La Bisiacaria (« Bisiacarìa » en dialecte bisiac) est le nom d'une zone géographique et linguistique située dans la partie méridionale de la province de Gorizia, incluse dans un triangle ayant pour côtés le golfe de Panzano, la rivière Isonzo (de l’embouchure à Sagrado) et la limite occidentale du plateau du Karst. Du point de vue linguistique, ce territoire est là où l’on parle le « dialecte bisiac », une variante du vénitien fortement influencée par le frioulan et le slovène.

Géographie modifier

Administrativement, il correspond aux communes actuelles suivantes :

Commune Superficie (km2) Nombre d'habitants Densité (Hab./km2) Hameaux
San Pier d'Isonzo 9,09 2 017 221,9 Cassegliano , San Pier d'Isonzo, San Zanut
Sagrado 14,14 2 267 160,3 Peteano , Poggio Terza Armata , Sagrado, San Martino del Carso
Turriaco 5,28 2 756 522,0 Turriaco
Fogliano Redipuglia 7,77 3 071 395,2 Fogliano, Polazzo , Redipuglia
San Canzian d'Isonzo 33,58 6 383 190,1 Begliano , Isola Morosini , Pieris, San Canzian d'Isonzo
Staranzano 18,71 7 257 387,9 Bistrigna, Dobbia, Staranzano, Villaraspa
Ronchi dei Legionari 16,98 12 130 714,4 Ronchi, San Vito, Selz , Soleschiano , Vermegliano
Monfalcone 20,52 27 877 1 358,5 Marina Julia, Marina Nova, Monfalcone

La commune de Sagrado ne fait pas historiquement partie de la Bisiacaria (même si beaucoup aujourd’hui la considèrent telle) car la frontière culturelle se situe entre la commune de Fogliano Redipuglia et celle de Sagrado, là où encore aujourd’hui reste visible sur la SR 305 la borne frontière de 1753 qui divisait historiquement la République de Venise de l’Archiduché d'Autriche. La commune de Sagrado a en effet maintenu pendant plusieurs siècles une particularité linguistique similaire aux communes frioulanophones de la rive droite de l'Isonzo. Les anciens habitants de la Bisiacaria auraient utilisé l’appellation de « cunfin » (frontière) en se référant précisément à la borne en question, définissant ce qui se trouvait au-delà comme ne faisant pas partie du territoire.

Histoire modifier

L’histoire de la Bisiacaria reste liée pendant des siècles à l’histoire du Frioul. Elle fait partie du duché du Frioul lombard (568-776), puis du marquisat franc du Frioul (776-952), et du Patriarcat d'Aquilée (1077-1420). Au nord de Monfalcone, vers 1122, le vaste comté de Goritz se sépare des territoires patriarcaux. Vers 1411, la sérénissime république de Venise déclare la guerre à l’État patriarcal qui, vaincu en 1420, est finalement incorporé sous le nom de Patria del Friuli dans le corps des domaines vénitiens de Terre Ferme.

Après l’extinction des comtes de Gorizia-Tirolo (1500), de violentes querelles éclatent entre la République et la maison des Habsbourg pour définir le partage territorial de la région, dans une succession de guerres qui ne se terminèrent qu'au début du xviie siècle. En 1521, la diète de Worms divise le territoire du Frioul : les Vénitiens ont le Frioul central et occidental, dont la Bisiacaria, tandis que l’Autriche obtient le Frioul oriental avec Gorizia et Aquilée. Monfalcone et son territoire forment alors une enclave vénitienne totalement entourée de terres archiducales. En 1797, Napoléon met fin à la République de Venise et avec le congrès de Vienne de 1815, la Bisiacaria passe à l’Autriche dans le comté de Gorizia tandis que le reste du Frioul entre dans le domaine du royaume lombardo-vénitien.

