Xavier Le Pichon
Xavier Le Pichon, né le à Quy Nhơn, dans le protectorat français d'Annam (aujourd'hui Viêt Nam) et mort le à Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence)[1], est un géophysicien et géodynamicien français. Il est l'un des premiers scientifiques à définir la tectonique des plaques, base des géosciences modernes, dont il propose un modèle quantitatif en 1968. Au cours des années 1970 et 1980, il est également un pionnier de l'exploration des grands fonds océaniques et participe à la création du CNEXO, futur Ifremer.
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Université de Strasbourg (d) (doctorat) (jusqu'en ) Lycée Sainte-Geneviève Université de Caen-Normandie Université Columbia Université de Strasbourg |
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Distinctions | Liste détaillée Médaille d'argent du CNRS () Maurice Ewing Medal () A.G. Huntsman Award for Excellence in the Marine Sciences () Docteur honoris causa de l'université Dalhousie () Prix japonais () Médaille Wollaston () Docteur honoris causa de l'École polytechnique fédérale de Zurich () Commandeur de l'ordre national du Mérite () Prix Balzan () Médaille Alfred-Wegener () Officier de la Légion d'honneur () Médaille Leopold von Buch (d) () |
Au cours de sa carrière, il enseigne à l'université Pierre-et-Marie-Curie, à l'École normale supérieure de Paris, avant de devenir titulaire de la chaire de géodynamique au Collège de France de 1986 à 2008.
Fervent catholique, Xavier Le Pichon compte parmi les inspirateurs de la communauté de l'Emmanuel et est particulièrement engagé auprès des personnes handicapées mentales. Il devient, en 1995, le président-fondateur de l'association des Amis de la cité de Dieu (devenue l'ADSPEM), puis membre de l'Académie catholique de France à sa fondation en 2008.
Biographie
modifierJeunesse et études
modifierXavier Le Pichon nait le 18 juin 1937 au Vietnam, alors protectorat français d'Annam[2]. Ses parents s'occupent d'une plantation d'hévéa. Durant la Seconde Guerre mondiale, le Japon envahit la région et la famille est internée dans un camp de concentration, ce qui le marque profondément[3].
En 1946, toute la famille revient en France métropolitaine[4].
Adolescent, il étudie à l'Institut Saint-Paul de Cherbourg, puis au lycée privé Sainte-Geneviève de Versailles[2]. En 1959, il obtient une licence de physique à l'université de Caen et, en 1960, le diplôme d'ingénieur de l'Institut de physique du globe de Strasbourg[5].
Carrière académique
modifierPionnier de la tectonique des plaques
modifierEn 1963, il devient assistant de recherche à l'observatoire Lamont-Doherty, à l'université Columbia de New York et se retrouve ainsi exposé aux toutes dernières idées scientifiques en géologie et océanographie à une époque où l'on commence tout juste à découvrir l'existence de volcans sous-marins et de fosses océaniques[6]. Trois ans plus tard, en 1966, il soutient sa thèse de doctorat à l'université de Strasbourg, sous la direction de Jean-Pierre Rothé, sur l'« étude géophysique de la dorsale médio-atlantique », concluant à l'impossibilité d'un modèle dynamique. Mais l'année suivante, les résultats obtenus par le géophysicien britannique Frederick Vine sur les profils magnétiques de la dorsale de l'océan Pacifique lui font comprendre son erreur ; il adhère alors au modèle du « tapis roulant » proposé par Harry Hess en 1962[7].
L'autre rencontre capitale est celle de Jason Morgan, un physicien théorique s'intéressant aux problématiques en sciences de la Terre. Il s'intéresse à la géométrie sphérique et notamment aux pôles eulériens. Son talent est d'avoir une approche globale et transverse des problèmes traités. Il intègre toutes les données géologiques et géophysiques dont il dispose et applique les outils mathématiques de Morgan à l'idée de plaques rigides se déplaçant à la surface de la Terre[4].
Xavier Le Pichon devient célèbre pour sa proposition du premier modèle quantitatif[8] de la tectonique des plaques en 1968. Ce modèle, fondé sur les travaux de Dan Peter McKenzie et Robert L. Parker l'année précédente, est composé de six plaques et montre leurs déplacements relatifs depuis le Crétacé (120 millions d'années) et donc leur vitesse. Pour illustrer ce modèle, il fait appel au cartographe Tanguy de Rémur avec qui il dessine la première carte des plaques tectoniques terrestres. En quelques années, la compréhension de la répartition des séismes, de la formation des chaînes de montagne et de l'histoire des continents se voit révolutionnée[9].
