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Raban Maur (gauche), accompagné par Alcuin (centre), dédicace son oeuvre à l'archevêque Otgar de Mayence (droite). Manuscrit de Fulda, vers 830-840

Depuis le VIIe siècle le royaume franc comme les autres royaumes barbares traverse une profonde crise économique, politique et culturelle. Le modèle économique issu de l'Antiquité sur lequel ils sont fondés est remis en cause par l'expansion musulmane en Méditerranée. Cette crise entraîne la prise de contrôle de l'Europe par les Pippinides. Ceux-ci, autant pour justifier leur nouveau statut vis-à-vis des Mérovingiens puis de Byzance que pour unifier leur empire, tentent de restaurer institutionnellement et culturellement l'Empire romain avec le soutien de l'Église. Cette tentative appelée renovatio par les contemporains puis renaissance carolingienne plus tardivement, est surtout visible par des nouveautés artistiques et architecturales, mais elle entraîne aussi des mutations économiques et structurelles profondes qui seront la base de la renaissance de l'an mil. De fait l'Europe change profondément : elle quitte définitivement l'Antiquité et entre dans l'âge féodal.

La renaissance carolingienne a entraîné un foisonnement de manuscrits enluminés.

Définition modifier

L'expression « renaissance carolingienne » est à utiliser avec précaution car on peut lui prêter plusieurs sens. En 799, se faisant porte-parole de son entourage de lettrés, Alcuin convainc Charlemagne de restaurer l'Empire romain[1]. C'est ce sens qu'il convient de donner au mot renovatio employé à l'époque. Il comprend autant une notion de renouveau artistique, que de restauration de l'autorité impériale, avec toutes les implications institutionnelles, religieuses, linguistiques, monétaires et sociales que cela comporte. Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'apparaît l'expression renaissance carolingienne (en 1839 elle est utilisée un première fois par JJ Ampère[2]) et en particulier chez Jules Michelet[3]. Cette expression peut être interprétée comme beaucoup plus limitative (restauration de la culture antique), mais dans la pensée de Michelet le terme renaissance est plutôt synonyme d'avancée globale d'une civilisation[4]. De fait, cette période marque une évolution importante : pour les historiens modernes tels que Balard les royaumes barbares sont marqués par la persistance de la romanité au moins d'un point de vue socio-économique et artistique[5] ; à la fin VIIe siècle on entre dans une période de crise économique, démographique, politique et culturelle des royaumes barbares[6], dont on sort avec la renaissance carolingienne. Cette période si elle est brève (elle se clôt à la fin du IXe siècle avec les désordres nés de la dissolution de l'empire et les invasions), permet le passage à l'âge féodal et voit le basculement du centre de gravité européen vers le nord. À cette période sont mises en place les évolutions économiques, sociales, culturelles et religieuses qui aboutissent au Xe siècle à la renaissance de l'an mil instaurant la civilisation médiévale des XIe et XIIIe siècles.

Prémices de la renaissance modifier

Après la chute de l'Empire romain au Ve siècle les connaissances antiques ne disparaissent pas pour autant, d'autant que Justinien l'empereur romain d'orient reprend le contrôle de la Méditerranée dès le VIe siècle, en particulier l'Italie est byzantine jusqu'au VIIIe siècle. Au contraire, dès la fin du VIe siècle un renouveau culturel est perceptible en périphérie de l'Europe, particulièrement dans la péninsule ibérique et dans les îles britanniques (au XIXe siècle Guizot met déjà en lumière l'apport irlandais à la renaissance Carolingienne[7]). Ce renouveau est activement soutenu par les princes goths et lombards, les moines Irlandais et anglo-saxons qui encourageaient les études et ont laissé des œuvres de grande valeur. Les carolingiens exploitent à la fin du VIIIe siècle, ces premières manifestations du réveil culturel de l'Occident en regroupant des intellectuels venus de ces différents horizons et en restaurant l'école[2].

Le patrimoine culturel romain modifier

Les chefs barbares qui ont gouverné l'Italie après la chute de Rome étaient des aristocrates voués à commander les mercenaires germains. Ils ont été formés dans l'Empire romain et sont donc relativement cultivés et romanisés. Il se sont parfaitement accommodés de la culture latine et n'ont pas cherché à la détruire. Ainsi, quand en 476 Odoacre allié aux Huns prend Rome, il en conserve l'administration, le Sénat et les systèmes monétaire et juridique. En retour, il est largement soutenu par le Sénat et le peuple[8]. Dès 493, il est renversé par Théodoric le Grand un chef militaire ostrogoth formé à Constantinople et donc lui aussi cultivé, qui prend des lettrés latins comme conseillers tels que Boèce, Symmaque ou Cassiodore[9]. Il laisse les grandes universités en activité et permet aux intellectuels tels que Cassiodore ou le pape Agapet de regrouper leur savoir au sein des bibliothèques[10]. La Bibliothèque de Vivarium créée par Cassiodore au VIe siècle rassemble des centaines d'ouvrages antiques (parmi lesquels des œuvres de Sophocle, Théodoret ou Sozomen[11]). Ce faisant, il est à contre courant de la philosophie ascétique du monachisme de son époque.

 
Péninsule Italienne vers 750.

L'isolement relatif de l'Italie est toutefois de courte durée, puisque l'empereur byzantin Justinien en fait la reconquête dès 535[12], ce qui entraîne un bon niveau de conservation des connaissances antiques. En 590, le pape Grégoire le Grand réorganise la bibliothèque pontificale en regroupant les bibliothèques d'Agapet et de Cassiodore au Latran. Il utilise ce trésor culturel pour rendre indispensable l'Église romaine. Les livres sont prêtés dans toute l'Europe et principalement dans les îles britanniques et dans la péninsule ibérique ce qui permet aux ecclésiastiques de fonder de nouvelles bibliothèques[13]. Les pèlerins francs rapportent avec eux plusieurs manuscrits. Aux VIe et VIIe siècles, nombreux sont les moines qui viennent d'Irlande ou d'Espagne pour chercher livres et reliques pour leur monastère. Rome conserve son influence en leur concédant ses trésors.

Depuis la reconquête de l'Italie par Justinien en 535, les papes sont soumis à l'autorité de Byzance. Mais la pression musulmane occupe l'armée byzantine au sud et à l'est. Rome doit donc organiser seule sa défense contre les Lombards qui envahissent le nord de l'Italie[14] et prend de fait son indépendance, se retournant vers les Francs pour trouver une protection[15]. Les Lombards s'installent au nord de l'Italie et fondent un nouveau royaume barbare. Ils prennent le pouvoir administratif dans les territoires conquis mais ne pillent pas les monastères. Les bibliothèques souffrent mais ne disparaissent pas.

En 730, l’empereur Léon III l’Isaurien (empereur de 717 à 741) interdit l’usage d’icônes du Christ, de la Vierge Marie et des saints, et ordonne leur destruction. Cette crise iconoclaste entraîne l'immigration à Rome et en Occident de nombreux artistes et lettrés byzantins. L'art oriental se diffuse en Europe de l’Ouest et notamment à Rome, où il est encouragé par le pape et les prélats. La présence byzantine en Italie du nord a duré plus de deux siècles et son héritage pose l'une des bases sur lesquelles peut s'appuyer la renaissance carolingienne. Rome est également renommée pour son école de chant (schola cantorum) qui sert de modèle durant tout le haut Moyen Âge. Quant à la cour lombarde de Pavie, elle impressionne beaucoup Charlemagne à la fin du VIIIe siècle.

Le royaume wisigoth modifier

 
Isidore de Séville présente un ouvrage à sa sœur. Abbaye de Corbie 800.

Havre de paix dans l'Occident depuis la fin du VIe siècle, l'Espagne wisigothe est l'un des principaux conservatoires chrétiens de la culture antique. Elle se veut l'héritière de l'Empire romain d'occident[16]. Le royaume accueille des intellectuels d'Afrique du Nord chassés par les Vandales, des Byzantins puis des Musulmans. La production littéraire de la péninsule se spécialise dans les compilations et les florilèges, tout en créant des œuvres originales en histoire, en droit et en théologie. Ses écoles, qui transmettent la culture classique, forment aussi bien des clercs que des laïcs, et les nombreux actes de vente conservés sur ardoise témoignent de la diffusion de l'écriture dans les communautés rurales.
De grands évêques, qui sont également de grands auteurs, font de leurs sièges épiscopaux des centres intellectuels en les dotant de bibliothèques et d'écoles[17].

La bibliothèque sévillane est alors le centre le plus brillant sous l'impulsion de Léandre puis Isidore de Séville[16]. La priorité y est accordée aux grands écrivains chrétiens du IVe au VIe siècle, en particulier Augustin (354-430), Cassiodore (485-580), Grégoire le Grand (540- pape 590-604) mais aussi aux pères latins plus anciens : Tertullien (155-222), Cyprien de Carthage (200-258), Hilaire de Poitiers (315-367), Ambroise (340-397).

Après l'invasion arabe (711), une civilisation originale est mise en place : la culture mozarabe. Cependant les échanges avec l'émirat de Cordoue sont faibles et pour Jean Favier « l'Espagne ne joue qu'un rôle effacé dans la Renaissance carolingienne »[18]. Cette brillante culture mozarabe a par contre un rôle majeur dans le renouveau de l'an mil. Cependant, des intellectuels wisigoths tels que Théodulf d'Orléans ou Benoît d'Aniane, proches de Charlemagne ont une action culturelle et architecturale de premier plan.

Le monachisme irlandais et northumbrien modifier

 
Enluminure tirée des Évangiles d'Echternach (700). Les motifs utilisés dans les îles britanniques inspirent la calligraphie carolingienne
 
Bède le vénérable

Depuis le VIe siècle l'Église essaye d'évangéliser les régions situées aux frontières de la chrétienté. De nombreux missionnaires sont envoyés avec succès dans les îles britanniques. Ces îles avaient été anciennement christianisées mais l'invasion par les Saxons a isolé les chrétiens de Rome. Le pape Grégoire Ier en envoyant Augustin de Cantorbéry relance l'évangélisation de l'île de Bretagne. De nombreux monastères sont créés (particulièrement en Irlande) qui sont le centre de la vie spirituelle locale. Ce sont également des foyers culturels majeurs. Outre les écritures sacrées, on y étudie les sciences et les lettres profanes : la poésie, la musique. L’enluminure et la calligraphie y sont à l’honneur, par exemple dans le scriptorium de Cantorbéry. Les légendes celtes sont pour la plupart sauvées par ces moines cultivés qui fournissent ainsi le seul matériel disponible pour reconstituer la culture et la religion de ce peuple.

Paradoxalement c’est à ces moines que l’on doit la conservation du latin pur. En Irlande, on parle celte, contrairement à la Gaule où la langue vulgaire est un latin qui, avec le temps et les invasions, a dégénéré ce qui rend les textes en latin classique difficiles à comprendre. Le latin, langue officielle de l’Empire romain n’a jamais été parlé en Irlande. Il s’agit d’une langue étrangère dont les moines cultivent l’expression la plus classique. Ils conservent aussi le grec ancien et la philosophie de cette brillante civilisation. Cet engouement les conduit à reproduire bien des textes profanes et ainsi à sauver une grande partie de la philosophie grecque et latine[19]. Au VIIe siècle, les moines irlandais n'hésitent pas à traverser l'Europe pour rechercher des livres dans les bibliothèques romaines ou pour christianiser les populations païennes. Dans les monastères, on s’intéresse de près à des sciences considérées ailleurs comme profanes : la grammaire, la géométrie et la géographie sont à l'honneur[19].

