Les Voirons

montagne de Haute-Savoie (1 480 m)
(Redirigé depuis Voirons)

Les Voirons
Vue aérienne.
Vue aérienne.
Géographie
Altitude 1 480 m, Signal des Voirons[1]
Massif Massif du Chablais (Alpes)
Coordonnées 46° 13′ 50″ nord, 6° 21′ 19″ est[1]
Administration
Pays Drapeau de la France France
Région Auvergne-Rhône-Alpes
Département Haute-Savoie
Ascension
Voie la plus facile Route D50
Géologie
Âge Éocène-Oligocène
Roches Roches sédimentaires
Type Crêt
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Les Voirons
Géolocalisation sur la carte : Haute-Savoie
(Voir situation sur carte : Haute-Savoie)
Les Voirons

Les Voirons sont une montagne appartenant aux Préalpes. Elle est située dans le département de la Haute-Savoie (France), dans le Chablais, à une dizaine de kilomètres à l'est des villes d'Annemasse (France) et de Genève (Suisse).

Toponymie modifier

Le nom Voirons dérive des termes germaniques ou celtiques Ewoeron[2], Evoeron[3] ou Ewèrô[2] dont il pourrait être une erreur de transmission. La racine Eva que l'on retrouve aussi dans le nom de la ville d'Évian fait référence à la présence d'eau dans une montagne. Le terme Voirons proviendrait de la conjugaison du terme patois Évoué (eau) et du suffixe latin -onem qui est un diminutif associé à des noms propres. Littéralement, le nom Voirons peut donc être traduit par « montagne des eaux ». Cette richesse en eau fut par ailleurs reconnue très tôt puisque des Romains acheminèrent l'eau source des environs de Lucinges à Genève par aqueduc.

Selon une autre hypothèse, ce serait un nom celte composé sur la racine uer[4] « sur, supérieur » avec la dérivation de location -on[5]. Cela donne quelque chose comme le « domaine du très haut ». Dans les religions, il est courant de donner aux dieux des surnoms tels que « le très haut, le tout puissant, le grand ». Des noms de ce type désignent de nombreux sommets dans les Alpes sous différentes formes : Warens, pointe des Verres, Varan, Véran, etc.

Plus folkloriquement, le terme Voirons pourrait faire référence au fait que depuis la crête des Voirons, il est possible d'observer un panorama s'étendant sur le Chablais (nord-est et sud-est), le Faucigny (sud-ouest) et le Genevois (nord-ouest), et donc de « voir rond »[2].

Géographie modifier

Topographie modifier

Les Voirons constituent le premier relief de la partie occidentale de la bordure externe des Préalpes du Chablais. La montagne présente une forme de croissant orienté sud-est/nord-est. Ses flancs sont asymétriques. Le flanc oriental est dominé par la forêt et traversé par quatre principaux cours d'eau affluents de la Menoge, et qui sont respectivement du sud au nord : le torrent de la Molertaz, le torrent de Curseilles, le Nant de Manant et le torrent de Rafort. Le flanc occidental est organisé en terrasses. Il présente une forte urbanisation représentée, du sud au nord, par les communes de Lucinges, Saint-Cergues, Machilly et Bons-en-Chablais.

La crête est découpée par trois sommets : le signal des Voirons (1 480 m), la pointe de Brantaz (1 457 m) et le Pralère (1 406 m). Elle est traversée par un chemin de randonnée inclut dans la GR des Balcons du Léman. Vers le nord-est, les Voirons sont délimités par le col de Saxel (D 20) au nord tandis que l'extrémité sud-est constitue le verrou sud de la vallée Verte au-dessus de Fillinges.

La majeure partie des Voirons est recouverte par une forêt mixte (feuillus-conifère) qui lui confère une teinte verte nuancée.

 
Vue panoramique des Voirons depuis Saint-Cergues.

Géologie modifier

À l'image des autres reliefs des Préalpes du Chablais, les Voirons sont constitués de couches sédimentaires organisés en nappes de charriage. Elles proviennent des différents domaines paléogégraphiques qui constituaient la Téthys alpine. La fermeture de cet océan par subduction, en raison de la convergence des plaques adriatique (sud) et européenne (nord) a entraîné le décollement des couvertures sédimentaires de leur socle pour former des nappes de charriages qui se sont accumulées au front des Alpes dans le prisme d'accrétion sédimentaire. Elles ont ensuite glissé jusqu'à leur position actuelle par la subduction de la plaque européenne.

