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Jane Austen

Portrait de Jane Austen publié en 1870 dans A Memoir of Jane Austen, et gravé d'après une aquarelle de James Andrews de Maidenhead, elle-même tirée du portrait fait par Cassandra Austen.
Portrait de Jane Austen publié en 1870 dans A Memoir of Jane Austen, et gravé d'après une aquarelle de James Andrews de Maidenhead, elle-même tirée du portrait fait par Cassandra Austen.

Jane Austen (/ˈdʒeɪn ˈɔːstən/), née le à Steventon, dans le Hampshire en Angleterre, et morte le à Winchester, dans le même comté, est une femme de lettres anglaise. Son réalisme, sa critique sociale mordante et sa maîtrise du discours indirect libre, son humour décalé et son ironie ont fait d'elle l'un des écrivains anglais les plus largement lus et aimés.

Toute sa vie, Jane Austen demeure au sein d'une cellule familiale étroitement unie, appartenant à la petite gentry anglaise. Elle doit son éducation en grande partie à son père et à ses frères aînés, ainsi qu'à ses propres lectures. Le soutien sans faille de sa famille est essentiel pour son évolution en tant qu'écrivain professionnel. L'apprentissage artistique de Jane Austen s'étend du début de son adolescence jusqu'à sa vingt-cinquième année environ. Durant cette période, elle s'essaie à différentes formes littéraires, y compris le roman épistolaire qu'elle expérimente avant de l'abandonner, et écrit et retravaille profondément trois romans majeurs, tout en commençant un quatrième. De 1811 à 1816, avec la parution de Sense and Sensibility (publié de façon anonyme en 1811), Pride and Prejudice (1813), Mansfield Park (1814) et Emma (1816), elle connaît le succès. Deux autres romans, Northanger Abbey (achevé en fait dès 1803) et Persuasion, font tous deux l'objet d'une publication posthume en 1818 ; en janvier 1817, elle commence son dernier roman, finalement intitulé Sanditon, qu'elle ne peut achever avant sa mort.

L'œuvre de Jane Austen est, entre autres, une critique des romans sentimentaux de la seconde moitié du XVIIIe siècle et appartient à la transition qui conduit au réalisme littéraire du XIXe. Les intrigues de Jane Austen, bien qu'essentiellement de nature comique, c'est-à-dire avec un dénouement heureux, mettent en lumière la dépendance des femmes à l'égard du mariage pour obtenir statut social et sécurité économique. Comme Samuel Johnson, l'une de ses influences majeures, elle s'intéresse particulièrement aux questions morales.

Du fait de l'anonymat qu'elle cherche à préserver, sa réputation est modeste de son vivant, avec quelques critiques favorables. Au XIXe siècle, ses romans ne sont admirés que par l'élite littéraire. Cependant, la parution en 1869 de A Memoir of Jane Austen (Souvenir de Jane Austen), écrit par son neveu, la fait connaître d'un public plus large. On découvre alors une personnalité attirante, et, du coup, l'intérêt populaire pour ses œuvres prend son essor. Dans les années 1940, Jane Austen était largement reconnue sur le plan académique comme « grand écrivain anglais ». Durant la seconde moitié du XXe siècle, se multiplient les recherches sur ses romans, qui sont analysés sous divers aspects, par exemple artistique, idéologique ou historique. Peu à peu, la culture populaire s'empare de Jane Austen et les adaptations cinématographiques ou télévisuelles qui sont réalisées sur sa vie ou ses romans connaissent un réel succès. Il est généralement admis que l'œuvre de Jane Austen appartient non seulement au patrimoine littéraire de la Grande-Bretagne et des pays anglophones, mais aussi à la littérature mondiale. Elle fait aujourd'hui l'objet d'un culte, cependant de nature différente de celui qui est rendu aux Brontë.

Univers de Jane Austen

diverses éditions des 6 romans de Jane Austen (français et anglais), quelques DVD et œuvres dérivées
Les six romans de Jane Austen, illustrés, traduits, adaptés, sources d'œuvres dérivées…

L'univers romanesque de Jane Austen comporte des aspects historiques, géographiques et sociologiques spécifiques à l'époque et aux régions d'Angleterre où se déroule l'action de ses romans. Les recherches, qui se sont multipliées depuis la seconde moitié du XXe siècle, ne s'intéressent plus seulement à leurs qualités littéraires mais aussi à leur arrière-plan historique et en analysent les aspects économiques et idéologiques, soulignant l'intérêt des ouvrages de Jane Austen dans ces domaines.

D'un autre côté, un véritable culte s'est progressivement instauré autour de l'écrivain et de son œuvre, d'abord dans le monde anglo-saxon, mais le débordant maintenant, et la culture populaire s'est emparée de l'univers qu'elle a créé. Jane Austen écrit pour ses contemporains, déployant ses intrigues dans le cadre relativement étroit du monde qu'elle connaît et dans lequel elle vit, mais Georgette Heyer s'en est inspirée pour inventer le roman d'amour « Régence » en 1935. Depuis le deuxième tiers du XXe siècle des adaptations théâtrales, puis cinématographiques et télévisuelles donnent corps à ses créatures de papier, dans des interprétations différentes en fonction de l'époque où elles sont mises en scène. Des ouvrages « modernes » reprennent et transposent ses intrigues, comme le Journal de Bridget Jones, des préquelles et des suites sont inventées autour de ses personnages par des admirateurs parfois célèbres, comme John Kessel et P. D. James, ou des écrivains de romances, et le phénomène s'est amplifié avec internet et les sites en ligne.

Comme cela s'est produit pour Charles Dickens ou les sœurs Brontë, mais de manière différente, Jane Austen est « entrée dans le domaine public », aussi le culte porté à sa personne et à son œuvre a-t-il donné naissance à une industrie florissante : Bath, en particulier avec son Jane Austen Centre, ou Chawton, où se trouve le Jane Austen's House Museum, entretiennent sa mémoire, des voyagistes organisent des circuits autour des lieux qu'elle a fréquentés, un tourisme particulier s'est créé dans les régions et autour des demeures de l'English Heritage où sont tournées les adaptations cinématographiques ou télévisuelles de ses romans.

Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen

Portrait de George III (1738-1820), dont le règne englobe toute la vie de Jane Austen. Par Sir William Beechey.
Portrait de George III (1738-1820), dont le règne englobe toute la vie de Jane Austen. Par Sir William Beechey.

La représentation de l'Angleterre georgienne est omniprésente dans les romans de Jane Austen (1775-1817). Tout entière située pendant le règne de George III, son œuvre, qui décrit la vie quotidienne, les joies, les peines et les amours de la petite noblesse campagnarde, constitue une source d'une grande richesse pour mieux comprendre la société de l'époque.

Les romans de Jane Austen balaient tour à tour le contexte historique particulièrement tourmenté, la hiérarchie sociale, la place du clergé, la condition féminine, le mariage, ou encore les loisirs de la classe aisée. Sans que le lecteur en soit toujours pleinement conscient, de nombreux détails de la vie quotidienne, des aspects juridiques oubliés ou des coutumes surprenantes sont évoqués, qui donnent une vie et une authenticité toutes particulières à l'histoire de la société anglaise d'alors.

Cependant, la vision de l'Angleterre que présente Jane Austen est décrite de son point de vue : celui d'une femme de la petite gentry, appartenant à une famille plutôt aisée et très cultivée, bénéficiant de belles relations (« well connected »), et vivant dans un petit village de l'Angleterre rurale aux alentours des années 1800. Aussi certains aspects essentiels de l'époque georgienne (la perte des colonies américaines, la Révolution française, la révolution industrielle en marche, la naissance de l'Empire britannique, etc.) sont-ils pratiquement absents de son œuvre. C'est donc surtout l'immersion dans la vie quotidienne de l'Angleterre rurale de son temps, plutôt qu'une fresque politique et sociale, qu'on rencontre dans ses romans.

Mariage dans les romans de Jane Austen

Trois mariages concluent Emma : Jane Fairfax et Frank Churchill, Emma Woodhouse et Mr Knightley, Harriet Smith et Robert Martin (Chris Hammond, 1898).
Trois mariages concluent Emma : Jane Fairfax et Frank Churchill, Emma Woodhouse et Mr Knightley, Harriet Smith et Robert Martin (Chris Hammond, 1898).

Le mariage dans les romans de Jane Austen est un thème majeur de son œuvre, notamment dans le roman, Orgueil et Préjugés. Présentant une vision critique des mariages de convenance, pourtant la norme à son époque, et même satirique des mariages d'argent, elle offre à ses personnages principaux un mariage d'amour, conclusion habituelle des contes, des romans sentimentaux du XVIIIe siècle et des comédies de mœurs. Mais chez elle l'amour est « raisonnable », estime plus que passion amoureuse, et, s'il passe toujours avant l'argent, sentiments et situation financière s'équilibrent harmonieusement.

En développant ce thème, Jane Austen reste ancrée dans la réalité de son temps et participe à sa manière aux vifs débats que suscite alors le sujet tant chez les écrivains conservateurs, comme Hannah More, Jane West, Hugh Blair ou James Fordyce, que chez les tenants de l'émancipation féminine, comme Mary Hays ou Mary Wollstonecraft. Dans la société georgienne, socialement figée, la femme a une situation précaire : non reconnue comme sujet indépendant par le droit coutumier, elle est généralement soumise à une autorité masculine (père, frère, mari), et financièrement dépendante d'elle. À moins d'avoir une position élevée et une fortune personnelle conséquente, elle est socialement dévalorisée quand elle reste fille, le statut de femme mariée étant toujours supérieur à celui de célibataire. Elle peut être légalement lésée, le patrimoine étant pratiquement toujours transmis à un héritier mâle. Pour la plupart, un « bon » mariage est donc la seule manière d'obtenir ou de garder une place honorable dans la société et d'être à l'abri de difficultés financières. Aussi les jeunes filles sont-elles incitées à « chasser le mari » en se faisant valoir sur le « marché du mariage » par leur beauté et leurs accomplishments, mais à se montrer prudentes sur le statut et l'assise financière de l'homme qui demandera leur main.

Sans aller jusqu'à critiquer ouvertement la situation injuste faite aux femmes, Jane Austen développe donc une philosophie personnelle du « bon » mariage et des conditions qui le permettent. Observatrice attentive de son époque, et elle-même dans la situation financière médiocre (penniless) de la plupart de ses héroïnes, elle offre au lecteur un miroir des comportements de sa classe sociale en mettant en scène de nombreux personnages secondaires mariés dont l'union est jugée d'un point de vue féminin, comme si elle avait voulu présenter tous les cas de figure qui s'offrent à une jeune fille en âge de se marier et les hiérarchiser : les mariages fondés uniquement sur la passion amoureuse n'y sont pas heureux, ceux de convenance, surtout lorsqu'ils ne sont fondés que sur des considérations mercantiles, ne sont pas beaucoup plus satisfaisants. Elle réfute aussi deux idées reçues sur l'amour dans la littérature romanesque : l'idéal du coup de foudre et l'impossibilité d'aimer plusieurs fois. Au fur et à mesure que se développe l'intrigue, l'héroïne s'engage dans la démarche vers ce qui sera pour elle, au dénouement, le mariage idéal : une union fondée sur l'affection et le respect mutuels, un attachement profond mais rationnel, sentimentalement et intellectuellement équilibré mais économiquement viable, avec un homme qui présente avec elle une affinité de pensées et de goûts, et qu'elle aura eu le temps d'apprendre à connaître et à apprécier, indépendamment de leur origine sociale et de leur situation financière.

