En Normandie (particulièrement en pays de Caux et dans le Calvados), la valleuse, appelée cran dans les Hauts-de-France[2], est une petite valléee perchée, dont l'existence s'explique par un recul de la falaise plus rapide que le creusement vertical dû à l'érosion fluviatile. Drainées ou le plus souvent sèches et principalement adaptées à la structure (souvent perpendiculaires, voire obliques au rivage), ces vallées forment un accès naturel ou aménagé à la Manche. Sur le reste de la côte, cet accès est généralement empêché par la hauteur des falaises crayeuses.

La valleuse d'Antifer dans la commune du Tilleul, près d'Étretat, offre d'excellentes conditions d'observation des processus de karstification de la craie[1].

Formation modifier

 
Carte géologique du Bassin anglo-parisien montrant l'anticlinal Weald-Artois.

Les valleuses sont des vallées fluviales qui percent les falaises et se sont retrouvées en position perchée à la suite de l'affaissement de la Manche et la surrection de l'axe anticlinal Weald-Artois (en) (bombement lié à des phases de compression alpine)[3], ou à la baisse du niveau de la mer[4]. Le recul actif des falaises (en moyenne 20 cm/an) est suffisamment rapide pour que les petites vallées débouchant sur la mer restent suspendues, le creusement vertical des cours d'eau étant plus lent que ce recul[5].

Caractéristiques modifier

 
Carte d'Omaha Beach montrant les valleuses (notées D-1, D-3, E-1 et E-3) qui échancrent la falaise.
 
La valleuse de la Gorge du Petit Ailly est drainée par un ru intermittent alors que la plupart des valleuses correspondent à d'anciens cours d'eau asséchés[6].

On distingue :

  • les valleuses vives : dépressions naturelles (Fécamp, Yport, Étretat...) encore attaquées par l'érosion ;
  • les valleuses mortes sont dues à une action marine passée. Elles peuvent être fossilisés par endroits par des dépôts de versant périglaciaires, des dunes.

Les valleuses sont en général peu peuplées, sauf à leur embouchure où des villages peuvent s'installer à l'abri du vent[7]. Les versants sont parfois boisés (entrée d'Étretat, valleuse de Vaucottes, Yport, de Parfondval près de Criel-sur-Mer…), car la craie affleure, à cause de l'érosion : il est donc impossible d'y pratiquer l'agriculture.

Fragiles, les à-pics crayeux subissent des éboulis qui les font reculer jusqu'à un mètre par an. L'accès au rivage nécessite généralement un aménagement humain (rampes, escaliers, échelles…).

« Certaines des valleuses se raccordent au niveau de l'estran, mais généralement leur fond est recoupé par la falaise, de telle sorte qu'on parle de « valleuse suspendue ». L'altitude du raccordement est variable. Le ruissellement a souvent surcreusé l'aval de la valleuse en formant une « entaille d'adaptation » qui elle-même a été retravaillée par l'homme pour permettre un accès facile à la mer. C'est le cas de la valleuse d'Antifer[8] ».

Galerie modifier

Notes et références modifier

  1. Phénomènes de karstification : la valleuse, les ébauche de niches et grottes à la base de la falaise et, en tête de falaise, les entonnoirs ou puits de dissolution (remplis d'argiles de décalcification ou progressivement vidés) séparant des « bonhommes de craie » très pointus.
  2. Georges Chabot, Géographie régionale de la France, Masson, , p. 1969
  3. Cet anticlinal est produit par le flambage lithosphérique lié à l'orogenèse alpine qui a favorisé la mise en place de fossés en demi-graben (comme celui de la fosse des Casquets) perpendiculairement au horst Weald-Artois. Cf J.-P. Colbeaux, C. Dupuis, F. Robazynsky, J.-P. Auffret, P. Haesaerts, J. Sommé, « Le détroit du pas de Calais : un élément dans la tectonique de blocs de l'Europe nord-occidentale », Bull. Inf. Geol. Bass. Paris, vol. 17, no 4,‎ , p. 41-54
  4. Max Derruau, Précis de géomorphologie, Masson, , p. 384
  5. Jean-Jacques Delannoy, Philip Deline, René Lhénaff, Géographie physique. Aspects et dynamique du géosystème terrestre, Vuibert, , p. 666
  6. La valleuse du Petit Ailly balayée par un vent de couloir refroidissant, est appelée localement la glacière, en raison d'une installation à vocation marchande en haut de la gorge au début du XXe siècle. On y stockait de la glace (venue notamment de Norvège) nécessaire à la conservation de certains aliments et pour fournir aux bateaux de pêche le moyen de conserver le poisson. Cf Didier Bondue, Alain Dovifat, Varengeville-sur-Mer et Sainte-Marguerite-sur-Mer, éditions des Falaises, , p. 15
  7. Camille Tiano, Clara Loïzzo, Le commentaire de carte topographique, Armand Colin, , p. 157
  8. Bernard Hoyez, « À la découverte géologique des falaises d'Étretat : de la plage du Tilleul (Antifer) à l'anse de la Valaine », sur Ens-lyon.fr,
  9. L'érosion régressive se poursuit au niveau d'une entaille ouverte à partir de racines du manteau d'altération, formant une pseudo-valleuse. Cf Joël Rodet, « Karst et évolution géomorphologique de la côte crayeuse à falaises de la manche. l’exemple du massif d’aval (Etretat, Normandie, France) », Quaternaire, vol. 24, no 3,‎ , p. 303-314 (lire en ligne).
  10. Ces exsurgences proviennent de l'infiltration des eaux de pluie dans la craie. Au contact de formations imperméables sous-jacentes (marnes, argiles à silex) qui les bloquent dans leur trajet souterrain, elles ressortent à l'air libre.
  11. Une grotte abrite la statue Notre-Dame de la Mer.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Ottavio Coffano, Le Pays de Caux. Falaises et valleuses, éd. des Falaises, , 64 p.

Articles connexes modifier