Un écumeur de berges est une personne qui fouille la vase à la recherche d'objets de valeur. Ce terme désignait notamment les personnes qui récupéraient des objets de cette manière à Londres aux XVIIIe et XIXe siècles (appelées en anglais mudlarks)[1].

Écumeurs des berges du Londres victorien (The Headington Magazine, 1871)

La pratique se poursuit de nos jours et peut être assimilée à une forme de loisir, elle fait appel, entre autres, à des technologies plus récentes telles que le détecteur de métaux, utilisé pour rechercher des objets en métal qui pourraient s'être échoués sur le rivage.

Cette pratique n'est tolérée que dans des pays où le droit et les réglementations la tolère, ce qui est le cas du Royaume-Uni (voir Treasure Act, 1996).

Les écumeurs de berges aux XVIIIe et XIXe siècle à Londres modifier

Les écumeurs des berges fouillaient les rives vaseuses de la Tamise à marée basse à la recherche de tout ce qui pouvait être vendu – parfois, lorsque l'occasion s'en présentait, chapardaient également le trafic fluvial[2]. À la fin du XVIIIe siècle, les habitants vivant près de la rivière pouvaient subsister ainsi. Les écumeurs des berges étaient généralement soit des jeunes âgés de 8 à 15 ans, soit des personnes âgées robustes, et bien que la plupart des écumeurs des berges soient des hommes[3], on comptait également parmi eux de jeunes filles et femmes[4].

Devenir écumeur des berges était généralement un choix par défaut, par la pauvreté et le manque de compétences. Les conditions de travail étaient loin d'être saines et confortables car les déjections et les déchets étaient rejetés sur les rives par les eaux usées ainsi que des cadavres d'humains, de chats et des chiens de temps à autre. Les écumeurs des berges se blessaient souvent à cause du verre brisé laissé sur le rivage. Leurs revenus étaient souvent très insuffisants[4]; mais ils avaient un certain degré d'indépendance, puisque, sous réserve des horaires des marées, ils pouvaient travailler quand ils le souhaitaient et conservaient tout leur butin.

L'écrivain anglais Henry Mayhew donne une description détaillée de la profession dans le volume supplémentaire de son ouvrage publié en 1851 London Labour and the London Poor. Une édition ultérieure du même livre, comprend le « Récit d'un écumeur des berges », une entrevue avec un garçon de treize ans, Martin Prior.

Même si en 1904, une personne pouvait encore revendiquer d'exercer le métier d'écumeur des berges, il semble que cela n'ait plus été perçu comme une activité acceptable ou légale[5]. En 1936, le mot décrit simplement les écoliers londoniens vêtus de maillot de bain qui gagnent de l'argent de poche pendant les vacances d'été en suppliant les passants de jeter des pièces de monnaie dans la vase de la Tamise pour les rattraper afin de divertir les spectateurs[6].

Une pratique active de nos jours modifier

 
Fragments de poterie trouvés lors d'une collecte sur la Tamise, dans le centre de Londres

Plus récemment, des utilisateurs de détecteurs de métaux et d'autres curieux fouillant l'estran à la recherche d'objets historiques se sont auto-proclamés « écumeurs des berges ». À Londres, une autorisation est requise auprès de l'autorité du port de Londres, autrement, l'activité devient illégale[7]. La réglementation a changé en 2016, rendant le livre populaire de Ted Sandling, London in Fragments, obsolète à cet égard[8].

L'autorité du port de Londres déclare que « Tous les estrans du Royaume-Uni ont un propriétaire. La détection, la recherche ou l'exhumation de métaux ne sont pas un droit public et nécessitent donc l'autorisation dudit propriétaire. La police du port de Londres et le Domaine royal sont les plus grands propriétaires fonciers de l'estran de la Tamise et administrent ensemble l'autorisation de détecter, rechercher ou creuser du métal"[9]. Le site internet de la police du port de Londres contient de nombreuses informations utiles pour les titulaires de permis, notamment des cartes, des règles et réglementations sur les lieux où l'excavation est interdite, sur la sécurité et les horaires des marées.