Nappe des Voirons modifier

Les Voirons sont majoritairement constitués par la nappe des Voirons appartenant au complexe Voirons-Wägital. La nappe des Voirons comprend aussi le mont Vouan, les collines de Ludran, la Tête de Char et les collines d'Allinges. Elle s'étend jusqu'à Saint-Gingolph côté suisse. À l'instar des autres unités constituant le complexe Voirons-Wägital, c'est une série détritique silico-clastique, déposée par des courants de densité ou turbidites s.l., en milieu marin profond dans la fosse de subduction. Elles sont datées de l'Éocène moyen à tardif (voire l'Oligocène précoce) par les foraminifères planctoniques extraits des intervalles marneux. Les bancs présentent une pente orientés sud-est ce qui explique la présence de falaise sur le flanc occidental tandis que le flanc oriental est en pente structurale.

Le flysch est surtout représenté par la formation du grès des Voirons qui compose le flanc est, la crête ainsi que la falaise sous-jacente. Il est composé d'une alternance de bancs de grès d'épaisseur centimétrique à métrique et d'interbancs marneux d'épaisseur excédant rarement la dizaine de centimètre. La formation du grès des Voirons représente des dépôts proximaux (chenal) à distaux (lobes) de courants de densité. La crête des Voirons est caractérisée par la présence ponctuelle de conglomérats correspondant aux bancs des conglomérats de la Crête. Ils se distinguent par la présence régulière de granite rose. Plusieurs carrières ont exploité les grès. Elles incluent le long de la D20[6] : la carrière de Bois Genoud (ou carrière de Bons), les carrières inférieures et supérieures de Saxel ainsi que la carrière Achard (ou carrière de Fillinges) le long de la D907. Les grès furent exploités pour le pavage des routes, les trottoirs ainsi que le bâtiment comme on peut l'observer dans les ruines du chalet des Foges sur la D235.

Le flanc est correspond à la pente structurale du flysch des Voirons, c'est-à-dire que la topographie suit le pendage des couches. La formation du grès des Voirons affleurant sur la moitié supérieure cède la place à la formation du conglomérat du Vouan dans sa moitié inférieure. Cette dernière est surtout représentée par le mont Vouan. Il s'agit d'une accumulation de bancs gréseux à conglomératiques massifs et plurimétriques. Elle est dépourvue d'intervalle marneux et décrit des dépôts proximaux de courants de densité. Elle a été exploitée dans des carrières de meules ou meulières qui sont parmi les plus importantes des Alpes. Dans les Voirons, la meulière de la Molière représentent la principale carrière.

Écailles tectoniques modifier

Le déplacement des nappe de charriages a favorisé le raclage des séries sédimentaires sous-jacentes du domaine helvétique et du bassin molassique ou bassin d'Avant-Pays nord-alpin sous la forme d'écailles tectoniques ou anciennement de lambeaux de poussé. On distingue deux unités : le flysch subalpin et la molasse charriée (ou molasse subalpine), correspondant respectivement au domaine helvétique et au bassin molassique nord-alpin.

Le flysch subalpin dérive du grès du val d'Illiez qui affleure au sud des Préalpes du Chablais dans la zone des Cols. Cette unité s'est déposée dans des conditions similaires au flysch des Voirons mais se distingue par son âge oligocène, son origine paléogéographique liée au domaine à la marge européenne et par la présence récurrente de fragments volcaniques qui lui confèrent parfois une teinte verdâtre. La molasse charriée est un lambeau de molasse d'eau douce supérieure (OSM). Il s'agit de dépôts continentaux fluviatiles d'âge miocène.

Enfin le mélange infrapréalpin, précédemment décrit comme wildflysch, sépare les écailles tectoniques de la nappe du Gurnigel. Il s'agit d'une unité chaotique résultant du démantèlement par frottement des différentes unités géologiques entre elles lors du charriage des nappes. Par définition, un mélange se caractérise par la présence de fragments d'unité géologique (ou lentille) de taille parfois kilométrique et emballée dans un matrice argileuse ou de flysch remanié. De par leur taille, ces lentilles sont cartographiables et ont été recensées sur la feuille d'Annemasse de la carte géologique de France.