Traductions de Jane Austen en langue française

La romancière vaudoise, Isabelle de Montolieu (1751-1832), a été la première à donner une traduction intégrale (mais peu fidèle) d'un roman de Jane Austen, dès 1815.
La romancière vaudoise, Isabelle de Montolieu (1751-1832), a été la première à donner une traduction intégrale (mais peu fidèle) d'un roman de Jane Austen, dès 1815.

La traduction des six romans de Jane Austen en langue française est précoce, ayant suivi assez rapidement leur parution originale en Grande-Bretagne. La première traduction (anonyme) a été une version française abrégée de Pride and Prejudice pour la Bibliothèque Britannique de Genève dès 1813, suivie par des éditions intégrales en 1821 et 1822. Les autres romans furent aussi édités en français peu après leur parution en anglais : 1815 pour la version de Sense and Sensibility écrite par Isabelle de Montolieu, 1816 pour celles de Mansfield Park et d'Emma. Les deux romans posthumes, Persuasion et Northanger Abbey, parurent en français, respectivement, en 1821 en 1824.

Mais ces premières traductions, celles d'Isabelle de Montolieu en particulier, en gomment l'humour et l'ironie et les transforment en « romans sentimentaux français », ce qui est à l'origine du malentendu concernant la romancière anglaise, en France et en Suisse notamment. La plupart des traductions postérieures, jusqu'aux années 1970, peu sensibles aux nuances de la langue et aux particularités du style de Jane Austen, peinent à rendre le réalisme de son écriture, la subtilité de sa narration et la profondeur de sa réflexion. En fonction de la ligne éditoriale de leur éditeur, les traducteurs pratiquent des coupures, lissent son style et affadissent son ironie, la tirant vers la littérature morale et didactique ou la transformant en un écrivain pour « dames et demoiselles », un auteur « romantique » de romans d'amour à l'eau de rose qui se concluent par le mariage de l'héroïne. Aussi, parce que c'est un auteur féminin, et que ses ouvrages ont été vus comme relevant de la tradition sentimentale, Jane Austen a-t-elle été longtemps ignorée ou considérée avec condescendance dans les milieux littéraires en France où elle été éclipsée par les écrivains réalistes comme Stendhal, Balzac et Flaubert.

Au début du XXIe siècle encore sa réputation demeure brouillée et son image déformée car on la confond avec les romancières de l'époque victorienne, ou les écrivains de romances s'adressant à un lectorat populaire et féminin. L'engouement qui, à partir de la fin des années 1990, a suivi la diffusion d'adaptations cinématographiques et télévisuelles de plusieurs de ses romans, a non seulement entraîné la réédition opportuniste de versions anciennes qui continuent à véhiculer les stéréotypes attachés depuis l'origine aux traductions françaises de ses œuvres, mais aussi donné lieu à de nombreuses réécritures romanesques, toute une littérature « para-austénienne » qui relève de la littérature sentimentale...

Plan of a Novel

Plan of a Novel according to Hints from Various Quarters (littéralement « Plan d'un roman, selon de petits conseils reçus de diverses sources ») est une petite œuvre parodique de Jane Austen, probablement écrite autour du mois de mai 1816, et publiée pour la première fois en 1871. Le but en est d'établir les caractéristiques d'un « roman idéal », sur la base des recommandations que le révérend James Stanier Clarke, le bibliothécaire du Prince-Régent, a faites à la romancière à l'occasion de sa venue à Londres en octobre 1815 chez son frère Henry pour négocier la publication d'Emma, dédicacé ensuite au Prince Régent.

Outre les recommandations du bibliothécaire, ce plan idéal tient compte des suggestions de proches de Jane Austen, dont les noms étaient indiqués en marge du manuscrit. En effet, ce « plan idéal » était devenu une sorte de plaisanterie familiale chez les Austen. Enfin, certaines idées du plan parodient en réalité des romans écrits alors par des auteurs tels que Sophie Cottin, Fanny Burney, Regina Maria Roche, ou encore Mary Brunton.

L'analyse de cette parodie satirique et du traitement qu'en fait ensuite le neveu de Jane Austen, James Edward Austen-Leigh, dans sa biographie de référence A Memoir of Jane Austen (1870), aide à mieux cerner la personnalité réelle de Jane Austen (pour laquelle les sources sont particulièrement rares), bien loin de l'image de la vieille fille humble et « angélique » qu'en donna sa famille à l'époque victorienne.

Sense and Sensibility

Page de titre de la première édition (1811).
Page de titre de la première édition (1811).

Sense and Sensibility (traduit en français par Raison et Sentiments, ou encore Le Cœur et la Raison) est le premier roman publié de la femme de lettres anglaise Jane Austen. Il paraît en 1811 de façon anonyme puisqu'il était signé by a Lady (« écrit par une dame »). En effet, sa position sociale interdisait à Jane Austen de signer de son nom un roman destiné à la vente, mais elle ne voulait pas cacher qu'il était l'œuvre d'une femme.

Le texte initial, écrit vers 1795, probablement sous forme épistolaire, avait pour titre le nom des deux héroïnes, Elinor et Marianne, comme beaucoup de romans écrits par des femmes au XVIIIe siècle, mais le choix du titre définitif, pour la publication en 1811, semble indiquer une volonté didactique. Marianne Dashwood, ardente et romanesque, qui croit passionnément pouvoir s'affranchir des convenances, s'affiche avec le séduisant Willoughby dont elle est tombée amoureuse, tandis que sa sœur aînée, la raisonnable Elinor, cache le tendre sentiment que lui inspire son beau-frère, Edward Ferrars. Marianne devra apprendre à surmonter la trahison des sentiments, dans la douleur et avec l'aide de sa sœur, qui, de son côté, refuse stoïquement de rêver et se dévoue à sa famille.

Publié par Thomas Egerton, et à compte d'auteur, à l'automne 1811, le roman est accueilli plutôt favorablement et paraît en français dès 1815, dans la traduction/adaptation d'Isabelle de Montolieu, sous le titre Raison et sensibilité, ou Les Deux Manières d'aimer. La traduction de Sensibility en français semble poser problème, puisque les traductions modernes hésitent entre sentiments et cœur. Mais les adaptations, que ce soit celle pour le cinéma d'Emma Thompson en 1995, ou celle pour la télévision d'Andrew Davies en 2008, sont connues en français sous le titre Raison et Sentiments.

