Résazurine

composé chimique

La résazurine (appellation chimique 10-oxyde de 7-hydroxy-3H-phenoxazin-3-one) est un indicateur coloré bleu, faiblement fluorescent[3] jusqu'à ce qu'il soit réduit de manière irréversible en résorufine, un indicateur coloré rose fortement fluorescent dans le rouge. La résazurine est utilisée comme indicateur d'oxydo-réduction lors des tests de viabilité cellulaire permettant de déterminer si une cellule est aérobie ou anaérobie[4]. Cet indicateur coloré peut se trouver communément dans le commerce sous forme de sel de sodium.

Résazurine
Image illustrative de l’article Résazurine
Identification
Nom UICPA 7-hydroxy-10-oxidophénoxazin-10-ium-3-one
Synonymes

Alamar Blue, Vybrant, UptiBlue

No CAS 550-82-3 ; 62758-13-8 (sel de sodium)
No ECHA 100.008.171
No CE 208-987-1
PubChem 11077
ChEBI 8806
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C12H7NO4  [Isomères]
Masse molaire[1] 229,188 3 ± 0,011 5 g/mol
C 62,89 %, H 3,08 %, N 6,11 %, O 27,92 %,
Précautions
SGH[2]
SGH07 : Toxique, irritant, sensibilisant, narcotique
H315, H319, H335, P261, P264, P271, P280, P312, P321, P362, P302+P352, P304+P340, P305+P351+P338, P332+P313, P337+P313, P405, P403+P233 et P501

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

La résazurine en solution possède l'une des plus fortes valeurs connues de l'index de dichromaticité de Kreft[5]. Cela signifie que la teinte perçue peut changer drastiquement selon que l'épaisseur ou la concentration de l'échantillon considéré augmente ou diminue.

Applications dans les tests de viabilité cellulaire modifier

La résazurine a d'abord été utilisée pour quantifier le contenu bactérien dans le lait par Pesch et Simmert en 1929[6]. Elle a également servi d'indicateur de viabilité cellulaire dans des cultures de cellules de mammifères[7]. À l'origine, elle a été introduite dans le commerce sous la marque déposée Alamar Blue (S.A. Trek Diagnostic Systems) et est désormais disponible sous d'autres noms comme AB assay, Vybrant (S.A. Molecular Probes) et UptiBlue (S.A. Interchim).

Les tests à base de résazurine montrent une excellente corrélation avec les autres tests de viabilité cellulaire comme les tests à base de formazan (MTT/XTT) et les techniques à base de thymidine tritiée, avec l'avantage d'être plus faciles d'utilisation et plus sécures pour leurs utilisateurs[8]. Ils permettent par ailleurs d'allonger la durée des expériences (le colorant étant minimalement toxique pour les cellules vivantes) et fonctionnent aussi bien pour les cellules adhérentes que pour les bactéries et les champignons[8]. Au-delà des applications standard telles les tests en culture cellulaire (comptage de cellules, tests de prolifération cellulaire[9]) et les tests de cytotoxicité, la résazurine peut aussi être couplée à plusieurs tests chimioluminescents comme les tests à la cytokine, les tests à la caspase pour mesurer l'apoptose, ou encore les tests permettant de quantifier l'expression d'un gène ou d'une protéine[8]. La conversion irréversible de la résazurine en résorufine est proportionnelle à la respiration aérobie[10].

Autres applications modifier

La résazurine est réduite de manière efficace au sein les mitochondries, ce qui la rend utile pour tester également l'activité métabolique mitochondriale.

 
Réduction de la résazurine en résorufine dans les cellules vivantes (en présence de NADH).

Généralement, en présence de l'enzyme NADPH déshydrogénase ou NADH déshydrogénase, le NADPH ou le NADH constitue le réducteur permettant la conversion de la résazurine en résorufine. Ainsi, le système résazurine/diaphorase/NADPH peut être utilisée pour détecter le niveau de NADH, NADPH ou diaphorase, ainsi que toute activité biochimique ou enzymatique étant impliquée dans une réaction biochimique produisant du NADH ou du NADPH[11],[12],[13],[14],[15].

La résazurine peut être utilisée pour quantifier le L-glutamate, atteignant un seuil de sensibilité de 2,0 pmol par puits[16].

Elle peut en outre être exploitée pour quantifier la biodégradation aérobie de la matière organique qu'on trouve dans les effluents[17].

