Manoir de la Luzerne

manoir à Bernières-sur-Mer (Calvados)
Manoir de la Luzerne
La façade méridionale.
Présentation
Type
Fondation
XVe siècle-XVIIe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
Patrimonialité
Localisation
Adresse
49 rue du Maréchal-MontgomeryVoir et modifier les données sur Wikidata
Bernières-sur-Mer, Calvados
 France
Coordonnées
Carte

Le manoir de la Luzerne est situé sur le territoire de la commune française de Bernières-sur-Mer dans le département du Calvados. Siège d'un des fiefs de Bernières, il a été la résidence campagnarde de Jacques Moisant de Brieux, homme de lettres connu à Caen, ville toute proche. Il a été aussi le foyer de plusieurs familles Protestantes qui ont affronté les persécutions religieuses. L'ensemble des bâtiments a été édifié en grande partie de la fin du XVe au XVIIe siècle. Un grand parc entouré de hauts murs abrite le corps de logis à la décoration fortement Renaissance, une orangerie et une petite boulangerie. La ferme attenante avec le colombier et les écuries sont indépendantes du domaine depuis le début du xxe siècle.

Le manoir est partiellement inscrit aux monuments historiques.

Localisation modifier

Le manoir est situé sur le territoire de la commune de Bernières-sur-Mer, dans le département français du Calvados. A l'entrée du village en venant de Saint-Aubin-sur-Mer (Calvados), on aperçoit une partie de sa façade méridionale qui tourne le dos à la mer toute proche.

Historique modifier

Plusieurs familles se partageaient les cinq fiefs de Bernières[1]. Édifié sur un fief noble ayant appartenu au XIVe siècle à Jehan du Bois, chevalier[2],[3], le logis a été construit par Henri Thioult en 1491[4]. C'est la demeure la plus ancienne de Bernières. Depuis le début du XVIe siècle la grange de la ferme du château servait de lieu de culte pour les membres de la Religion Réformée à laquelle la famille de Thioult adhérait[3]. En 1637 Louis de Thioult de Rucqueville vend le fief de la Luzerne à Jacques Moisant de Brieux[5], homme de lettres, fondateur en 1652 de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen qui dit « A maison ouverte ainsi qu'à cœur ouvert je reçois mes amis » entretenant ainsi à La Luzerne une intense activité intellectuelle et littéraire[2].

La famille Moisant de Brieux est elle aussi de confession Protestante. Lorsque, après la Révocation de l'Edit de Nantes les Dragons de Louis XIV, s'emparent de la demeure de son frère parti en exil, François Moisant se résigne à abjurer en 1685[6] comme de nombreuses familles normandes contraintes aux conversions forcées[7]. En 1714 la propriété passe aux mains de Jacques Alexis de Touchet, Capitaine général des garde-côtes de Cabourg, par son mariage avec Catherine Moisant de Brieux, petite fille de Jacques[8]. À la Révolution les biens de la famille de Touchet sont mis sous séquestre puis restitués en partie.

En 1803 les frères de Touchet vendent la terre de la Luzerne à André-Jacques Quesnel, cultivateur originaire de Ouistreham[9]. À la fin du XIXe siècle la ferme comprenant des bâtiments d'habitation, la grange , le colombier et des terres cultivables sont louées à un fermier[10],. Le manoir et l'orangerie appartiennent ensuite et pendant une bonne partie du XXe siècle[11],[12]à la famille Tesnières. En 1998 le manoir était en la possession du Dr Michel de Pontville[13] qui fait des recherches sur l'histoire de sa propriété[14]. Au cours des vingt premières années du XXIe siècle un nouvel acquéreur fait d'importants travaux de restauration.

Description modifier

Le manoir de la Luzerne, entouré de hauts murs du XVIIe siècle de cinq mètres de hauteur, comprenait jusqu'au début du XXe siècle un logis seigneurial avec ses jardins, une orangerie, une boulangerie et une ferme attenante[1]. Le cadastre de 1938 montre que la demeure noble et les bâtiments agricoles ont été séparés au début du XXe siècle ou un peu avant.

Le logis modifier

Édifié à la toute fin du XVe siècle, il a été remanié au XVIIe siècle. L'influence du style gothique est encore apparent dans la dissymétrie de la façade sud et le style de trois de ses lucarnes. Au-dessus des caves l'édifice se compose d'un rez-de-chaussée et d'un étage surmonté par des combles éclairés par quatre lucarnes.