Orgueil et Préjugés

Page de titre d'une édition illustrée par Hugh Thomson (1894).
Page de titre d'une édition illustrée par Hugh Thomson (1894).

Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1813. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et est aussi la plus connue du grand public.

Rédigé entre 1796 et 1797, le texte, alors dans sa première version (First Impressions), figurait au nombre des grands favoris des lectures en famille que l'on faisait le soir à la veillée dans la famille Austen. Révisé en 1811, il est finalement édité deux ans plus tard, en janvier 1813. Son succès en librairie est immédiat, mais bien que la première édition en soit rapidement épuisée, Jane Austen n'en tire aucune notoriété : le roman est en effet publié sans mention de son nom (« par l'auteur de Sense and Sensibility ») car sa condition de « femme de la bonne société » lui interdit de revendiquer le statut d'écrivain à part entière.

Drôle et romanesque, le chef-d'œuvre de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses personnages bien campés, son intrigue soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles Bennet, Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la société anglaise au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite gentry campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'Orgueil et Préjugés soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.

Grand classique de la littérature anglaise, Orgueil et Préjugés est à l'origine du plus grand nombre d'adaptations fondées sur une œuvre austenienne, tant au cinéma qu'à la télévision. Depuis Orgueil et Préjugés de Robert Z. Leonard en 1940, il a inspiré quantité d'œuvres ultérieures : des romans, des films, et même une bande dessinée parue chez Marvel.

Dans son essai de 1954, Ten Novels and Their Authors, Somerset Maugham le cite en seconde position parmi les dix romans qu'il considére comme les plus grands. En 2013, Le Nouvel Observateur, dans un hors-série consacré à la littérature des XIXe et XXe siècle, le cite parmi les seize titres retenus pour le XIXe siècle, le considérant comme « peut-être le premier chef-d'œuvre de la littérature au féminin ».

Mansfield Park

Page de titre de la seconde édition de Mansfield Park.
Page de titre de la seconde édition de Mansfield Park.

Mansfield Park est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1814, le premier entièrement écrit dans ses années de maturité, puisqu'elle y a travaillé durant l'année 1813. Souvent considéré comme le plus expérimental de tous ses écrits, il est d'un abord plus difficile que les autres et son personnage principal, la timide et silencieuse Fanny Price, est une héroïne paradoxale, qui séduit difficilement le lecteur. Cependant Mansfield Park remporte un succès incontestable, puisque tout le tirage est épuisé en à peine six mois et apporte à son auteur les gains les plus importants qu'elle ait tirés jusque là d'une seule publication.

Seul roman de Jane Austen qui, se déroulant sur une dizaine d'années, suit les étapes de l'évolution de l'héroïne depuis ses dix ans, il pourrait être le précurseur des romans d'apprentissage (novel of education) comme Jane Eyre ou David Copperfield. Mais, comme l'auteur a choisi de lui donner comme titre le nom de la propriété, c'est Mansfield Park, le lieu de vie de la famille du baronnet Sir Thomas Bertram, qui est le personnage central, en quelque sorte. Fanny Price, la petite cousine pauvre accueillie par charité, devra d'abord apprendre à s'y sentir chez elle avant d'en devenir finalement la conscience morale.

Le contexte économique et politique est particulièrement présent et joue un rôle dans l'intrigue : Sir Thomas part de longs mois à Antigua, dans les Caraïbes pour redresser la situation dans ses plantations (où travaillent des esclaves), et sa longue absence laisse trop de libertés à ses enfants. Avec William Price, le frère aîné de Fanny, qui participe aux expéditions militaires aux Antilles et en Méditerranée, est évoquée la situation de guerre avec la France. Mais, traitant de liberté et de limites, de dépendance et d'indépendance, d'intégrité et d'inconvenance, Mansfield Park peut aussi être lu comme une étude sur le sens de la famille et les valeurs qu'elle représente, voire une critique de la famille patriarcale traditionnelle, à cette époque charnière où son rôle et son statut sont en train d'être redéfinis.

Emma (roman)

Page de titre de la première édition d'Emma.
Page de titre de la première édition d'Emma.

Emma est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen, publié anonymement (A Novel. By the author of Sense and Sensibility and Pride and Prejudice) en décembre 1815. C'est un roman de mœurs, qui, au travers de la description narquoise des tentatives de l'héroïne pour faire rencontrer aux célibataires de son entourage le conjoint idéal, peint avec humour la vie et les problèmes de la classe provinciale aisée sous la Régence. Emma est considérée par certains austeniens comme son œuvre la plus aboutie.

Considéré par sir Walter Scott comme annonciateur d'un nouveau genre de roman plus réaliste, Emma déconcerte tout d'abord ses contemporains par la description minutieuse d'une petite ville de province, où pas grand-chose n'arrive en dehors des événements de la vie quotidienne de la communauté.

Un autre aspect essentiel est celui du roman d'apprentissage, l'apprentissage de la vie par Emma elle-même, qui, malgré la vivacité de son esprit, peine tant à comprendre les sentiments des autres et les siens propres. D'autres aspects du roman, relevés plus tardivement, peuvent aussi surprendre, tels que son caractère de « roman policier sans meurtre », que seule une relecture approfondie permet d'apprécier pleinement.

Emma a fait l'objet de plusieurs traductions en français, dont la première à peine un an après sa publication en Angleterre. Après un « oubli » de cent ans, le roman est publié en feuilleton dans le Journal des débats en 1910 ; comme bien souvent dans les traductions françaises de Jane Austen, l'ironie et le « second degré » propres à l'auteur s'affadissent dans l'adaptation qui en est faite. L'œuvre a été depuis régulièrement éditée en français, dans des traductions-adaptations plus ou moins fidèles.