De temps en temps, des objets de valeur archéologique sont récupérés sur l'estran de la Tamise. En fonction de leur valeur, ils sont soit déclarés en tant que trésors en vertu du Treasure Act 1996, soit volontairement soumis à un examen via le Portable Antiquities Scheme.

Un article de la BBC de juillet 2020 recommande le Thames Discovery Program, un groupe d'historiens et de bénévoles qui organisent et proposent des visites guidées aux écumeurs des berges débutants. En 2019, le livre Mudlarking : Lost and Found on the River Thames de Lara Maiklem est publié pour la première fois[10]. L’auteure est une vétérane expérimentée dans la recherche d’objets historiques sur les rives du fleuve[11]. Rag and Bone: A Family History of What We've Thrown Away de Lisa Woollett (2020) offre une autre analyse du sujet.

Références culturelles modifier

 
Une statue qui représente deux écumeurs des berges, Portsmouth, Hampshire
  • Le mot mudlark est utilisé à la fin du XVIIIe siècle comme expression d’argot pour désigner un cochon[12].
  • Pauvre Jack, roman de Frederick Marryat, 1842. Dans son roman, Marryat, qui était lui-même marin avant de se tourner vers l'écriture, décrit de manière vivante l'ascension improbable d'un écumeur des berges fictif, Thomas Saunders, au poste de pilote fluvial. Le livre contient de nombreuses scènes descriptives de la vie typique d'un écumeur des berges, et suggère également que certains écumeurs des berges adultes étaient impliqués dans le vol de marchandises de cargo avec la complicité de l'équipage.
  • "Ecumeur des berges" est également un terme utilisé dans le dialecte du Sussex pour désigner un pêcheur de Rye[13].
  • The Copper Treasure – un livre de 1998 pour adolescents de Melvin Burgess décrivant trois écumeurs des berges du XIXe siècle et leur lutte pour réussir à transporter un rouleau de cuivre volé[14].
  • Le Moineau de la Tamise – un film britannique de 1950 sur un jeune garçon des rues dont le contact avec la reine Victoria joue un rôle dans son retour à la vie publique après son long deuil du Prince Albert.
  • Dans The Baroque Cycle de Neal Stephenson, l'un des personnages principaux, Jack Shaftoe, commence sa vie comme écumeur des berges.
  • Dans le chapitre 146 du manga Black Butler, le commissaire Randall qualifie le jeune M. Pitt de « pathétique écumeur de la Tamise », et M. Pitt répond qu'il n'a pas fait cela depuis des années.
  • Mudlark de John Sedden (Puffin 2005) est un thriller se déroulant à Portsmouth pendant la Première Guerre mondiale dans lequel deux écumeurs des berges trouvent un crâne humain dans la boue du port de Portsmouth, déclenchant une chaîne d'événements tragi-comiques.
  • Society of Thames Mudlarks – Une organisation moderne fondée en 1980 qui dispose d'une licence spéciale délivrée par l'autorité du port de Londres pour que ses membres puissent rechercher des trésors et des objets historiques dans la boue de la Tamise et rapporter leurs découvertes au Musée de Londres[15]. En 2009, l'un des membres fondateurs, Tony Pilson, a fait don d'une collection de plus de deux mille cinq cents boutons datant du 14ème à la fin du 19ème siècle, qu'il avait collectés le long de l'estran de la Tamise[16].
  • L'émission télévisée Mud Men suit Johnny Vaughan alors qu'il fait équipe avec Steve Brooker pour parcourir la vase le long de l'estran de la Tamise.
  • The Faerie Ring, un livre de Kiki Hamilton fait quelques références aux écumeurs des berges.
  • Mudlarks, un jeu d'aventure mystère/paranormal sur PC de 2014 développé par Cloak and Dagger Games, met en vedette les écumeurs des berges et leur activité.
  • Le terme "écumeur des berges" est utilisé dans le jeu vidéo Dishonored de 2012 par plusieurs PNJ, qui reflète les tableaux et décors d'inspiration victorienne du jeu.
  • Dans le drame audio Doctor Who de 2008 The Haunting of Thomas Brewster, le personnage principal était un écumeur des berges sur la Tamise en 1867.
  • Dans le drame en trois parties de Radio 4 de 2020 « London Particular », la fouille des écumeurs des berges est un moteur clé du scénario.
  • Dans la saison 9, épisode 1 de Call The Midwife, une série de la BBC présentant un récit axé sur la profession de sage-femme se déroulant dans les années 1960 à Poplar, en Angleterre, un personnage âgé mentionne que dans sa jeunesse, les écumeurs des berges récupéraient occasionnellement les corps de bébés abandonnés.
  • Dans la série de livres The Bone Season de Samantha Shannon, les écumeurs des berges sont des parias sociaux qui vivent dans les égouts de Londres.

