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L’holotomographie par rayons X est une technique d’imagerie médicale. Employée principalement dans la recherche pour les domaines des sciences du vivant, du médical et des matériaux, ce type de tomographie permet de représenter des tranches de l’objet étudié grâce aux rayons X dont on utilise la phase. A partir des différentes images en couche, on peut ensuite reconstituer l’objet dans sa globalité, en 3D. L’holotomographie diffère du scanner X du fait de l’utilisation de la phase des ondes électromagnétiques alors que le scanner se base sur l’atténuation de l’amplitude du signal uniquement.


Principe de l’holotomographie par rayons X modifier

Rappels modifier

Afin de comprendre ce en quoi l’holotomographie par rayons X est différente de la radiographie par rayon X, nous allons commencer par un rapide rappel à propos des rayons X et de leur utilisation en radiographie.

Les rayons X modifier

Les rayons X sont des ondes électromagnétiques dont les fréquences varient entre 3*1016Hz et 3*1019Hz. Ils ont étés découverts en 1895 par le physicien allemand Wilhelm Röntgen . Dès leur découverte, les rayons X ont été utilisés pour de la radiographie, pour représenter l’intérieur du corps.

La radiographie modifier

La radiographie est une technique d’imagerie qui se base sur les différences d'absorption entre les différents tissus qui composent les corps observés. On place le corps observé entre une source de rayon X et un détecteur de puissance, la puissance mesurée, plus ou moins sombre sur l’écran-film, renseigne sur la composition des éléments traversés par les rayons depuis la source d’après la loi de Beer-Lambert :

 
  : le nombre de photons X en entrée du milieu,
  : le nombre de photons X ayant traversé le milieu,
  : le coefficient d'absorption du milieu,
  : l'épaisseur du milieu traversé.

En réalité le rayon traverse plusieurs tissus ayant des coefficients d'absorption différents, ce qui nous donne, pour une propagation des rayons X suivant  , la loi suivante :

 
  : le nombre de photons X en entré du milieu en  ,
  : le nombre de photonx X ayant traversé le milieu entre   et  ,
  : le coefficient d'absorption en  .

Sous cette forme il apparait donc que, pour une même puissance mesurée, il est possible d’avoir plusieurs milieux et profondeurs traversés.

La tomographie modifier

La tomographie est une technique d’imagerie. Elle sert à reconstituer une image correspondant à un plan du corps observé à partir d’une série de mesures extérieures. La tomographie se base sur la mesure de la puissance reçue : connaissant la puissance émise, la grandeur qui est extraite est donc l'absorption sur un chemin emprunté par le rayon. Le plan reconstitué avec cette technique est le plan qui contient toutes les mesures des trajectoires des rayons.

Principe de l’acquisition par contraste de phase modifier

Si la tomographie se base sur la mesure de l’absorption de différents chemins pour reconstituer une image en 2 dimensions, l’holotomographie se base sur la mesure de la phase du signal reçu après avoir traversé le corps observé. Il est possible de représenter l’interaction entre un rayon X et son milieu de propagation avec l’indice de réfraction complexe   où la composante imaginaire correspond au coefficient d’atténuation ( ) et la composante réelle au coefficient de déphasage.
Un milieu homogène, dans le cas d’un rayon se propageant selon sur une longueur  , aura pour fonction de transfert :

 
  : le coefficient d’atténuation,
  : le coefficient de déphasage,
  : la longueur d'onde des photons X,
  : la longueur du milieu traversée.

Dans le cas d’un milieu non homogène, pour un rayon se propageant de   à  , cette fonction de transfert devient :

 
  : la longueur d'onde des photons X,
  : le coefficient d'atténuation en  ,
  : le coefficient de déphasage en  .

