ville comme eux la voient avec un esprit festif et un imaginaire qui leur est propre[12].

Contes urbains au féminin 2014 est un événement qui s'est produit avec une mise en scène faite par des femmes, mais avec certains textes écrit par hommes. Plus théâtralisé que les années précédentes où il n’y avait qu’un tabouret et un sapin, l'événement a bénéficié d'un éclairage, de son, d'effets cinématographiques[13].

Théâtre Centaur modifier

Le théâtre du Centaur présente Urban Tails à Québec depuis 2007 avec une première édition le 6 et 7 décembre. L'idée d'organiser une soirée de Contes urbains en anglais vient d'Yvan Bienvenue lui-même. Harry Standjofski, l'un des rares comédiens canadiens à jouer dans les deux langues officielles, en est toutefois le principal animateur depuis la première présentation en 2007. En plus d'assumer la tâche du « metteur en conte », il a écrit un texte intitulé Magi. Urban Tales sera présenté dans une formule café-théâtre qui permettra notamment au spectateur d'avoir accès au service de bar pendant la représentation[14].

Planète Rebelle modifier

Planète Rebelle qui est une maison d’édition fondée en 1997 par André Lemelin et qui est dédiée au renouveau du conte. Il associe le projet de la parole et de l'écriture. En 2002 avec Marie-Fleurette, nouvelle éditrice de Planète rebelle, le projet se poursuit pour mettre le livre au service du conte. Elle associe même au support du livre un CD, permettant ainsi au texte de s'entendre[15].

Dramaturges Éditeurs modifier

Dramaturge éditeurs est fondée en 1996 et publie spécifiquement des auteurs canadiens et c'est la seule maison d'édition francophone spécialisée en dramaturgie au Canada. Elle offre un large éventail de l'activité théâtrale et la produit. De ce fait, elle produit des contes urbains pour donner aux contes la place qu'ils méritent dans la littérature orale et l'oralité littéraire[16].

Logos Conterie modifier

Logos conterie est une compagnie fondée par Yvan Bienvenue et Bernard Grondin. Elle est spécialisée en oralité et en littérature orale[17]. Cette compagnie publie donc exclusivement des contes urbains[18].

Listes des contes urbains modifier

Québécois modifier

Pour ces deux textes, l’écriture est en joual, dans un style qui utilise des mots crus et parle de la sexualité, de violence. Il met en scène des personnes ordinaires, dans les fêtes de fin d’année, qui vivent des histoires réalistes de notre temps pouvant arriver dans la société d’aujourd’hui...

  • 1994 : Les Foufs - Yvan Bienvenue

Ce conte raconte l’histoire d’un homme qui est triste de ne pas passer Noël avec sa copine. Il se rend donc, seul, dans un bar où il va y rencontrer une femme. Celle-ci va lui proposer de la suivre. Il va accepter et ils vont alors se retrouver à l’hôtel. Le personnage se réveillera trois jours plus tard dans une petite chambre, et il se rendra compte qu’il s’est fait voler un rein.

  • 1995 : Joyeux Noël Julie - Yvan Bienvenue

C’est un autre conte urbain où une femme raconte l’histoire de plusieurs autres femmes victimes de viol qui veulent se venger de leur agresseur. Elles décident donc, au nom de la toute dernière victime nommée Julie, de se venger. Elle forme un commando et essayent d’attirer leur bourreau pour le piéger et l’amener dans un garage pour lui faire subir la même chose qu’il leur a fait subir. À la fin de la torture, les femmes livrent le corps de leur bourreau devant la résidence du juge.

  • 2014 : Le joyeux Noël de Sophie - Stéphane Jacques
  • 1981 : Le vœu - Arleen Thibault
  • 1996 : Noël en juillet - Louise Bombardier
  • 2007 : Magi - Harry Standjofski

Notes et références modifier

  1. Gilberte Boilard, « Robert, Paul. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e éd. Paris, Le Robert, 1985. 9 volumes », Documentation et bibliothèques, vol. 32, nos 1-2,‎ , p. 53 (ISSN 0315-2340 et 2291-8949, DOI 10.7202/1052714ar, lire en ligne, consulté le )
  2. « Contes urbains : histoires de ville »
  3. a et b Germain J.C, La double vie littéraire de Louis Fréchette suivi de Une brève histoire du conte au Québec, Hurtubise, , 152 p.
  4. a b c d et e « Noël Urbain »
  5. Laurin M, Anthologie de la littérature Québécoise, Anjou, Édition CEC inc,
  6. a et b « Contes urbains et théâtre contemporain »
  7. a b et c « Le phénomène des contes urbains »
  8. « Théâtre - Noël de rue »
  9. « Les contes urbains au septième ciel »
  10. « Conter ou donner un show »
  11. « Les Zurbains 2017 : La parole des ados sur scène ! »
  12. « Contes Urbains »
  13. « Des contes urbains au féminin »
  14. « Urban Tales : Noël noir, version anglais »
  15. « Historique »
  16. « Dramaturges Éditeurs »
  17. « Bienvenue, Yvan »
  18. « Un conteur urbain à la campagne »

Bibliographie modifier

  • A. N. De Monsabert, Le Petit Chaperon Rouge a des soucis, Paris, Albin Michel Jeunesse, « Collection Zéphyr », 2004, 42 p.
  • M. Laurin, Anthologie de la littérature Québécoise, Anjou, Édition CEC inc, 1996.
  • Y. Bienvenue, Les Foufs, in Moebius no 66, 1996, p. 9–23.
  • Y. Bienvenue, Joyeux Noël Julie, in Moebius no 66, 1996, p. 51–61.
  • J. C. Germain, La double vie littéraire de Louis Fréchette suivi de Une brève histoire du conte au Québec, Hurtubise, 2014, 152 p.
  • C. Guérette, L’enseignement du français au primaire : le conte québécois, Montréal, Les éditions Ville-Marie, 1981, 189 p.