Annexes modifier

Voir aussi modifier

* Britain at Low Tide
  • Grubber - quelqu'un qui fouille dans les égouts
  • Junk man
  • Tosher - quelqu'un qui fouille dans les égouts
  • Waste picker

Notes et références modifier

  1. Oxford English Dictionary. Third edition, March 2003; online version March 2011: According to the Oxford English Dictionary, first published use of the word was in 1785 as a slang term meaning 'a hog'. The dictionary speculates its origin may have been a humorous variation on 'skylark'. By 1796 the word was also being used to describe 'Men and boys ... who prowl about, and watch under the ships when the tide will permit.'
  2. Henry Mayhew, London Labour and the London Poor; Extra Volume 1851: "Their practice is to get between the barges, and one of them lifting the other up will knock lumps of coal into the mud, which they pick up afterwards; or if a barge is ladened with iron, one will get into it and throw iron out to the other, and watch an opportunity to carry away the plunder in bags to the nearest marine-storeshop."
  3. Oxford English Dictionary, 1989 edition:"1796 P. COLQUHOUN, Police of Metropolis vol. iii. p.60 'Men and boys, known by the name of Mud-larks, who prowl about, and watch under the ships when the tide will permit.'"
  4. a et b Henry Mayhew, London Labour and the London Poor; Extra Volume 1861
  5. The Times, Friday, Mar 11, 1904; pg. 11; Issue 37339; col F, The Police Courts: a 21-year-old man, Robert Harold, "describing himself as a mudlark", was convicted and sentenced to one month in prison for unlawful possession of a length of chain he had dug out from the Thames foreshore, despite the police being unable to cite any owner for the chain.
  6. The Times, Friday, Sep 04, 1936; pg. 15; Issue 47471; col D "Coppers In The Mud: A Thames Pastime"
  7. The full current rules 2018[Depuis quand ?] can be found at https://www.pla.co.uk/Environment/Thames-foreshore-access-including-metal-detecting-searching-and-digging
  8. Ted Sandling, London in Fragments: A Mudlark's Treasures, Frances Lincoln Ltd, London 2016. (ISBN 978-0-7112-3787-2). The advice given on pages 240 to 243 of the original hardback edition about foreshore searching is now out of date. This has been corrected for the 2018 paperback re-issue.
  9. « PLA website - permit information »
  10. The Lost Treasures of London's River Thames
  11. How to Scavenge for Bits of History Like London’s Mudlarks
  12. Oxford English Dictionary, 1989 edition: 1785 F. GROSE, Classical Dictionary of the Vulgar Tongue, 'Mud lark, a hog'".
  13. Arscott 2006
  14. « The Copper Treasure by Melvin Burgess », Fantasticfiction.com (consulté le )
  15. « River Thames "Mudlarks" Dig Up Medieval Toys » (consulté le )
  16. {{Article}} : paramètre « titre » manquant, The Council for British Archaeology,‎

Bibliographie modifier

  • David Arscott, Wunt Be Druv: A Salute to the Sussex Dialect, Countryside Books, 2006 (ISBN 978-1-84674-006-0).

Liens externes modifier