 
Propagation-based imaging

Comme en tomographie, le corps observé se trouve entre la source de rayons X et un détecteur. On réalise plusieurs acquisitions en modifiant la distance entre l'échantillon et le détecteur, pour se placer dans des conditions de diffraction de Fresnel. En augmentant cette distance, on accentue l'effet de contraste de phase ayant lieux sur les bords, i.e. aux interfaces entre 2 milieux. Pour chaque distance, on obtient une image en contraste de phase ((en) phase-contrast X-ray imaging), caractéristique de la distance de propagation des photons X. Pour cela, on mesure l'intensité du rayonnement sous plusieurs angles de l’échantillon, afin de réaliser une tomographie. On utilise ensuite un algorithme de reconstruction sur cette série d'image pour cartographier la distribution de la composante réelle de l’indice de réfraction ( ). L'holotomographie, l’image de répartition de  , renseigne alors sur la composition du corps observé sur une coupe : dans la tranche d'observation. En combinant des successions d'holotomographies, on peut donc reconstituer l'objet en 3D.

Dispositif modifier

L’application du principe ci dessus nécessite des conditions très strictes. Il faut pouvoir irradier l’échantillon par des rayons X monochromatiques et synchrones pour détecter la phase. Ce qui demande le dispositif décrit ci dessous:

Schéma de l’appareillage expérimental utilisé pour l’holotomographie par rayonnement synchrotron:

éléments du dispositif d'holotomographie
éléments du dispositif d'holotomographie
(a) Source de rayonnement synchrotron,
(b) Sortie du faisceau de rayon X,
(c) Le monochromateur servant à sélectionner les photons d'une certaine énergie (correspondant à une longueur d’onde désirée),
(d) Obtention d'un faisceau d'un grande cohérence spaciale,
(e) Dispositif expérimental d’holotomographie,
(f) Le corps à observer (peut tourner sur lui même),
(h) Le convertisseur de photons X en photons lumineux,
(i) Caméra CCD.

Synchrotron modifier

Un synchrotron est essentiellement un accélérateur de forme annulaire qui permet d'accélérer la vitesse des électrons jusqu'à une vitesse proche de celle de la lumière. Lorsqu'un électron est accéléré, il émet de l'énergie électromagnétique. Les synchrotrons sont conçus de manière à produire plus particulièrement des rayons X. Le spectre de longueurs d’onde de ce rayonnement intense et très polarisé est large et continu (il s’étale de l’infrarouge au rayonnement gamma). C’est le plus puissant des rayonnements dans la région du spectre électromagnétique correspondant au rayonnement ultraviolet sous vide et aux rayons X. Un électron isolé dont la trajectoire est déviée par un aimant de courbure émet un rayonnement dans un cône dont l’axe, dirigé vers l’avant, est tangent à la trajectoire.

Cette méthode permet de surmonter les limites des outils traditionnels d'imagerie deux dimensions en fournissant des données de meilleure qualité en terme de rapport signal sur bruit et une résolution spatiale élevée par rapport aux équipements de laboratoire classiques. Cela est dû au fait que les faisceaux de rayonnement synchrotron sont réglables en termes d'énergie et de taille et sont caractérisés par un flux élevé de photons.

Le rayonnement synchrotron est plus avantageux que les tubes à rayon X car les faisceaux, dont la cohérence spatiale ne peut pas être obtenue avec les tubes à rayon X, sont plus concentrés et les énergies peuvent être plus hautes. La large gamme d’énergie (de 6 à 150 keV) permet de réaliser l’imagerie d’une plus grande diversité de matériaux (gamme de numéros atomique plus large).

Monochromateur modifier

Le monochromateur comporte un système dispersif et deux collimateurs dont la fonction est identique à celle des fentes d’un appareil optique. Le système dispersif est constitué d’un monocristal monté sur un goniomètre ou un plateau tournant qui permet de faire varier l’angle que fait la surface du cristal avec le faisceau incident. La loi de Bragg indique que pour tout positionnement angulaire du goniomètre, seul un petit nombre de longueurs d’onde sont diffractés ( ,  ,  ,…, ).

