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Inculture(s) : L'éducation populaire, monsieur, ils n'en ont pas voulu...
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Auteur Franck Lepage
Genre Conférence gesticulée
Version originale
Langue Français
Version française
Date de parution 2005

Inculture(s) 1 : L'éducation populaire, Monsieur, ils n'en ont pas voulu... est une conférence gesticulée créée et interprétée par Franck Lepage. Il témoigne de son expérience au sein de Fédération française des Maisons des jeunes et de la culture et de sa rencontre avec Christiane Faure, instigatrice des politiques culturelles d'éducation populaire au sortir de la Seconde Guerre mondiale en France et première directrice de l'Éducation populaire au sein du ministère de l'Éducation nationale en 1944.

Sources modifier

Cet article est en grande partie basé sur les différentes versions de la conférence gesticulée qui peuvent être consultées (voir : infra).

Contenu modifier

Partie 1 modifier

Les raisons d'une prise de conscience modifier

 
Parapentes
Le parapente modifier

Franck Lepage débute sa conférence gesticulée par un parallèle entre « la culture » et le parapente : Il explique le processus qui l'a amené à ne plus croire aux institutions culturelles et à ce qui est reconnu par elles comme étant de la « culture » en opposition aux « cultures »[1]. Lors d'une de ses sorties en parapente, il rejoint une bulle d'air chaud, afin de prolonger son vol, où se trouve déjà un autre parapentiste, lui en bas et l'autre en haut. Dans cette métaphore, Franck Lepage s'attribut le rôle du « pauvre » et donne au parapentiste au-dessus de lui celui du « riche », l'air chaud étant « la culture » : Franck Lepage remarque que loin de rattraper l'autre parapentiste en montant, les deux parapentes s'élèvent parallèlement, « le riche se cultive aussi ! », ponctue-il. Il remet en question, à ce moment du récit, le concept d'« égalité des chances » qu'il résume avec ironie : « pour le lièvre comme pour la tortue, la ligne de départ est la même ». Ce concept apparaissant comme un symbole d'inégalité sociale, au lieu d'un symbole de l'équité[2],[3],[4],[5].

Du théâtre à l'art contemporain modifier

Il définie, ensuite, la différence entre le théâtre qui « consiste à faire "comme si" » et « la culture » qui « consiste à faire "pour de vrai" »[2]. Il prend notamment l'exemple d'un spectacle ayant eu lieu dans la cour d'honneur du palais des papes au Festival d'Avignon dans lequel les acteurs urinaient sur scène. Franck Lepage insiste sur la non-pertinence théâtrale de cet acte qui aurait pu être mimé ou symbolisé. Pour Franck Lepage l'importance de réaliser l'urination réellement, sur scène et devant un public fait partie d'une volonté permettant ainsi de satisfaire aux pré-requis du Ministère de la Culture qui encourage « les vraies prises de risques artitiques » et donne accès à des subventions. Selon Franck Lepage, le Ministère de la Culture subventionne ce genre de productions pour « [démontrer] que nous sommes en démocratie, [démontrer] de la liberté d'expression »[2],[3],[4],[5] :

« Si certains d'entre vous pensaient que la démocratie, c'est plus compliqué que ça, que c'est du conflit social, que c'est se battre contre des institutions, vous avez perdu votre temps : il suffisait d'ouvrir votre braguette et ça faisait immédiatement de vous un démocrate. Par exemple, si vous pensez que déclamer au milieu de la cour d'honneur du palais des papes à Avignon que l'office publique des HLM du Vaucluse a une politique d’attribution des logements aux immigrés qui fabrique de véritable ghetto [...] Alors vous n'aurez pas de subvention du Ministère de la Culture pour ça. Ça ne serait pas considéré comme de la liberté d'expression, faire pipi, oui ! »

 
Franck Lepage pendant une conférence gesticulée
 

Pour Franck Lepage, le tournant se fait dans la années 1960 lorsque les institutions culturelles opèrent une évolution sémantique sur la question des concepteurs de production artistiques qu'elles appellent désormais des « créateurs ». L'utilisation d'un lexique religieux pour qualifier les producteurs de produits artistiques est, pour Franck Lepage, une manœuvre politique « car vous ne pouvez pas critiquer une "création" »[2] alors qu'il est possible de critiquer une pièce de théâtre mettant d'éventuels contradicteurs dans la posture de « fasciste »[2],[3],[4],[5].

En guise d'exemple du rapport entre les institutions culturelles et le « créateur », il raconte la création de L'illusion Comique de Pierre Corneille par Giorgio Strehler au Théâtre de l'Odéon en 1984[1] : Le metteur en scène souhaite un plateau fait d'un marbre de type rare vendu en Italie. Les techniciens du spectacle proposent de peindre la scène avec une peinture d'imitation marbre aussi réaliste que du vrai. Le metteur en scène demande l'intervention de Jack Lang, le ministre de la Culture en poste, en disant : « on veut me faire faire du faux, qu'est-ce qu'il se passe ? »[2] L'affaire prend de l'importance jusqu'à ce que le marbre voulu soit livré mais au moment où le marbre du plateau est éclairé pour la première fois par les projecteurs, l'équipe de création se rend compte que le marbre renvoie beaucoup trop la lumière obligeant les techniciens à peindre « le faux marbre, sur le vrai marbre »[2],[3],[4],[5]

Franck Lepage dépeint ensuite de manière humoristique certaines conventions artistiques comme celle du théâtre public subventionné ou « théâtre public »[2],[3],[4],[5] :

« Je serais sur un plateau d'environ 2000 m² pour moi tout seul, j'aurais 400 projecteurs, [et puis] il y aurait un noir, il y aurait une musique [de style "art contemporain" et] j'apparaîtrais dans une lumière bleue même si je vous citais du Raffarin vous croiriez que c'est du Sophocle et je vous dirais que j'ai rien à dire [...] que Dieu a gagné, que le capitalisme a gagné, que tout le monde à gagné. Je serais devant [...] une porte de 100 m de haut et moi je serais tout petit devant [afin] de montrer le ridicule de la nature humaine [et] l'impuissance de l'Homme à changer la société [...] Y'a plus qu'à se violer dans les rue de Sarajevo (on appelle ça aussi le théâtre de la cruauté) [...] Je serais repris dans une lumière orange et jaune latérale qui me sculpterait et j'invoquerait les grecs (si vous voulez des sous il faut toujours citer les grecs, c'est normal, c'est eux qui ont inventer la démocratie). »

Il définit également la convention artistique du conte dont les éléments de narration fonctionne généralement par trois (trois filles, dans trois pays différents, trois princes, trois vœux...) où l'on ne joue pas le personnage, où l'adresse au public est directe et dont l'espace de jeu est traditionnellement délimité par l'éclairage central fait par un projecteur en position de « douche » définissant « un espace sacré ». Il est alors marqué par l’attitude snob, dédaigneuse et malveillante des conteurs envers leurs semblables ainsi que leur comportement aristocratique et méprisant. Il raconte qu'après avoir demander des conseils lutter contre le trac, un conteur lui répond d'un air prétentieux et mystique : « Il faut absolument que tu aies le trac, Franck [...] Il faut que tu comprennes que le public vient pour communier sa peur et ta peur dans une peur universelle. »[2],[3],[4]

Reprenant les éléments de la convention du conte, il en imagine un représentant un tyran appelé le « grand-maire » et son « secrétaire général de grand-mairie ». Fatigué d'opprimer sa population, il cherche un moyen pour que la population s'opprime elle-même. Le « grand-maire » élabore alors une stratégie jouant avec des éléments de langage : il souhaite organiser « une commission regroupant les habitants afin qu'ils participent » que Franck Lepage oppose au principe d'un « rassemblement complet de toute la population de citoyens afin de leur permettre de s'exprimer ». Il termine sa démonstration par : « et c'est ainsi mesdames, messieurs que dans cette ville de mon pays, on entendit plus jamais parler des problèmes des gens. »[2],[3],[4],[5]

Rencontre avec Christiane Faure modifier

Dans les années 1990, Franck Lapage est chargé de faire un rapport pour Ministère de la Jeunesse et des Sports sur la notion d'« éducation populaire ». Il prend contact avec Christiane Faure, première directrice de l'Éducation populaire au sein du ministère de l'Éducation nationale en 1944, et tombe sur ce qu'il pense être un « vieux monsieur » qui lui raccroche au nez en lui en disant rétorquant : « L'éducation populaire, monsieur, ils n'en ont pas voulu... Cela n'intéresse plus personne aujourd'hui, au revoir. »[2]

Souhaitant tout de même rencontrer Christiane Faure, il rappelle et demande avec autorité à la rencontrer. Ce à quoi, l'homme répond : « Venez demain à 10 heures, l'adresse et dans l'bottin ». Il vient au rendez-vous et rencontre une dame, selon ses dires, « vieille, mais vieille... une espèce de truc couché en deux sur une canne »[2]. Ce n'est que lorsqu'il entend Christiane Faure parler qu'il se rend compte que celui qu'il pensait être un vieil homme désagréable au téléphone était, en fait, Christiane Faure[2],[3],[4],[5].

De la « La vérité » au « mensonge » modifier

Le langage institutionnel modifier
 

Franck Lepage explique que son travail de directeur des programmes à la Fédération française des Maisons des jeunes et de la culture consistait à dire « la vérité » et ironise en se définissant comme « prophète » : « c'est-à-dire aller chercher "la vérité" [officielle], là où elle s'élaborait [...] dans les ministères et venir la déliver à [...] la "base" »[2]. La « base » est un jargon désignant le personnel des MJC et institutions culturelles de terrain, ceux-ci participait à des colloques organisé par Franck Lepage pour pouvoir à son tour utiliser ces éléments de langages dans des demandes de subventions. Franck Lepage révèle alors que les institutions de pouvoir font « un travail considérable sur les mots, il y a des mots qui disparaissent et des mots qui apparaissent régulièrement ». Il l'explique l'intérêt d'un tel travail en paraphrasant Herbert Marcuse[2],[3],[4],[5] :

« On pense avec les mots [et] pas le contraire. Ce n'est pas " je pense une réalité sociale et j'invente des mots " [c'est plutôt] " il y a des mots et avec ces mots, je peux penser une réalité sociale ". [...] Quand on m'enlève des mots et qu'on m'en met d'autre à la place, [je] ne pense pas de la même manière la réalité sociale. [...] Marcuse nous avait prévenu [...] nous vivons la toute dernière critique efficace du capitalisme parce qu'on est en train de nous changer les mots et on est en train de nous enlever des concepts qui nous permettent de penser négativement le capitalisme et de nous donner à la place des " concepts opérationnel ", c'est-à-dire des concepts qui ne servent pas à penser mais seulement à agir et qui nous le désigne d'une façon strictement positive." »

Il prend notamment l'exemple du mot « pauvre » qui dans le milieu des travailleurs sociaux des années 1960 étaient appelé des « exploités ». Cette définition du mot a disparu pour laisser place au mot « défavorisé » or, selon Franck Lepage, appeler quelqu'un un « exploité » et le penser comme le résultat d'un processus nommé « l'exploitation » amène forcément à se poser la question « qui l'exploite ? » alors que le concept de « défavorisé » renvoie à un état de malchance. Conceptuellement, le terme ne permet que de faire des constats ou des observations qui ne mènent à aucune action et empêche toute réflexion autour d'une solution dans la mesure où seul le sort serait à blâmer[2],[3],[4],[5].

« Un jour, j'ai menti » modifier

Franck Lepage raconte qu'un jour, lors d'un colloque, il laisse s'échapper : « Au fond, on peut peut se poser la question si la décentralisation est un progrès pour la démocratie. »[2], s'ensuit un blanc, des rires et des applaudissements ; il reçoit même les félicitions du maire. Il recommence de manière prémédité lors d'un autre colloque et dit :

 
Plan de tomate

« Au fond, on pourrait se demander si le développement culturel, ça développe quoique ce soit »[2] suscitant les exactement les mêmes réactions. Il se fait alors une spécialité d'être un « menteur professionnel », en opposition à « au prophète de la vérité », en faisant des coups éclats dans les colloques institutionnels par des traits acerbes et dérangeants. Cela lui valait beaucoup de louanges et d'invitations jusqu'au jour où une personne du public l'apostrophe et lui déclare[2],[3],[4] : « Vous êtes un clown. Et puis, vous n'êtes pas seulement un clown, vous êtes une danseuse, monsieur, vous êtes leur danseuse. J'espère que vous en avez conscience. »

Franck Lepage prend alors conscience de sa fonction dans ces colloques[2],[3],[4],[5] :

« Ça m'a fait un bien fou ce truc-là ! Vous passez votre vie à vous demander qui vous êtes et un jour quelqu'un vous fait le cadeau de vous donner votre identité [...] à l'époque je [dépensais] un pognon pas possible avec une psychanalyste lacanienne... »

Il continue ainsi ses coups d'éclats mais les accompagnes des d'explications fouillés espérant faire changer les choses de l'intérieur, devenant un « rabat-joie » puis fini par être licencié[2],[3],[4],[5].

Le plant de tomates modifier

Franck Lepage fait un parallèle entre les oignons qu'il tentait de faire pousser chez lui et la période où il tentait de changer les choses de l'intérieur des institutions et des colloques disséminant les « contre-vérité » comme « la décentralisation, ce n'est pas démocratique » : il voyait beaucoup de personnes répéter et le nombre de personnes répétant ces « contre-vérité » croître considérablement sans néanmoins susciter d'action. A ces yeux, c'était « des graines qui faisaient pousser des graines »[2],[3],[4],[5].

Il repense alors à la période où il tentait d'alerter ses collègues sur l'importance de remplacer la notion de « démocratisation culturelle » par « l'éducation populaire » et schématise le plan de son explication par un plant de tomate :

Le plant de tomates[2],[3],[4],[1],[5]
 
Raffinerie de pétrole de la Standard Oil à Cleveland, Ohio, 1899
Première branche du plan de tomates La révolution industrielle anglaise La révolution technologique par la machine à vapeur modifiant la façon de produire comme la production en plus grande quantité permettant d'accumuler et de transmettre : En modifiant les rapports de production, cette révolution modifie également les rapports sociaux car là où il fallait 30 personnes pour moissonner un champ, il n'en faut plus qu'une posant la question de l'avenir des 29 autres. De plus, pour la première fois de l'histoire de la planète une personne peut avoir une progression de qualité au fur et à mesure de son existence et la vie de ses enfants peut également être meilleure encore donnant naissance à la théorie de « l'ascension sociale ».
 
La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 1789
Deuxième branche du plan de tomates La révolution française Les Droits de l'Homme et du citoyen sont adopté, en 1789, donnant à chacun des droits individuels, résumés par Franck Lepage par « la liberté d'aller se faire exploiter où ils veulent quand ils veulent »[1] :

Ces quatre droits naturels sont, selon Franck Lepage, le point de départ du capitalisme moderne : « Le droit d'accumulation illimité ». Ce qu'il oppose au socialisme dont la substance dans la limitation de l'accumulation.

Troisième branche du plan de tomates La culture comme nouvelle légitimation des inégalités Jusqu'à la révolution anglaise, Dieu était tenu pour responsable des sociétés inégalitaires mais à partir de cette période, la théorie de « l'ascension sociale » créé une corrélation entre les situations d'inégalités sociales et le fait que des personnes n'ont pas « pas bien travaillé à l'école » rendant l'individu responsable de son propre malheur. Théorie formellement démentie par Pierre Bourdieu : « [normalement] avec le boulot que fait l'école, [il ne devrait plus y avoir] que des médecins » ajoute Franck Lepage.
 
Estimation du taux de chômage aux États-Unis depuis 1890 à 2011 (cf : Article wikipedia Unemployment)
Quatrième branche du plan de tomates Le chômage structurel de masse Selon Franck Lepage, la théorie de « l'ascension sociale » pourrait s'entendre dans une société de « plein emploi » mais ne fonctionne pas dans une société de chômage structurel de masse. Il explique la théorie de « l’excès de culture » selon laquelle chaque individu est trop formé et trop cultivé par rapport aux capacités du système d'organisation du travail à laisser les individus exploiter ses capacités, ses initiatives et son intelligence. L'action publique distribue donc de la richesse culturelle en construisant toutes sortes d'équipements culturels afin créer de « l'ascension sociale » mais la situation du chômage n'évoluant pas, l'institution « identifie des populations supposées fragilisées au regard de leur capacité à s'insérer sur le marché de l'emploi, alors elle va faire croire à ces gens-là que c'est de leur faute [parce qu'il] manque de culture »
 
Mission locale à Avignon
Cinquième branche du plan de tomates L'action publique par « dispositifs » Franck Lepage expose le profil type de personnes bénéficiant des contrats de travail les plus avantageux (salaire, sécurité d'emploi) : « des hommes, entre 30 et 50 ans, d'origine française sur 2 générations, bien qualifié mais pas trop. » Autrement dit, la majorité de la population, qui ne répond pas à ces critères sont considérés comme population « à risque ». Franck Lepage explique avec ironie : « On va faire des « dispositifs » pour [les] aider : des « dispositifs » pour les jeunes, pour les 16-18, les 18-25, pour les femmes, pour les gens issues de l'immigration pour les aider à être... moins jeunes, moins vieux, moins femmes, moins arabes... » Selon Franck Lepage, il s'agit d'une réponse à un symptôme au lieu d'un traitement de la cause soit l'organisation du travail dans l'entreprise.
 
Hémicycle de l'Assemblée nationale, 2009.
Sixième branche du plan de tomates Crise de la démocratie de représentation Les citoyens assiste à une alternance entre la gauche et la droite chaque partie déclarant « la guerre au chômage » sans résultat.
 
Groupe hospitalier de la Haute-Saône
Septième branche du plan de tomates Privatisation du service public Ce qui était distribué sous forme de droits est transformé en produit destiné à la vente sur le marché : les autoroutes, le transport régional, maisons de retraite, l'eau, la télévision...
 
Billets de banque
Huitième branche du plan de tomates Attaque contre le salariat Franck Lapage explique que la privatisation des politiques publiques s'apparente à une attaque contre le salariat car le salaire indirect, prélevé sur la fiche de paie représentant la moitié du salaire (l'autre moitié étant représenté par le salaire net ou salaire direct) sert à payer ce qui sera vendu au citoyen en suite comme en privatisant un hôpital public.
 
Licence Creative commons
Neuvième branche du plan de tomates L'éducation populaire Franck Lepage parle de l'éducation populaire comme d'un recours à ce model de société : « permettre de l'explication, du récit de ce que les gens vivent dans les « dispositifs » soit parce qu'ils en sont des usagers ou des agents [et refabriquer] de l'analyse politique, [comprendre et détricoter le système] ».
 
Célestin Freinet, créateur de la méthode Freinet (méthode pédagogique)
Dixième branche du plan de tomates Redéfinition de la démocratie Franck Lepage présente l'éducation populaire comme la définition même de la démocratie selon Paul Ricoeur : « est démocratique une société qui se reconnaît divisée, c'est-à-dire traversée par des contradictions d'intérêts et qui se fixe comme modalité d'associer à part égale chaque citoyen dans l'expression de ces contradictions, l'analyse de ces contradictions, la mise en délibération de ces contradictions en vue d'arriver à un arbitrage ».

Partie 2 modifier

De l'éducation populaire à la culture modifier

La direction de l'éducation populaire modifier
 
Le ministère de l'Éducation nationale

Christiane Faure raconte à Franck Lepage son travail de professeure de français au lycée de jeune fille de Oran, en 1940, alors que le gouvernement français promulgue les loi « portant statut des juifs en France ». Une circulaire est envoyé à l'ensemble du personnel du lycée pour leur demander « d'identifier les élèves juifs afin de les expulser des établissements publics ». Celle qui sera, au sortir de la guerre, l'instigatrice des politiques culturelles d'éducation populaire et la première directrice de l'Éducation populaire au sein du ministère de l'Éducation nationale, assiste à l'expulsions des élèves juives du lycée après que les listes ait été rendue par le personnel enseignant. Christiane Faure est seule à protester face à des collègues s'arrangeant de la situation. Elle décide d'enseigner aux élèves expulsées, en cachette, le soir chez elle. Elle est menacée de déportation mais, entre temps, l'Algérie est libérée[2],[3],[4],[5].

En 1942, elle est appelée à faire partie du cabinet de René Capitant, le nouveau ministre de l'éducation national (remplaçant le ministère de l'instruction publique) au sein du gouvernement provisoire de la République, installé à Alger. A l'époque, le directeur de cabinet s'appelle Jean Guéhenno. Avec l'expérience de la Seconde Guerre Mondiale et des camps d'extermination, ce cabinet arrive à l'idée qu'il n'y a pas de problème de culture, ni d'instruction : « on peut être parfaitement instruit, extrêmement cultivé et ne pas préférer la démocratie au fascisme. Il n'y a pas de contradiction »[2], dit Frank Lepage. Le cabinet du ministère en vient à la conclusion qu'il faut organiser l'éducation politique des jeunes adultes à la question démocratique, car, dit Franck Lepage paraphrasant Condorcet : « Si vous ne faite que l'éducation des enfants, vous allez reproduire des inégalités basées sur les savoirs. » Franck Lepage note que, à l'époque, la notion de jeunesse ne comprend pas la notion d'adolescence : un jeune à forcément plus de 21 ans[2],[3],[4],[5].

En 1944, Christiane Faure prend ses responsabilités au sein de la direction de l'éducation populaire et des mouvements de jeunesse. La tâche de cette institution est « d'inventer de l’éducation critique à la notion démocratique. »[2] Christiane Faure rassemble des personnes issus de la culture populaire, parmi lesquels des artistes, producteurs de divertissements, d'outils de diffusion comme Pierre Schaeffer, personnes issus des domaines de l'ethnologie, des sciences humaines, au total 18 personnes. Au sein des instances dirigeants, le communistes et les gaullistes se disputent la supervision de cette institution et en 1948, ce sont les gaullistes qui l'obtiennent, laissant aux communistes le rôle de rapporteurs du projet par la voix de Roger Garaudy. Les communistes préfère alors saboter le projet plutôt que de voir « un petit Sarkozy »[2] à sa tête. Ils font la proposition d'une fusion entre la direction de l'éducation populaire et des mouvements de jeunesse et de la direction de l'éducation physique et des activités sportives, avançant une mesure d'économie publique. Cette fusion donne naissance à la nouvelle direction générale de la jeunesse et des sports. Franck Lepage parle d'anti-concept pour qualifier l'association entre « jeunesse » et « sport » : « C'est comme si, mesdames et messieurs, pour « squeezer » la CGT des cheminots, on les avaient collé avec un syndicat très droite genre la FNSEA agricole et qu'on avait créer la "Direction du rail et de la betterave" »[2]. Franck Lepage révèle le sous-texte politique de cette décision en disant que cela signifie « qu'il n'y aura pas d'éducation politique des jeunes adultes en France ». A l'annonce de cette décision, Jean Guéhenno donne sa démission et Christiane Faure repart en Algérie pour diriger la direction de l'éducation populaire (non rattachée au sport) où elle fait des travaux d'écriture avec des soldats du contingent de la Guerre d'Algérie sur leur situation de soldats, parmi d'autres activités artistiques et éducatives. L'OAS tente de l'assassiner, elle et son équipe car, pendant la Guerre d'Algérie, Christiane Faure monte des pièces de théâtre en langue arabe avec la population algérienne[2],[3],[4],[5]

 
André Malraux, ministre des Affaires culturelles de 1959 à 1969
Vers un Ministère de la Culture modifier

Charles de Gaulle souhaite donner un ministère à André Malraux qui demande d'abord le ministère de la jeunesse, Franck Lepage met en perspective cette demande : « Mesdames et messieurs faites très attention, en 1954, il n'y a eu que trois ministère de la jeunesse dans le monde : un chez Hitler, un chez Mussolini et un chez Staline »[2]. Michel Debré, alors premier ministre, refuse demandant à André Malraux sont deuxième choix qui se porte sur le ministère de la recherche. Franck Lepage explique alors que le ministère de la recherche représente l'élite, la bombe atomique et donne une influence considérable sur les orientations de la société. Il est répondu à Malraux qu'il n'en avait pas les compétences et fait donc un troisième choix se portant sur un ministère de la télévison. Franck Lepage dit que Malraux avait compris les enjeux d'influence de la télévision, qui en était à ses balbutiements, contrairement au gouvernement français qui n'envisage pas de créer un tel ministère ; il obtient finalement le ministère des affaires culturelles[2],[4],[3],[5].

