Oligonucléotide

Courte séquence d'acide nucléique simple brin

Les oligonucléotides sont de courts segments de chaînes d'acides nucléiques (ARN ou ADN) de quelques dizaines de nucléotides. Ils sont en général obtenus par synthèse chimique, sous forme de simple ou double brin (modifié ou non modifié) se composant de groupes fonctionnels choisis pour leur intérêt.

Les oligonucléotides sont composés de cinq bases différentes, dont deux sont des dérivés de purine (adénine et guanine) et trois sont des dérivés de pyrimidine (cytosine, thymine et uracile) ; leur longueur est habituellement notée par le suffixe « mer » (du grec ancien μερος / méros, « partie ») précédé du nombre de résidus nucléotidiques. Par exemple, un oligonucléotide de 13 nucléotides est « un 13-mer ».

Synthèse des oligonucléotides modifier

La synthèse d'oligonucléotide est une technique très utilisée dans les laboratoires qui permet d'obtenir un accès inédit ou peu couteux à des oligonucléotides avec la séquence de nucléotides désirée. La technique a pour point de départ un support solide sur lequel est greffé le premier nucléotide. Depuis la fin des années 1970, la synthèse s'effectue de manière automatisée grâce à un synthétiseur. Une fois la synthèse terminée, l'oligonucléotide va être séparé du support solide par un clivage chimique. Cette méthode permet d'obtenir des oligonucléotides ADN, ARN ou mixtes ainsi que des oligonucléotides modifiés. La synthèse d'oligonucléotides a connu un essor ces dernières années. De très nombreux synthétiseurs sont disponibles sur le marché et permettent une synthèse automatisée d'oligonucléotides. Les besoins croissants en oligonucléotides proviennent du développement de techniques comme la PCR, les puces à ADN.

Utilisation des oligonucléotides modifier

Cette classe de substances est utilisée via diverses approches :

Presque toutes sont émergentes et aux premières phases de développement.

Il existe plusieurs limites à l'état actuel des thérapies basées sur des petites molécules. Ainsi, l'utilisation d'oligonucléotides est apparue comme une avancée dans le traitement des maladies respiratoires, car celles-ci couvrent un large éventail de cibles[1],[2].

Utilisation comme sondes et pour les analyses biochimiques modifier

Principe de l'hybridation des oligonucléotides modifier

Les oligonucléotides sont souvent utilisés comme sondes, c'est-à-dire des fragments d'ADN ou d'ARN marqués radioactivement ou chimiquement servant à retrouver une séquence d'acide nucléique par hybridation. L'hybridation des acides nucléiques est une technique fondamentale, basée sur la capacité des acides nucléiques simple brin de s'associer pour former une molécule double brin. Les méthodes d'hybridation utilisent des oligonucléotides marqués, appelés sondes. Ces oligonucléotides, placés dans un milieu très complexe contenant de nombreuses molécules non marquées d'acide nucléique vont s'associer uniquement avec celles qui ont une séquence complémentaire. Les oligonucléotides sont donc souvent utilisés comme sondes afin de détecter des ADN ou ARN complémentaires.

Exemples d'utilisations modifier

Comme exemples d'utilisation des oligonucléotides ADN on peut citer :

  • Une puce à ADN est un ensemble de milliers d'oligonucléotides différents fixés sur une surface solide.
  • Le Southern blot est une technique de détection de séquence spécifique d'ADN après leur séparation par électrophorèse, par hybridation avec une sonde d'ADN marquée.
  • Le northern blot est une technique de détection de séquence spécifique d'ARN messager après leur séparation par électrophorèse, par hybridation avec une sonde d'ADN marquée.
  • Le FISH est une technique de détection de séquence spécifique d'ADN ou d'ARN dans des cellules ou des tissus. Des oligonucléotides fluorescents sont utilisés comme sondes. Ils s'hybrident avec la séquence recherchée et par microscopie de fluorescence, il est possible de visualiser la localisation des séquences spécifiques liées à la sonde fluorescente.
  • La PCR est un procédé permettant d'amplifier presque n'importe quel fragment d'ADN. Elle utilise de courts oligonucléotides d'ADN, désignés sous le nom d'amorces. Ils génèrent une « cible » pour une polymérase qui va pouvoir lier et prolonger l'amorce par l'addition de nucléotides.
  • La méthode SELEX est une méthode de sélection à partir de banques combinatoires d'oligonucléotides synthétiques. Les oligonucléotides sélectionnés sont capables de fixer sélectivement un ligand donné, avec une affinité élevée et une haute spécificité.
  • Des ARN antisens
  • Des ARN possédant une activité enzymatique, appelés des ribozymes.
  • Des ARN interférents

Dans l'« argot de la science », les oligonucléotides sont appelés oligos.