Bède le Vénérable (672-735) est l'un de ces moines et lettrés anglo-saxons de culture latine les plus connus. Il est l'auteur d'une œuvre considérable. Très populaire en Europe durant tout le Moyen Âge, Bède est aujourd'hui surtout connu comme l'historien des Angles grâce à son œuvre maîtresse[20], achevée en 731 ou en 732. Bède, intéressé par la patristique, rédige plusieurs ouvrages de mathématiques et de philosophie, conformément aux cursus de l'enseignement classique des arts libéraux (trivium et quadrivium). Il est le fondateur du comput, science de la datation et du calcul de la date des fêtes religieuses mobiles (Pâques)[21]. La renommée de ces moines savants est telle qu’on vient de très loin pour en recevoir l’enseignement (on peut séjourner dans un monastère comme étudiant). Certains couvents d’Irlande et d’Écosse comptent plus de mille moines.

Des pratiques, à l’origine propres aux cénobites, se communiquent au peuple tout entier. C’est le cas de la confession et de la pénitence. Le moine représentant un idéal de sainteté que l’on veut imiter, la pratique du pèlerinage, (souvent jusqu’à Rome) se répand parmi les laïcs. Les moines ont un rôle missionnaire qui les oblige à dire l’eucharistie dans les campagnes sur des autels portatifs, pour la communion, ils se font aider des femmes qui distribuent le Corps du Christ. Le monachisme irlandais est donc naturellement porté à se diffuser à l'ensemble des îles britanniques et particulièrement en Northumbrie, puis à partir du VIIe siècle vers le continent, où nombreux sont les moines irlandais prêchant à travers les royaumes francs. Ils bénéficient même de l'appui de la reine Bathilde qui veut s'opposer à la perte de pouvoir des mérovingiens au détriment des puissantes clientèles qui prennent le contrôle des divers diocèses et soutient la fondation de monastères comme contrepoids aux évêques : de nombreuses et prestigieuses abbayes sont créées dans le royaume franc : Jumièges, Luxeuil, Chelles, Corbie, Saint-Wandrille ou Jouarre[22]. La reine fait aussi adopter la règle de saint Colomban sur l'ensemble du royaume[22]. Saint Colomban et ses compagnons fondent de nombreuses abbayes telles celles de Luxeuil, d'Annegray, de Fontaines, de Saint-Gall ou de Bobbio en Italie. Les monastères fondés par les Irlandais restent en contact avec leur pays d'origine, Bobbio devenant même un centre de pèlerinage important[23] et grâce aux échanges et la copie de manuscrits, il acquiert une bibliothèque qui sera l'une des plus renommées d'Occident[23]. Dès lors un axe d'échange d'hommes, d'idées et de manuscrits se crée entre Irlande, Angleterre et Italie. La Gaule qui en est le passage obligé va grandement en profiter[23]. Les moines celtes et britanniques ont un rôle majeur dans la poussée culturelle qui marque la renaissance carolingienne : ils ont nettement favorisé le renouveau culturel visible dans les monastères continentaux dès la fin du VIIe siècle, mais des lettrés britanniques tels qu'Alcuin, Dungal de Bangor, Clément d'Irlande ou Jean Scot Erigène ont un rôle majeur dans les écoles palatines de Charlemagne ou de Charles le Chauve. Ce sont eux qui introduisent les techniques d'enseignement basées sur les arts libéraux sur le modèle des monastères britanniques.

L'empire carolingien modifier

Au VIIIe siècle, le changement des axes commerciaux principaux désagrège les royaumes barbares au détriment de nouvelles forces dominantes, le système clientéliste qui prévaut à cette époque peut conduire à terme à la constitution d'un énorme mais fragile empire. Les pippinides sortent vainqueurs, mais doivent justifier leur prise de pouvoir vis-à-vis des mérovingiens puis vis-à-vis de l'empire Byzantin et doivent unifier leur immense empire. Ils investissent donc progressivement dans une intense politique culturelle et religieuse.

Constitution d'un État fort modifier

Au VIIe siècle, les royaumes barbares sont en crise (l'expansion musulmane en Méditerranée coupe les liens commerciaux) et se morcellent. La sécurité n'est plus assurée par un État déliquescent et est prise en charge par l'aristocratie[24]. Les puissants accueillent des hommes libres qu'ils éduquent, protègent et nourrissent. L'entrée dans ces groupes se fait par la cérémonie de la recommandation : ces hommes deviennent des guerriers domestiques (vassus) attachés à la personne du senior[25]. Le seigneur doit entretenir cette clientèle par des dons pour entretenir sa fidélité[24],[26]. La monnaie d'or devenant rare du fait de la distension des liens commerciaux avec Byzance (qui perd le contrôle de la Méditerranée occidentale au profit des Musulmans), la richesse ne peut provenir que de la guerre : butin ou terres conquises à redistribuer. En l'absence d'expansion territoriale les liens vassaliques se distendent donc pour se pérenniser une puissance doit s'étendre.

 
Conséquences de l'expansion musulmane des VIIe et VIIIe siècles sur les voies commerciales et les royaumes européens.
  • voies commerciales avant la prise de contrôle de la Méditerranée par les Musulmans : l'axe rhodanien permet de commercer sur les bassins de la Seine et de la Loire.
  • voies commerciales au VIIIe siècle : le trafic évite la Méditerranée occidentale et passe par l'Adriatique, le Pô, le Rhin et la Meuse.
  • Empire musulman
  • Empire byzantin
  • Pippinides
  • Lombards
  • À cette époque le trafic commercial est essentiellement fluvial même si les voies romaines sont encore utilisables (et permettent le transfert de marchandises d'un bassin fluvial à l'autre) mais elles ne permettent que le transport de denrées suffisamment onéreuses pour être rentables[27]. Même si le trafic est faible, ces voies sont capitales pour acquérir de quoi entretenir ses vassaux[28], d'autant que le tonlieu (taxe sur les marchandises) est pratiquement le seul impôt qui puisse être perçu (les guerriers ne se laissant pas taxer)[29]. Avec la présence musulmane en Méditerranée occidentale les voies commerciales byzantines ne peuvent plus passer que par l'Adriatique. Dès lors l'axe Rhône-Saône-Rhin (ou Seine) est supplanté par l'axe Pô-Rhin-Meuse[28]. Les Pippinides, une famille austrasienne dont le berceau est situé sur la Meuse, acquièrent un avantage économique qui leur permet d'aligner des armées bien plus nombreuses que leurs rivaux[28]. Le basculement à l'est des voies commerciales réactive les régions riches en minerai de fer qui avaient déjà été à l'origine de la puissance agricole et militaire des celtes. Ceci permet aux Pippinides de bénéficier d'armes et protections en acier de bonne qualité augmentant leur supériorité militaire. L'outillage agraire est amélioré et la productivité augmente : les Pippinides contrôlent plus de 90 grands domaines agricoles de part et d'autre de la Meuse et leur puissance est sans égal[28],[30]. Ainsi Pépin de Herstal, devient maire du palais d'Austrasie en 679, contrôle la Neustrie en 687 et prend le titre de prince des Francs. Pour conserver ces conquêtes ses descendants doivent maintenir cette politique expansive pour éviter la dissolution de leur empire naissant. Son fils bâtard Charles Martel, doit ainsi réduire les révoltés neustriens, puis assujettir les Frisons, les Alamands, les Bourguignons et les Provençaux[28]. Pour entretenir son imposante clientèle, il n'hésite pas à saisir et redistribuer les biens du clergé séculier, ce qui accroît encore sa puissance[30].

    Parallèlement à cette évolution le bassin méditerranéen est victime aux VIe et VIIe siècles d'épidémies de peste et de variole récurrentes[31] que les chroniqueurs de l'époque décrivent comme de véritables fléaux. Ces épidémies récurrentes désorganisent le travail agricole et entraînent des famines, ce qui en aggrave l'impact démographique[31]. Le bilan est impossible à chiffrer mais, certains historiens le comparent à celui la grande peste de 1347-1348 : Jacques le Goff et Jean-Noël Biraben y voient la cause d'un important affaiblissement démographique du sud de l'Europe qui explique en partie le basculement du centre de gravité de l'Occident vers le nord[32].

    La situation de la culture en Gaule vers 750 modifier

    La propagande pippinide a noirci le tableau de recul culturel sous les mérovingiens pour justifier la prise de pouvoir par les carolingiens. De même au XIXe siècle, François Guizot brosse aussi un tableau sévère sur la « décadence intellectuelle de la Gaule Franque du Ve au VIIIe siècle »[33]. Ce point de vue est à pondérer : comme dans les autres royaumes barbares, les mérovingiens tentent de conserver l'acquis culturel antique. Les souverains prennent souvent comme conseillers des évêques ou des aristocrates issus de familles sénatoriales gallo-romaines (provenant souvent d'Aquitaine qui était la province restée la plus romanisée)[34]. Ils font construire des basiliques de type romain à Paris, Auxerre ou Selles-sur-Cher,[34]... Les artistes excellent en verrerie et en orfèvrerie. Cependant la culture et l'enseignement ne sont plus portés que par les religieux et la haute aristocratie[35] et à partir du milieu du VIIe siècle, le royaume est confronté à une forte crise. Celle-ci est d'abord économique avec la contraction du commerce méditerranéen et la disparition des marchands grecs et syriens qui écoulaient des produits de luxe par l'axe rhodanien. Elle est aggravée par une crise démographique secondaire à la peste de Justinien[32]. Elle est aussi politique : le royaume déjà confronté à des difficultés dynastiques du fait des règles de partage entre héritiers, sombre dans des guerres continuelles du fait du système clientéliste en vigueur (les mérovingiens n'ont plus assez de pouvoir financier pour imposer l'unité du royaume car les taxes sont principalement prélevées sur le commerce[29]). Enfin, les terres de l'église sont souvent redistribuées à des vassaux laïcs peu concernés par l'enseignement et la préservation du savoir. Au total, au VIIIe siècle, la situation de la culture dans les royaumes mérovingiens est médiocre par rapport aux foyers italiens, anglo-saxons et irlandais. Charles Martel lui-même a nommé des laïcs abbés ou évêques[30] et l'Église séculière Franque est en crise : le niveau d'instruction des prêtres est mauvais, certains ne savent par lire correctement les textes liturgiques en latin[36]. Les pratiques païennes ont toujours cours dans certaines campagnes[37]. Les écoles ne sont pas assez nombreuses et les maîtres incompétents ou absents. L'aristocratie franque s'intéresse davantage à la guerre (principale manière à l'époque d'entretenir ses vassaux) qu'aux lettres et les grands monastères du sud de la Gaule ont été dévastés par les guerres et les raids musulmans.

