Orange maltaise

cultivar d'oranger

L'orange maltaise est une orange douce principalement cultivée en Tunisie, d'où son autre nom usuel de Maltaise de Tunisie.

Le terme « maltaise » désigne plusieurs variétés[1],[2] :

  • l'orange maltaise demi-sanguine, une variété d'orange douce et semi-sanguine cultivée exclusivement en Tunisie (dans la péninsule du cap Bon) et surtout exportée en France ;
  • l'orange maltaise blonde, elle aussi cultivée en Tunisie ;
  • l'orange maltaise ovale ;
  • l'orange maltaise Meski ou maltaise douce ;
  • l'orange maltese, forme italienne d'orange sans acidité[3].

Histoire modifier

Oranges de Malte réputées les meilleures modifier

Au XVIIIe siècle, « l'eau de fleur d'orange [utilisée en parfumerie et en médecine] qui nous vient de Malte est la plus renommée, parce que nos distillateurs commettent plus d'une fraude dans la distillation. La plupart distillent les premiers jets des feuilles qui commencent à pouffer ; l'eau qui en résulte n'a presque point d'odeur, et est beaucoup plus amère »[4]. Anton Friedrich Büsching écrit dans sa géographie (1776) que « les oranges de Malte sont les plus belles de l'Europe ; la plupart sont rouges et ce sont les meilleures ; on dit que l'arbre qui les produit est greffé sur le grenadier » (légende tenace)[5]. Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy (1782) confirme que « nous mettons aujourd'hui l'orange de Malte au premier rang, et celle de Portugal au second »[6] alors que Charles Louis Cadet de Gassicourt (1809) indique que « nous avons en France d'excellents fruits, mais je les donnerais tous pour une orange maltaise »[7].

La pulpe de l'orange de Malte est rouge (vers 1860)[8]. Le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse (1866) mentionne qu'elle est rarement livrée en France[9]. Le Bulletin de la Société nationale d'acclimatation de France (es) (1917) écrit à propos de C. vulgare Melitense globosum que « les oranges à pulpe rouge se trouvent assez abondantes dans certaines parties du bassin méditerranéen et, notamment sous le nom de Rouges de Malte, on en fait une grande consommation en Tunisie »[10].

Maltaise de Tunisie modifier

En 1906, Louis Charles Trabut signale des oranges maltaises à Biskra (Algérie) qui « donnent un fruit extraordinairement parfumé et savoureux qui commence à avoir une certaine réputation »[11].

L'embargo économique contre l'Espagne de Francisco Franco provoque l'arrêt des importations d'oranges espagnoles en France, qui introduit la culture des oranges au cap Bon, au Nord-est de la Tunisie[12]. Robert Willard Hodgson, qui visite le verger du cap Bon en 1931, déclare que « la région du Cap Bon est très intéressante pour les agrumes. La grosseur des fruits que j'ai vus, la couleur et la saveur sont remarquables. Je crois que les variétés orange maltaise, maltaise sanguine et orange Beldi doivent être de bonnes variétés commerciales »[13]. La culture au cap Bon est un défi : « L'arrosage se fait avec une eau titrant 2 à 3 g/l de sel soluble, et pourtant la qualité des fruits est remarquable »[14].

 
Hommage aux oranges à Nabeul.

En 2009, l'orange maltaise représente un tiers du verger du cap Bon (55 000 hectares), 55 % de la production de la Tunisie et 95 % de ses exportations, dont l'essentiel part vers le marché français qui l'apprécie particulièrement[12]. Elle est demeurée un monopole tunisien[15]. Après un développement régulier, la production (entre 90 000 et 140 000 tonnes selon les années[16]) et les exportations par la Tunisie sont gravement affectées pas le changement climatique (sécheresse)[17] et par la baisse mondiale des prix[18].