L'Abbaye de Northanger

Page de titre de l'ouvrage regroupant L'Abbaye de Northanger et Persuasion.
Page de titre de l'ouvrage regroupant L'Abbaye de Northanger et Persuasion.

L'Abbaye de Northanger est un roman de Jane Austen, publié de façon posthume en décembre 1817, mais rédigé dès 1798-1799 et alors intitulé Susan. L'œuvre égratigne la vie mondaine de Bath, que Jane Austen avait connue lors de son séjour en 1797, et parodie les romans gothiques fort appréciés à l'époque : son héroïne, la toute jeune Catherine Morland, ne rêve que de sombres histoires se déroulant dans de vieux châteaux ou des abbayes gothiques et croit pouvoir les accomplir lorsqu'elle est invitée à séjourner à l'abbaye de Northanger. Une idylle s'y développe entre elle et Henry Tilney, fils du propriétaire des lieux.

La confrontation de ses idées romanesques à la réalité et les discussions qu'elle a avec Henry Tilney et sa sœur Eleanor, font sortir peu à peu Catherine Morland de l'adolescence, au travers d'un parcours initiatique qui fait de L'Abbaye de Northanger un conduct novel, un roman d'apprentissage.

Au-delà de l'aspect parodique et des caractéristiques stylistiques de l'écriture de Jane Austen (ironie, discours indirect libre, etc.), l'ouvrage – tout en critiquant l'influence des romans gothiques sur l'imagination fertile des jeunes filles – constitue une ardente défense du roman en général, genre populaire majoritairement écrit à l'époque par des femmes et considéré alors comme littérature de second ordre.

Persuasion (roman)

Page de titre de l'ouvrage regroupant Northanger Abbey et Persuasion
Page de titre de l'ouvrage regroupant Northanger Abbey et Persuasion.

Persuasion est le dernier roman achevé de Jane Austen, publié à titre posthume en 1818, en même temps que le premier de ses grands romans, resté non publié jusque là, Northanger Abbey. D'un ton plus grave que les œuvres précédentes de la romancière, il raconte les retrouvailles d'Anne Elliot avec Frederick Wentworth, dont elle a repoussé la demande en mariage huit ans auparavant, persuadée par son amie Lady Russell des risques de cette union avec un jeune officier de marine en début de carrière, pauvre et à l'avenir incertain. Mais alors que la guerre avec la France s'achève, le capitaine Wentworth revient, fortune faite, avec le désir de se marier pour fonder un foyer. Il a conservé du refus d'Anne Elliot la conviction que la jeune fille manquait de caractère et se laissait trop aisément persuader.

Outre le thème de la persuasion, le roman évoque d'autres sujets, tels que la Royal Navy, dont l'importance ici rappelle que deux des frères de Jane Austen y servaient, pour parvenir plus tard au rang d'amiral. Comme dans Northanger Abbey, la vie mondaine et superficielle de Bath – bien connue de Jane Austen – est longuement dépeinte, et sert d'arrière-plan à tout le second volume. Enfin, Persuasion marque une nette rupture avec les ouvrages précédents, par la chaleureuse attitude des personnages positifs qu'il met en scène, en fort contraste avec les héros souvent ternes, hautains ou peu cordiaux rencontrés auparavant, et dont le Mr Darcy de Orgueil et Préjugés est l'exemple extrême.

Elizabeth Bennet

Elizabeth, vue par C. E. Brock (1885).
Elizabeth, vue par C. E. Brock (1885).

Miss Elizabeth Bennet est un personnage de fiction qui a été créé par la femme de lettres anglaise Jane Austen : elle est le protagoniste principal de son roman Pride and Prejudice (Orgueil et Préjugés), paru en 1813. Elizabeth Bennet est parfois appelée Miss Eliza ou Eliza par ses connaissances, mais toujours Lizzy par sa famille.

Deuxième d'une famille de cinq filles, affligée d'une mère sotte et d'un père qui se dérobe à ses responsabilités, Elizabeth Bennet est gaie, belle (pretty), intelligente et spirituelle. Elle observe d'un œil ironique la société étriquée et conformiste dans laquelle elle vit, celle de la petite gentry campagnarde de l'Angleterre georgienne. Alors qu'à cette époque et dans son milieu le mariage de convenance est encore la norme pour une femme de la bonne société, elle ne peut envisager pour elle-même, malgré son manque de fortune, qu'un mariage d'amour. Sa forte personnalité, son caractère indépendant, son intransigeance lui font commettre des erreurs, mais elle est déterminée à construire son bonheur : après avoir reconnu la fausseté de ses premières impressions, à l'origine du préjugé qu'elle a développé à l'encontre du riche et orgueilleux Mr Darcy dont elle a repoussé avec colère la première demande en mariage, elle trouve finalement l'amour en même temps que la sécurité financière.

Elle est généralement considérée comme l'« héroïne la plus admirable et la plus attachante » de Jane Austen, et l'un des personnages féminins les plus populaires de toute la littérature britannique.

Famille Bennet

La famille Bennet à Longbourn, par Hugh Thomson (1894). Illustration pour le chapitre II.
La famille Bennet à Longbourn, par Hugh Thomson (1894). Illustration pour le chapitre II.

La famille Bennet est une famille de fiction imaginée par la romancière britannique Jane Austen (1775-1817). Elle occupe une place centrale dans le roman Orgueil et Préjugés dans la mesure où c'est celle de l'héroïne, Elizabeth. Les relations complexes entre ses divers membres influencent l'évolution de l'intrigue. Dans une société où le mariage est le seul avenir envisageable pour une jeune fille de bonne famille, la présence au foyer de cinq filles à marier sans autres atouts que leur bonne mine, ne peut qu'être source de soucis. Or les époux Bennet n'assument pas leur rôle d'éducateurs ; la mère se démène si maladroitement, sous l'œil goguenard d'un mari indifférent, qu'elle fait fuir le jeune homme riche qui a remarqué l'aînée et la plus jolie de ses filles. Ces dernières ont des comportements bien différents selon l'éducation qu'elles ont reçue ou qu'elles se sont donnée : si les deux aînées, Jane et Elizabeth, ont une conduite irréprochable et sont appréciées de leur père, si Mary, la moins jolie, affiche des prétentions intellectuelles et musicales, les deux plus jeunes sont laissées presque à l'abandon sous la supervision brouillonne de leur mère.