    Boniface de Mayence décrit ainsi l'état de l'Église franque au pape dont il est un proche et un fidèle soutien :

    « Dans la plupart des cités, l'épiscopat est livré à des laïcs avides des biens de l'Église ou à des clercs adultères, débauchés, pratiquant l'usure[38]. »

     
    Lettre D (Domine) tracée au compas. Enluminure mérovingienne du milieu du VIIIe siècle

    La Renaissance carolingienne n'arrive pourtant pas dans un désert culturel absolu : certaines abbayes de Neustrie, de Bourgogne et d'Austrasie souvent créées par des missionnaires irlandais conservent les manuscrits et animent des ateliers de copies renommés. En effet, porté par la vague monastique missionnaire du VIIe siècle, un véritable réseau d'échange et de copie de manuscrits s'est créé sur l'axe de pèlerinages entre l'Irlande et l'Italie, mais les échanges se font aussi avec l'Espagne wisigothique et les monastères francs qui sont géographiquement au centre du réseau[39]. Suite à la dissolution progressive du pouvoir mérovingien, les souverains et princes ont dû concéder des immunités à un certain nombre d'abbayes pour conserver leur soutien[40]. Ce qui signifie renonciation au pouvoir judiciaire sur le territoire de l'abbaye, or une bonne partie des ressources fiscales provenait des amendes (Wergeld) prélevées par l'application de la loi salique. Ces ressources vont donc à présent enrichir l'abbaye qui parvient aussi parfois à obtenir l'exemption voire même le droit de prélever le tonlieu[40]. D'autre part le prestige des moines celtes contrastant avec la ruine du clergé séculier entraîne de nombreuses donations qui enrichissent et augmente les possessions foncières des Abbayes[40]. Ces abbayes riches et vectrices des échanges culturels vont êtres freinées avec les désordres occasionnés par la crise des royaumes barbares car les communications sont fortement perturbées mais au VIIIe siècle quand la constitution de l'empire carolingien restaure un vaste espace de sécurité les échanges reprennent, ces abbayes vont pouvoir jouer un rôle important dans la renaissance carolingienne[41]. Les premiers manuscrits à peintures sont contemporains à Luxeuil (le Lectionnaire vers 700), Corbie, Laon[40]. Ils n'ont pas l'éclat des équivalent Nothumbriens mais ils prouvent que le renouveau commence à poindre au sein de ces monastères. Cependant les œuvres originales sont rares, tout comme les livres de littérature profane.

    Alliance avec Rome et restauration de l'Empire modifier

     
    La bataille de Poitiers - Steuben

    Charles Martel, le grand-père de Charlemagne, arrête l'expansion musulmane à Poitiers en 732 ; mais il n'est que le maire du palais mérovingien, autrement dit l'intendant principal du roi. Sa puissance est telle qu'il a le pouvoir de fait, mais celui-ci ne se fonde sur aucune hérédité, ni aucun charisme ; c'est pourquoi il ne peut prétendre au titre de roi. Pourtant sa famille, les Pippinides (ancêtres des Carolingiens) a l'expérience du pouvoir et compte un saint dans ses ancêtres. Charles Martel ne maîtrise pas l'écriture et sait tout au plus signer[42]. Mais pour asseoir son pouvoir aux dépens des Mérovingiens il doit montrer qu'il a le pouvoir et le savoir de fait. Il met un point d'honneur à ce que ses fils aient une bonne éducation. Si la renaissance carolingienne a pu avoir lieu c'est d'abord parce que les Carolingiens ont été éduqués et sont friands de culture. De même il doit montrer qu'il est le meilleur soutient de l'église. Il a certes redistribué nombre de charges ecclésiastiques à des proches (autant pour rétribuer sa clientèle que pour évincer les évêques et abbés qui ne lui sont pas favorables), mais l'église est dans un tel état que son soutien actif aux missionnaires tels que Boniface de Mayence ou Pirmin lui valent l'appui de Rome.

    L'Église a en effet intérêt à s'appuyer sur cette dynastie forte pour contrer les menaces islamique, byzantine et lombarde. Théoriquement le pape est sous la tutelle de Constantinople, mais l'armée de l'empereur est monopolisée par l'expansion musulmane. Elle ne peut jouer son rôle de protecteur et Rome en profite pour s'émanciper[15].

    La lutte de Grégoire III contre les iconoclastes provoque un conflit entre Rome et Byzance. L'empereur Léon III tente de réduire l’autorité du Saint-Siège et la mainmise sur les propriétés de l’Église dans les villes de Sicile, Calbéria et autres.
    Dans ce but, il envoie une flotte en Italie pour combattre les villes non soumises à ses ordres. Il étend les droits du patriarche de Constantinople sur toutes les régions (districts) de l’Italie du Sud et ne laisse au pape que la région du Nord que les Lombards ne cessent d'assaillir. En effet à l'instar des Pippinides, les Lombards bénéficient de la bascule des liens commerciaux vers l'axe Pô-Rhin et ils ne cessent d'étendre leur royaume pour obtenir un butin et des terres à redistribuer afin de maintenir les liens vassaliques[24],[43] : ils sont l'autre grande puissance européenne de l'époque et menacent directement la papauté[44].

    Alors, le pape sollicite le secours de Charles Martel pour repousser les Lombards, il met sous la protection des Francs toutes ses propriétés et leur demande de reconquérir l'Italie. Après avoir remporté la victoire contre les Arabes à Poitiers, le roi des Francs écrit au pape Grégoire III lui annonçant l'heureuse nouvelle. Celle-ci a un très vif retentissement et désigne Charles, notamment aux yeux de la papauté, comme le défenseur en Occident de la foi et de l'Église[45]. Charles Martel reçoit le titre de « Très Chrétien » accordé par le pape et auquel ont droit tous ses successeurs.

     
    Carte rétrospective de l'empire carolingien sous Charlemagne.

    Pépin le Bref décide de restituer les terres accaparées par son père en précaire à la demande du roi (precaria verbo regis)[46] et procède à un assainissement de l'Église Franque sous le contrôle de Boniface de Mayence ce qui lui assure le soutien papal. En 750, Pépin le Bref envoie une délégation franque auprès du pape Zacharie, pour lui demander l'autorisation de mettre fin au règne décadent des Mérovingiens, et donc de prendre la couronne à la place de Childéric III et d'instaurer la dynastie des Carolingiens dont il est le premier représentant. Ce que Zacharie accepte en déclarant que « Mieux vaut appeler roi celui qui possède le pouvoir plutôt que celui qui ne l'a pas»[47]. En novembre 751, Pépin dépose Childéric III, puis se fait élire roi des Francs, à Soissons, en se faisant acclamer par une assemblée d'évêques, de nobles et de leudes (grands du royaume)[47]. L'alliance avec la papauté se confirme avec le nouveau pape Étienne II, successeur de Zacharie mort en 752, qui doit demander l'aide militaire de Pépin contre les Lombards et leur roi Aistulf (ou Astolf) qui menacent Rome. Il accepte et lui promet de laisser l'exarchat de Ravenne et le Duché de Rome. Il est alors sacré par le pape[48].

    En 774, Charlemagne défait Didier, roi des Lombards, qui menace le pape, et s'empare de ses États. L'exarchat byzantin de Ravenne n'est tombé que vingt-trois ans plus tôt et c'est donc une région très cultivée qui passe sous domination franque. D'autre part, les Francs considèrent qu'il n'y a plus d'empereur depuis que l'impératrice Irène a fait crever les yeux de son fils Constantin VI et pris le pouvoir en 797[49]. L'idée de restauration de l'Empire romain (renovatio), semble avoir été inspirée par les lettrés qui entourent Charlemagne, mais l'idée est activement soutenue par Rome qui y voit le moyen d'assurer définitivement sa sécurité. Le 25 avril 799, le pape Léon III est victime d'un complot ourdi par l'aristocratie romaine (il avait été nommé sans son approbation). Au cours d'une procession, il est assailli, jeté à terre et frappé. Relevé à demi-mort, il est porté tout en sang dans la cellule d'un monastère[50]. Délivré par deux missi dominici, il s'enfuit et vient implorer le secours de Charlemagne. Celui-ci entre dans Rome et obtient la réhabilitation du pape le 23 décembre 800. Ce dernier le couronne empereur des Romains le jour de Noël 800 (2 jours plus tard)[50]. En 812, par le traité d’Aix-la-Chapelle, l’empereur d'Orient Michel Ier reconnaît Charlemagne comme empereur d’Occident.

    La concentration du savoir modifier

    Le royaume franc puis l'empire carolingien constituent un espace de sécurité en Europe, mais aussi une terre à évangéliser. La vocation missionnaire et les invasions des Vikings poussent des érudits irlandais et northombriens à venir[51]. La Gaule est parcourue, depuis le VIe siècle par des missionnaires et pèlerins provenant des îles britanniques ou d'Italie. Ces influences très différentes provoquent de fortes disparités au niveau des règles monastiques et liturgiques. Ils contribuent avec l'instauration de la règle de saint Benoît (grâce à Benoît d'Aniane) à la vague monastique carolingienne. Rome soutient activement la fondation de nombreux monastères en leur confiant de nombreuses reliques[52]. Le soutien de Rome explique la présence à la cour des Carolingiens d'érudits italiens comme Paul Diacre et Pierre de Pise.

    De la même manière, la chute du royaume wisigoth, au VIIIe siècle, lors de l'invasion de la péninsule ibérique par les Sarrasins pousse des intellectuels et ecclésiastiques à rejoindre le royaume Franc. C'est ainsi que de grands esprits wisigoths comme Théodulf d'Orléans ou Benoît d'Aniane vont rejoindre la cour de Charlemagne.

    La renaissance carolingienne modifier

    Les étapes du renouveau culturel et spirituel modifier

    Les carolingiens: des rois ouverts à la culture modifier

     
    Boniface de Mayence
    (1) Baptisant un converti (2) Martyrisé
    Abbaye de Fulda (XIe siècle)
    .

    Les carolingiens, issu d'une famille de maires du palais ne sont pas rois de droit. Il appuient leur revendication à la couronne par une intense propagande destinée à discréditer les mérovingiens et à montrer qu'ils gouvernent le pays de fait et qu'ils sont les meilleurs soutiens de l'Église en Europe. dès lors, Charles Martel s'entoure de conseillers religieux tels que Boniface de Mayence et il soutient activement l'évangélisation des territoires qu'il conquiert. Il ne sait pas lire, mais il met un point d'honneur, a ce que ses fils reçoivent une solide éducation. S'il ne faut pas surestimer le niveau de l'enseignement qu'ils reçoivent à l'abbaye de Saint-Denis[53], ils ont l'esprit ouvert à la culture et sont pieux à tel point qu'en 747 Carloman choisit la vie monastique en Italie et laisse à son frère cadet Pépin le Bref les rênes du royaume franc[54].

    Pépin le Bref : assainissement du clergé et unification liturgique modifier

     
    Christ en majesté, parchemin du Maitre de la cour de Charlemagne, vers 780.

    Pépin le Bref qui a été instruit à l'abbaye de Saint-Denis, fait travailler les meilleurs scribes dans sa chancellerie (on retrouve Benoît d'Aniane ou Chrodegang de Metz dans son entourage). Sous l'influence de Boniface de Mayence, Pépin le Bref, comme son frère, mène une politique d'assainissement de l'Église. Des conciles sont organisés en Neustrie et en Austrasie pour donner une nouvelle hiérarchie au sein du clergé franc, à la tête de laquelle on trouve Boniface comme dirigeant des différents évêques répartis dans différentes villes du royaume. Les prêtres indignes sont destitués. Pépin décide de restituer les terres accaparées par son père en précaire à la demande du roi (precaria verbo regis)[46]. Théoriquement, les nominations d'évêques auraient dû échoir au Pape, mais une fois sacré, Pépin reprend les choses en main dès 755[55]. Il charge l'évêque Chrodegang de Metz de la réforme du clergé et de rédaction d'une règle des chanoines appelée Regula vitae communis et inspirée de la règle de saint Benoît.