Variétés modifier

La collection SRA INRA-CIRAD est la plus riche en Maltaise[19]. Les cultivars sont mentionnés ci-dessous :

  • Maltaise demi-sanguine (rouge sur côté du soleil) ou Maltaise de Tunisie : orange sanguine du groupe Sanguinelli Moscati. Si la grande culture commence en Tunisie en 1934, elles occupent en 2012 environ 20 400 hectares (300 000 tonnes de fruits dans les années 2000)[20]. Elle est réputée la meilleure orange du monde fruit de taille moyenne (100 à 180 grammes), légèrement ovale et d'un bel équilibre gustatif. La pleine saison a lieu de début janvier à fin mars ou début avril[21].
    • Synonymes ou cultivars : Bourtoukal, Portokallo, Maltese blood ; Henri Chapot note que l'orange maltaise sanguine constitue plutôt une population qu'une variété bien typée (variété des dates de maturité), qui présente des affinités avec Sanguinella moscata cultivée en Sicile, le nom de Portugaise n'étant pas approprié selon lui.
  • Maltaise Boukhobza, semis de maltaise sanguine originaire du jardin Boukhobza à La Soukra[22].
  • Maltaise blonde (origine inconnue), une orange sans acidité variété à pulpe blonde spécifiquement tunisienne, où elle est populaire et exportée ;
    • Synonymes ou cultivars : Maltaise Meski, Lautrec, Petite Jaffa, Portugaise blonde ; J.PL. est le nom marocain.
  • Maltaise ovale ou California Mediterranean Sweet ;
 
Maltaise demi sanguine mi-décembre.
  • Maltese, Maltaise douce du type Vaniglia sanguigno ;
  • Maltaise tardive ou Barlerin.

En 1975, Mustapha Lasram présente une expérimentation de semis de maltaise demi-sanguine de Tunisie à l'Ariana, Il constate un forte polymorphisme des arbres issus d'embryons nucellaires qui donnent majoritairement des oranges blondes non sanguines de type Beldi (orange locale) qu'il interprète comme des chimères périclines[23].

Les noms locaux des maltaises sont Malti ahmar et Meski ahmar pour la Maltaise rouge, Malti abyadh pour la Maltaise blonde, Meski malti pour la Maltaise douce[24].

Miscellanées modifier

Notes et références modifier

  1. « Maltaise blonde »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur corsica.corse.inra.fr.
  2. « Citrus sinensis (L.) Osbeck »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur unice.fr.
  3. H. Chapot, « Sur l'appellation de « Maltaise » pour une orange », Al Awamia, no 11,‎ , p. 1-7 (ISSN 0572-2721, lire en ligne, consulté le ).
  4. Histoire naturelle de la Provence, t. 3, Avignon, Jean Mossy, , 373 p. (lire en ligne), p. 250.
  5. Anton Friedrich Büsching, Géographie de Busching, t. 7, Lausanne, Société typographique, , 572 p. (lire en ligne), p. 218-219.
  6. Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy, Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation jusqu'à nos jours, t. 1, Paris, Imprmerie de Ph.-D. Pierres, , 373 p. (lire en ligne), p. 202.
  7. Cours gastronomique, ou les dîners de Manantville, ouvrage anecdotique, philosophique et littéraire, Paris, Capelle et Renand, , 364 p. (lire en ligne), p. 274.
  8. Emmanuel Le Maout, Leçons élémentaires de botanique, fondées sur l'analyse de 50 plantes vulgaires et formant un traité complet d'organographie et de physiologie végétale, Paris, Langlois et Leclercq, 18.., 888 p. (lire en ligne), p. 485.
  9. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. 11, Paris, Administration du Grand Dictionnaire universel, , 1644 p. (lire en ligne), p. 1406.
  10. Société nationale de protection de la nature, « Botanique », Bulletin de la Société nationale d'acclimatation de France (es),‎ , p. 187 (ISSN 1245-8120, lire en ligne, consulté le ).
  11. Louis Charles Trabut et Roger Marès, L'Algérie agricole en 1906, Alger, Imprimerie algérienne, , 531 p. (lire en ligne), p. 504-505.
  12. a et b Jemaïel Hassainya, « La difficile gouvernance de la valorisation des produits de terroir : cas de l'orange maltaise de Tunisie », dans Yavuz Tekelioglu, Hélène Ilbert et Selma Tozanli, Les produits de terroir, les indications géographiques et le développement local durable des pays méditerranéens, Paris, Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes, coll. « Options Méditerranéennes / Série A : Séminaires Méditerranéens » (no 89), (lire en ligne [PDF]), p. 281-300.
  13. « Les impressions du professeur Hodgson sur les cultures fruitières », Les Annales coloniales, no 24,‎ , p. 2 (lire en ligne, consulté le ).
  14. Nader Katerji, « Réponse des cultures à la contrainte hydrique d'origine saline : approches empiriques et mécanistes », Comptes rendus de l'Académie d'agriculture de France,‎ , p. 88 (ISSN 0151-1335, lire en ligne, consulté le ).
  15. « La « Reine des oranges » en Tunisie », sur fao.org, (consulté le ).
  16. Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, « Orange Maltaise de Tunisie – malgré une petite récolte 2021-22, les volumes exportés vers l'Europe devrait se maintenir au niveau de la saison passée », sur fruitrop.com (consulté le ).
  17. « Tunisie : des exportations d'agrumes en forte baisse », sur reussir.fr, (consulté le ).
  18. « Agrumes : pourquoi les agriculteurs du Cap bon ne s'orienteraient-ils pas vers d'autres produits plus rémunérateurs », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  19. (en) « Citrus of the World » [PDF], sur agritrop.cirad.fr, (consulté le ).
  20. (en) Hager Snoussi, Marie-France Duval, Andres Garcia-Lor et Zina Belfalah, « Assessment of the genetic diversity of the Tunisian citrus rootstock germplasm », BMC Genetics, vol. 13,‎ , p. 16 (ISSN 1471-2156, PMID 22429788, PMCID 3323426, DOI 10.1186/1471-2156-13-16, lire en ligne, consulté le ).
  21. (en) « Maltaise demi sanguine blood orange », sur citrusvariety.ucr.edu (consulté le ).
  22. (en) « Boukhobza blood orange », sur citrusvariety.ucr.edu (consulté le ).
  23. « Biologie végétale appliquée », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, série D : sciences naturelles, t. 281,‎ , p. 795 (ISSN 0001-4036, lire en ligne, consulté le ).
  24. « Les 33 variétés d'agrumes cultivées en Tunisie-Cap Bon », sur nabeul.gov.tn (consulté le ).
  25. Antoine-Vincent Arnault, Étienne-François Bazot, Antoine Jay, Étienne de Jouy et Jacques Marquet de Montbreton de Norvins, Biographie nouvelle des contemporains, ou Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la Révolution française, ont acquis de la célébrité par leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs ou leurs crimes, soit en France, soit dans les pays étrangers, t. VII, Paris, Librairie historique, , 469 p. (lire en ligne), p. 2.
  26. Auguste Escoffier, L'Aide-mémoire culinaire, suivi d'une étude sur les vins français et étrangers à l'usage des cuisiniers, maitres d'hôtels et garçons de restaurant, Paris, Flammarion, , 390 p. (lire en ligne), p. 53.
  27. « Tunisie : Hammamet organise son 10e Festival des agrumes », sur kapitalis.com, (consulté le ).

Bibliographie modifier

  • Nebiha Metoui, Lamia Hamrouni, Fathia Dhaoudi et Taoufik Bettaieb, « Notes ethnobotanique et phytopharmacologique sur la Maltaise de Tunisie », Phytothérapie, vol. 12, no 2,‎ , p. 105–108 (ISSN 1624-8597 et 1765-2847, DOI 10.1007/s10298-014-0856-4, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Oranges à jus
Oranges navel