Les autres membres de la famille Bennet mis en scène par Jane Austen sont d'une part le frère et la sœur de Mrs Bennet, Mr Gardiner et Mrs Philips, d'autre part l'héritier désigné du domaine de Mr Bennet, un cousin éloigné, le sot et pompeux Mr Collins. Mr Gardiner et Mrs Philips contribuent de manière significative au déroulement et au dénouement du récit, mais à un niveau et dans un registre différent reflétant leur appartenance sociale respective. Le personnage de Collins sert de lien entre la petite noblesse campagnarde du Hertfordshire à laquelle appartiennent les Bennet et les grands propriétaires terriens que sont Lady Catherine de Bourgh et Mr Darcy.

Les intérêts légaux, financiers ou affectifs qui unissent ou divisent les membres de la famille Bennet permettent à Jane Austen d'en construire une image fluctuante et de poser un certain nombre de questions sociétales propres à son époque, en particulier sur l'éducation des filles et la légitimité de certains comportements.

Fitzwilliam Darcy

Dessin en couleur de Mr Darcy, vu par C. E. Brock
Mr Darcy, vu par C. E. Brock (1885).

Fitzwilliam Darcy est un personnage de fiction créé par la femme de lettres anglaise Jane Austen. Il est le protagoniste masculin principal de son roman le plus connu et le plus apprécié, Pride and Prejudice (Orgueil et Préjugés), paru en 1813. Il n'est jamais appelé par son prénom mais toujours Monsieur Darcy (Mr Darcy) par les dames et Darcy par son ami Charles Bingley, sa tante Lady Catherine de Bourg et par la voix narratrice.

Hôte de Bingley, qui vient de louer une belle propriété (Netherfield) près de la petite ville de Meryton dans le Hertfordshire, il est admiré au début par le voisinage, car il a de la prestance, et, surtout, il est le très riche (et célibataire) propriétaire d'un grand domaine dans le Derbyshire, Pemberley. Mais, considérant la société locale avec un mépris hautain et une morgue tout aristocratique, il suscite rapidement l'antipathie générale et plus particulièrement celle de la spirituelle Elizabeth Bennet, qu'il a regardée de haut à leur première rencontre, refusant sèchement de l'inviter à danser. Alors qu'elle éprouve à son encontre une animosité et un ressentiment durables, il se rend rapidement compte qu'elle l'attire beaucoup trop et qu'il serait prêt à se mésallier. Tout l'art de la romancière va consister à donner des occasions vraisemblables de rencontre à ces deux orgueilleux remplis de préjugés, dont elle surveille avec une ironie tendre et discrète l'évolution psychologique parallèle, à travers les quiproquos et les obstacles humains, sociaux et matériels, offrant à Darcy l'occasion de montrer ses réelles qualités de cœur.

Jane Austen a créé avec Darcy le plus complexe (intricate) et le plus élaboré de tous ses personnages masculins. Propriétaire terrien modèle, il possède une intelligence, des qualités humaines et une capacité à se remettre en question qui le rendent digne du cœur et de la main d'Elizabeth, « la plus admirable et la plus attachante des héroïnes » selon William Dean Howells. Dans un roman dont la popularité ne se dément pas, où Darcy est « le type même du beau prince qui épouse la bergère », il séduit le lecteur, selon Catherine Cusset, par « son caractère de beau ténébreux et sa fierté généreuse ».

George Wickham

Mr Wickham, vu par Hugh Thomson (1894).
Mr Wickham, vu par Hugh Thomson (1894).

George Wickham est un personnage de fiction créé par la femme de lettres anglaise Jane Austen qui apparaît dans son roman Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice), paru en 1813. Personnage secondaire, à peine esquissé par la narratrice, il joue cependant un rôle essentiel dans le déroulement de l'intrigue.

Wickham est au premier abord plein de chaleur, de vivacité et de charme : il sait toucher le cœur des jeunes filles romanesques. Sa prestance et ses manières chaleureuses lui attirent rapidement la sympathie de l'héroïne, Elizabeth Bennet. Mais sa nature profonde est celle d'un libertin cynique et sans principes : il est menteur, enjôleur, joueur, manipulateur. Il n'hésite pas à utiliser, pour tromper son entourage, sa bonne mine et les atouts que lui donne la bonne éducation acquise grâce à son parrain, le maître de Pemberley, un grand domaine dont son père était régisseur, et dans lequel il a été élevé aux côtés des enfants du propriétaire, Fitzwilliam et Georgiana Darcy.

L'intrigue développée autour du personnage de George Wickham a été inspirée à Jane Austen par Tom Jones, le roman d'Henry Fielding paru en 1749.

Fanny Price

Dessin en couleur de Fanny cousant vue par C. E. Brock
Fanny cousant, vue par C. E. Brock (1908).

Fanny Price est un personnage créé par la femme de lettres britannique Jane Austen. Figure centrale du roman Mansfield Park, publié en 1814, elle est un personnage paradoxal qui ne présente que peu des traits de caractères qu'on attend en général d'une héroïne de roman et que possèdent, à divers degrés, les figures de femmes créées auparavant par Jane Austen : de l'esprit, de l'audace, de l'énergie. Au contraire, elle est frêle, timide, silencieuse, vulnérable, ce qui ne l'empêche pas de montrer, sous sa douceur et sa docilité, de la détermination et un constant refus des compromissions. Issue d'une famille pauvre et élevée par de riches parents qui lui font parfois inconsciemment sentir qu'ils l'ont accueillie par charité, elle se montre reconnaissante de toute marque d'affection à son égard. Persuadée de sa propre insignifiance, elle accepte sa situation subalterne sans se révolter, même si elle en souffre, et se contraint à l'humilité. Et elle triomphe finalement des épreuves sans vraiment agir et sans jamais faire de faux pas.