    Chrodegang, déjà fondateur de trois abbayes (Saint-Avold, Gorze et Lorsch), a d'autre part élaboré le chant messin, une synthèse du « vieux chant romain » (découvert lors d'un voyage à Rome) avec le chant gallican, et qui est l'ancêtre du chant grégorien[56]. Il convainc Pépin le Bref de faire adopter la liturgie romaine par le concile de Quierzy. D'après la chronique du moine de Saint-Gall, le pape Étienne, pour soutenir cette politique, lui envoie douze chantres pour aider à la diffusion de ces modifications liturgiques[57]. Quand Paul Ier monte sur le saint siège, ce soutien du renouveau culturel se poursuit : par l'accueil de moines en Italie pour les former au chant et à la liturgie et par l'envoi d'ouvrages[58]. Par exemple, le pontife écrit à Pépin :

    « Nous vous envoyons tous les livres que nous avons pu trouver, savoir l’Antiphonaire, le Responsal, la Dialectique d'Aristote, les livres de saint Denys l'Aréopagite, la Géométrie, l'Orthographe, la Grammaire, et une horloge nocturne[59]. »

    Charlemagne: L'école palatine modifier

     
    Charlemagne, entouré des ses principaux officiers, reçoit Alcuin qui lui présente des manuscrits, ouvrage de ses moines, Victor Schnetz.

    Charlemagne, lui-même instruit, continue l'œuvre de son père, tout en définissant un programme politique général dans lequel la culture tient une place importante. Son ambition est de créer un vaste espace politique et religieux. Les lettres et les arts sont des éléments de prestige et Charlemagne souhaite rivaliser avec les autres cours, en particulier avec Byzance et Rome. Pour cela, il fait venir dans son palais les meilleurs esprits de son époque. Le roi, qui devient empereur en 800, les écoute, leur demande conseil et les récompense. Les lettrés les plus connus de la cour de Charlemagne, qui constituent la première génération de la Renaissance carolingienne sont principalement des lettrés italiens tels que Paulin d'Aquilée, Pierre de Pise ou Paul Diacre.

    Paul Diacre est l'auteur de nombreux poèmes, fables ou d'ouvrages historiques (Gesta episcoporum Mettensium, Historia Romana, Historia Langobardorum, Vita beati Gregorii papae)[60]. Paulin d'Aquilée grammairien, poète et théologien italien, issu probablement d'une famille romaine est éduqué à l'école patriarcale de la ville et, après son ordination, il en devient le maître. Il acquiert une vaste culture tant latine et païenne que chrétienne et il a une connaissance approfondie du droit, de l'Écriture sainte, de la théologie et de la patristique. Charlemagne remarque ses capacités et il le fait venir à la cour en 776 pour y être "maître royal de grammaire". Là, Paulin rencontre les autres érudits carolingiens comme Eginhard ou Pierre de Pise et, bien sûr, Alcuin qui le considère comme son maître. Paulin est également le conseiller de Charlemagne en matière religieuse. Charlemagne le nomme patriarche d'Aquilée en 787, diocèse qu'il administre avec efficacité.

     
    Eginhard écrivant. Grandes Chroniques de France

    Les premiers Irlandais à la cour sont Clément le grammairien, que Charlemagne nomme maître de l'École palatine vers 774 et lui envoie de "nombreux jeunes, de noble, moyenne comme d'humble naissance" et Ailbe a qui il confie le monastère de St-Augustin de Pavie "de façon que tous ceux qui le voulaient puissent s'y rendre et écouter son enseignement"[51]. Les Irlandais ont apporté une tradition d'érudition différente, se fondant essentiellement sur l'enseignement du grec, les néo-platonistes, les Pères grecs et Marcianus Capella[51].

    Eginhard architecte, historien et biographe de Charlemagne puis de Louis le Pieux, est lui d'origine germanique. il est l'auteur deVita et gesta Caroli Magni, de Annales regnum Francorum. Charlemagne le prend pour secrétaire et lui confie la surveillance des travaux de construction de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle et celle des palais d’Aix et d’Ingelheim. Il dispose d'ouvrages d'architectes antiques tels que le Traité d'architecture de Vitruve[61]. En 827, il fait venir de Rome des reliques de saint Marcellin et de saint Pierre, et fonde le monastère de Seligenstadt. En 830, il fonde une abbaye bénédictine à Mulinheim[62]

    Mais, le véritable fondateur de l'école palatine à Aix-la-Chapelle est Alcuin: arrivé d’Angleterre en 782, il devient l’un des principaux conseillers de l’empereur. Il prend part aux principaux conciles et y combat l'adoptianisme. Il participe à la réforme liturgique, et en particulier à la révision des livres comme le Lectionnaire, le Sacramentaire grégoriens et la fameuse bible d’Alcuin. Mais surtout, il met en place un vaste programme d'éducation reprenant la structure des sept arts libéraux de Martianus Capella, Cassiodore et Boèce, conservés par Isidore de Séville et développés par Bède le Vénérable. Les arts libéraux comprennent trois disciplines littéraires (trivium) :

    • la grammaire ;
    • la rhétorique ;
    • la dialectique ;

    et quatre disciplines scientifiques (quadrivium) :

    • l’arithmétique ;
    • la géométrie ;
    • l’astronomie ;
    • la musique.

    Le lecteur trouvera des exemples de problèmes mathématiques posés par Alcuin sur le site suivant: Noctes Gallicanae

    L'école palatine est un centre de savoir et d'enseignement, mais aussi un lieu de production et de copie de livres. Elle délivre de l'enseignement de haut niveau pour former les futures élites laïques et religieuses. Elle se charge aussi de copier et préserver des œuvres liturgiques mais aussi païennes qui servent à l'apprentissage de la littérature latine et des arts libéraux. Les manuscrits sont envoyés à l'école depuis les abbayes du royaume pour y être copiés et inversement des copies sont données aux abbayes. Ces œuvres sont utilisées pour l'enseignement clérical ou laïc donné par l'école locale. Cette production accrue de l'écrit, entraîne l'apparition de très grandes bibliothèques, comme celle d'Angilbert, à l'abbaye de Saint-Riquier[63].

    Alors que c'étaient des érudits italiens qui représentaient le groupe le plus influent à la cour carolingienne avant l'arrivée d'Alcuin, c'est l'influence anglo-saxonne qui se développe avec lui. Il forme des grands noms de la génération suivante comme Raban Maur ou Théodulf. Lorsqu'il meurt, en 804, c'est un de ses élèves, Théodulf, qui lui succède comme chef de l'École Palatine[64].

     
    Raban Maur (gauche), soutenu par Alcuin (milieu), dédicace son œuvre à l'archevêque Otgar de Mayence (droite)

    Raban Maur, est un moine bénédictin, archevêque de Mayence (Allemagne) et un théologien réputé. Il est l'auteur de l'encyclopédie De la Nature des choses qui regroupe les connaissances de son époque, entre 842 et 847. C'est le de Universo, qui serait la première encyclopédie du moyen-âge, une œuvre qui passera entre les mains de nombreux moines[65]. Il a également rédigé des traités d'éducation et de grammaire et des commentaires de la Bible. Il est l'un des plus importants professeurs et auteurs de la Renaissance carolingienne. On lui donne la charge de l'école de Fulda, qui gagne en efficacité et devient l'une des principales écoles d'Occident[66]. Y sont notamment formés Walahfrid Strabo, Loup de Ferrières et Otfried de Wissembourg. C'est probablement à cette période que la grammaire de Priscien, livre très populaire au Moyen Âge, est compilée.

    Théodulf, Wisigoth (originaire de l’actuelle Espagne), poète, théologien, s’oppose à Constantinople sur la question de l’iconoclasme. L'empire hérite des qualités artistiques des artistes fuyant Byzance. Charlemagne s'appuie sur lui pour réorganiser l'enseignement qu'il organise en trois niveaux : les écoles paroissiales (gratuites), les écoles épiscopales (niveau secondaire), les écoles monastiques (pour les cadres de l'Empire)[67]. Il travaille aussi à rétablir la discipline ecclésiastique suivant les règles bénédictines en rédigeant des capitulaires : il veut que les prêtres s'adonnent à la lecture et à la prière, qu'ils respectent le célibat et la sobriété, qu'ils aient une véritable formation religieuse et intellectuelle[67]. Théodulf fait de saint Benoît un haut lieu de culture classique, il y crée deux écoles monastiques : une pour le clergé séculier, à l'extérieur, l'autre à l'intérieur pour les futurs moines (clergé régulier) qui étudient les documents anciens. Le scriptorium, qui existait avant son arrivée, produit quelques œuvres remarquables (religieuses et profanes) et il en fonde un autre à Orléans (célèbre pour ses bibles de Théodulf)[68]. Ses connaissances en géométrie furent aussi très utiles architecturalement. Il réforme le système d'hospitalisation[67].

    Louis le Pieux : réforme monastique modifier

    Benoît d'Aniane fils d'un aristocrate wisigoth, instaure une réforme religieuse en Aquitaine, puis unifie la liturgie (817). Il obtient de Charlemagne des lettres d'immunités et la reconnaissance de la liberté d'élection de l'abbé[69]. Il modifie et complète la règle de saint Benoît de Nursie avec celle de Colomban pour qu'elle puisse être appliquée uniformément et strictement à travers l'empire[70]. Il rédige la « concorde des règles », s'appuyant sur ses commentaires de la règle de saint Benoît de Nursie. Il forme des centaines de moines qui essaiment dans tout l'empire pour répandre la règle bénédictine[71]. Avec le soutien de Louis le Pieux, qui cherche à imposer l'unité religieuse de l'Empire pour constituer un cadre à son territoire, il prépare trois synodes traitant de la réforme du monachisme en 816, 817 et 818-19. Ils imposent la règle de saint Benoît, la libre-élection de l'abbé[71]. Des missi monastici veillent à l'application des décisions. Benoît veut intégrer l'abbaye dans les institutions de l'Empire, tout comme Louis Le Pieux. L'abbé devient un véritable chef de communauté.

    Autre proche conseiller de Louis le Pieux, Agobard de Lyon, érudit originaire d'Espagne rédige des ouvrages théologiques mais aussi politiques, nommé archevêque de Lyon il poursuit la politique d'assimilation de la Bourgogne à l'empire franc en remplaçant par exemple la loi gombette par la loi salique. Mais cette politique échoue et il fini par être déposé au profit d’Amalaire, autre grand réformateur de la liturgie carolingienne avant de retrouver son siège épiscopal.

    Sous Charles le Chauve: l'apogée artistique modifier

     
    couverture en ivoire des évangiles de Lorsch

    Paradoxalement, alors l'empire se disloque c'est sous le règne de Charles le Chauve que de la renaissance carolingienne atteint son apogée artistique . Sa mère, la reine Judith fort cultivée, sait lire et écrire, joue de la musique et charme son entourage par sa spiritualité. Les chroniqueurs de l'époque s'extasient devant sa science, son esprit. Le poète Walahfrid Strabo rapporte d'elle qu'elle "tournait le cœur des hommes à tout ce qu'elle voulait faisant merveilleusement vibrer les cordes des instruments sous l'archet aux doux sons". Elle sait intéresser son fils aux choses de l'esprit: de 829 à 838 Le futur roi a pour précepteurs des érudits tels Walahfrid Strabo ou Loup de Ferrières.