En 1973, il publie, avec Jean Bonnin et Jean Francheteau, Plate Tectonics, qui reste durant plusieurs décennies un ouvrage de référence dans le domaine[8],[2].
Géosciences marines
modifierDe retour en France, il est contacté par Yves La Prairie, directeur général du CNEXO (ancêtre de l'Ifremer), tout juste créé. Le Pichon en devient conseiller scientifique (1968-1969), puis chef du département scientifique à Brest (1969-1973), et enfin conseiller scientifique auprès du Président du CNEXO, à Paris (1973-1978)[2]. En 1973-1974, il codirige avec Jim Heirtzler et Bob Ballard, et participe à la campagne océanographique franco-américaine FAMOUS dont le but est d'explorer en bathyscaphe la dorsale médio-atlantique[6]. C'est la première expédition scientifique amenant des humains dans les grands fonds marins. Les résultats confirment la nouvelle théorie de la tectonique des plaques et permettent de découvrir l'existence des sources hydrothermales océaniques[10]. Par la suite, Le Pichon participe à de nombreuses autres campagnes, dont le programme franco-japonais KAIKO ou la campagne HEAT au large de la Grèce, permettant ainsi d'établir la France comme acteur de premier plan dans la recherche océanographique mondiale[6].
Vers la fin de sa carrière, il s'intéresse à l'histoire tectonique de la Méditerranée[11], au risque sismique, et il entrevoit les possibilités du nouvel outil qu'est le GPS pour identifier les mouvements des plaques tectoniques, anticipant ainsi le développement de la géodésie satellitaire[2].
Postes universitaires
modifierEn 1978, il devient professeur à l'université Pierre-et-Marie-Curie de Paris et, en 1984, il est nommé directeur du département de géologie de l'École normale supérieure[2].
De 1986 à 2008, il occupe la chaire de géodynamique au Collège de France, puis est professeur émérite de 2009 à sa mort[2].
Décès
modifierXavier Le Pichon meurt le 22 mars 2025, à l'âge de 87 ans, à Sisteron[3],[12]. Les obsèques ont lieu le 26 mars à la cathédrale Notre-Dame-des-Pommiers de Sisteron[13]. Des journaux du monde entier lui rendent hommage[3],[14].
Vie privée
modifierMarié à Brigitte Barthélemy avec qui il a six enfants, ils ont quatorze petits-enfants[3].
Décorations
modifier- Officier de l'ordre national du Mérite (1990) puis Commandeur de l'ordre national du Mérite (2001)[15]
- Chevalier de la Légion d'honneur (1985) puis Officier de la Légion d'honneur (2007)[16]
Engagement catholique
modifierEn parallèle de son activité de chercheur, Xavier le Pichon, fervent catholique, mène une intense activité associative pour soutenir les handicapés mentaux. En 1972, il raconte l'expérience du renouveau charismatique américain à un groupe de prière autour de Pierre Goursat et Martine Laffitte qui donne naissance à la communauté de l'Emmanuel.
En 1973, victime de ce qu'il définit lui-même comme une crise existentielle, il passe plusieurs mois auprès de Mère Teresa, à Calcutta, en Inde[3]. À partir de 1976, il vit avec sa famille dans un foyer d'accueil de la communauté de L'Arche qui s'occupe de personnes handicapées[17].
Il préside depuis 1995 l'association Les Amis de la cité de Dieu, devenue en 2000 l'ADSPEM[18], qui a été créée, avec le soutien de Jean Vanier et du cardinal et primat de Belgique Godfried Danneels sur le domaine de la Pène (acquis en 1989 à l'initiative du père Thomas Philippe[19]) et du père ermite Patrick Meaney[20]. Situé entre Saint-Geniez et Châteaufort, où sont implantées deux communauté contemplatives de la Communauté Saint-Jean, le domaine de la Pène est depuis 2012 la propriété du diocèse de Toulon[21],[22].
Xavier Le Pichon est membre de l'Académie catholique de France depuis sa fondation en 2008[23].
Distinctions
modifier(Sélection[24])
Prix
modifier- Médaille d'argent du CNRS en 1973
- Médaille Maurice Ewing en 1984, décernée par l'Union américaine de géophysique
- Prix du Japon en 1990[25]
- Médaille Wollaston de la Société géologique de Londres en 1991
- Prix Balzan en 2002[8]
Honneurs
modifier- Membre de l'Académie des sciences en 1985[2]
- Membre associé de l'Académie nationale des sciences des États-Unis en 1995[2]
Principaux ouvrages
modifier- avec J. Francheteau et J. Bonnin, Plate Tectonics, Elsevier, 1973, 300 p.