  • La façade sud
La porte d'entrée est décentrée sur la droite. Toutefois l'alignement des fenêtres, agrandies[15] au XVIIe siècle ou plus tard, et la répétition du même cordon qui court sur toute la longueur du bâtiment font preuve d'un souci d'harmonisation. Des losanges, ornements typiques de la Renaissance[16] qu'on retrouve sur le pavillon du château de Lion-sur-Mer[17], soulignent les ouvertures. Des acrotères représentant une sirène et un lion présentant des armoiries, sont juchés sur les rampants du toit.
  • Les lucarnes
Les lucarnes sont pendantes[note 1]. Certaines ont été partiellement refaites à l'identique[15]Chacune d'elles est surmontée d'une corniche qui supporte un fronton-pignon. Celle qui se trouve au-dessus de la porte est d'inspiration Renaissance. Ses piédroits sont décorés de pilastres ioniques. Un bas-relief représentant une tête de gentilhomme inséré dans un disque se détache dans le fronton ovoïdal[19].
Les trois autres lucarnes sont de style gothique avec leur décor en accolade, garni de feuilles frisées[20], et d'animaux sur l'une d'elles.
  • La porte
La porte de style Renaissance est monumentale en regard de l'édifice. Le chambranle est décoré de losanges et de disques tandis que sur le linteau, de part et d'autre de l'élément central figurant un atlante, un monstre marin crache des rinceaux et un hydre[19]. Les battants de bois sont également sculptés, entre les rinceaux, de salamandres emblématiques de François 1er[21], de mascarons, d'angelots, et de levrettes tandis que des colombes sont posées de part et d'autre sur les pilastres.
un petit bâtiment sans étage construit au XVIIe siècle en même temps que l'orangerie[22] est accolé à l'est. Les combles sont éclairés par une lucarne plein-cintre à fronton brisé et jambages à volutes.

L'orangerie modifier

Construite vers 1660, elle est contemporaine de celle qui a été conçue à l'origine par Louis Le Vau à Versailles[23] et donc une des premières de France[4]. Elle affiche la richesse et le prestige de la famille anoblie en 1644 en la personne de Jacques Moisant de Brieux. C'est un bâtiment rectangulaire à toit plat à l'italienne composé de six travées séparées par des chaînages. Au rez-de-chaussée, les ouvertures face au sud, sud-ouest sont très hautes pour que l'on puisse rentrer les caisses d'oranger en hiver et laisser passer le maximum de lumière. À l'étage on ne distingue que deux fenêtres. La corniche est ornée de trophées représentant des corbeilles de fruits, des outils de jardinage et des armoiries[24].

La boulangerie modifier

La boulangerie est restée dans l'espace manorial. C'est un petit bâtiment posté à côté d'un portail couvert d'un fronton curviligne portant des armoiries.

L'ancienne ferme modifier

La ferme, complètement séparée du manoir, a perdu sa vocation agricole depuis le dernier quart du xxe siècle.

  • la grange a été bâtie au XVIe siècle. Elle a servi de lieu de culte mais aussi de refuge à des familles Protestantes après la révocation de l'Édit de Nantes[4].
  • les anciennes écuries ont conservé leurs lucarnes du XVIIe siècle. Les soupentes de ce bâtiment abritaient des greniers à grain[4].
  • Le colombier de la Luzerne est un édifice très imposant avec ses 1 700 boulins boulins. Il est circulaire et surmonté d'une toiture en poivrière couverte d'ardoises qui a remplacé le toit en pierre d'origine. Une partie de ses murs hauts de sept mètres se trouve dans l'enceinte du manoir. Une vis centrale actionnait une échelle qui permettait d'accéder à tous les boulins pour le nettoyage quotidien. L'élevage des pigeons a perduré jusqu'en 1850[1].

Ces bâtiments ont été convertis en hôtel-restaurant et salles de réception[25] dont l'exploitation a survécu à la période de confinement imposé par le covid 19 et d'importants travaux sur la charpente du colombier ont pu être réalisés.

Protection aux monuments historiques modifier

Les façades et les toitures du logis, ainsi que l'escalier, et la cheminée de la salle à manger ; les façades et les toitures de l'orangerie ; les façades et les toitures de la boulangerie ; l'ensemble des murs de clôture et le portail nord ; le colombier de la ferme, en totalité ; les façades et les toitures des écuries de la ferme sont inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du [26].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. l'appui de la lucarne est dans la façade,la majeure partie de l'ouverture se trouvant dans le toit[18].