    Walahfrid Strabo est ancien élève des abbayes de Saint-Gall et de Saint Fulda, les poèmes [3] et les ouvrages théologiques de ce moine bénédictin connaissent un immense succès durant tout le Moyen Âge. Outre plusieurs Vies des Saints, en prose et en vers, il traduit en latin, entre autres, une version abrégée de La vie de Charlemagne d'Eginhard. Il est l'auteur de Viso Vettini (vers 825), et le Liber De Cultura Hortorum, un livre de botanique, achevé vers 827. On lui doit aussi plusieurs homélies et de diverses biographies. Il juge sa mission de précepteur impérial relativement aisée, puisque, outre sa précocité intellectuelle, il loue "la force et la grâce" de Charles.

    Loup de Ferrières (805-862) est lui formé à l'école de l'abbaye de Ferrières puis à Fulda où il côtoie Rhaban Maur et Eginhard. Tout en étudiant, il donne des cours de lettres et acquiert une grande célébrité. Ainsi, il devient précepteur du futur Charles le Chauve. Cette mission le rend très proche du souverain, qui sait l'écouter: il a joué un rôle politique et ecclésiastique important, support de Charles dans ses décisions, assistant aux conseils d'église, et mettant en vigueur les décisions de ces conseils[72]. Nommé abbé de Ferrières et il œuvre à l'étude et à la diffusion de la littérature classique avec la même ferveur que celles des humanistes de la Renaissance que l'on rencontrera plus tard. Il développe une bibliothèque importante en acquérant de nombreux manuscrits originaux, et en copiant (et corrigeant souvent) les manuscrits empruntés à d'autres monastères. Il prend part à la controverse de l'époque au sujet de la prédestination et rédige sur le sujet De tribus quaestionibus, qui traite de la liberté de pensée, la prédestination et de la rédemption[73]. Cette œuvre marque la pensée théologique pendant tout le Moyen Âge. D'autre part, il entretient une abondante correspondance avec les autres érudits de l'époque traitant de sujets littéraires. Un de ses plus brillant élèves est Saint Adon (800-875), évêque de Vienne, auteur du "Martyrologue" et de sa "Chronique Universelle".

     
    Jean Scot Erigène

    Après son couronnement, Charles le Chauve vit donc à Quierzy-sur-Oise, entouré de nombreux érudits: sa cour est la plus brillante des trois royaumes carolingiens. Outre Walahfrid Strabo ou Loup de Ferrières elle est fréquenté par des lettrés de grande envergure. Ainsi le philosophe et théologien d'origine irlandaise, Jean Scot Erigène, qui maîtrise admirablement le grec, enseigne les arts libéraux et la théologie, traduit en latin des œuvres de Pseudo-Denys l'Aréopagite et de Maxime le Confesseur. En 866 il élabore une synthèse néoplatonicienne: De Divisione Naturae qui fait de lui un précurseur de la philosophie chrétienne[74]. Sa grande érudition pousse Charles le Chauve à le nommer à la tête de l'École Palatine.

    Le chroniqueur Franc Nithard est le cousin germain de Charles le Chauve, le petit-fils de Charlemagne et le fils du célèbre poète Angilbert, surnommé "l'Homère de la cour de Charlemagne". Son sens avisé et aigu de la diplomatie incite à plusieurs reprises Charles le Chauve à lui confier des missions d'importance. S'en acquittant avec succès, Nithard devient l'un des plus influents conseillers du roi. Connaissant et étudiant les œuvres des auteurs anciens (Salluste, Tite Live, Virgile, Tacite ou Cicéron), Nithard entreprend d'écrire en latin, à la demande de Charles le Chauve, une Histoire des fils de Louis le Pieux. Un ouvrage pour lequel il se sert, comme l'a fait Eginhard pour La Vie de Charlemagne, de ses notes personnelles et de documents officiels.

    Hincmar, archevêque de Reims de 845 à 882, a une influence considérable sur Charles le Chauve, dont il devient le conseiller après la disparition de Nithard, et dont il sera également, plus tard, l'exécuteur testamentaire. Forte personnalité, Hincmar est le fondateur de l'hôpital Saint Bernard et du collège des Bons Enfants. Il est encouragé par le roi a la rédaction de nombreux livres. Dans Miroir des princes, compilation des œuvres de saint Augustin, de saint Ambroise et de saint Grégoire, il fait non seulement le point sur la royauté mais aussi sur le droit du souverain à punir ou gracier ceux qui l'ont offensé. Cet essai a vraisemblablement été inspiré par le supplice des yeux crevés que Charles le Chauve fait subir, en 873, à son fils rebelle Carloman.

     
    plan du monastère de Saint Gall

    Dans un ouvrage, écrit en 875, Hincmar demande aux hautes autorités de l'Église de protéger le royaume et la reine Richilde durant l'absence de Charles, parti recevoir le sacre impérial par Jean VIII à Rome. Il inspire de la pensée politique de l'époque par ses lettres et la rédaction de De ordine palatii: un tableau des institutions carolingiennes[74].

    L'École Palatine fondée par Charlemagne ne dédaignait pas les poèmes courtois (avec Pierre de Pise par exemple), les lettrés de la Cour de Charles le Chauve s'attachent eux presque exclusivement aux questions religieuses. Et, lorsqu'un humaniste comme Loup, abbé de Ferrières, décide de faire partager ses études sur les œuvres de l'Antiquité, c'est uniquement au travers d'une riche correspondance, qu'il entretient notamment avec Eginhard ou avec Alcuin.

    Les monastères de Lorsch, Wurzbourg, Reicheneau ou Saint-Gall ont une intense activité de copie des manuscrits antiques. On doit aux orfèvres et sculpteurs de l'époque de superbes couvertures en ivoire pour les manuscrits enluminés tels que les évangiles de Lorsch, de Saint Lucipin ou de Metz, les sacramentaires de Drogon, Gaulzin ou de Charles le Chauve... Architecturalement, aussi c'est l'apogée de la renaissance carolingienne avec les abbayes de Corvey et de Saint-Gall dont le plan est la première tentative connue d'organisation de l'espace au Moyen Âge[74]:Il respecte la règle bénédictine qui préconise que le monastère englobe l'ensemble des activités économiques, religieuses et sociales indispensables à la vie quotidienne, tout en respectant une symbolique théologique car il est conçu comme un ville idéale: la Jérusalem céleste[75].

    Un empire structuré facilitant la propagation du savoir modifier

    Organisation de l'administration de l'éducation modifier

     
    Enluminure issue du Sacramentaire de Drogon

    La capitale de l'empire est en son centre, à Aix-la-Chapelle, où Alcuin dirige une école pour les cadres de l'empire, qui y apprennent un minimum en matière d'administration, de lecture, de religion. Les grands du royaume y envoient leurs fils y étudier.

    Le monachisme irlandais et l'instauration de la règle de saint Benoît conduisent à la création de nombreux monastères et écoles dans tout l'empire, en particulier grâce à Benoît d'Aniane. Ces monastères avec leurs deux écoles intérieure et extérieure, leur bibliothèque et leur scriptorium sont la base de la renaissance carolingienne. Charlemagne prévoit dans son capitulaire Admonitio Generalis de 789, « que dans chaque évêché, dans chaque monastère, on enseigne les psaumes, les notes, le chant, le comput, la grammaire et qu'on ait des livres soigneusement corrigés »[76]. Le nombre d'écoles augmente encore après le concile de Mayence de 813 qui ordonne la création d'écoles rurales pour former de jeunes prêtres[76].

    L'empire est divisé en environ 300 comtés (subdivisés en pagis) et se structure administrativement : les missi dominici, qui vont par deux (un comte et un évêque)[77]. Les directives élaborées à la cour sont communiquées par les capitulaires.

    Uniformisation de l'écriture modifier

     
    Minuscule Caroline

    Charlemagne développe l’utilisation de l’écrit comme moyen de diffusion de la connaissance, et particulièrement l’usage de la langue latine. S'appuyant sur les érudits britanniques comme Alcuin le latin médiéval[78] s'uniformise et incorpore des mots nouveaux (avec des racines grecques ou germaniques) pour servir de langue internationale. Vers 770, la mise au point par des scribes de l'Abbaye de Corbis d’une nouvelle écriture, la petite Caroline permet de gagner en lisibilité car les mots sont séparés les uns des autres, et les lettres sont mieux formées[76],[79]. Des ateliers de copie (scriptoria) se développent dans les abbayes carolingiennes : Saint-Martin de Tours, Corbie, Saint-Riquier... Les connaissances s'échangent dans toute l'Europe. À la fin du VIIIe siècle et au début du IXe, on avait ainsi recopié Hippocrate à Saint-Gall, Pline à Corbie, à Saint-Gall et à Saint-Denis, Dioscoride à Fleury-sur-Loire, Galien à Fleury-sur-Loire et à Saint-Gall, Columelle à Corbie, Palladius à Saint-Gall et à Saint-Denis, Isidore à Tours, Fleury, Luxeuil et Saint-Gall, Apicius à Tours, Marcellus à Fulda, lui-même recopié dans le Nord-Est de la France au début du IXe siècle, Cassiodore à Tours, Corbie, Saint-Gall, Saint-Denis, Alcuin à Tours, Fleury et Saint-Gall, Vitruve à Jarrow, Fulda et Reichenau ... [80] [65][61].

    Uniformisation comptable et monétaire modifier

    La diminution du numéraire en or du fait d'un commerce déficitaire avec le monde musulman (soit directement soit via Byzance)[81] et avec la diminution des échanges avec le monde méditerranéen du fait de la perte de contrôle de la Méditerranée par Byzance rend nécessaire l'adoption d'une monnaie frappée avec un minerai plus abondant en Europe que l'or. D'autre part il faut une monnaie de valeur plus faible adaptée aux transactions[82]. Le développement du commerce autour de la mer du nord entraîne la frappe de monnaies d'argent par les Frisons et les Anglo-saxons dès 680[82]. Au début du règne des pippinides les différentes parties de l'empire utilisent des monnaies différentes ce qui freine les échanges. En 755, Pépin le Bref prend le contrôle de Dorestadt et des ateliers de frappe de monnaie frisons, le roi affirme son monopole à battre monnaie ordonnant la frappe d'un denier d'argent normalisé, orné de son monogramme[83].

     
    Denier sous Charlemagne

    Dans le même esprit, Charlemagne institue par capitulaire en 794, un système basé sur une masse d'argent : la livre correspond a un poids de 409 grammes d'argent[84]. Il se fonde sur des monnaies de l'Empire romain : le solidus ou sol et le denier. Une livre vaut 240 deniers. Un sol (un sou) vaut 12 deniers soit un vingtième de livre tournois. Circulent aussi des oboles (1/2 denier) et des pictes (quarts de denier)[84]. Le sol et la livre servent de monnaie de compte : un « sol de farine » est la quantité de farine que l'on peut acheter avec 12 deniers[85]. Cette uniformisation de la monnaie facilite les transactions commerciales à travers l'empire et donc augmente les échanges entre les différentes régions. Une véritable révolution économique est lancée, l'utilisation de la monnaie s'accélère et est attestée même pour des échanges modestes[86]. Une des implications est qu'il devient rentable de produire des surplus agricoles susceptibles d'être vendus. La voie est ouverte au développement démographique et à la mutation progressive vers une société plus commerçante, artisanale et citadine.