Sa passivité et sa parfaite moralité en font, à première vue, une piètre héroïne peu propre à séduire les lecteurs, voire un personnage impopulaire et controversé. Certains critiques se demandent d'ailleurs pourquoi Jane Austen a jugé bon de mettre au centre de son roman une héroïne aussi terne, alors que Mansfield Park est généralement considéré comme son œuvre la plus profonde et la plus aboutie. Mais, dans un monde en plein bouleversement, à l'aube de la révolution industrielle qui va profondément transformer la société britannique, Fanny Price, en sauvant Mansfield Park de la déliquescence et de la ruine morale, symbolise la tranquille résistance des vieilles valeurs stoïques de l'Angleterre rurale.

Henry Crawford

Henry Crawford courtisant Fanny, par Hugh Thomson (1897).
Henry Crawford courtisant Fanny, par Hugh Thomson (1897).

Henry Crawford est un des personnages de Mansfield Park, le roman de Jane Austen considéré comme le plus abouti, écrit en 1813 et publié en 1814. Sans être un personnage principal, car seule Fanny Price peut être qualifiée ainsi, il tient une place éminente dans l'intrigue : avec sa sœur Mary, il joue un rôle essentiel, car l'arrivée inattendue dans le paisible et rural Northamptonshire de ce couple de jeunes et élégants mondains, brillants mais sans moralité, va dangereusement perturber la vie calme et bien ordonnée de la famille Bertram.

Libertin libre-penseur, séduisant et amoral, il évolue habituellement dans une société londonienne aux mœurs relâchées, un monde d'apparences, de frivolité élégante et raffinée, de prétention et de bel esprit. Léger et vaniteux, il a constamment besoin de se faire aimer et admirer. Aussi joue-t-il avec les sentiments des deux sœurs, Maria et Julia Bertram, alors que Maria est déjà fiancée à James Rushworth, un voisin très fortuné. Après le mariage de cette dernière, il entreprend, pour passer le temps, de « faire un petit trou dans le cœur de Fanny Price », la petite cousine en résidence, timide et effacée, qui résiste à son charme, ne voyant en lui qu'un homme immoral et dangereux. Il en tombe finalement amoureux et la demande en mariage, ce qui satisfait tout le monde à Mansfield Park. Acteur consommé, toujours en représentation même quand il est parfaitement sérieux, il se croit sincèrement épris, ébauche mille projets pour la rendre heureuse, lui fait une cour pressante, dont Jane Austen détaille les diverses étapes. Mais Fanny ne se laisse pas séduire, et il cède à la tentation de reprendre ses habitudes galantes auprès de Maria, qui, insatisfaite par son mariage et toujours amoureuse de lui, crée le scandale en s'enfuyant avec lui. Il n'a cependant nulle intention de l'épouser après son divorce, regrettant amèrement d'avoir perdu Fanny.

Dans la galerie d'aimables vauriens plus ou moins débauchés créés par Jane Austen, à côté de Willoughby et de Wickham, Crawford est celui qui se rapproche le plus d'un véritable gentleman. Il en a les manières et le patrimoine foncier. En outre, il a su reconnaître la valeur de Fanny Price, n’est pas totalement dépourvu de sens moral et ressent quelquefois un certain malaise face au vide de sa vie. Mais, ayant été élevé par un oncle fêtard et sceptique, il ne songe qu’à profiter de toutes les jouissances immédiates que mettent à sa portée sa fortune et son rang social. Pourtant Jane Austen suggère que, s'il avait été plus patient et moins vaniteux, « s'il avait honnêtement persévéré, Fanny aurait pu être sa récompense, une récompense donnée de plein gré […] mais la tentation du plaisir immédiat était trop forte pour un esprit qui n'était pas habitué à sacrifier quoi que ce soit à ce qui est bien ».

Anne Elliot

Anne Elliot vue par C. E. Brock (1909).
Anne Elliot vue par C. E. Brock (1909).

Anne Elliot est un personnage de fiction créé par la femme de lettres britannique Jane Austen. Elle est à la fois le personnage central et la narratrice secondaire du roman Persuasion, publié en 1818, après la mort de l'auteur.

Anne Elliot s'est laissée convaincre, lorsqu'elle avait 19 ans, de rompre ses fiançailles avec Frederick Wentworth, un jeune lieutenant de la Royal Navy prometteur mais roturier et sans fortune, et ne s'est jamais mariée. Solitaire, mal aimée par un père et une sœur aînée snobs et prétentieux, peu considérée par un entourage incapable de reconnaître sa valeur, elle mène une vie terne de presque vieille fille. Or voilà que, huit ans après, la guerre maritime avec la France terminée (on est en septembre 1814), le jeune homme qu'elle n'a jamais oublié revient en Angleterre, ayant gagné galons, prestige et fortune dans la marine de guerre. Les premiers contacts sont pénibles. Il a gardé d'elle l'image d'une personne trop facilement influençable et elle voit bien qu'il lui en veut toujours. Mais, à 27 ans, elle a mûri et acquis suffisamment d'indépendance par rapport à son cercle social et familial pour choisir ses amis et son avenir.

Le roman posthume de Jane Austen présente le portrait d'un esprit indépendant, une jeune femme intelligente et mélancolique, sensible et attentive aux autres, qui reprend confiance en elle lorsqu'une seconde chance lui est donnée de trouver le bonheur, un bonheur très différent de celui des autres héroïnes austeniennes, puisqu'elle n'épouse ni un propriétaire terrien ni un clergyman, mais un officier de marine. Elle pourra se « glorifier d'être l'épouse d'un marin », mais en connaîtra aussi les inquiétudes et les chagrins. Elle est considérée comme l'héroïne austenienne la plus lucide et la plus responsable, et le lecteur a accès de façon privilégiée à ses pensées, d'une justesse et d'une finesse qui n'ont pas leurs pareilles chez les héroïnes des romans précédents.