Thérapies à base d'oligonucléotides modifier

Les différents modes d'action des oligonucléotides[3],[4] modifier

Il existe différents types d’oligonucléotides utilisés et testés en clinique à ce jour, ils peuvent être regroupés en différentes catégories, selon leur mode d’action. Il est important de noter que les oligonucléotides doivent être chimiquement modifiés (via leur sucre, lien phosphates, nucléobases etc.) pour être cliniquement actifs.

Les thérapies qui réduisent l’expression d’une cible modifier

·        Les oligonucléotides dits antisenses. Ce sont des brins d’oligonucléotide simples qui fonctionnent par hybridation à leur ARN messager (ARNm) cible. L’enzyme RNAse H1 reconnait l’hétéroduplex antisense :RNA et dégrade l’ARNm.

·        Les small interfering RNA, aussi appelés siRNA. Ce sont des doubles brins d’ARN composés d’un brin guide (complémentaire à l’ARN messager) et d’un brin dit passager. Le duplex est reconnu par la protéine Argonaute 2 (AGO2) et l’ensemble intègre le RNA-induced silencing complex (RISC) qui dégradera l’ARNm cible dans le cytoplasme.

Les thérapies qui augmentent l’expression d’une cible[5] modifier

·        Il y a les small activating RNA ou saRNA. Ils suivent, comme les siRNA, un design de double brin d’ARN et interagissent avec la protéine Argonaute 2. Cette fois-ci, le complexe sera transporté dans le noyau, par interaction à la protéine importin-8, et le brin guide pourra s’hybrider à la région promotrice du gène cible. Une machinerie protéique composée de la RNA helicase A (RHA), de la RNA polymerase-associated protein CTR9 homolog (CTR9) et de la RNA polynerase II-associated factor 1 homolog (PAF1) sera alors recrutée autour de la région promotrice afin d’augmenter l’expression de l’ARNm.

Les thérapies qui modulent l’expression d’une protéine[6] modifier

·        Les « Splice-switching Oligonucleotides » ou SSO. Ces oligonucléotides ont pour but de s'hybrider à l'ARN pré-messager, et d'en modifier leur épissage. En s'hybridant, le SSO va empêcher l'interaction de l'ARN pre-messager avec la machinerie protéique, ou bien encore avec d'autres ARN, et générer un ARN messager différent, résultant ainsi en une protéine différente. Ce type de thérapie est particulièrement étudié dans des pathologies génétiques où la production d'une protéine existe et est nécessaire, mais où la fonction est perdue. Le SSO vient restaurer ainsi une partie de leur fonction. C'est le cas par exemple de l'eteplirsen qui traite la myopathie de Duchenne

Les thérapies qui produisent directement une protéine modifier

·        C’est le cas des vaccins à ARN messager. À compléter.


Un projet de vaccin nasal à base d'oligonucléotides a aussi été étudié en 2012 contre le SRAS[7].

Sinon, ce sont des thérapies géniques ou d'autres thérapies émergentes qui, à ce jour, ciblent quelques maladies respiratoires chroniques pour lesquelles les corticothérapies ont des effets limités[8] (asthme et maladie pulmonaire obstructive chronique principalement)[9]. On cherche maintenant à guérir — en amont — ces maladies respiratoires chroniques, en modifiant l'expression des gènes du patient en utilisant des molécules d'ARN pouvant médier l'ARNi (comme l'ARN interférant court (siRNA), l'ARNdb long, le microRNA (miRNA) et l'ARN en épingle à cheveux court (shRNA)[10].

Leur mode d'action est le silençage génique (post-transcriptionnel) ou l'interférence ARN utilisant des ARN double brin (ARNdb) régulant la fonction des gènes par interférence ARN (ARNi)[9]. Il s'agit de délivrer ces agents plus directement et spécifiquement aux tissus et aux cellules-cibles que l'on souhaite atteindre (ce qui permet au passage d'utiliser de moindres doses du médicament, parfois très coûteux et/ou ayant des effets secondaires indésirables), pour l'instant afin de soigner des maladies inflammatoires chroniques. Ce type de thérapie implique généralement d'utiliser des nanoparticules (nanomédicaments)[9] ; il implique aussi de protéger la nanogouttelette et le matériel génétique qu'elle doit transporter contre la digestion par certains enzymes (nucléases)[7].

Des oligonucléotides sont aussi déjà très utilisés pour transférer des gènes sous la forme de « matériaux supports polymères, liposomaux et inorganiques »[9].