    Les carolingiens ont pris d'autres mesures pour favoriser le commerce : ils entretiennent les routes, favorisent les foires (Charles Martel autorise la création de marchés ruraux dans les vici dès 744[85])... Cependant ce commerce est étroitement encadré (les prix sont fixés depuis 794, l'exportation des armes est prohibé) et taxé[87]. Ceci permet au souverain de récupérer les entrées fiscales et les produits précieux nécessaires à l'entretient de ses vassaux.

    Conséquences artistiques modifier

    Influences Byzantines modifier

    Charlemagne est couronné empereur d'Occident (empereur du Saint-Empire romain germanique) en 800 à Rome. Il est ébloui par les splendeurs du Latran et il prend goût à l'art méditerranéen. Il contribue à la renovatio (renaissance) de la connaissance et la culture romaine de l'Ouest, et ainsi devient le mécène par excellence des arts de son temps. Il souhaite s'établir comme héritier des grands empereurs de l'Antiquité, favoriser et lier les accomplissements artistiques de l'art paléochrétien et de la culture byzantine avec les réalisations propres à la culture franque. Politiquement, il faut imposer son empire face à l'empire byzantin[88] : les Francs considèrent qu'il n'y a plus d'empereur depuis que l'impératrice Irène a fait crever les yeux de son fils Constantin VI et pris le pouvoir[49]. Cela passe par un rayonnement culturel à la mesure de l'Empire romain ou de Byzance[89].

     
    Statue-reliquaire de Sainte-Foy (IXe siècle). Trésor de l'abbatiale Sainte-Foy de Conques

    Cela va pourtant au-delà d'un désir conscient de vouloir faire revivre la culture de l'ancienne Rome. Pendant le règne de Charlemagne, la controverse iconoclaste divise l'empire byzantin. Charlemagne se place au centre, ne permettant pas la destruction complète des images humaines (iconoclasme), mais n'allant pas non plus jusqu'à permettre leur vénération (iconodulie). Cette décision de ne pas être iconoclaste en principe, et de permettre d'utiliser les figures humaines avec modération, a d'immenses conséquences, puisque c'est par l'art carolingien que l'art roman de l'Ouest et l'art gothique se développent — si Charlemagne s'était rallié aux iconoclastes, l'histoire de l'art de l'Ouest aurait été très différente, et il n'aurait pu bénéficier de l'apport des artistes fuyant Byzance. Les travaux sur métaux, la sculpture sur ivoire, les mosaïques et les fresques de cette période subsistent.

    Orfèvrerie modifier

    Les Francs sont réputés pour les œuvres d'orfèvreries de longue date. Beaucoup sont réalisées à l'époque carolingienne: la première statue reliquaire de France date de 875 et représente Sainte Foix de Conques, La couronne en fer dite lombarde des rois d'Italie de 850, le trône de "Dagobert" de 850[90], le Calice de Tassilon en cuivre et en or avec une décoration en argent daté de 781 et conservé en Autriche à la cathédrale de Krens. Devant s'adapter au paganisme qu'il doit convertir le christianisme promeut le culte des reliques. Celles ci se multiplient et permettent à de nombreuses abbayes d'attirer des pèlerins. Citons le reliquaire de l'abbaye d'Enger de 800, le sacramentaire de Drogon datant de 850 et conservé à Metz, la chasse de St Vaast qui date de 852, l'autel portatif d'Adelhaus décoré de plaquettes d'argent avec une croix en émail et incrusté de cuivre. les entrelacs sont niellés. Cet ensemble date de 850. Enfin, évoquons les reliques de Pépin conservées à Conques et datant de 825.

    Architecture modifier

     
    Charlemagne sur le chantier d’Aix-la-Chapelle, enluminure de Jean Fouquet, dans les Grandes Chroniques de France, XVe siècle.
     
    Coupe de la chapelle palatine
     
    Vue intérieure de la Chapelle palatine

    L’architecture connaît un essor considérable : de 768 à 855 sont construits 27 cathédrales, 417 monastères, et 100 résidences palatines[91] (7 cathédrales, 232 monastères et 65 palais pour le seul règne de Charlemagne[92]). L’art architectural qui s’y exprime préfigure l’art roman, symbiose des conceptions antiques que l’on retrouve dans les basiliques et les rotondes et les conceptions du haut Moyen-Âge (qui y adjoint volontiers des tours). L'architecture carolingienne reprend donc les éléments romains, wisigothiques et mérovingiens mais préfigure la grande période du Roman : on le qualifie d'art préroman[91]. De la période carolingienne et romane, il s’est conservé plus de cinquante manuscrits (entiers ou en fragments) du grand classique d’architecture, rédigé au temps d’Auguste par l'architecte théoricien Vitruve[61].

    Le plan architectural des églises est souvent le même, reprenant le plan centré et basilical de la haute Antiquité mais avec une certaine adaptation. En effet, l'espace humble et intime des abbatiales, basiliques ou autres oratoires mérovingiens fait place au volume imposant des monuments Carolingiens, dont la grandeur est dictée par le retour des proportions antiques, particulièrement celle de la basilique romaine[93]. Toutefois certains de ces monuments sont bâtis sur le plan hexagonal des églises d’Orient. Une coupole surmonte l'édifice. Le porche est voûté et surmonté d'une église antérieure. Le chœur de l'édifice est placé à l'est, conformément à la liturgie romaine, auquel répond un second chœur identique à l'ouest auxquels s'ajoutent deux absides. Le décor utilise des motifs végétaux, les feuillages, des tresses et cercles de diverses couleurs et emploie des éléments de l'architecture antique[91].

    Beaucoup de ces édifices ont été reconstruits ultérieurement, mais certains ont traversé les siècles et témoignent encore de ce renouveau architectural : la chapelle palatine dans le palais d'Aix-la-Chapelle, Saint-Riquier dans la Somme, Saint-Benoit-sur-Loire dans le Loiret, Ebreuil dans l'Allier mais également l'abbaye de Beauvais, la petite église de Germigny-des-Prés dans le Loiret, St-Germain dans les Côtes-d'or, Saint-Philibert-de-Grand-lieu dans le département de Loire-Atlantique et Saint-Pierre de Jumièges en Seine-Maritime[91]...

    L'art pré-roman voit l'édification d'édifices encore plus complexes. La nef centrale est séparée par des pilliers de deux bas-côtés. Surtout, il n'y a pas de transept mais l'édifice présente plusieurs absides. Les églises pré-roman typiques sont les églises de Saint Guilhem-le-Désert en Hérault, Saint Martin d'Aisne en Savoie et Saint-Philibert de Tournus[91].

    Enfin on note à la fin de la renaissance carolingienne l'apparition d'une organisation de l'espace dans la construction du monastère de Saint-Gall. Il est très clairement construit en respectant la règle bénédictine qui préconise que le monastère englobe l'ensemble des activités économiques, religieuses et sociales indispensables à la vie quotidienne. Il doit comprendre un moulin, une boulangerie et des écuries, le tout réuni à l'intérieur de l'enceinte afin que les moines aient le moins souvent possible le besoin d'en sortir[94].

    Les vitraux apparaissent vers l'an 800. Au VIIe siècle, les fours de verriers se multiplient, dans le royaume franc traduisant une production importante de verre. Fort de leur savoir faire verrier, les mérovingiens prennent l'habitude de mettre des vitres aux églises[95]. Le but est surtout utilitaire: la protection contre le vent et des intempéries et le verre n'est donc pas coloré. En 670, des artisans francs sont chargés de mettre des vitres aux églises anglaises, preuve de leur renommé en la matière[95]. Le premier vitrail est créé en Germanie, l'idée est de colorer le verre pour que la lumière du jour puisse éclairer la nef de couleurs resplendissantes. Le thème du vitrail s'inspire d'un épisode de la Bible et permet de retenir un enseignement religieux par l'image. Ce modèle est imité dans toute l'Europe occidentale[91].

    L'architecture carolingienne préfigure les architectures ottonienne et romane.

    Manuscrits modifier

    D'autre part la multiplication des scriptoria et la forte demande de diffusion de livres et en particulier d'évangiles et de bibles pour les nombreux prêtres ruraux formés pour l'unification religieuse de l'empire accroissent la production de manuscrits. Sous la direction de Charlemagne, de nouveaux Évangiles et œuvres liturgiques mais aussi des documents de type historique, littéraire et scientifique d'auteurs anciens, sont copiés.

    Leur réalisation est plus ou moins soignée en fonction de la destination du livre. Les enluminures sont particulièrement riches pour les manuscrits royaux, comme l'évangéliaire de Charlemagne réalisé à Aix-la-Chapelle où les meilleurs artistes sont regroupés. Dans ces chefs d'œuvre convergent les influences byzantines, irlandaises ou antiques[96]. Ces œuvres d'art sont très coûteuses et les artistes capables de les réaliser ne sont présents que dans quelques centres comme Aix-la-Chapelle, Tours, Reims, Metz, Saint-Benoît-sur-Loire[97]... Ces manuscrits dont la réalisation pouvait durer jusqu'à un an coûtaient une fortune: Pour 400 pages de parchemin, il faut un centaine de moutons, des encres très onéreuses (le bleu outremer nécessite des pierres broyées de lapis-lazuli en provenance de Bactriane au confins de l'Asie mineure par exemple!), de l'or voir de l'ivoire d'éléphant pour certaines couvertures[97]! Le nombres de livres produit fut donc relativement limité: la collection intégrale de Charles le Chauve compte probablement entre 30 et 40 manuscrits, dont une dizaine étaient enluminés[97].

    On peut visualiser un certain nombre de ces manuscrits avec l'exposition virtuelle sur l'art carolingien visible sur le Site de la Bibliothèque Nationale de France

    À degré de raffinement moindre, se développe la peinture provinciale dans les autres centres abbatiaux du nord de la France. Les artistes n'ont pas encore la maîtrise qui prévaut à Aix, et l'objectif semble plus quantitatif (il y a un grand besoin de manuscrits pour pouvoir suivre l'ambitieux programme d'enseignement voulu par Charlemagne)[98].

    Littérature modifier

    Les carolingiens encouragent les créations littéraires et poétiques. En particulier à la cours de Charlemagne Paul Diacre, Théodulf, Angilbert ou Cathuulf composent des poèmes y compris sur des sujets légers[99]. Plus tard, sous Louis le Pieux ou Charles le Chauve, les œuvres sont plus axées sur des sujets religieux (Héliand par exemple compose en 822-830 la "Vie du Christ"), mais on peut citer les poèmes d'Ermold le Noir ou de Florus Diacre. Dans le même ordre d'idée Paul Diacre est l'auteur de nombreuses fables. La littérature carolingienne donne les premières épopées de la littérature occidentale médiévale: le Chant d'Hildebrand est la première épopée de l'histoire en Haut Allemand composée en 820[100]. Le "Cantilène de saint Eulalie", composée en 881 est le premier poème en langue d'oïl[100].

