Acteur et agent (sciences sociales)

En sciences sociales, les individus peuvent être nommé « acteurs » ou « agents », mais aussi « sujets », « auteurs », ou encore « actants ». Un acteur ou un agent peuvent désigner un entité individuel ou collective. Ces dénominations peuvent être l'indice d'une filiation théorique : conception structurelle ou déterministe, conception rationnelle ou utilitariste, etc.

Les manières de nommer un individu en sociologie modifier

Les sociologues ne partagent pas les mêmes conceptualisations concernant l'articulation entre le macro-social et le micro-social, entre le pôle collectif et le pôle l’individuel du social, et ne désignent pas tous « l’individu » de la même manière : « agent », « acteur », « sujet », « auteur »[1] ou encore « actant »[2].

Acteur et Agent modifier

Le concept « d'acteur social » est au centre des sociologies qui mettent l'accent sur le pouvoir d’agir des individus (par exemple Raymond Boudon, Alain Touraine, Michel Crozier, François Dubet)[3],[4]. Dans ces sociologies il s'agit de d'insister sur la part d’autonomie des individus et des groupes, et sur la rationalité de l'acteur [4].

Le concept « d'agent » est au centre des sociologies qui mettent l'accent sur le rôle la détermination de l'action sociale (par exemple Pierre Bourdieu). Dans ces sociologies, l’agent est un individu qui est agi de l’intérieur (via l’habitus) autant qu’il agit vers l’extérieur ; mais l’agent n’est ni mécaniquement déterminé par ses conditions extérieures, ni une entité autonome qui s’autodéterminerait par calcul rationnel[3].

Le philosophe Mark Hunyadi propose la distinction suivante : « est acteur celui pour qui la règle est une raison d’agir ; est agent celui pour qui la règle agit comme cause de son agir »[5].

Acteur social modifier

La sociologue Sandrine Rui indique d'abord que l'acteur désigne le support de l'action sociale qu'il soit une entité individuelle ou collective[4]. Elle précise ensuite que le terme d'acteur est mobilisé de différentes façons qui varient selon les conceptions de l’action sociale[4] :

  • Selon une conception rationnelle ou utilitariste de l’action sociale, l’acteur est guidé par la recherche rationnelle de ses intérêts : les individus agissent librement et ont de bonnes raisons d’agir (Raymond Boudon)[4]. La rationalité de l’acteur est plus souvent jugée limitée : les systèmes de jeux et d’interdépendance le contraignent à se faire stratège (Michel Crozier)[4].
  • Selon une conception créative de l’action sociale, l’acteur est définit par ses capacités d’action autonome et ses capacités réflexives et interprétatives : ni totalement contraint par les déterminations sociales, ni totalement gouverné par ses intérêts, l’individu est capable de distanciation et de critique (Alain Touraine, François Dubet)[4].
  • Selon certaines approches constructivistes (Bruno Latour), toute entité qui modifie une situation donnée participe au déroulement de l’action et est envisagée comme un acteur : humains mais aussi non-humains (microbes, ordinateurs…) ont un rôle actif dans les chaînes d’associations que constituent les réseaux[4].

Agent social modifier

La sociologue Sandrine Rui indique que dans les conceptions structurelles ou déterministes, l’individu agit moins qu’il n’est agi par les situations ou par des logiques extérieures qu’il a intériorisées par la socialisation[4]. Cette incorporation des exigences normatives ou situationnelles dote les individus de dispositions qui régissent les conduites tout en leur donnant l’illusion de se comporter de façon libre et autonome[4].

Le sociologue Claude Dubar explique que, dans la perspective sociologique défendue dans Le métier de sociologue[note 1], « il ne faut jamais prendre les raisons invoquées par les individus pour les causes profondes de ce qu’ils font et qui échappent à leur conscience »[6]. Dans cette perspective, les individus sont des agents car ils sont « pris dans la pratique et immergés dans l’action, agissant par nécessité »[6].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron publient en 1968 Le Métier de sociologue dans lequel ils énoncent les principes que doit suivre toute démarche sociologique pour être qualifiée de scientifique. (« Chapitre 1. Le métier de sociologue » dans La sociologie de Pierre Bourdieu, sous la direction de Anne JOURDAIN et Sidonie NAULIN. Paris, Armand Colin, « Cursus », 2019, p. 17-46. Lire en ligne)

Références modifier

  1. Dubar (2007), p. 29.
  2. Passeron (2001).
  3. a et b Guichard et Huteau (2022), p. 3.
  4. a b c d e f g h i et j Rui (2010).
  5. Hunyadi (2001).
  6. a et b Dubar (2007), p. 30.

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • [Dubar 2007] Claude Dubar, « Les sociologues face au langage et à l'individu », Langage et société, vol. 3/4, nos 121-122,‎ , p. 29-43 (ISSN 0181-4095, DOI 10.3917/ls.121.0029, lire en ligne, consulté le ).  .
  • [Gaudin 2001] Jean Pierre Gaudin, « L’acteur. Une notion en question dans les sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales,‎ , p. 7-14 (ISSN 0048-8046, DOI 10.4000/ress.641, lire en ligne, consulté le ).
  • [Guichard et Huteau 2022] Jean Guichard et Michel Huteau, « Acteur social (Social actor) », dans Orientation et insertion professionnelle. 75 concepts clés, Paris, Dunod, , 468 p. (ISBN 978-2-10-048975-6, lire en ligne), p. 3-10.  .
  • [Hunyadi 2001] Mark Hunyadi, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales,‎ (DOI 10.4000/ress.644, lire en ligne, consulté le ).  .
  • [Passeron 2001] Jean-Claude Passeron, « Acteur, agent, actant: personnages en quête d’un scénario introuvable », Revue européenne des sciences sociales,‎ , p. 15-30 (ISSN 0048-8046, DOI 10.4000/ress.643, lire en ligne, consulté le ).  .
  • [Rui 2010] Sandrine Rui, « Acteur », dans Les 100 mots de la sociologie, Paris, PUF, , 128 p. (lire en ligne).  .

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

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