Le Procès IG Farben (officiellement The United States of America vs. Carl Krauch, et al.) est le sixième des douze procès pour crimes de guerre organisés après la fin de la Seconde Guerre mondiale par les autorités américaines dans leur zone d'occupation en Allemagne, à Nuremberg.

Le box des accusés le premier jour du procès (27 août 1947).

Il a eu lieu du au . Au terme 2 ans d'enquête et de 11 mois de procès, sur les 24 accusés, 13 ont été condamnés à des peines de prison, 10 ont été acquittés et l'un des prévenus (Max Bruegemann, secrétaire du Vorstand), avait été libéré, non-jugé, avant le début du procès pour raisons de santé.

Historique modifier

Le procès contre IG Farben est le second des trois procès industriels, les deux autres étant contre Flick et Krupp.

IG Farben était notamment connu pour avoir financé la campagne de Adolf Hitler et avoir développé le Zyklon B, le gaz des chambres de la mort.

En tête des vingt-quatre accusés figurent Carl Krauch, président du Conseil d'administration, et Hermann Schmitz (en), président du Conseil de direction. Vingt accusés étaient membres du Conseil exécutif. Les chefs d’accusation sont les mêmes pour tous : planification, préparation et exécution de guerres d’agression ; exploitation, asservissement et extermination de travailleurs forcés ; mais aussi participation à une conspiration visant à commettre des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les autres points de l’acte d’accusation comprennent les expérimentations criminelles sur les êtres humains, notamment sur les détenus des camps de concentration, la complicité dans le génocide, en particulier les gazages à Auschwitz et dans d’autres camps, ainsi que la fourniture de gaz toxiques à cet effet[1].

Joseph Borkin, conseiller économique en chef de la division anti-trust du département de la Justice des États-Unis de 1938 à 1946, fut responsable de l'enquête sur les cartels dominés par l'entreprise IG Farben durant la guerre[2].

Texte de la légende
Prévenus jugement final /chefs d'accusation
(préparer et mener une guerre d'agression ; participer à un complot en vue d'une guerre d'agression),[3]
Peines
Fritz Gajewski Non coupable de tous les chefs -
Heinrich Hörlein Non coupable de tous les chefs -
August von Knieriem Non coupable de tous les chefs -
Christian Schneider Non coupable de tous les chefs -
Hans Kuehne Non coupable de tous les chefs -
Carl Lautenschlaeger Non coupable de tous les chefs -
Wilhelm Mann Non coupable de tous les chefs -
Karl Wurster Non coupable de tous les chefs -
Heinrich Gattineau Non coupable de tous les chefs -
Erich von der Hyde Non coupable de tous les chefs -
Carl Krauch[4],[3] Coupable sur le chef de travail d'esclave Condamné à six ans
Hermann Schmitz Coupable sur le chef de pillage uniquement Condamné à quatre ans
Georg von Schnitzler Coupable de travail forcé et de pillage Condamné à sept ans
Otto Ambros Coupable du seul chef de pillage Condamné à cinq ans
Ernst Bürgin Coupable sur le chef de travail d'esclave uniquement Condamné à huit ans
Friedrich Hermann ter Meer Coupable sur le chef de pillage uniquement Condamné à deux ans
Heinrich Bütefisch Coupable sur le chef de travail d'esclave uniquement Condamné à six ans ;
Paul Haefliger Coupable du seul chef de pillage Condamné à deux ans
Max Ilgner Coupable du seul chef de pillage Condamné à trois ans
Frédéric Jaehne Coupable du chef de pillage uniquement Condamné à un an et demi
Henri Oster Coupable du chef de pillage uniquement Condamné à deux ans
Walter Dürrfeld Coupable du seul chef d'accusation de travail forcé Condamné à huit ans
Hans Kugler Coupable sur le chef de pillage uniquement Condamné à un an et demi
Fritz ter Meer[5],[6],[7] Coupable de pillage, de vol qualifié, de meurtre de masse et de réduction en esclavage Condamné à sept ans
Carl Wurster (en)[8] Non coupable de tous les chefs -

Conclusions modifier

La grande clémence des verdicts a été expliquée par deux raisons :

  • au moment de la défaite de l'Allemange nazie, la direction d’IG Farben a fait détruire ou falsifier les archives de l'entreprise ;
  • la direction d’IG Farben a pu s'assurer de bénéficier des services de « soixante des meilleurs avocats d’Allemagne », lesquels qui sont parvenus à imposer l'idée que seuls les crimes individuels pouvaient être poursuivis devant ce type de tribunal au regard du droit international[9].

Carl Krauch, membre du directoire de supervision d'IG Farben et promoteur du plan de quatre ans préparant l'économie du Troisième Reich à la guerre[10], est condamné à six ans de prison.