    Sont aussi rédigés de nombreux ouvrages historiques. On doit à Paul Diacre (Gesta episcoporum Mettensium, Historia Romana, Historia Langobardorum, Vita beati Gregorii papae)[60]. Eginhard rédige Vita et gesta Caroli Magni, Annales regnum Francorum et 62 Lettres. Autre biographie de Charlemagne, le De Carolo Magno (ou Gesta Caroli Magni) est aussi célèbre que la "Vita Karoli", son auteur est un moine de Saint-Gall, probablement Notker le Bègue. Nithard, le fils d'Angilbert et petit fils de Charlemagne est l'auteur d'une Histoire des fils de Louis le Pieux en quatre livres. Enfin, Hilduin (775-859) rédige la chronique de l'empereur Louis Ier[100].

    On citera des ouvrages encyclopédiques: en particulier Raban Maur qui regroupe les connaissances de son époque dans De Rerum Natura ou De Universo [4].

    Certaines œuvres sont davantage politiques et cherchent à conseiller le prince selon une morale chrétienne. Par exemple Sédulius Scott, poète irlandais, compose son Miroir du prince en 848[100]. Autre ouvrage théologique d'importance à la fois religieuse et politique: les Livres Carolins (vers 790) dictés par Charlemagne sur le problème des icônes et de l'iconoclasme. L'objectif de ce texte théologique publié partout dans l'empire est de condamner l'attitude du Basileus sur ce point et de contester sa prééminence religieuse en tant que chef temporel et spirituel de l'Église.

    Dans le domaine spirituel on trouve de magnifiques traités, preuve que l'homme de l'époque s'interroge sur sa raison d'être et son devenir. Jean Scot Erigène s’interroge sur la raison et la foi dans son célèbre ouvrage De divisione Naturae de 865: cette œuvre philosophique est sans cesse lue et commentée pendant tout le moyen-âge. De 805 à 868, le théologien Gottschalk s'interroge sur la prédestination de l'homme à connaître le salut du paradis. En 875, Ottfried de Wissembourg compose le Livre des Evangiles. Entre 805 et 862, Loup de Ferrières impulse un élan important à la théologie avec De tribus quaestionibus. Autre théologien de cette période, Rémi d'Auxerre (841 à 908) développe des commentaires sur la Genèse et sur les psaumes qui ont aussi une influence certaine tout au long du Moyen Âge[100]. On citera encore, Walafrid Strabon, abbé de Reichneau avec son exégèse de la bible Glossa ordinaria ou Saint Adon (800-875), évêque de Vienne, auteur du Martyrologue et de sa Chronique Universelle[100]...

    Au total, il y a à cette époque une importante production d'œuvres poétiques, théologiques ou encyclopédiques originales qui peuvent être copiées et diffusées à travers le monde carolingien.

    Chant grégorien modifier

    De la même manière, c'est pour unifier culturellement le royaume franc que le chant romain est importé depuis l'Italie à la demande Pépin le Bref, convaincu par Chrodegang de Metz de faire adopter la liturgie romaine par le concile de Quierzy de 754. De la même manière, en 786, Charlemagne obtient du pape Paul Ier un sacramentaire grégorien qui lui permet d'introduire la liturgie romaine et d'éliminer les liturgies locales. L'alignement du chant gallican sur les pratiques romaines par Chrodegang entraine une révolution musicale avec l'invention de la polyphonie par le biais des neumes, signes qui permettent de marquer la hauteur du son sur une partition et des tropes, syllabes d'un texte placées sous les neumes[76]. Les bases du contrepoint mélodique sont posées et durent jusqu'au Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels de Rameau en 1722[76].

    Paul Diacre écrit un poème qui inspirera, vers l'an mil, le nom des notes[101]:

     
    extrait du Kyrie eleison (Orbis factor) en notation grégorienne.

    "Ut queant laxis
    Resonare fibris
    Mira gestorum
    Famuli tuorum
    Solve polluti
    Labii reatum
    Sancte Johannes"

    Fin de la renaissance modifier

     
    Première partition de l'Empire d'Occident par le traité de Verdun (843).

    Puissant et bien structuré, l'empire carolingien présente cependant une faiblesse. En l'absence de guerre l'État n'est pas assez riche pour entretenir ses vassaux. Charlemagne a réussi à maintenir l'unité de l'empire au prix de guerres incessantes, d'une surveillance accrue de ses comtes et évêques qu'il assermente. Mais son fils Louis le Pieux doit concéder des terres en pleine propriété et non plus à titre d'usufruit viager comme le faisait son père qui récupérait ainsi ses terres à la mort de ses vassaux[102]. Les règles de partage équitable des terres entre les héritiers conduisent au morcellement de l'empire après Louis le Pieux. Quand les fils de Louis le Pieux s'entre-déchirent pour le partage de l'empire, ils doivent donner de plus en plus d'indépendance à leurs vassaux pour conserver leur soutien[103]. Par exemple, le roi Charles le Chauve garantit à ses seigneurs la faculté de léguer leurs terres à leur héritier par le capitulaire de Quierzy-sur-Oise du 16 juin 877[104]. Le pouvoir royal s'affaiblit considérablement et l'Europe se divise en principautés entre lesquelles les communications diminuent[79]. Avec le ralentissement des communications la culture générale baisse. Vers la fin du règne des Carolingiens, vers 900, la production artistique s'arrête durant trois générations. Il faut attendre le Xe siècle pour que se recréent sous l'impulsion des Ottoniens des États puissants et pérennes en Europe.

    Conséquences modifier

    En 877 Charles le Chauve meurt. Son règne aura été celui de l'apogée artistique de la renaissance carolingienne. Mais la désagrégation de l'empire s'aggrave, des charges ecclésiastiques sont données à des laïcs par des princes soucieux de récompenser leurs vassaux. L'Église sombre dans une crise plus profonde encore que celle du VIIe siècle[105]. La renaissance aura au total duré quelques décennies et l'ambitieux programme de rénovation culturel voulu par Charlemagne n'aura eu qu'une pénétration superficielle de la société. Il touche essentiellement les ecclésiastiques et la haute aristocratie. L'enseignement des prêtres dont Charlemagne avait fait l'une de ses priorité n'a que très partiellement porté ses fruits[106]. Cependant la conversion de l'occident au Catholicisme est un succès, le paganisme est en net recul, même si l'Église a dû s'adapter et accepter la multiplication du culte des reliques ou des saints, qui entraînent une multiplication des pèlerinages (le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle commence vers l'an 800). Des évolutions économiques et structurelles encore peu visibles sont cependant lancées. L'institution du denier d'argent métamorphose l'économie et bientôt la société, l'Europe entre dans l'âge féodal...

    La féodalité modifier

     
    Charlemagne remet Durandal à Roland

    Pour maintenir l'unité de l'Empire, Charlemagne introduit la cérémonie de recommandation qui imposait un serment de vassalité. Il surveille de près ses vassaux qui sont inspectés régulièrement par des missi dominici et sont convoqués annuellement pour partir en campagne. D'autre part, il ne concédait les charges qu'à titre viager ce qui permettait de récupérer les terres à la mort de son vassal, ce qui lui permet d'éviter la perte progressive de ses possessions et de conserver un moyen de pression sur ses vassaux desquels la jouissance des terres accordées en précaire peut être retirée. Mais son fils Louis le pieux rompt l'équilibre entre les biens fonciers fiscaux et et les biens fonciers accordés en jouissance à la noblesse[107]. Dès lors, il n'est plus assez riche pour entretenir ses vassaux et plus rien ne bride leurs velléités naturelles d'indépendance. De plus les campagnes militaires deviennent moins fréquentes après 820 et les contrôles par les missi dominici se raréfient et sont de moins en moins efficaces (ils deviennent coûteux à entretenir, sont corruptibles et les voyages à l'époque sont pénibles)[108]: le contrôle des vassaux se fait de plus en plus lâche. De plus Charlemagne avait déjà l'habitude de confier les terres en précaire au fils de ses vassaux à la mort de ceux ci. Progressivement, la transmission héréditaire devient une habitude et la notion de droit selon laquelle la terre et les charges appartiennent au souverain est oubliée ou négligée. Les choses s'aggravent encore quand les fils de Louis le Pieux s'entre-déchirent pour le pouvoir et doivent concéder de plus en plus d'autonomie à leurs vassaux pour conserver leur soutien[103].

    Le règne de Charles le Chauve est symptomatique : après le partage de Verdun (843) entre les trois fils de Louis le Pieux, il hérite du royaume de Francie Occidentale, mais il a besoin du consentement et de l'appui de l'aristocratie pour entrer véritablement en possession de son royaume : à l'assemblée de Coulaine en novembre 843, il leur concède « la jouissance paisible de leur fonction et de leurs biens » et en retour ils lui apportent « aide et conseil »[109]. Il tente de conserver l'autorité impériale par tous les moyens s'adjoignant en particulier le soutien des ecclésiastiques auxquels il concède la possibilité de battre monnaie. Le passage définitif vers la féodalité se fait quand il garantit à ses vassaux la faculté de léguer leurs terres à leur héritier par le capitulaire de Quierzy-sur-Oise du 16 juin 877[110].

    Mutation de la société agricole modifier

    À partir de 800, les campagnes militaires se font plus rares et le modèle économique franc basé sur la guerre n'est plus viable[87]. L'agriculture est encore largement inspirée du modèle antique de grands domaines cultivés par des esclaves. Mais ceux-ci ont une productivité faible (car non intéressés aux résultats de leur travail) et sont coûteux en saison morte[87]. Charlemagne est conscient que d'envoyer tous les hommes libres à la guerre au printemps chaque année est préjudiciable économiquement, car il y a besoin de leur présence pour que les travaux agricoles soient fait de manière la plus efficiente possible (il y a au minimum besoin d'eux pour coordonner leurs esclaves). Dès lors, il introduit par capitulaire la possibilité de ne pas participer à la campagne contre l'aide à l'équipement et à la gestion des terres des hommes parti à la guerre[111]. Il se crée progressivement deux groupes sociaux au sein des laïcs: ceux qui combattent (milites) et ceux qui travaillent la terre (laboratores). Nombreux sont les hommes libres qui choisissent de poser les armes pour le travail de la terre plus rentable. Quand vient le temps des invasions et des guerres privées qui marque la fin du IXe siècle, l'ost carolingien est trop lourd pour répondre aux raids éclairs des Vikings ou des Sarasins, la défense s'organise localement autour de châteaux tenus par des groupes de milites. Les laboratores doivent confier leur sécurité au châtelain contre le ravitaillement de ses troupes ou de sa maison. Certains arrivent à conserver leur indépendance, mais la plupart cèdent leur terre à leur protecteur et deviennent exploitants d'une tenure (ou manse) pour le compte de ce dernier[87]. La frappe de monnaie d'argent depuis plusieurs générations, et son homogénéisation en 781 par Charlemagne est un progrès énorme : plus adapté que l'or qui ne convient que pour des transactions très onéreuses, le denier d'argent permet l'introduction de millions de producteurs et de consommateurs dans le circuit commercial[112]. Le paysan peut revendre des surplus, il est donc intéressé à produire plus que ce qu'il faut pour survivre après avoir reversé une partie de sa production à son seigneur[87]. Il en résulte de nombreux défrichages et une amélioration des techniques : passage de la rotation biennale à l'assolement triennal[113], utilisation de la fumure, apparition du collier d'épaule et du fer à cheval...

     
    Moulin à eau.