Le flysch subalpin, la molasse charriée et le mélange infrapréalpin constituent la moitié inférieure du flanc est des Voirons. Elle se caractérise par des reliefs tendres et parfois bosselés pour le mélange soulignant la présence des lentilles. Ces unités se distinguent ainsi très nettement, sur une carte topographique, du flysch des Voirons qui constitue des falaises de plusieurs mètres mais dissimulées par la couverture forestière. Elles sont aujourd'hui occupées par les communes de Lucinges, Saint-Cergues et Machilly. La tour de Langin repose sur une écaille de flysch subalpin.

Histoire modifier

Époque romaine modifier

Les Romains privilégiaient les sources d’eau douce aux eaux des fleuves et des lacs pour alimenter les villes en eau potable. Ainsi les Romains édifièrent un aqueduc depuis le hameau des Fontaines à Cranves-Sales pour alimenter le vicus de Genua (aujourd'hui Genève). L'aqueduc, d'une longueur estimée à onze kilomètres, alternait circulation aérienne et souterraine[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14]. C'est notamment à Thônex que fut extrait un tronçon de l'aqueduc souterrain lors des travaux rue de Genève et aujourd'hui exposé place Graveson[15],[16].

Moyen Âge modifier

 
Les Voirons sont visibles dans La Pêche miraculeuse peinte par Konrad Witz en 1444.

Les Voirons sont un ancien lieu de culte païen comme en témoigne encore la présence d'une pierre à sacrifice au-dessus des ruines du château de Rocafort. Au Ve siècle, Domitien, évêque de Genève, ordonne la destruction de vestiges d'un temple gallo-romain.

Le château de Rocafort, sur l'actuelle commune de Boëge, est construit à la fin du XIe siècle sur un piton rocheux du piémont oriental des Voirons. Destiné à protéger le comté de Savoie, il est assiégé et pillé au XIIIe siècle, pour finalement être abandonné au cours du siècle suivant[17],[18].

En 1451, le seigneur Louis de Langin fonde la chapelle Notre-Dame-des-Voirons, à l'extrémité septentrionale de la montagne, à 1 371 mètres d'altitude ; un ermitage permettant d'abriter quelques moines s'installe cinq ans plus tard. Celui-ci prospère jusqu'à l'invasion des huguenots bernois qui l'incendient en 1536. La chapelle et l'ermitage sont reconstruits entre 1595 et 1620 par saint François de Sales, occupés par les dominicains, mais de nouveau incendiés en 1768 puis saccagés à la Révolution française. La chapelle, rebâtie en 1894, abrite une vierge noire.

La construction de la chapelle Notre-Dame du Sacré-Cœur, sur l'actuelle commune de Saint-André-de-Boëge, s'achève en 1878 vers 1 170 mètres d'altitude sur le flanc sud-est de la montagne au lieu-dit du Planet[19]. L'année précédente avait été érigé, à 1 103 mètres d'altitude à l'extrémité méridionale de la montagne, l'oratoire de Notre-Dame du Pralère, destiné à conjurer la grêle et les tempêtes[20]. La légende dit qu'une pucelle se serait précipitée dans le vide non loin de là pour échapper aux assiduités du fauconnier du sire de Boëge. La paroi de 100 mètres de dénivelé est un ancien site d’escalade franchi par le futur pape Pie XI lors d'un séjour au monastère[21].

L'actuel monastère de Notre-Dame de la Gloire-Dieu, qui occupe un ancien ermitage vers 1 360 mètres d'altitude, appartient depuis 1967 à la famille monastique de Bethléem, de l'Assomption de la Vierge et de saint Bruno ; il abrite des moniales catholiques. Le monastère de la Transfiguration, occupé par des hommes, s'est développé à partir de 1978 vers 1 435 mètres d'altitude[22].

Activités modifier

Sylviculture modifier

La gestion de la production forestière, qui concerne 57 % de ce territoire, est centrée principalement sur l'épicéa[23]. Les Voirons s'étendent sur les communes de Saint-André-de-Boëge, Fillinges, Bonne, Lucinges, Cranves-Sales, Saint-Cergues, Bons-en-Chablais, Machilly, Saxel et Boëge.

Spéléologie modifier

 
Vue de l'entrée du Kro d'Éwerõ (gouffre à Partoi).

Le gouffre à Partoi, dit Kro d'Éwerõ, se trouve à 1 300 mètres d'altitude sur le flanc nord-ouest des Voirons, sur le territoire de la commune de Saint-Cergues. Les grottes sont rares dans cette montagne. Ce gouffre a la particularité de posséder deux entrées, plus accessible vers le nord car très étroite et plus profonde au sud. Cette petite caverne mesure 40 mètres de long. La pratique de la spéléologie y est réservée aux professionnels ou pratiquants expérimentés[24].