  (Equation de Bragg)
  : la distance interréticulaire du monocristal,
  : l'angle de Bragg,
  : ordre de diffraction,
  : longueur d'onde des rayons X,

Ainsi, étant donné que le flux à l’intérieur du cône d’émission du rayonnement synchrotron est élevé, il est possible de sélectionner une bande spectrale précise en conservant des temps d’exposition courts. La bande ainsi obtenue peut être considérée monochromatique. Le caractère monochromatique du rayonnement est essentiel car il permet d’avoir une reconstruction tomographique la plus précise possible. Ainsi, il est possible de connaître le coefficient d’atténuation linéique  , et par conséquent les propriétés physiques de l’échantillon étudié. Il est alors aussi possible de faire une étude précise révélant par exemple un certain élément atomique en sélectionnant une énergie proche d’un seuil d’absorption lié à une excitation des atomes de cet élément. L’utilisation d’un monochromateur permet ainsi d’améliorer la résolution spatiale de l’holotomographie.

Détecteur modifier

Actuellement dans le synchrotron Soleil, on utilise des détecteurs bidimensionnels haute résolution. La conversion des rayons X en lumière visible est faite par un matériau luminescent. L’image ainsi formée est agrandie et projetée sur une caméra CCD. La transformation en lumière visible met à disposition différents types de lentilles de haute qualité, mais limite la résolution spatiale à 500 nm au mieux à cause de la diffraction. L’écran fluorescent est une couche mince déposée par épitaxie en phase liquide sur un cristal transparent. Etant donné qu’on veut atteindre de meilleures résolutions, on se doit de déposer la couche la plus fine possible d’éléments fluorescents. Cependant, l’épitaxie ne permet pas actuellement de faire des dépôts plus fins que 5μm d’épaisseur.

Les lentilles utilisées peuvent être des objectifs classiques pour microscope ou des objectifs à miroirs particulièrement robustes dans des environnements avec des rayons X très durs. La caméra CCD doit procurer simultanément une bonne dynamique, un bruit faible et un temps de lecture le plus court possible. Une caméra spécifique, FRELON (fast readout low noise), remplissant ces conditions a été développée à l’ESRF. Ce type de détecteur permet d’obtenir de façon routinière une résolution spatiale de l’ordre du micron.

Reconstruction modifier

A partir d'un ensemble de projections de quantités comme le coefficient d'absorption, la reconstitution tomographique détermine la répartition en 3 dimensions de cette quantité.

Le problème de reconstruction[1] peut être divisé en deux étapes:

  • La reconstitution de la fonction de transfert   des divers plans  , en utilisant un algorithme de reconstruction holographique, tel que l'algorithme de rétroprojection filtré, basé sur le théorème de Radon.
  • À partir de ces plans successifs  , la distribution en 3 dimensions de l'indice de réfraction complexe   est déterminée avec une procédure de reconstruction tomographique classique.

Les résultats ainsi obtenus sont la distribution du coefficient d’absorption linéaire   et la distribution de   
ce qui représente une bonne approximation proportionnelle à la densité électronique.

Applications modifier

Historique modifier

L’holotomographie a vu le jour dans les années 60-70[2] mais son essor date des années 1990. Autour de cette date, différentes recherches ont été effectuées dans les domaines des sciences du vivant, et notamment pour le médical, ou pour l’étude des structures des matériaux.

Essor de l’holotomographie modifier

Cette technique d’imagerie a en effet comblé les faiblesses de la tomodensitométrie classique, se basant sur l’intensité du signal des photons X reçus après avoir traversé un échantillon pour en déduire l’absorption, et remonter ensuite à la densité de l’objet en chaque point de la coupe. En effet, les coefficients d’absorption des constituants d’un objet peuvent être parfois trop proches pour les distinguer correctement avec cette technique ou, dans le cas de matériaux, les éléments constituant l’objet sont trop disséminés.

L'indice de réfraction d'un matériau en un point   peut être décrit par la relation :

 
  : le coefficient de déphasage au point  ,
  : le coefficient d'atténuation au point  .