    De même les propriétaires terriens ecclésiastiques comme laïcs fournissent des charrues, investissent dans des équipement améliorant la productivité : moulins à eau (en remplacement des meules à bras utilisées tant que la main d'œuvre était servile), pressoirs à huile ou à vin (en remplacement du foulage)[86]... Les rendements passent de 4 pour 1 à 5 ou 6 pour 1[86]. L'utilisation de l'énergie hydraulique plutôt qu'animale ou humaine permet une productivité sans comparaison avec celle disponible dans l'Antiquité: chaque meule d'un moulin à eau peut moudre 150 kg de blé à l'heure ce qui correspond au travail de 40 esclaves[114]. Les esclaves sont émancipés en serfs gérant une terre et rémunérant leur maître par une partie de leur production ou par des corvées et deviennent plus rentables (cette évolution se fait d'autant mieux que l'Église condamne l'esclavagisme entre chrétiens). La différence entre paysans libres et ceux qui ne le sont pas s'atténue. D'autre part, ces progrès dégagent de la main d'œuvre pour d'autres activités. La population est mieux protégée des disettes et, par voie de conséquence, des épidémies: la mortalité diminue. L'introduction de la monnaie et d'une fiscalité à montant fixe a un autre effet: il devient intéressant d'avoir des enfants car, du fait des surplus dégagés, ils augmentent la capacité de production agricole et sont moins vus comme des bouches à nourrir. La croissance démographique et l'augmentation de la production agricole s'auto-entretiennent en un cercle vertueux: elles sont la clef du renouveau médiéval. Cette métamorphose se fait progressivement, ses effets sont encore peu visibles au IXe siècle d'autant qu'elle est vite freinée par les invasions et guerres féodales, mais la révolution agricole est en germe et elle se concrétise pleinement quand elles cessent au Xe siècle.

    Croissance des villes modifier

    Les surplus agricoles monnayables engendrent un enrichissement de certains exploitants et dégage de la main d'œuvre pour l'artisanat ou le commerce: Les villes grossissent de nombreux bourgs se créent. Un capitulaire de 743 révèle qu'il n'existe pas de marché dans chaque évêché, cent ans plus tard Charles chauve doit demander à chaque comte de dresser la liste des marchés dans leur comté[112]. La relation commerciale entre villes et campagnes s'accroît et un réseau routier secondaire se crée: la densité du réseau de communication devient à partir du Xe siècle sans commune mesure avec celles des voies romaines qui ne desservent que les grands axes[115]. Si la révolution agricole, engendrée par la diffusion de la monnaie, voit ses effets ralentis dans un premier temps par les invasions du IXe siècle, celles-ci ont pour effet paradoxal d'accélérer le processus de réorganisation des grands domaines et de défrichage et de grossir la population urbaine[116].

    Renforcement du l'influence économique et politique des abbayes modifier

     
    Copiste

    Le développement intense du monachisme avec des règles communes (voir Benoît d'Aniane), l'instauration d'une écriture unique (la caroline) plus lisible, facilitent le transfert des connaissances et préparent la poussée culturelle, technique et démographique du XIe siècle. Dans un premier temps, les désordres occasionnés par incursions vikings, sarrasines ou hongroises et les pillages et guerres privées de la noblesse inhérents au système féodal naissant, freinent considérablement le développement économique et les échanges culturels. De nombreuses charges épiscopales, paroissiales ou abbatiales sont confiées à des laïcs et le clergé sombre dans une crise plus profonde encore qu'au VIIe siècle. Mais le gros travail missionnaire a porté ses fruits et les abbayes qui continuent à avoir un comportement moral irréprochable acquièrent un prestige extraordinaire. La culture ne progresse plus, mais les abbayes conservent leurs scriptoriums et l'acquis culturel carolingien au fond de leurs bibliothèques. Dans le même temps, la dissolution de l'état renforce les abbayes qui sont le fer de lance économique des royaumes francs. Elles sont de plus en plus nombreuses à réussir à s'affranchir de la tutelle de la noblesse locale et peuvent élire leur propre abbé. Celles-ci s'organisent en ordre religieux autour de Cluny et acquièrent un pouvoir politique et économique de premier ordre: Elles sont en mesure au Xe siècle, de discipliner la noblesse par les mouvements de la paix de Dieu puis de la trêve de Dieu[117] et de soutenir la création d'états stables autour des dynasties qui finissent par dominer l'organisation clientéliste qui prévaut dans ce contexte de naissance de la féodalité. En un mot, elles seront les moteurs de la renaissance de l'an mil.

    Vers la renaissance de l'an mil modifier

    Ainsi le renouveau de l'occident médiéval de l'an mil est préparé par la renaissance carolingienne. Celle-ci ne pourrait se résumer à un épiphénomène artistique vite refermé par les invasions du IXe siècle. Elle s'inscrit dans un mouvement de renouveau économique, culturel et social bien plus profond. À partir du Xe siècle, la sécurisation de larges territoires par les dynasties ottoniennes et capétiennes et par l'établissement d'un nouvel ordre social soutenu par le clergé, ainsi que la densification des réseaux d'échanges économiques et culturels, permettent à nouveau au savoir de se diffuser. Les avancées techniques, architecturales, agricoles, artisanales et artistiques reprennent et l'Europe se transforme, démographiquement, socialement et techniquement. Les nouveaux styles pré-romans apparaissent en Allemagne avec la dynastie ottonienne, en Angleterre avec les Anglo-Saxons, ainsi qu'en France, en Italie et en Espagne.

    Sources et bibliographie modifier

    • (en) Norman F. Cantor (1993). The Civilization of the Middle Ages : a completely revised and expanded edition of Medieval history, the life and death of a civilization. HarperCollins. (ISBN 0-06-017033-6)
    • (en) Mortimer Chambers, Raymond Grew, David Herlihy, Theodore K. Rabb, Isser Woloch , The Western Experience: To 1715, 3e edition, New York: Alfred A. Knopf, 1983 (ISBN 0-394-33085-4)
    • (en) Martin Scott, Medieval Europe, New York: Dorset Press, 1964 (ISBN 0-88029-115-X)
    • (fr) Pierre Riché, Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe, Paris, Hachette Littératures, 1993, (ISBN 2010196384)
    • (fr) Jean Favier, Charlemagne, Paris, Fayard, 1999, (ISBN 2-213-60404-5)
    • (fr) Histoire de l'Espagne: le Royaume Wisigoth, France Ballade
    • (fr) Serge Lusignan. Le royaume des Wisigoths dans la péninsule ibérique (du Ve siècle à 711), Site de l'Université de Montréal
    • (en) Herbert Thurston. The Venerable Bede, The Catholic Encyclopedia, Volume II
    • (fr) Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, (ISBN 2011455405)
    • (fr) Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin 2004, (ISBN 2200015461)
    • (fr) Olivier Guyot Janin et Guillaume Balavoine, Atlas de l'histoire de France: La France médiévale IXe-XVe siècle, Éditions Autrement, Paris 2005, (ISBN 2746707276)

    Voir aussi modifier

    Articles connexes modifier

    Liens externes modifier

    Notes et références modifier

    1. Adriaan Vehulst, La construction carolingienne tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, page 200.
    2. a et b P. Riché, Les carolingiens, une famille qui fit l'Europe, 1983, p.354
    3. Jules Michelet, Histoire de France, Livre II, Œuvres complètes, t.IV, p.284-286
    4. Jean Delumeau, Qu'est ce que la renaissance ?, CRPD
    5. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p 28-37.
    6. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p 40-47.
    7. François Guizot, Alcuin (735-804), Mémoires relatifs à l’Histoire de France, depuis la formation de la monarchie française jusqu’au {{subst:Nombre en romain|13|subst=subst:}}e siècle, Editions Brière, Paris 1824,Noctes Gallicanae
    8. Odoacer Encyclopedia Britannica
    9. Théodoric le Grand Imago mundi
    10. La culture monastique des origines au VIe siècle: Cassiodore Encyclopédie Universelle de la Langue française
    11. La culture monastique des origines au VIe siècle Encyclopédie de la Langue Française
    12. Justinien#Guerre contre les Ostrogoths
    13. La culture monastique des origines au VIe siècle : Grégoire le Grand Encyclopédie Universelle de le Langue française
    14. l'Exarchat de Ravenne tombe en 751
    15. a et b Jean-Claude Cheynet L'exarchat de Ravenne et l'Italie byzantine:Clio.fr
    16. a et b Serge Lusignan, Le royaume des Wisigoths dans la péninsule ibérique (du Ve siècle à 711), Site de l'Université de Montréal
    17. Isidore de Séville, v.530-636: Site de la Bibliothèque Nationale de France
    18. J. Favier, Charlemagne, 1999, p.438
    19. a et b Abd Al Haqq, Saint Colomban et le monachisme du VIIe siècle, les baladins de la tradition
    20. Historia ecclesiastica gentis Anglorum. ou Histoire Ecclésiastique de la Nation anglaise.
    21. Herbert Thurston. The Venerable Bede The Catholic Encyclopedia, Volume II
    22. a et b Jean Pierre Morillo, Les derniers rois mérovingiens- Clotaire III, L'Histoire de France n°7 mai-juin 2007: Les mérovingiens 2e partie p 51 Clionide des Francs
    23. a b et c Pierre Riché, Les temps mérovingiens tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, pages 188-190.
    24. a b et c Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, p. 42
    25. Vassus signifie jeune homme fort et a donné en français « vassal » en opposition à Senior qui signifie vieux et a donné « seigneur »
    26. Laurent Vissière, « Le chevalier, un héros laborieux », Historia thématique n°90 juillet 2004: La France féodale, Historia
    27. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, pages 23-26
    28. a b c d et e Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, p. 44-45
    29. a et b Pierre Riché, Les temps mérovingiens tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, page 176.
    30. a b et c Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 30
    31. a et b Pierre Riché, Les temps mérovingiens tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, page 184.
    32. a et b Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, pages 46-47
    33. François Guizot, Mémoires relatifs à l’Histoire de France, depuis la formation de la monarchie française jusqu’au {{subst:Nombre en romain|13|subst=subst:}}e siècle, Éditions Brière, Paris 1824, Noctes Gallicanae
    34. a et b Pierre Riché, Les temps mérovingiens tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, pages 171-172.
    35. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p 35.
    36. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, p. 43
    37. Georges Duby, Histoire de la France des origines à nos jours, Larousse, 2007, pages 185-186.
    38. G. Bührer-Thierry, L'Europe carolingienne (714-888), 1999, p.19
    39. La culture monastique : VIIe - VIIIe siècle Encyclopédie de la Langue Française
    40. a b c et d Pierre Riché, Les temps mérovingiens tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, pages 189-190.
    41. Pierre Riché, Les temps mérovingiens tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, pages 189-190., Larousse, 2007, page 191.
    42. J. Favier, Charlemagne, 1999, p.444
    43. Aurélie Thomas, Les duchés de Bénévent et de Spolète : de la conquête lombarde au début de l’époque carolingienne, Thèse de l'École nationale des chartes 2006 Site de la Sorbonne et Les Lombards Clionide
    44. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, p. 46
    45. Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 30
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    57. Stephanus Papa Pipini bonas voluntati et studiis divinitus inspiratis assensum praebens, secundum numerum XII Apostolorum, de Sede apostolica duodecim clericos doctissimos cantilenae ad eum in Franciam direxit. in Chronicon San-Gallense, Livre I, Chapitre X
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