En 1866, le Frioul central et occidental rejoignent le royaume d'Italie, tandis que la Bisiacaria continue de faire partie du comté autrichien de Gorizia et Gradisca jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Après le passage à l’Italie en 1919, la Bisiacaria est incluse dans la province de Gorizia mais pendant le fascisme elle est déplacée sous la province de Trieste (1923-1943), à l’exception de Sagrado, agrégée d’abord à Udine puis à Gorizia. Elle fait partie de la province de Gorizia après la Seconde Guerre mondiale, en raison du statut spécial du territoire libre de Trieste, administré alors par un gouvernement militaire allié.

Origine du nom modifier

Pour certains, dont l'historien local Silvio Domini, le nom a une origine slave et pourrait dériver du terme slovène bezjak ayant la signification de « réfugié, exilé », relatif au repeuplement effectué par la Sérénissime à la suite des invasions turques.

Ce terme d’origine slave, pourrait cependant avoir eu une signification différente d'« exilé ». L’Encyclopédie Treccani, en effet, rapporte que l’adjectif bislacco dérive peut-être du vénitien bislaco, surnom donné aux Vénitiens du Frioul (et donc aux habitants de la Bisiacaria) et aux Slaves d’Istrie, terme provenant lui-même du slovène bezjak : « idiot ». Les dictionnaires de langue slave d’aujourd’hui rapportent que le terme ancien signifiait en effet « stupide ».

En outre, depuis le XIXe siècle, une fausse étymologie associe le terme à une très improbable locution latine médiévale bis aquae, c’est-à-dire entre les deux fleuves, Isonzo et Timavo. Il est en effet grammaticalement impossible d’associer un substantif à un adverbe multiplicateur, et on devrait dire en latin binae aquae.

Société modifier

Langues et dialectes modifier

La langue traditionnelle de la Bisiacaria est le bisiac, un dialecte de type vénitien avec une importante présence de vocabulaire frioulan et slovène. L’idiome en effet résulte de la fusion du vénitien avec un substrat de type frioulan. La Sérénissime s'étant installée dans la région à partir du xvie siècle, on peut distinguer dans le bisiac de nombreux traits communs au vénitien du nord, en particulier aux dialectes utilisés sur la côte vénitienne entre Piave et Livenza. Le bisiac ne devrait donc pas être attribué au groupe des dialectes vénitiens coloniaux répandus avec le temps à Trieste, Gorizia et d’autres centres du Frioul, qui suivent plutôt le modèle vénitien.

Le bisiac traverse depuis plus d’un siècle une certaine décadence et a presque totalement disparu dans le langage parlé, supplanté par le dialecte triestin ; les centres les plus conservateurs sont aujourd’hui Turriaco, Pieris, Begliano, San Canzian Fogliano et San Pier d’Isonzo. Dans les communes de Monfalcone, Ronchi dei Legionari et Sagrado, le slovène est reconnu comme langue minoritaire. Monfalcone (où un fogolâr est également actif) et Sagrado reconnaissent également le frioulan.

Économie modifier

La Bisiacaria est une zone qui combine activités agricoles et artisanales avec les ressources côtières : nautiques, touristiques et commerciales. En particulier, les chantiers navals de Monfalcone, dont le Cantiere Navale Triestino, spécialisés dans la construction de bateaux de croisière de haut tonnage, marquent depuis leur naissance l'économie du territoire.

Bibliographie modifier

  • (it) Giorgio Faggin, La letteratura friulana del Goriziano nell'Ottocento e nel Novecento, in Ferruccio Tassin (a cura di), Cultura friulana nel Goriziano, Gorizia, Istituto di Storia Sociale e Religiosa, , p. 100.
  • (it) Fiorenzo Toso, Lingue d'Europa. La pluralità linguistica dei Paesi europei fra passato e presente, Milan, Baldini Castoldi Dalai editore, (ISBN 88-8490-884-1), p. 102.
  • (it) Giovanni Frau, I dialetti del Friuli, Udineéditeur= Società Filologica Friulana, , p. 197-198.

Notes et références modifier