Références modifier

  1. a b et c Jeanine Aubrée, Dominique Néron, « Le pigeonnier de la Luzerne », Bernières Optique Nouvelle, no 23,‎ , p. 30 (lire en ligne, consulté le ).
  2. a et b Ch. Hettier, La Normandie Monumentale et Pittoresque : Bernières-sur-Mer, (lire en ligne), p. 139 à 142.
  3. a et b François Deschamps, « Recherches sur Bernières-sur-Mer (Calvados) », Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie,‎ , p. 240, 241 (lire en ligne, consulté le ).
  4. a b c et d Ludovic Girard, « Jacques Moisant de Brieux, fondateur de l'Académie de Caen et Berniérais d'adoption », Bernières Optique Nouvelle, no 21,‎ , p. 20 à 22.
  5. Touchet 1911, p. 284 et 312-313.
  6. Veronique Petit-Bancquart, « Des âmes à l’épreuve : le protestantisme nobiliaire bas-normand dans la tourmente (1661-1787, généralité de Caen) », sur HAL, (consulté le ), p. 289.
  7. Luc Daireaux, « « Contrains-les d’entrer » : protestants et conversions forcées (1685-1686) », sur OpenEdition Books, Presses Universitaires de Rennes, (consulté le ), paragraphe 10.
  8. Touchet 1911, p. 11,314.
  9. Touchet 1911, p. 149.
  10. « Bernières-sur-Mer, Le château et ferme de la Luzerne », sur site du comité de jumelage de Bernières sur mer - Eisingen (consulté le ).
  11. Jean Marie ( prêtre du Diocèse de Bayeux), La côte de Nacre des origines jusqu'au XIe siècle, Corlet, (ISBN 978-2854800609), p. 20.
  12. « Papiers de la famille Moisant de Brieux », sur archives départementales du Calvados (consulté le ).
  13. Philippe Seydoux (photogr. Serge Chirol), La Normandie des châteaux et des manoirs, Strasbourg, Éditions du Chêne, coll. « Châteaux & Manoirs », , 232 p. (ISBN 978-2851087737), p. 200.
  14. Michel de Pontville, « Le manoir de La Luzerne à Bernières-sur-Mer et Jacques Moisant de Brieux, fondateur de l'Académie de Caen. [Calvados]. », Mémoires de l'Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres de Caen, vol. tome 3,‎ , p. 3 à 30.
  15. a et b Abbé Jean Marie, Bernières, art et mer, Ebook-PDF, , p. 18-19 et 70-71.
  16. Thomas 2016, p. 192.
  17. Étienne Faisant, « Le château de Lion-dur-Mer », Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, no LXXIII,‎ , p. 102 (ISSN 1271-5549)
  18. J.M. Pérouse de Montclos, Description et vocabulaire de l'architecture, Paris, Patrimoine, (ISBN 9782757701249), p. 196.
  19. a et b Françoise Juhel, Éditions multimédias, BnF, « L'architecture de la Renaissance », sur Les galeries virtuelles de la bibliothèque nationale de France, Nathalie Ryser, Pierre-Emmanuel Jouanneau, Éditions multimédias, BnF (consulté le ).
  20. Arcisse de Caumont, Abécédaire ou rudiment d'archéologie, Caen, Hardel, (lire en ligne), p. 563 à565.
  21. A. Erlande-Brandenburg, « La Salamandre de François 1er », Bulletin Monumental, vol. 134, no 1,‎ , p. 69 (lire en ligne, consulté le ).
  22. collectif, directeur de collection : Jean-baptiste Rendu, Atlas des châteaux d'artistes et d'écrivains, Atlas, (ISBN 2723461130), La Luzerne à Bernières-sur-Mer.
  23. Christophe Morin, « Au service du château », sur OpenEdition Books, Editions de la Sorbonne, (consulté le ), paragraphe 6.
  24. Annie de Géry, « Les journées européennes du Patrimoine 2009 », B.O.N., no 35,‎ , p. 18 à 21.
  25. « La ferme de la Luzerne retrouve une seconde jeunesse », sur Ouest-France, (consulté le ).
  26. « Manoir de la Luzerne », notice no PA14000013, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Théodore Courtaux et le marquis de Touchet, Histoire généalogique de la maison Touchet, de ses alliances et des seigneuries qu'elle a possédées (Normandie et Angleterre, (lire en ligne), p. 112 à 313
  • Jacqueline Musset, « Le droit de colombier en Normandie », Annales de Normandie, sur Persée, , p. 51 à67.

Articles connexes modifier

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