Frederick Wentworth

Frederick Wentworth et Anne Elliot en 1815 (C. E. Brock, 1909)
Frederick Wentworth et Anne Elliot en 1815 (C. E. Brock, 1909)

Le |capitaine Frederick Wentworth est un personnage de fiction créé par la femme de lettres britannique Jane Austen. Personnage masculin principal du roman Persuasion publié à titre posthume en 1818, il est le seul protagoniste austenien qui n'est ni clergyman (comme Henry Tilney, Edward Ferrars ou Edmund Bertram), ni membre de la gentry, puisqu'il n'est pas propriétaire d'un domaine (comme Mr Darcy, Mr Knightley ou le colonel Brandon). Il a gagné sa position sociale par ses qualités personnelles et sa fortune par ses actions militaires pendant les guerres napoléoniennes. Cette fortune lui permet maintenant de faire bonne figure dans la société et lui attire la considération, à une époque où l'aristocratie terrienne commence à perdre de son prestige.

Officier brillant et chanceux, il a rapidement gravi les échelons dans la Royal Navy pendant la guerre maritime. Démobilisé au printemps 1814, il rentre au pays, maintenant que la guerre est finie, auréolé de gloire et de prestige, enrichi par ses prises de guerre, et décidé à se marier et fonder une famille. Le hasard le ramène dans le Somerset, où sa sœur et son beau-frère, l'amiral Croft, ont loué Kellynch Hall, la propriété ancestrale de la famille Elliot. Il est accueilli à bras ouverts par leurs voisins, les Musgrove, dont les deux filles, Henrietta et Louisa, n'ont d'yeux que pour lui. Mais Anne Elliot, qu'il a passionnément aimée et demandé en mariage huit ans plus tôt, est là, elle aussi. À l'époque, jeune lieutenant confiant dans l'avenir mais sans fortune ni relations, il n'était « personne » pour sa noble famille et elle a rompu leurs fiançailles, sur les conseils de Lady Russell, sa marraine et amie, ce qu'il ne lui a pas pardonné. Il est prêt à se laisser séduire par la jeune et jolie Louisa Musgrove dont la vivacité et le caractère décidé lui plaisent, avant de comprendre qu'il a injustement mésestimé Anne, qu'elle seule compte pour lui et que, par sa faute, elle risque de lui échapper une seconde fois.

Ce personnage est, comme William Price dans Mansfield Park, inspiré par les deux frères marins de Jane Austen, Franck et Charles. Persuasion fait d'ailleurs une véritable apologie de la Royal Navy, « qui a tant fait pour nous », comme le dit Anne Elliot, et l'admission dans la bonne société d'un de ces hommes remplis de qualités, et qui ont bien mérité de la nation, constitue un élément essentiel dans le développement de l'intrigue.

Causes de la mort de Jane Austen

Tombe de Jane Austen, dans la cathédrale de Winchester.
Tombe de Jane Austen, dans la cathédrale de Winchester.

Les causes de la mort de Jane Austen, survenue le à l'âge de 41 ans au terme d'une maladie restée indéterminée et ayant duré environ une année, ont été discutées de manière rétrospective par des médecins dont les conclusions ont été ensuite reprises et analysées par les biographes de Jane Austen.

Les deux hypothèses principales sont celle de la maladie d'Addison, avancée en 1964 par le chirurgien anglais Zachary Cope (1881-1974) et celle de la maladie de Hodgkin, d'abord évoquée la même année, mais de façon concise, par le Dr F. A. Bevan, puis développée et argumentée en 2005 par l'Australienne Annette Upfal, professeur de lettres britanniques à l'université du Queensland.

La discussion repose essentiellement sur les écrits laissés par Jane Austen concernant son propre cas clinique. Elle n'exclut pas l'éventualité d'une tuberculose, qui était au XIXe siècle l'étiologie habituelle de la maladie d'Addison.

Pemberley

Chatsworth, peint par William Marlow, tel qu'a pu le voir Jane Austen, lorsqu'elle imaginait Pemberley.
Chatsworth, peint par William Marlow, tel qu'a pu le voir Jane Austen, lorsqu'elle imaginait Pemberley.

Pemberley est une propriété fictive citée dans le roman Orgueil et Préjugés, l'œuvre la plus célèbre de la femme de lettres britannique Jane Austen, paru en 1813. C'est le domaine et la résidence ancestrale (Country House) de Mr Darcy, le principal personnage masculin du récit. Ce domaine imaginaire, qu'elle situe dans le Derbyshire, à cinq miles de la petite ville tout aussi fictive de Lambton, est considéré par ceux qui ont la chance de le fréquenter comme un endroit « délicieux » et un modèle inimitable. Elle le décrit de façon beaucoup plus précise et détaillée que tous les autres domaines présentés dans ses six romans.

On considère habituellement que Jane Austen s'est inspirée de Chatsworth, le grand domaine des Cavendish, situé près de Bakewell dans le parc national de Peak District et propriété, au moment de la publication du roman, du 6e duc de Devonshire, William Cavendish. Cependant, la manière dont est présenté Pemberley et la place particulière qu'il tient dans la diégèse font de cette grande propriété au luxe discret, en totale harmonie avec son cadre naturel, un espace symbolique. Point d'aboutissement du roman et de la quête de l'héroïne, c'est un lieu de vie idéal qui reflète parfaitement la personnalité profonde de son propriétaire ainsi que ses qualités morales. La visite du domaine est une révélation pour Elizabeth Bennet et l'aide à se débarrasser de ses derniers préjugés ; l'arrivée, impromptue, du propriétaire lui permet, à elle, de rencontrer le « véritable » Darcy, et au lecteur d'anticiper le dénouement romanesque.