Amélie Le Gall

cycliste française

Marie Amélie Le Gall, connue aussi sous les noms de Lisette de Quintin, Mademoiselle Lisette ou Lisette Marton, est une cycliste de compétition française née le à Quintin[1]. Elle est considérée comme la championne du monde féminine dans ce sport en 1896.

Amélie Le Gall
Lisette Marton sur un vélo Gladiator en 1896.
Informations
Pseudonymes
Mademoiselle Lisette, Lisette MartonVoir et modifier les données sur Wikidata
Naissance
Nationalité

Biographie

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Jeunesse

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Marie Amélie Le Gall naît le . Baptisée du même nom qu'une défunte sœur, elle est la neuvième et dernière enfant de Marie et Louis Le Gall[1], menuisier[2]. Elle aurait été bergère en Bretagne[3]. En 1882, la famille quitte la Bretagne pour Puteaux. L'adolescente doit désormais travailler à l'usine. À 22 ans, elle rencontre Emile Christinet, un jeune suisse ingénieur en électricité et passionné de vélo qui l'initie à ce sport et qu'elle finit par épouser. Ces premiers coups de pédale en amoureux vont changer sa vie. En 1893, elle sillonne la région et s’entraîne sans relâche sur des parcours de plus en plus longs, jusqu’à cent kilomètres[4]. Elle se choisit un pseudonyme, ce sera Lisette Marton.

Carrière

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En 1894, Marton participe à de nombreuses courses à Courbevoie, à Paris puis à Cabourg où elle finit deuxième derrière la fascinante Hélène Dutrieu. Le 26 août, Lisette de Quintin entre dans la cour des grands en finissant huitième, à onze minutes du vainqueur d’une course masculine de cent kilomètres à Longchamp au Bois de Boulogne. Elle est sacrée Championne de France. Elle devient la coqueluche du public quand elle gagne une course contre l'actrice Mlle de Batz[2].

En 1895, elle participe à une course au Royal Aquarium de Londres[5]. Elle bat la cycliste écossaise Clara Grace lors du championnat du monde féminin en 1896[6].

 
Lisette (Amélie Le Gall), en 1898.

Elle s’entraîne avec l'entraîneur anglais controversé Choppy Warburton[7],[8]. Il organise des courses à handicaps contre des cyclistes masculins qu'elle gagne, comme contre Albert Champion[9] ou Jimmy Michael[10],[11].

Marton débarque aux États-Unis en 1898 où elle est accueillie par des milliers de fans. Elle participe à des compétitions à Chicago et à Winnipeg. Elle affronte et bat les meilleures athlètes américaines de l'époque Lizzie Glaw, May Stanley, Dottie Farnsworth, Tillie Anderson et Lillie Williams. Elle gagne d'importants cachets et porte les couleurs de ses sponsors comme Simpson Chain, le fabricant britannique de chaînes de bicyclette, ou les cycles Gladiator.

Ses vêtements sont souvent décrits en détail dans les articles qui la concernent, car la question de savoir ce que les femmes doivent porter à vélo est un sujet de discussion brûlant à l'époque[12] : « En France, Lisette ne porte jamais de robe », rapporte un journal de Chicago en 1898, affirmant que « Lisette n'aime pas les corsets. Pour elle, ils semblent le point culminant de la laideur des tenues féminines, de l'inaptitude et de la stupidité anti-hygiénique. »

Sa carrière de cycliste terminée, elle ouvre avec son époux un restaurant français à La Nouvelle Orléans, puis en Alabama et enfin à Miami. Émile meurt en 1918.

La pionnière des championnes en France

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La petite Française Lisette de Quintin - 1,52 m pour 40 kg, a mis un terme à l'image que la pratique amateur du cyclisme ne privilégiait que les femmes issues de milieux sociaux favorisés. Pourtant c'est une difficile reconnaissance qu'elle dut affronter, malgré un tempérament tout en discrétion, elle perturbait les milieux journalistiques, par son talent et sa suprématie qui devait emmener la requalification d'une hypothétique « Championne », car hors des terrains de course ses défenseurs sont très peu nombreux[13].

Son histoire lève le voile sur un pan méconnu des balbutiements du sport féminin, commençant durant « la Belle Époque ». Étant seule de sa classe, sa qualification de « Championne » n'ayant fait preuve d'aucun débat, sa distinction passa inaperçue. Il faudra attendre en France, l'arrivée de la joueuse de tennis Suzanne Lenglen, au début des années 1920, pour faire avancer cette évolution, qui aurait dû être une révolution dans le contexte libérateur des « années folles »[13].

Les observateurs et journalistes pratiquaient des stratégies de contournement afin de minorer le terme « Championne ». Ils la décrivaient d'une façon ambivalente puisqu'ils parlaient de la « petite championne », soupçonnant qu'avec une moindre taille on ne pouvait être l'égale des hommes dans son héroïsme. Elle fut aussi masculinisée en ces expressions : « champion des femmes », « champion féminin » ou autre anglophone « lady champion »[13]. Il faut d’ailleurs attendre 1905 pour que le vrai énoncé distinctif entre dans le Larousse[14].

Références

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  1. a et b Acte de naissance de Marie Le Gal
  2. a et b « Amelie le Gall 1898 », The Inter Ocean,‎ , p. 32 (lire en ligne, consulté le )
  3. « Amélie Le Gall. Une légende du cyclisme féminin », sur Le Telegramme, (consulté le )
  4. « Amélie Le Gall ou Lisette de Quintin, deux faces d’une pièce cycliste et féministe, et un Paris-Brest gourmand! - GOUEZOU », sur gouezou.canalblog.com, (consulté le )
  5. (en) « Ladies’ Cycle Races at The Royal Aquarium: A Late Victorian Sporting Spectacle », Sheila Hanlon,‎ (lire en ligne)
  6. (en) « Champion Woman Cyclist of the World », The Journal, no 24,‎ (lire en ligne)
  7. (en) Feargal McKay, « The Little Black Bottle, by Gerry Moore », Podium Cafe,‎ (lire en ligne)
  8. (en) William Fotheringham, Cyclopedia : It's All About the Bike, Chicago Review Press, , 440 p. (ISBN 978-1-61373-415-5, lire en ligne)
  9. (en) Allen Guttmann, Women's Sports : A History, Columbia University Press, , 339 p. (ISBN 978-0-231-06957-1), p. 102
  10. (en) Aaron Cripps, « James ‘Jimmy’ Michael, Welsh Cycling Champion: Part 2 – Successes and Scandals, January-July 1896 », Europeenses,‎ (lire en ligne)
  11. « Michael v Mdlle Lisette », sur Evening Express - Welsh Newspapers, (consulté le )
  12. (en) Katrina Jungnickel, « “One needs to be very brave to stand all that”: Cycling, rational dress and the struggle for citizenship in late nineteenth century Britain », Geoforum, vol. 64,‎ , p. 362–371 (ISSN 0016-7185, DOI 10.1016/j.geoforum.2015.04.008, lire en ligne, consulté le )
  13. a b et c « Première « championne » française », sur www.cairn.info (consulté en ).
  14. « Mademoiselle Lisette, «champion» de bicyclette », sur www.scienceshumaines.com (consulté en ).

Bibliographie

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  • P. Tétart, « Mademoiselle Lisette, première « championne » française : trajectoire et débats (1894-1898) », Sciences sociales et sport, no 1,‎ , p. 11-41 (DOI 10.3917/rsss.015.0011, lire en ligne)