  • Les liposomes peuvent délivrer efficacement divers oligonucléotides dont l'ARNsi et l'ARNm. Diverses maladies respiratoires pourraient profiter de leur développement[9] ;
  • Les niosomes (en) (vésicules fabriquées à partir de tensioactifs non-ioniques) peuvent aussi administrer de manière ciblée et optimale des biomédicaments[11] ; ils peuvent par exemple transporter efficacement des gènes ; une équipe a réussi à créer des niosomes de liposides cationiques qui ont pu empêcher la dégradation de l'ADN et l'ont aidé à entrer dans les cellules. Une autre étude a utilisé des niosomes cationiques pour du transport intracellulaire d'informations génétiques (siARN/miARN). Les niosomes peuvent conduire à un silençage génique efficace dans les cellules souches mésenchymateuses humaines[12].

Quantification modifier

Les oligonucléotides sont quantifiés par mesure d'absorbance dans une cuve en quartz à une longueur d'onde de 260 nm à l'aide d'un spectrophotomètre UV. À partir de cette densité optique, la concentration et quantité de matière d'oligonucléotide peuvent être calculées.

Notes et références modifier

  1. Rosanne M. Séguin et Nicolay Ferrari, « Emerging oligonucleotide therapies for asthma and chronic obstructive pulmonary disease », Expert Opinion on Investigational Drugs, vol. 18, no 10,‎ , p. 1505–1517 (ISSN 1354-3784, PMID 19715448, DOI 10.1517/13543780903179294, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Nicolay Ferrari, Rosanne Seguin et Paolo Renzi, « Oligonucleotides: a multi-targeted approach for the treatment of respiratory diseases », Future Medicinal Chemistry, vol. 3, no 13,‎ , p. 1647–1662 (ISSN 1756-8919 et 1756-8927, DOI 10.4155/fmc.11.108, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Thomas C. Roberts, Robert Langer et Matthew J. A. Wood, « Advances in oligonucleotide drug delivery », Nature Reviews Drug Discovery, vol. 19, no 10,‎ , p. 673–694 (ISSN 1474-1784, DOI 10.1038/s41573-020-0075-7, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Jayesh A. Kulkarni, Dominik Witzigmann, Sarah B. Thomson et Sam Chen, « The current landscape of nucleic acid therapeutics », Nature Nanotechnology, vol. 16, no 6,‎ , p. 630–643 (ISSN 1748-3395, DOI 10.1038/s41565-021-00898-0, lire en ligne, consulté le )
  5. Albert Kwok, Nina Raulf et Nagy Habib, « Developing small activating RNA as a therapeutic: current challenges and promises », Therapeutic Delivery, vol. 10, no 3,‎ , p. 151–164 (ISSN 2041-5990, DOI 10.4155/tde-2018-0061, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Mallory A. Havens et Michelle L. Hastings, « Splice-switching antisense oligonucleotides as therapeutic drugs », Nucleic Acids Research, vol. 44, no 14,‎ , p. 6549–6563 (ISSN 0305-1048 et 1362-4962, PMID 27288447, PMCID PMC5001604, DOI 10.1093/nar/gkw533, lire en ligne, consulté le )
  7. a et b (en) Dharmendra Raghuwanshi, Vivek Mishra, Dipankar Das et Kamaljit Kaur, « Dendritic Cell Targeted Chitosan Nanoparticles for Nasal DNA Immunization against SARS CoV Nucleocapsid Protein », Molecular Pharmaceutics, vol. 9, no 4,‎ , p. 946–956 (ISSN 1543-8384 et 1543-8392, DOI 10.1021/mp200553x, lire en ligne, consulté le )
  8. Qiu Y., Lam J.K.W., Leung S.W.S., Liang W. Delivery of RNAi therapeutics to the airways-from bench to bedside. Molecules. 2016;21
  9. a b c d et e (en) Meenu Mehta, Deeksha, Devesh Tewari et Gaurav Gupta, « Oligonucleotide therapy: An emerging focus area for drug delivery in chronic inflammatory respiratory diseases », Chemico-Biological Interactions, vol. 308,‎ , p. 206–215 (PMID 31136735, PMCID PMC7094617, DOI 10.1016/j.cbi.2019.05.028, lire en ligne, consulté le )
  10. Qiu Y., Lam J.K.W., Leung S.W.S., Liang W (2016) Delivery of RNAi therapeutics to the airways-from bench to bedside. Molecules. ; 21
  11. (en) Ketousetuo Kuotsu, KaziMasud Karim, AsimSattwa Mandal et Nikhil Biswas, « Niosome: A future of targeted drug delivery systems », Journal of Advanced Pharmaceutical Technology & Research, vol. 1, no 4,‎ , p. 374 (ISSN 0110-5558, DOI 10.4103/0110-5558.76435, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Xuemei Ge, Minyan Wei, Suna He et Wei-En Yuan, « Advances of Non-Ionic Surfactant Vesicles (Niosomes) and Their Application in Drug Delivery », Pharmaceutics, vol. 11, no 2,‎ , p. 55 (PMID 30700021, PMCID PMC6410054, DOI 10.3390/pharmaceutics11020055, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier