Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes

fable de La Fontaine

Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes est la huitième fable du livre XI de Jean de La Fontaine situé dans le second recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678.

Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes
Image illustrative de l’article Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes
illustration de Gustave Doré

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1678
Chronologie

La source de ce texte est une fable d'Abstémius : « Du vieillard qui plantait un arbre » (Hecatonmythium, CLXXVII).


Texte de la fable modifier

 
Gravure réalisée par Benoît-Louis Prévost d'après un dessin de Jean-Baptiste Oudry

Abstémius

Un octogénaire plantait[N 1].
Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge !
Disaient trois Jouvenceaux[N 2], enfants du voisinage ;
              Assurément il radotait.
Car au nom des Dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir[N 3] ?
Autant qu'un patriarche[N 4] il vous faudrait vieillir.
              À quoi bon charger votre vie
Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu'à vos erreurs passées :
Quittez le long espoir et les vastes pensées ;
              Tout cela ne convient qu'à nous.
              Il[N 5] ne convient pas à vous-mêmes,
Repartit le Vieillard. Tout établissement[N 6]
Vient tard et dure peu. La main des Parques blêmes[N 7]
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes[N 8] sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d'un second seulement ?
Mes arrière-neveux[N 9] me devront cet ombrage :
              Hé bien défendez-vous au Sage
De se donner des soins[N 10] pour le plaisir d'autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui :
J'en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
              Je puis enfin compter l'aurore
              Plus d'une fois sur vos tombeaux.
Le Vieillard eut raison : l'un des trois Jouvenceaux
Se noya dès le port allant à l'Amérique ;
L'autre, afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars[N 11] servant la République[N 12],
Par un coup imprévu vit ses jours emportés ;
              Le troisième tomba d'un arbre
              Que lui-même il voulut enter[N 13] ;
Et pleurés du Vieillard, il grava sur leur marbre[N 14]
              Ce que je viens de raconter.

— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 441

Notes modifier

  1. Faisait planter
  2. jeunes gens, mot de la vieille langue, archaïsme. "On ne le dit qu'en raillerie" (Dictionnaire de l'Académie Française)
  3. "Quem fructum capis hoc ex labore" dit le Renard au Serpent dans la fable 26 du Livre III de Phèdre
  4. les patriarches ont vécu très longtemps, plusieurs siècles : Mathusalem, le plus célèbre, aurait même vécut neuf cent soixante-neuf ans
  5. cela
  6. tout ce que l'homme établit (fortune, position sociale etc.). "Retraite assurée et où apparemment on voit quelques espérances de repos" (dictionnaire de Richelet)
  7. Traduction de l'expression d'Horace Pallida mors (Odes, I, IV, 13). Les Parques sont les divinités qui filent la vie humaine sur des fuseaux, puis qui la coupent.
  8. Les limites de notre vie, le délais que la mort nous accorde. Se conférer à François de Malherbe, Poésie III, vers 166 : "Il demande à ses jours davantage de terme."
  9. "Neveux : ceux qui naîtrons après nous" (dictionnaire de Richelet). Arrières petits-fils.
  10. prendre de la peine
  11. Dieu de la guerre
  12. L'État
  13. greffer
  14. Pleurés se rapporte à l'idée de Jouvenceaux, comprise dans l'adjectif leur

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