L’écran d'épingles, inventé par Alexandre Alexeïeff et Claire Parker, est un écran blanc placé verticalement et percé de trous desquels des épingles noires dépassent plus ou moins.

Écran d'épingles Baby Screen.

Description et fonctionnement modifier

 
Détail d'un écran d'épingles Baby Screen (vue de face).

Le nombre de trous dépend du modèle : 10 000 trous pour les Baby Screens, 240 000 trous pour le NEC (Nouvel écran d'épingles), 270 000 trous pour l'Épinette (Spinet), 500 000 trous pour le premier écran, 1 140 000 trous pour le VEC (Vieil écran d'épingles).

Dans chaque trou est insérée une épingle noire qui dépasse de quelques millimètres à la surface (entre 5 mm et 8 mm suivant les écrans). Les épingles sont enduites d'un corps gras (mélange de vaseline et cire d'abeille), trompeusement appelé « lubrifiant », qui sert plutôt de frein et permet de donner une résistance lors de la manipulation de celles-ci. Cette résistance permet une plus grande précision et un confort de modelage pour l'opérateur chargé d'enfoncer les épingles[1].

Une lumière est projetée sur l'écran de biais ce qui fait que l'ombre portée des épingles rend l'écran noir. Avec des instruments divers, l'artiste pousse certaines épingles de façon à former un dessin en relief. Les épingles qui sont enfoncées à fond ne laissent plus d'ombre et font donc apparaître le blanc de l'écran. Au contraire, les épingles repoussées depuis l'arrière de l'écran ramènent des ombres et font apparaître du noir. En variant le degré d'enfoncement des épingles, il est possible d'obtenir des ombres plus ou moins courtes et ainsi de former une image complexe composée de nuances de gris. Pour effacer le dessin, il suffit d'enfoncer les épingles en les poussant vers l'arrière de l'écran.

Pour faire de l'animation avec cet écran, il faut installer une caméra devant l'écran, faire un dessin, prendre une photo, puis modifier légèrement le dessin avant de prendre une seconde photo et ainsi de suite jusqu'à obtenir 24 photos (ou 12 photos que l'on double) pour chaque seconde d'animation.

La couleur s'obtient en travaillant sur la source lumineuse, par zones, à l'aide de gélatine[2].

Œuvres ayant utilisé la technique modifier

Alexeieff et Parker ont réalisé plusieurs films avec cette technique, dont les quelques minutes de La Porte de la loi, apologue du Procès d'Orson Welles. En dehors d'eux, on connaît très peu de cinéastes qui se soient essayés officiellement à cette méthode d'animation.

  • En 1968 à l'Office national du film du Canada (ONF), Maurice Blackburn a réalisé Ciné-crime sur un écran de taille réduite (Baby Screen).
  • En 1973, Alexeieff et Parker sont invités à l'ONF pour y déposer un écran d'épingles (le NEC) spécialement fabriqué pour cette commande. Un film de 39 minutes Pinscreen est réalisé pour enregistrer la conférence de présentation aux fins de formation devant les animateurs de l'ONF. Dans ce film on peut voir Caroline Leaf (en) et Ryan Larkin très intéressés.

Aucun des cinéastes formés par Alexeieff et Parker ne réalisera de film avec l'appareil. Il faut attendre l'arrivée de Jacques Drouin, monteur stagiaire à l'ONF, pour que le NEC soit utilisé[3]. Drouin réalise ainsi plusieurs films, notamment Le Paysagiste et L'Heure des anges (en technique mixte épingles et marionnettes, en collaboration avec Bretislav Pojar pour la partie marionnettes)[4],[5],[6].

En 2012, Michèle Lemieux réalise également un film à l'aide de l'écran d'épingles, Le Grand Ailleurs et le petit ici[7].

En 2012, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) fait l'acquisition de l'Épinette dans le but de relancer l'utilisation de l'écran d'épingles en France. L'Épinette est restaurée par Jacques Drouin tandis qu'en juin 2015, Michèle Lemieux donne un atelier de formation à huit cinéastes français. L'une de ces cinéastes, Justine Vuylsteker, utilise l'appareil pour réaliser le court métrage Étreintes[8]. Également participante à l'atelier, la réalisatrice Céline Devaux utilise l'appareil pour quelques passages de son court métrage Gros chagrin, récompensé à la Mostra de Venise en 2017[9].

Notes et références modifier

  1. Norman McLaren, film Pinscreen, ONF, 1973 (voir en ligne).
  2. Caroline Zéau, L'Office national du film et le cinéma canadien (1939-2003) : Éloge de la frugalité, Peter Lang, , p. 223.
  3. de Blois, Marco et Jean, Marcel, « Entretien avec Jacques Drouin : L’écran d’épingles, ce royaume… », 24 images, no 145,‎ (ISSN 0707-9389 et 1923-5097, lire en ligne, consulté le )
  4. « Films par Jacques Drouin », sur ONF.ca (consulté le ).
  5. « Cinéastes marquants : Jacques Drouin, l’œuvre en bref », sur ONF.ca (consulté le ).
  6. Éric Barbeau, « 24 idées / seconde - Écran d'épingles », 24 idées / seconde, sur nfb.ca, (consulté le ).
  7. Office national du film du Canada, « Le grand ailleurs et le petit ici - Michèle Lemieux et les secrets de l'écran d'épingles - (Revue de tournage) », (consulté le ).
  8. « L’écran d’épingles, « Stradivarius » de l’animation », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  9. « CNC - actualités - La deuxième vie de l’écran d’épingles », sur www.cnc.fr (consulté le ).

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Giannalberto Bendazzi, Alexeïeff : itinéraire d'un maître, Centre international du cinéma d'animation, , 318 p. (ISBN 978-2-910027-75-9, OCLC 53840158)
  • Olivier Cotte, techniques d'animation à l'écran d'épingles (entretien et making-of avec Jacques Drouin) dans Le grand livre des techniques du cinéma d'animation. Éditions Dunod, 2018. (ISBN 978-2100777785)
  • Marco de Blois, « Dans le ventre de l'écran d'épingles : Empreintes de Jacques Drouin », 24 images, no 118,‎ , p. 55 (ISSN 1923-5097, lire en ligne)
  • Marco de Blois et Marcel Jean, « Entretien avec Jacques Drouin : l'écran d'épingles, ce royaume… », 24 images, no 145,‎ décembre 2009 - janvier 2010, p. 44-50 (ISSN 1923-5097, lire en ligne)
  • Élène Dallaire, « Jacques Drouin : « La particularité de l'écran d'épingles reposera toujours sur le rapport lumière et ombre... » », Séquences, no 265,‎ , p. 8-9 (ISSN 1923-5100, lire en ligne)
  • Jacques Drouin, « L'Écran d'épingles », Perforations, vol. 10, no 2,‎ , p. 10-12
  • Jacques Drouin, « Restaurer les écrans d'épingles Alexeïeff-Parker », Journal of Film Preservation, nos 74-75,‎ , p. 71-78

Lien externe modifier

  • L'émission Cinéma d'animation de la série Connaissance du cinéma présente Michèle Lemieux et l'écran d'épingles