- avec G. Pautot, Le fond des océans, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1976, 128 p.
- avec C. Riffaud, Expédition Famous, à 3 000 m sous l'Atlantique, Albin Michel, 1976, 300 p.
- Kaiko, voyage aux extrémités de la mer, éditions Odile Jacob-Le Seuil, 1986, 255 p.
- Aux racines de l'homme : de la mort à l'amour, Presses de la Renaissance, 1997, 300 p.
- avec Tang Yi Jie, La mort, Desclée de Brouwer, 1999, 154 p.
- Communication et communion, L'Arche-La Ferme, 1998, 133 p.
Notes et références
modifier- ↑ État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
- « Disparition de Xavier Le Pichon, l’un des pionniers du CNEXO », sur ifremer.fr, (consulté le ).
- (en-US) Adam Nossiter, « Xavier Le Pichon, Who Modeled Movement of Earth’s Crust, Dies at 87 », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Ron Miksha, The Mountain Mystery, Summit Science Publishing, , 330 p. (ISBN 978-1497562387)
- ↑ Annuaire Geophyse (association des anciens élèves), format papier 2008 ou, « format numérique 2025 » (consulté le ).
- Société géologique de France, « Hommage à Xavier Le Pichon (1937-2025) », sur geosoc.fr (consulté le ).
- ↑ Lise Barnéoud, « Du fond de l'océan surgit la dérive des continents », La Recherche, no HS 24 « Les plus grandes controverses scientifiques », décembre 2017-janvier 2018, p. 38.
- « Xavier Le Pichon - Prix Balzan 2002 pour la géologie », sur Prix Balzan (consulté le ).
- ↑ Vincent Deparis, « Histoire de la théorie de la tectonique des plaques », sur Planet-Terre, (consulté le ).
- ↑ Encyclopædia Universalis, « FAMOUS (French American Mid Ocean Underwater Survey) », sur Encyclopædia Universalis, (consulté le ).
- ↑ Maurice Gennesseaux et Jean Mascle, « La naissance et le développement de la géologie marine à Villefranche-sur-Mer : des années 1950 au milieu des années 1980 », Travaux du Comité français d'histoire de la géologie (COFRHIGEO), , p. 193-233 (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ « Deuils - professeur Xavier Le Pichon », sur Carnet du jour du Figaro, (consulté le ).
- ↑ (it) Redazione di Rainews, « Geologia: addio a Xavier Le Pichon, padre della tettonica a placche », sur RaiNews, (consulté le ).
- ↑ « Xavier Le Pichon, pionnier de la recherche sur la tectonique des plaques, est mort », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Décret du 14 mai 2001 portant promotion et nomination.
- ↑ Décret du 6 avril 2007 portant promotion et nomination.
- ↑ Xavier Le Pichon, « L'accueil de la personne souffrante est le signe de notre humanité », Semaines sociales de France, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Association de soutien, partages et t échanges multiculturels, Theopolis-La Pene ; cf. « Annonce JOAFE n°48 de la parution n°20000026 du 24 juin 2000 », sur journal-officiel.gouv.fr.
- ↑ Thomas Philippe comme Jean Vanier seront ultérieurement mis en cause pour des abus sexuels ; Céline Hoyeau, « L’Arche fait la lumière sur la face cachée du P. Thomas Philippe », La Croix, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Le père Patrick Meaney a fondé au Texas en 1994 la fraternité érémitique les Petits frères de l’Eucharistie qui s'est implantée en 2005 dans l'ermitage Saint-Probace à Tourves ; cf. « Saint-Probace, ermitage des petits frères », sur Diocèse de Fréjus-Toulon, (consulté le ).
- ↑ « Le projet », sur Maison Notre-Dame de La Pène (consulté le ).
- ↑ « Les fondateurs », sur Maison Notre-Dame de La Pène (consulté le ).
- ↑ « Liste des membres de la nouvelle Académie catholique de France », sur La Croix, (consulté le ).
- ↑ Curriculum vitæ sur le site de l'Égérie (Équipe géodynamique d'échanges recherche industrie enseignement).
- ↑ Constance Holden, « The Next "Nobel"? », Science, vol. 247, no 4945, , p. 918–918 (DOI 10.1126/science.247.4945.918.b, lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- Conférence donnée par Xavier Le Pichon pour le COFRHIGÉO et la Société géologique de France le . : « La Tectonique des Plaques cinquante ans après : souvenirs et réflexions d'un des acteurs de sa mise en place ».
Bases de données et dictionnaires
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- Site officiel
- Ressources relatives à la recherche :
- Ressource relative à l'audiovisuel :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :