Vente liée de logiciels avec du matériel informatique

pratique de vente dans l'informatique

Le terme racketiciel désigne un logiciel vendu de force avec du matériel informatique. Cette vente liée qui est illégale dans la plupart des pays, est malgré tout souvent pratiquée, au détriment de la liberté de choix des consommateurs.

Histoire modifier

Au début de l'informatique, les logiciels font partie de la connaissance générale humaine et scientifique et sont traités comme des recettes de cuisine : les sources sont publiques, n'importe qui peut copier, modifier et diffuser ses modifications. C'est notamment cet échange totalement ouvert qui va faire faire à l'informatique des progrès spectaculaires.

En outre, le prix du matériel (hardware) est tel que ce soit en R&D ou en production, que le prix des logiciels n'est perçu par aucun des acteurs comme un enjeu économique important.

La baisse du coût du hardware et la complexité des programmes va amener au dépôt de brevets et copyright.

Cette privatisation des logiciels va rencontrer une levée de boucliers de la part des développeurs, qui perçoivent cela comme une entrave à leurs recherches, en premier lieu dans les grands centres de recherche aux États-Unis, le plus célèbre étant le MIT.

La popularisation des ordinateurs pour particuliers (PC et Apple) au début des années 1980 a donné à cette lutte (libre contre privateur) une nouvelle dimension au vu du marché qui venait de se créer.

Chaque fabricant cherchant à rendre sa clientèle dépendante de ses logiciels et de ses formats. Pendant qu'une partie de la communauté des développeurs cherchait à préserver la liberté des logiciels en créant notamment la GPL et le copyleft.

Cette lutte a connu un paroxysme avec la vente liée, qu'il ne faut pas confondre avec la vente forcée.

Après achat (non forcé) de son ordinateur, l'utilisateur est obligé, pour pouvoir utiliser sa machine, de se lier au fabricant de l'OS par un contrat particulier (CLUF…). La conclusion d'un second contrat à la suite d'un premier est illégale dans de nombreux pays.

Le terme racketiciel apparaît pour la première fois dans la liste de discussion du groupe de travail Détaxe de l'AFUL. Plus parlant que Détaxe, il est vite repris et adopté par les membres de la liste. Le , la pétition « Non aux racketiciels »[1] est lancée en France. Elle demande tout simplement l'application du code de la consommation et dépasse les 30 000 signatures.

Conséquences de la vente liée modifier

La vente liée a des conséquences à la fois sur les consommateurs et sur la concurrence. Cette pratique a pour effet de verrouiller un marché au profit d'un ou plusieurs acteurs, généralement ceux qui ont le plus de poids sur le marché en question ou sur un marché lié à celui-ci. Cette distorsion de concurrence a nécessairement des effets néfastes sur l'emploi, sur le pouvoir d'achat, et sur les progrès techniques, même si aucune étude aujourd'hui ne permet de quantifier précisément ces effets.

Logiciels et matériels informatiques concernés modifier

Bien que les systèmes d'exploitation représentent une part considérable du phénomène, celui-ci s'étend à toutes sortes de logiciels. Citons :

Si les ordinateurs (et plus particulièrement les ordinateurs portables) sont les principaux concernés, les racketiciels accompagnent désormais toute sorte de matériel informatique (clés USB, lecteurs multimédias, etc.), bien que ces cas soient plus controversés. L'arrivée de solutions logicielles alternatives pour les téléphones portables, les GPS et autres assistants personnels pourraient intensifier le débat dans ces domaines.

Arguments pour et contre la vente liée de logiciels avec du matériel informatique modifier

Arguments pour modifier

Certains constructeurs d'ordinateurs défendent leurs pratiques en évoquant l'intérêt du consommateur que représente la pré-installation des logiciels. En effet, un grand nombre de personnes ne savent pas installer eux-mêmes ces logiciels et n'auraient pas accès à l'informatique sans cela. Ils évoquent également un surcoût que représenterait l'optionalité des logiciels installés en usine. On évoque également l'encouragement du piratage que serait la vente de machine nue (vendue sans logiciels). Enfin ils considèrent que la garantie de l'ordinateur est assurée par l'usage du système pré-installé.

