En un vergièr sotz fòlha d'albespí

Dans un verger rempli d'aubépines

En un vergièr sotz fòlha d'albespí (en français moderne Dans un verger rempli d'aubépines) est une aube anonyme de la littérature médiévale française. Poème de fin amor prenant le contre-pied du canso où il s'agit d'« amour réciproque », ce texte parle d'un amour menacé, dont la voix est celle d'une femme. En un vergièr est donc une aube inversée selon le linguiste Jean-Pierre Chambon, et pour poursuivre avec lui, est le rêve d'aube (de désirs) que fait une femme en rêve, selon le poète resté anonyme.

Paroles originales de l'aube modifier

En un vergièr sotz fòlha d'albespí
Tenc la dòmna son amic còsta si,
Tro la gaita crida que l'alba vi.
Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve.

Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve.
Ni'l meus amics lonh de mi non partís,
Ni la gaita jorn ni alba non vis !
Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve.

Bèls dous amics, baisem nos eu e vos
Aval els pratz on chanto'ls auzelós ;
Tot o fassam en despèit del gilós
Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve.

Dous amics, fassam un jòc novèl,
Ins el jardí on chanton li auzèl,
Tro la gaita tòaue son caramèl
Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve.

Per la douss'aura qu'es venguda de lai,
Del mèu amic bèl e cortés e gai,
Del sèu alen ai begut un dous rai
Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve.

La dòmna es agradans e plazens,
Per sa beutat la gardon mantas gens,
Et a son còr en amor lejalmens
Oi dèus, oi dèus, de l'alba ! tan tòst ve. »

Présentation modifier

Ce poème anonyme est considéré comme un trésor de la littérature provençale analysé notamment par Gérard Gouiran en 2016 et en 2019 par Jean-Pierre Chambon[1],[2].

Le texte figure au seul chansonnier C, fol. 383v-384r, écrit dans la région de Narbonne au XIVe siècle[1],[3].

Dans son ouvrage La poésie lyrique des troubadours tome II, Alfred Jeanroy écrit[4] :

« ce qui nous frappe dans l'autre [pièce] (anonyme), qui est justement considérée comme une des perles de la poésie provençale, c'est son tour naïf et passionné, la fraîcheur et l'originalité des images ; la brièveté de cette pièce permet d'en insérer ici une traduction presque complète : En un verger, sous le feuillage d'une aubépine, la dame tient son ami près d'elle, jusqu'à ce que le veilleur crie qu'il a vu poindre l'aube. Oh Dieu! Oh Dieu! cette aube! comme elle vient tôt! Plût à Dieu que la nuit ne finît pas, que jamais mon ami ne s'éloignât de moi, et que le veilleur ne vît jamais ni le jour ni l'aube. Oh Dieu!... Beau doux ami, unissons nos baisers; là-bas, dans le pré où chantent les oiseaux, faisons tout cela en dépit du jaloux! Oh Dieu!... [L'amant s'éloigne.] A travers la douce brise qui est venue de là-bas, où est mon ami beau et courtois et gai, j'ai bu de son haleine un doux rayon. Oh Dieu!...La dame est gracieuse et aimable; à cause de sa beauté maintes gens la regardent ; et en son cœur il n'y a que loyal amour. Oh Dieu!... »

Traduction modifier

Ce poème a été traduit en français moderne par de nombreux philologues du XIXe siècle, dont Raynouard, en particulier sous cette forme, l'aube étant comparée aux amants de Vérone, Roméo et Juliette[5].

De même, une autre traduction a été effectuée par les soins des membres de l'Institut de France[6].

Alba similaire modifier

Un autre Aube qui offre de grandes ressemblances nous est parvenue. Elle est titrée Aube dans le recueil Les Troubardours (Textes choisis et traduits par Georges Ribemont-Dessaignes, Éditions Egloff, Paris, 1946 - imprimé en Suisse) page 33 (extrait) :


Aube
Quand Rossignol en amour
Chante la nuit et le jour,
Suis avec ma belle amie
(...)
Voici l'aube et le jour clair !

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. a et b Jean-Pierre Chambon, « Notes pour l’interprétation de l’aube anonyme En un vergier sotz fuella d’albespi (PC 461, 113) », Revue des langues romanes, no Tome CXXIII N°1,‎ , p. 167–187 (ISSN 0223-3711, DOI 10.4000/rlr.1828, lire en ligne, consulté le ).
  2. Mattia Cavagna, « Gérard Gouiran (éd.), « Et ades sera l’Alba ». Angoisse de l’aube. Recueil des chansons d’aube des troubadours », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 29 août 2008, consulté le 24 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/crm/999 ; DOI : https://doi.org/10.4000/crm.999.
  3. L'Encyclopædia Universalis écrit à l'article Chanson d'aube « [...] tel est le thème de la « chanson d'aube », genre lyrique des XIIe et XIIIe siècles »
  4. https://biblio.cieldoc.com/libre/integral/libr0457.pdf, page 136
  5. Annales des Universités de Belgique: contenant des mémoires de professeurs et d'agrégés des universités, les mémoires couronnés aux concours universitaires, des mémoires de docteurs spéciaux, et d'autres documents et piéces..., Impr. Lesigne, (lire en ligne).
  6. https://www.google.fr/books/edition/Histoire_literaire_de_la_France_XIIIe_si/toUNAAAAQAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=dans+un+verger+plein+d%27aub%C3%A9pines+alba&pg=PA544&printsec=frontcover Histoire littéraire de la France, XIIIe siècle, Volume 18, page 544.
  7. sur l'auteur lire Marjolaine Raguin-Barthelmebs, « Pierre Bec et sa contribution à une typologie des genres lyriques médiévaux, questions d’histoire des sciences et d’épistémologie, entre structuralisme et pratique occitaniste. », Lengas 82 2017, mis en ligne le 15 novembre 2017 (consulté le 25 novembre 2021)

Articles connexes modifier

Voir aussi modifier

Liens externes modifier