Dans le cas de photons X d’énergie supérieure à 10 keV, et pour le cas de l’eau et des tissus mous notamment, l’amplitude de   est inférieure de plusieurs ordres à celle de  . Par conséquent, il est intéressant d’utiliser la phase de l’onde électromagnétique pour obtenir un meilleur contraste : l’étude de la réfraction des ondes électromagnétiques et des variations de phases, créant des interférences, sont alors à même de faire apparaître les divers constituants d’un échantillon, invisibles en tomodensitométrie seule, grâce à un rehaussement du contraste ou grâce à la cartographie complète de la phase. [3]

D’autre part, la résolution spatiale des images réalisées à partir d’un faisceau de rayons X synchrotron parallèle est directement liée à la résolution du détecteur utilisé et peut atteindre le micron. En comparaison, celle du scanner médical varie autour de 250 microns, d’où l’avantage du système d’imagerie issue de rayonnement synchrotron, en contraste de phase ou par holotomographie.

Acquisition d’images en holotomographie par rayons X modifier

Ci-dessous figurent quelques exemples d’images obtenues en holotomographie.

Image du nodule dont est issu le fossile reconstitution 3D du crâne coupes holotomographiques
Skull and brain of a 300-million-year-old chimaeroid fish revealed by synchrotron holotomography

En premier lieu figurent des photos du nodule phosphatique contenant le cerveau fossile de poisson chiméroïde (300 millions d’années), unique au monde, les coupes holotomographiques au niveau du crâne et la représentation 3D du crâne, de la mandibule, cavité endocrânienne et du cerveau (respectivement en vert, bleu, rouge et orange). Sur l'animation apparaît la reconstitution 3D : du crâne au cerveau fossile.

Cette étude[4], réalisée en 2009 par Alan Pradel, Max Langer, John G. Maisey, Didier Geffard-Kuriyama, Peter Cloetens, Philippe Janvier, et Paul Tafforeau, en micro-tomographie X et en holotomographie, a permis de mettre en avant l’efficacité de cette dernière technique, en révélant les détails des structures anatomiques internes inaccessibles auparavant. Les concrétions d’origine du Kansas et d’Oklahoma ont été exposées au rayonnement Synchrotron de l’ESRF de Grenoble : les photons X avaient une énergie d’environ 60keV, la distance entre l’échantillon et le détecteur était de l’ordre du mètre. Ceci a permis d’atteindre une taille de pixel de 7.5µm.


D’autres études, telle que celle du Pr Tohoru Takeda en 1995 au Japon, se sont focalisées sur l’aspect médical. L’étude en question traite de l’utilisation de l’imagerie par contraste de phase en rayonnement X synchrotron pour détecter des lésions cancéreuses[5]. Elle a été réalisée sur des tissus de foie normal et de tumeurs. La différenciation des tissus sains et atteints ne pouvait pas être effectuée par l’imagerie d’absorption alors que les images en contraste de phase la permettaient. Cependant, les limites d’utilisation d’un tel système apparaissent vite étant donnée la radiation appliquée à l’objet (l’énergie du rayonnement était de 13.5 keV lors de cette expérience) et la petite taille de l’objet requise : une telle détection n’est pas réalisable in vivo avec ce système d’interférométrie.

Notes et Références modifier

  1. Contribution to Phase Contrast Imaging, Reconstruction and Tomography with Hard Synchrotron Radiation-Peter Cloetens
  2. An X-ray interferometer, U. Bonse and M. Hart, Appl. Phys. Lett. 6, 155 (1965) [1]
  3. Experimental comparison of grating- and propagation-based hard X-ray phase tomography of soft tissue S. Lang ; Journal of Applied Physics 116, 154903 (2014); doi: 10.1063/1.4897225
  4. Skull and brain of a 300 million-year-old chimaeroid fish revealed by synchrotron holotomography. Pradel A., Langer M., Maisey J., Geffard-Kuriyama D., Cloetens P., Janvier P. and Tafforeau P. (2009) *PNAS*, 106(13) :5224-5228
  5. Phase-Contrast Imaging with Synchrotron X-Rays for Detecting Cancer Lesions, Tohoru Takeda, Atsushi Momose, Yuji Itai, Jin Wu, Keiichi Hirano (May 4, 1995)