Je suis Spartacus

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« Je suis Spartacus » (en anglais : « I am Spartacus ») est une réplique célèbre prononcée dans le film de Stanley Kubrick, Spartacus (1960), dont le scénario a été écrit par Dalton Trumbo. Elle a été souvent reprise dans d'autres contextes et transformée.

Affiche du film Spartacus de Stanley Kubrick

Dans le film de Kubrick modifier

 
Kirk Douglas dans le rôle de Spartacus

Scène où apparaît la réplique modifier

Spartacus est un esclave thrace à l'origine de la troisième guerre servile, également appelée guerre de Spartacus, le plus important soulèvement d'esclaves contre la République romaine, entre 73 et 71 av. J.-C. L'armée romaine finit par écraser ce mouvement de rébellion. Crassus, général romain, promet la clémence aux esclaves qui lui permettraient d'identifier leur chef, Spartacus - joué par Kirk Douglas. Pour éviter à ses compagnons un dilemme, Spartacus se lève, mais un esclave à sa droite, Antonin, se lève aussitôt et dit : « Je suis Spartacus !», puis un autre, à gauche de Spartacus, se lève et déclare également : «Je suis Spartacus !», et ainsi de suite. Le spectateur voit tous les esclaves rescapés debout qui protègent le chef rebelle et expriment leur solidarité en criant « Je suis Spartacus! »[1].

Crassus donne l'ordre de les crucifier tous ; il s'était engagé à livrer Spartacus mort ou vivant au Sénat de Rome, et de cette manière il tient parole.

Cette scène n'a pas de caractère historique[2].

Interprétations modifier

Résistance héroïque modifier

La réplique pourrait symboliser le courage de ceux qui ne trahissent pas un camarade, ne donnent pas son nom, quitte à payer de leur vie cet acte de résistance à l'autorité[3]. Plusieurs commentateurs établissent un lien entre la biographie de Dalton Trumbo et la célèbre réplique du film[2],[4]. Le scénariste a en effet refusé de répondre au House Un-American Activities Committee (Commission de la Chambre des Représentants sur les activités anti-américaines) pendant la période du maccarthysme, au sujet d'éventuelles sympathies communistes, de même que les esclaves rebelles refusent de renseigner le général romain et de livrer Spartacus[2],[4]. Trumbo est condamné à une peine de prison en 1950 (il est incarcéré onze mois durant) et inscrit sur la liste noire, ce qui lui interdit de travailler dans le secteur du cinéma (voir les « Dix d'Hollywood »).

Il est possible que Dalton Trumbo se soit inspiré également d'un récit — fictif[5] — du Daily News de 1943 selon lequel sous le joug nazi, pour protéger leurs concitoyens juifs, les Danois portaient les insignes jaunes « Jude » ; Exodus en 1958 avait popularisé ce récit[1].

La réplique pourrait traduire, indépendamment des références à une situation historique précise, le sens de l'honneur personnel tel que le conçoit Dalton Trumbo[3].

Mensonge d'un type particulier modifier

Les esclaves mentent sur leur identité, mais sans intention de tromper Crassus, exception faite du premier esclave, Antonin, qui a pris la parole au moment précis où le véritable Spartacus allait se livrer lui-même[1]. L'épistémologue Roy Sorensen analyse la réplique «Je suis Spartacus» comme un cas particulier de mensonge qui vise non pas à persuader l'interlocuteur, mais à le paralyser[1]. Les esclaves par leur fausse déclaration se contentent d'empêcher Crassus d'identifier Spartacus[1].

Réutilisations du trope modifier

Par Stanley Kubrick modifier

Dans son film Lolita qui sort deux ans après Spartacus, Stanley Kubrick qui pourtant n'a pas aimé la scène, réutilise l'argument. Humbert (James Mason) demande au début du film à Peter Sellers, s'il est Clare Quilty (écrivain pervers et manipulateur incarné par Sellers), celui-ci lui répond ironiquement : « Non, je suis Spartacus »[6].