Réponses aux arguments pour modifier

La pré-installation n'implique pas la pré-activation. La garantie matérielle est indépendante du système d'exploitation. Dans le Contrat de Licence d'Utilisateur Final des versions de Windows, il est explicitement écrit que le système est sans garanties[réf. nécessaire]. Plusieurs constructeurs dont Dell et Hp vendent aux grandes entreprises, sans aucun problème (en option), des systèmes d'exploitation alternatifs.

Arguments contre modifier

Les opposants[Qui ?] aux racketiciels invoquent avant tout le libre choix. Ils estiment que les racketiciels expliquent en partie la position de quasi-monopole de la société Microsoft sur le marché des systèmes d'exploitation pour PC (Windows). Ils rappellent qu'il est possible, avec des solutions comme celle du code d'activation, de proposer des logiciels pré-installés sans pour autant obliger à leur achat.

Problèmes liés modifier

Outre l'obligation d'acheter les logiciels, les associations de consommateurs et d'utilisateurs de logiciels libres dénoncent le non-affichage du détail des prix et l'impossibilité d'obtenir avant l'achat les contrats de licences des logiciels imposés.

Les racketiciels dans le monde modifier

En Europe modifier

Fin 2007, la commission Concurrence considérait qu'il n'y a pas lieu d'agir dans plusieurs courriers adressés à des particuliers. Un think tank libéral, le Globalisation Institute, appelle à l'optionnalité[2],[3].

En Angleterre modifier

En 2006, un particulier obtient le remboursement de sa licence Windows auprès de la société DELL[4].

En France modifier

Le code de la consommation modifier

En France, durant l'année 2014, la vente liée est interdite par l'article L122-1 du code de la consommation[5]. En 2016, la loi est abrogé par ordonnance dont le contenu du texte devient généraliste[6]. En 2015, les articles L113-3 et L134-1 du même code garantissent respectivement au consommateur un affichage clair des prix et la possibilité pour lui d'obtenir les contrats de licences qu'il souhaite acquérir[7],[8]. En 2016, les articles L113-3 et L134-1 sont abrogés et depuis le , l'article L113-3 est dédié aux magasins de vente commercialisant des denrées alimentaires[9].

Procédure judiciaires et débats politiques modifier

Plusieurs particuliers ont à ce jour porté une affaire de racketiciels devant différents tribunaux de proximité. Citons les jugement de Lunéville[10] ( en faveur du constructeur), de Rennes[11] ( en faveur du consommateur), de Puteaux[12] ( en faveur du consommateur) et de Libourne[13],[14] ( en faveur du consommateur) qui ne forment pas encore une réelle jurisprudence. En , l'UFC Que-choisir annonce une procédure lancée au TGI de Nanterre sur ce terrain contre un constructeur (Hewlett-Packard) et deux distributeurs d'ordinateurs (Auchan et Darty). Après 8 ans de bataille judiciaire, le constructeur d'ordinateur Hewlett-Packard obtient gain de cause en 2014[15].

Souvent appelée à agir, la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) reste jusqu'à présent dans une position de spectateur[16],[17]. Plusieurs débats parlementaires n'ont pas encore permis de changer la situation actuelle.

En , à la suite de l'élection présidentielle française de 2012 les espoirs de diverses associations sont déçus, le Sénat rejette les amendements proposés[18].

Le , la cour de cassation française demande à la Cour de justice de l'Union européenne de trancher concernant des faits ayant eu lieu en 2008. Celle-ci accepte et doit rendre son verdict à une date ultérieure[19]. Il s'agit d'une question préjudicielle, qui s'applique à l'ensemble des États membres à partir du [20],[21].

Lors de la discussion du projet de loi pour une République numérique, une proposition visant à interdire ce type de vente liée est déposée et connaît une forte approbation des internautes. Elle est cependant rejetée par le gouvernement, qui demande d'attendre la décision de la cour de justice de l'Union européenne (CJUE)[22].

En Italie modifier

Le , le tribunal de Florence donne raison à un consommateur qui demandait le remboursements de logiciels face à un constructeur[23].

En , l'Aduc, une association de consommateur, ouvre une action collective contre Microsoft[24].

En Asie modifier

En Chine modifier

En Chine, une loi de 2007 oblige les constructeurs à fournir un système d'exploitation avec tout nouvel ordinateur dans le but officiel de lutter contre le piratage[25].

Notes et références modifier

  1. « Non aux racketiciels », sur racketiciel.info, (version du sur Internet Archive).
  2. (en) Alex Singleton, « Policy Briefing: Unbundling Microsoft Windows » [PDF], sur Globalisation Institute, (version du sur Internet Archive).
  3. Alex Singleton, « AFUL : Recommandation du Globalisation Institute 2007 », sur racketiciel.info, (version du sur Internet Archive).
  4. « Vente liée : Dell rembourse Windows à un Anglais », sur Clubic, (consulté le ).
  5. Article L122-1 (version en vigueur du au portant la publicité comparative du code de la consommation.
  6. Article L122-1 (version en vigueur depuis le portant la publicité comparative du code de la consommation.
  7. Article L113-3 (version en vigueur du au portant le prix et les conditions de vente du code de la consommation.
  8. Article L134-1 (version en vigueur du au portant la remise des contrats du code de la consommation.
  9. Article L113-3 (version en vigueur depuis le portant l'information sur la saisonnalité des fruits et légumes frais du code de la consommation.
  10. « Juridiction de proximité de Lunéville, 5 juillet 2006 », sur Forum des droits sur l'Internet, (version du sur Internet Archive).
  11. « Juridiction de proximité de Rennes, 6 juillet 2006 », sur Forum des droits sur l'Internet, (version du sur Internet Archive).
  12. Christophe Guillemin, « Vente liée : Acer France condamné à rembourser Windows XP », sur ZDNet, (consulté le ).
  13. « Juridiction de proximité de Libourne, 13 février 2008 » [PDF], sur AFUL, (version du sur Internet Archive).
  14. Olivier Dumons, « La vente liée d'ordinateurs et de logiciels dans le collimateur des associations », sur Le Monde, (consulté le ).
  15. Louis Adam, « Vente liée : HP France a le dernier mot face à l'UFC Que Choisir », sur ZDNet France, (consulté le ).
  16. Marc Rees (d), « Réunion à la DGCCRF sur le thème de vente liée PC et OS », sur Next INpact, (consulté le ).
  17. Marc Rees, « Vente liée : la synthèse à la DGCCRF repoussée après Noël », sur Next INpact, (consulté le ).
  18. Marc Rees, « Vente liée PC et OS : Benoît Hamon enterre les promesses d'Hollande », sur Next INpact, (consulté le ).
  19. Marc Rees, « La justice européenne se penchera sur la vente liée PC et OS », sur Next INpact, (consulté le ).
  20. « Procédures préjudicielles : recommandations à l'attention des juridictions nationales (texte : l14552) », sur EUR-Lex, (consulté le ).
  21. « Demande de décision préjudicielle présentée par la Cour de cassation… (Affaire C-310/15) » [PDF], sur EUR-Lex, (consulté le ).
  22. Louis Adam, « Loi numérique. Votre proposition n'a pas été retenue ? Le gouvernement se justifie », sur ZDNet France, (consulté le ).
  23. Jean-Baptiste Soufron, « HP condamné à rembourser un Microsoft Windows en Italie », sur zdnet.fr/blogs, (version du sur Internet Archive).
  24. Christophe Auffray, « Taxe Windows : une association de consommateurs poursuit Microsoft », sur ZDNet France, (consulté le ).
  25. Marc Rees, « Chine : Microsoft préinstalle 1,3Md$ de logiciels chez Lenovo », sur Next INpact, (consulté le ).

Voir aussi modifier

Liens externes modifier