Protection environnementale modifier

Le massif des Voirons est considéré comme un habitat majeur pour le lynx. 925 hectares centrés autour de la crête sont classés Natura 2000[25] par arrêté du [26].

Notes et références modifier

  1. a et b « Carte IGN classique » sur Géoportail.
  2. a b et c Histoire de Lucinges sur Mairie de Lucinges
  3. Jean-Philippe Buord, Origines des noms des montagnes de la Haute-Savoie : Petites et grandes histoires des sommets, Seynod, Color Verba, , 410 p. (ISBN 978-2-9553563-0-2).
  4. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux-celtique continental, Éditions Errance, (ISBN 978-2-87772-631-3 et 2-87772-631-2, OCLC 1055598056, lire en ligne), p. 314
  5. Xavier Delamarre, Les noms des Gaulois, Les Cent Chemins, (ISBN 978-1-5468-6932-0 et 1-5468-6932-8, OCLC 1023509935, lire en ligne), p. 39
  6. Les noms reprennent les termes utilisés dans la littérature géologique
  7. Louis Blondel, « L'aqueduc antique de Genève », Bulletin du Musée d'art et d'histoire, no 6, Genève, 1928, pages 33-55, notice Rero, pdf
  8. Paul Pazziani, « Le service de distribution d'eau de Genève », Schweizerische Bauzeitung, no 72, 1954, pages 527-533 (Portail e-periodica)
  9. Paul Pazziani, « Le Service des Eaux de Genève », Le Globe. Revue genevoise de géographie, no 97, vol. 1, 1958, pages 331-345 (Portail Persée)
  10. Marc-Rodolphe Sauter, « Chronique des découvertes archéologiques dans le canton de Genève en 1970 et 1971 », Bulletin du Musée d'art et d'histoire, no 20, Genève, 1972, pages 115-116, notice Rero
  11. Marc-Rodolphe Sauter, « Chronique des découvertes archéologiques dans le canton de Genève en 1974 et 1975 », Bulletin du Musée d'art et d'histoire, no 24, Genève, 1976, page 272, notice Rero
  12. Marc-Rodolphe Sauter, « Chronique des découvertes archéologiques dans le canton de Genève en 1978 et 1979 », Bulletin du Musée d'art et d'histoire, no 28, Genève, 1980, pages 23-24, notice Rero
  13. Jean Terrier, Matteo Campagnolo, « Découverte archéologique dans le canton de Genève en 2004 et 2005 », Bulletin du Musée d'art et d'histoire, no 54, Genève, 2007, pages 324-364 pdf
  14. Christian Vellas, Genève insolite et secrète, Éditions Jonglez, 2013 223p. (notice Rero)
  15. Histoire de Thônex sur le site de la municipalité de Thônex
  16. J'ai lu dans le livre "Genève insolite et secrète" que Genève possédait, au temps des Romains, un aqueduc. Qu'en reste-t-il de nos jours ?, sur Archives InterroGE - Question / réponse, le 25 août 2015.
  17. [PDF] L’histoire de Saint André
  18. 74-Boëge - Château de Rocafort
  19. La chapelle de Planet
  20. Les Voirons : Notre-Dame du Pralère
  21. Le saut de la pucelle
  22. La chapelle Notre-Dame des Voirons
  23. Classement des Voirons
  24. Jean-Jacques Pittard, « Chronique hebdomadaire », in Le Messager, hebdomadaire d'informations de Haute-Savoie-Chablais-Faucigny-Genevois
  25. Inventaire national du patrimoine naturel, FR8201710 - Massif des Voirons.
  26. Journal officiel de la République française, Arrêté du 17 octobre 2008 portant désignation du site Natura 2000 massif des Voirons (zone spéciale de conservation).

Voir aussi modifier

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Article connexe modifier

Bibliographie modifier

  • Pascal Roman, Vallée verte : Boëge, Bogève, Burdignin, Habère-Lullin, Habère-Poche, St-André-de-Boëge, Saxel, Villard, Thonon-les-Bains, édition de l’Astronome, Les cahiers du colporteur, , 63 p. (ISBN 978-2-916147-83-3).  
  • Henri Baud, Jean-Yves Mariotte, Histoire des communes savoyardes : Le Chablais, Roanne, Éditions Horvath, , 422 p. (ISBN 978-2-7171-0099-0), p. 253-282, « Le canton de Boëge (présentation) ».