Des exemples de reprises cinématographiques de la réplique sont répertoriés dans The Complete Kubrick de David Hughes[7] et The Ancient World in cinema de Jon Solomon[8].

Autres cas modifier

  • « Je suis Spartacus » est souvent évoqué comme une formule qui aurait servi de modèle au slogan français Je suis Charlie[9],[10],[11], même si le créateur de ce slogan dit qu'il n'a pas consciemment pensé au film de Kubrick[12].

Notes et références modifier

  1. a b c d et e (en) Roy Sorensen, « Knowledge-lies », Analysis, vol. 70, no 4,‎ , p. 608–615 (ISSN 0003-2638, DOI 10.1093/analys/anq072, lire en ligne, consulté le ).
  2. a b et c (en) Jeff Fleischer, Rockin' the Boat : 50 Iconic Revolutionaries — From Joan of Arc to Malcom X, Zest Books ™, , 425 p. (ISBN 978-1-5415-8199-9, lire en ligne).
  3. a et b (en) Jeff Smith, Film Criticism, the Cold War, and the Blacklist : Reading the Hollywood Reds, Univ of California Press, , 364 p. (ISBN 978-0-520-28068-7, lire en ligne), p.193-195
  4. a b c et d (en) Marco Deseriis, Improper Names : Collective Pseudonyms from the Luddites to Anonymous, U of Minnesota Press, , 340 p. (ISBN 978-1-4529-4507-1, lire en ligne).
  5. (en-US) Alexander Bodin Saphir, « Remember How Danes Donned Yellow Stars To Protect the Jews? That Never Happened. », Tablet Magazine,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. « 2. Keep Doing It Until It Is Right: Paths of Glory, Spartacus, Lolita », dans Stanley Kubrick, Yale University Press, (ISBN 978-0-300-25561-4, DOI 10.12987/9780300255614-003, lire en ligne), p. 38–73.
  7. David Hughes, The Complete Kubrick, Londres, Virgin, , 80–82 p. (ISBN 0-7535-0452-9).
  8. (en) Jon Solomon, The Ancient World in Cinema, New Haven, Yale University Press, , 2e éd., 364 p. (ISBN 0-300-08337-8), p. 53.
  9. a b et c « "Je suis Charlie" was a Spartacus moment - », sur motionxmedia.com, (ISSN 2259-1079, consulté le ).
  10. «Pour rendre hommage à Charlie Hebdo, Joachim Roncin décide de faire écho aux mots qui l'ont marqué : "Ich bin ein Berliner" ("Je suis Berlinois") du président Kennedy ou encore le "Je suis Spartacus" scandé par un esclave en quête de liberté dans un film de Stanley Kubrick.», « VIDEO. "C’est un slogan qui ne m'appartient pas" : le créateur du logo "Je suis Charlie" témoigne », sur Franceinfo, (consulté le ).
  11. «Le slogan Je suis Charlie trouve son inspiration, de toute évidence, dans la célèbre scène «Je suis Spartacus» du film Spartacus de Stanley Kubrick en 1960», «The inspiration [for the Je suis Charlie slogan], obviously, is the famous “I’m Spartacus” scene in Stanley Kubrick’s 1960 movie Spartacus». Le Washington Post indique cependant que "je suis" en français peut être une forme du verbe «être» ou du verbe «suivre», (en-US) Eugene Volokh, « The two French meanings of ‘Je suis Charlie’ », Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le ).
  12. Jean-Laurent Cassely, « «Je Suis Charlie», anatomie d’un symbole », sur Slate.fr, (consulté le ).
  13. a et b (en) « I Am Cuba », sur the Guardian, (consulté le ).
  14. « I Am Spartacus de Kirk Douglas », sur Le Salon Littéraire, .

Bibliographie complémentaire modifier