La société IG Farben est dissoute par décret en 1950, puis démantelée en 1952.

Notes et références modifier

  1. Daniel Bovet, Une chimie qui guérit, Payot, , p. 157.
  2. (en) Joseph Borkin, « The Crime and Punishment of I.G. Farben », (consulté le ).
  3. a et b (en) « The Devil's Chemists. By Josiah E. DuBoisJr., in Collaboration with Edward Johnson. (Boston: The Beacon Press. 1952. Pp. x, 374. $3.75.) », American Political Science Review, vol. 47, no 1,‎ , p. 255 (ISSN 0003-0554, DOI 10.1017/s0003055400286000, lire en ligne, consulté le ).
  4. Diarmuid Jeffreys, Hell's cartel : IG Farben and the making of Hitler's war machine, Metropolitan Books, (ISBN 978-0-8050-7813-8, 0-8050-7813-4 et 978-0-8050-9143-4, OCLC 183926490, lire en ligne)
  5. (de) « Wollheim Memorial », sur wollheim-memorial.de (consulté le ).
  6. Dans leur verdict, les juges du procès de Nuremberg contre IG Farben pour « pillage et vol qualifié » sont arrivés à la conclusion suivante : «Ter Meer a été l'un des principaux participants aux actions d'IG dans l'acquisition des actifs en Pologne et à Francolor. L'enquête a montré que ter Meer avait sélectionné le personnel chargé de faire fonctionner les usines au nom de l'IG. Il ne fait aucun doute que le projet d'acquisition des actifs en Pologne émanait de l'IG et que Ter Meer, en sa qualité de président du comité technique, était pleinement informé des mesures envisagées par l'IG et du déroulement des négociations. Il a donné des instructions pour ces négociations. Source : Le jugement du procès IG Farben. Le texte intégral. Offenbach am Main : Bollwerk 1948, p. 96
  7. Lors du procès de Nuremberg contre IG Farben, les juges sont parvenus à la conclusion suivante dans leur verdict sur l'accusation de « réduction en esclavage et meurtre de masse » : «Il est raisonnable de supposer que les employés de l'IG qui étaient subordonnés à ter Meer, de leur propre gré, ont demandé à ces prisonniers de travailler sur le chantier. Cette hypothèse est encore renforcée par le fait que l'IG a construit le camp de Monowitz à ses propres frais et avec les ressources fournies par le comité technique présidé par Ter Meer uniquement dans le but d'héberger les prisonniers des camps de concentration travaillant pour l'IG. Il ne fait aucun doute que les employés d'IG travaillant dans la direction de la construction sont allés au-delà de ce qui devait être fait en raison de la pression exercée par les représentants du gouvernement et peuvent donc à juste titre être accusés d'avoir planifié de leur propre initiative le recours à la main-d'œuvre des camps de concentration et d'avoir transporté dehors. Parmi ces collaborateurs, Ter Meer occupait la position la plus élevée.» Source : Le jugement du procès IG Farben. Le texte intégral . Offenbach am Main : Bollwerk 1948, p. 135
  8. Mémorial de Wollheim
  9. (de) IG Farben : von Anilin bis Zwangsarbeit, Schmetterling, , 240 p. (ISBN 978-3-926369-46-8), p. 117.
  10. (en) Diarmuid Jeffreys, Hell's Cartel : IG Farben and the Making of Hitler's War Machine, Metropolitan Books, , 496 p. (ISBN 978-0-8050-7813-8), p. 210-211.

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) (en) « The Devil's Chemists. By Josiah E. DuBoisJr., in Collaboration with Edward Johnson. (Boston: The Beacon Press. 1952. Pp. x, 374. $3.75.) », American Political Science Review, vol. 47, no 1,‎ , p. 255 (ISSN 0003-0554, DOI 10.1017/s0003055400286000, lire en ligne, consulté le )
  • (en) Grietje Baars: Capitalism´s Victor´s Justice? The Hidden Stories Behind the Prosecution of Industrialists Post-WWII. In: The Hidden Histories of War Crime Trials. Heller and Simpson, Oxford University Press, 2013, (ISBN 978-0-19-967114-4).
  • (en) Kevin Jon Heller: The Nuremberg Military Tribunals and the Origins of International Criminal Law. Oxford University Press, 2011, (ISBN 978-0-19-955431-7).
  • (de) Florian Jeßberger: Von den Ursprüngen eines „Wirtschaftsvölkerstrafrechts“: Die I.G. Farben vor Gericht. In: Juristenzeitung. 2009.
  • (de) Stefan H. Lindner: Das Urteil im I.G.-Farben-Prozess. In: NMT – Die Nürnberger Militärtribunale zwischen Geschichte, Gerechtigkeit und Rechtschöpfung. Priemel und Stiller, Hamburger Edition 2013, (ISBN 978-3-86854-577-7)