On peut enfin s'en servir pour mesurer le taux de respiration aérobie dans les ruisseaux[18]. Comme la majorité de la respiration aérobie a lieu dans le lit du ruisseau, la conversion de la résazurine en résorufine représente également une mesure du taux d'échange entre la colonne d'eau et le lit du cours d'eau.

Synthèse modifier

La résazurine s'obtient par condensation, catalysée par un acide, entre le résorcinol et le 4-nitrosorésorcinol, suivie d'une oxydation du composé intermédiaire avec de l'oxyde de manganèse (IV) :

 

Le traitement du produit brut de cette réaction avec du carbonate de sodium en excès résulte en un sel de sodium de résazurine, qui est la forme commerciale courante du colorant. L'exécution de l'étape de condensation est possible dans les alcools mais le rendement en produit final est moindre ; de plus, dans l'eau pure ou l'acide acétique, la réaction ne se produit pas de façon satisfaisante[19].

Colorants apparentés modifier

10-acetyl-3,7-dihydroxyphénoxazine modifier

La 10-acetyl-3,7-dihydroxyphénoxazine (aussi connue sous le nom d'Amplex Red), structurellement apparentée à la résazurine, réagit avec le peroxyde d'hydrogène selon une stœchiométrie de 1:1 pour produire le même produit dérivé, à savoir la résorufine ; ce colorant est utilisé dans de nombreux tests combinant par exemple la peroxydase de raifort (HRP) avec des enzymes utilisant le NADH ou le NADPH[20].

7-éthoxyrésorufine modifier

La 7-éthoxyrésorufine est un composé utilisé comme substrat dans la quantification de l'induction au cytochrome P450 (CYP1A1), via le système éthoxyrésorufine-O-dééthylase (EROD) dans des cultures cellulaires et des échantillons environnementaux, produit en réponse à l'exposition aux groupes aryles ; le composé est catalysé par une enzyme pour produire le même produit fluorescent, à savoir la résorufine[21].

1,3-dichloro-7-hydroxy-9,9-diméthylacridin-2(9H)-one modifier

La 1,3-dichloro-7-hydroxy-9,9-diméthylacridin-2(9H)-one (DDAO), colorant fluorescent utilisé pour l'annotation des oligonucléotides[22].

Références modifier

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. PubChem CID 11077
  3. (en) C. Bueno, M. L. Villegas, S. G. Bertolotti et C. M. Previtali, « The Excited-State Interaction of Resazurin and Resorufin with Aminesin Aqueous Solutions. Photophysics and Photochemical Reaction¶ », Photochemistry and Photobiology, vol. 76, no 4,‎ , p. 385–390 (ISSN 1751-1097, DOI 10.1562/0031-8655(2002)0760385TESIOR2.0.CO2, lire en ligne, consulté le )
  4. Jian Lin Chen, Terry W. J. Steele et David C. Stuckey, « Modeling and Application of a Rapid Fluorescence-Based Assay for Biotoxicity in Anaerobic Digestion », Environmental Science & Technology, vol. 49, no 22,‎ , p. 13463–13471 (ISSN 0013-936X, DOI 10.1021/acs.est.5b03050, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Samo Kreft et Marko Kreft, « Quantification of dichromatism: a characteristic of color in transparent materials », JOSA A, vol. 26, no 7,‎ , p. 1576–1581 (ISSN 1520-8532, DOI 10.1364/JOSAA.26.001576, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Pesch et Simmert, « Combined assays for lactose and galactose by enzymatic reactions », Milchw. Forsch., no 8,‎ , p. 551
  7. S Anoopkumar-Dukie, J B Carey, T Conere et E O'Sullivan, « Resazurin assay of radiation response in cultured cells », The British Journal of Radiology, vol. 78, no 934,‎ , p. 945–947 (ISSN 0007-1285, DOI 10.1259/bjr/54004230, lire en ligne, consulté le )
  8. a b et c (en) Uptima, UptiBlue Viable Cell Counting Kit, Montluçon, Interchim, 15 p. (lire en ligne [PDF])
  9. (en) Elena Kurin, Atanas Atanasov, Oliver Donath et Elke Heiss, « Synergy Study of the Inhibitory Potential of Red Wine Polyphenols on Vascular Smooth Muscle Cell Proliferation », Planta Medica, vol. 78, no 08,‎ , p. 772–778 (ISSN 0032-0943 et 1439-0221, DOI 10.1055/s-0031-1298440, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Ricardo González-Pinzón, Roy Haggerty et David D. Myrold, « Measuring aerobic respiration in stream ecosystems using the resazurin-resorufin system », Journal of Geophysical Research: Biogeosciences, vol. 117, no G3,‎ , G00N06 (ISSN 2156-2202, DOI 10.1029/2012JG001965, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) S. Shahangian, K. O. Ash et D. E. Rollins, « An Enzymatic Method for the Analysis of Formate in Human Plasma », Journal of Analytical Toxicology, vol. 8, no 6,‎ , p. 273–276 (ISSN 0146-4760, DOI 10.1093/jat/8.6.273, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) N. Q. Hanson et E. F. Freier, « Effect of protein on the determination of total bile acids in serum. », Clinical Chemistry, vol. 29, no 1,‎ , p. 171–175 (ISSN 0009-9147 et 1530-8561, PMID 6571720, lire en ligne, consulté le )
  13. Donald W. De Jong et William G. Woodlief, « Fluorimetric assay of tobacco leaf dehydrogenases with resazurin », Biochimica et Biophysica Acta (BBA) - Enzymology, vol. 484, no 2,‎ , p. 249–259 (DOI 10.1016/0005-2744(77)90081-X, lire en ligne, consulté le )
  14. Stephen Barnes et Jerry G. Spenney, « Stoichiometry of the nadh-oxidoreductase reaction for dehydrogenase determinations », Clinica Chimica Acta, vol. 107, no 3,‎ , p. 149–154 (DOI 10.1016/0009-8981(80)90442-8, lire en ligne, consulté le )
  15. (en) H. Winartasaputra, V. N. Mallet, S. S. Kuan et G. G. Guilbault, « Fluorometric and colorimetric enzymic determination of triglycerides (triacylglycerols) in serum. », Clinical Chemistry, vol. 26, no 5,‎ , p. 613–617 (ISSN 0009-9147 et 1530-8561, PMID 6894889, lire en ligne, consulté le )
  16. Justin Chapman et Mingjie Zhou, « Microplate-based fluorometric methods for the enzymatic determination of l-glutamate: application in measuring l-glutamate in food samples », Analytica Chimica Acta, vol. 402, no 1,‎ , p. 47–52 (DOI 10.1016/S0003-2670(99)00533-4, lire en ligne, consulté le )
  17. S. Jouanneau, L. Recoules, M. J. Durand et A. Boukabache, « Methods for assessing biochemical oxygen demand (BOD): A review », Water Research, vol. 49,‎ , p. 62–82 (DOI 10.1016/j.watres.2013.10.066, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Roy Haggerty, Eugènia Martí, Alba Argerich et Daniel von Schiller, « Resazurin as a “smart” tracer for quantifying metabolically active transient storage in stream ecosystems », Journal of Geophysical Research: Biogeosciences, vol. 114, no G3,‎ , G03014 (ISSN 2156-2202, DOI 10.1029/2008JG000942, lire en ligne, consulté le )
  19. Frank Short Wallace et Peter Oxley, Dyestuffs suitable for use as indicators, (lire en ligne)
  20. Mingjie Zhou, Zhenjun Diwu, Nataliya Panchuk-Voloshina et Richard P. Haugland, « A Stable Nonfluorescent Derivative of Resorufin for the Fluorometric Determination of Trace Hydrogen Peroxide: Applications in Detecting the Activity of Phagocyte NADPH Oxidase and Other Oxidases », Analytical Biochemistry, vol. 253, no 2,‎ , p. 162–168 (DOI 10.1006/abio.1997.2391, lire en ligne, consulté le )
  21. Alan V. Klotz, John J. Stegeman et Chris Walsh, « An alternative 7-ethoxyresorufin o-deethylase activity assay: A continuous visible spectrophotometric method for measurement of cytochrome P-450 monooxygenase activity », Analytical Biochemistry, vol. 140, no 1,‎ , p. 138–145 (DOI 10.1016/0003-2697(84)90144-1, lire en ligne, consulté le )
  22. Scott C. Benson, Cinna Monighetti et Sandy M. Koepf, Ddao compounds as fluorescent reference standards, (lire en ligne)

Liens externes modifier