Franck Lepage spécifie que jusque-là, il n'y avait eu dans l’Histoire et dans le monde que trois ministères de la culture : « un chez Hitler, un chez Musolini, un chez Staline ». Il donne comme incompatible avec la notion de « démocratie » et la création d'un ministère de la culture : « un ministère de la culture, ça veut dire que c'est l'Etat qui dit le sens d'une société, ce qui est la définition d'un système totalitaire »[2],[4],[3],[5].

Christiane Faure revient d'Algérie et intègre le premier cabinet d'André Malraux. Le ministère de la culture associe et intègre le cinéma, appartenant jusqu’alors au ministère de l'industrie, le ministère des arts et des lettres et le ministère de l'éducation populaire. Personne ne voulant compromettre sa carrière dans un ministère dont on ne comprend la pertinence à l'époque, les seuls fonctionnaires se rendant disponibles pour l'intégrer se trouve être « ceux dont personne ne veux : les fonctionnaires rapatriés de la France d'Outre-mer [...] qui reviennent du Chad, du Dahomey, de la Haute-Volta où ils faisaient un travail super sympa [...] Le côté « aspect positif » de la colonisation... »[2],[3],[4],[5]

Ces fonctionnaires, selon Franck Lepage, par leur expérience précédente, sont habitués à la défendre la culture française, à construire et à faire avancer des dossiers dans des conditions extrêmes faisant d'eux un personnel redoutablement efficace. Emile Biazini devient le directeur de cabinet d’André Malraux et dirige les fonctionnaires dans la construction de ce ministère, qu'Il souhaite utiliser comme un appareil de pouvoir contrairement à l'idée première de sa vocation : sa première décision est de supprimer l'éducation populaire des attributions du ministère. Le personnel qui en était responsable est relégué au ministère de la jeunesse et des sport et Christiane Faure ne reparle plus jamais d'éducation populaire jusqu'à sa rencontre avec Franck Lepage[2],[3],[4],[5].

 
Jack Lang, ministre de la Culture de 1981 à 1986 et de 1988 à 1993
« Une catastrophe intellectuelle majeure » modifier

Franck Lepage explique que Jack Lang, ministre de la culture nouvellement nommé en 1981, va participer à une rénovation idéologique qu'il appelle « une catastrophe intellectuelle majeure »[2] : la réduction de la question culturelle à la question artistique, « si "culture" ne veut plus dire que "art", alors le mouvement social n'en fait plus partie, le syndicalisme n'en fait plus partie [...] la politique ne fait plus partie de la culture »[2]. Il fait alors le point sur plusieurs notions[2],[3],[4],[5] :

  • La notion de politique : « le politique, c'est un jugement de valeur [...] "une société qui décrète l'égalité de l'homme et de la femme, c'est mieux qu'une société qui ne la décrète pas", ça c'est un jugement politique. »
  • La notion de culturel : « En culturel, une société qui décrète l'égalité de l'homme et de la femme, c'est une expression culturelle et on ne voit pas bien pourquoi une expression culturelle aurait des leçons à donner à une autre expression culturelle qui a décidé de faire autrement. »

À partir de cette période, selon Franck Lepage, le gouvernement va mettre principalement « [la figure de] l'artiste seul, l'artiste-créateur » et valorise trois choses : « la liberté d'expression, le "pouvoir du patron" à travers la souveraineté critiquable du "créateur" et [...] l'idée de l’innovation permanente »[2]. Selon lui, ces trois points valorisent le système idéologique néolibéral puisse que cette doctrine se base sur « le renouvellement de la marchandise » or la logiques du ministère de la culture permet donc de subventionner l'innovation et de « fabriquer de la valeur sans produire de la richesse » par l'art contemporain[2],[3],[4],[5]

La convention du colloque modifier

Franck Lepage enfile à nouveau son « costume de prophète »[2] et fait la démonstration de ce à quoi ressemble un colloque du Ministère de la Culture. Il explique d'abord que, dans un colloque, chaque participants (dans la salle ou à la tribune) vient pour être d'accord avec les organisateurs  : « si vous voulez être en désaccord avec quelqu'un pour lui piquer le contrat de recherche avec la mairie [ou autre], vous dite : "je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire l'intervenant précédent simplement comme il a manquer de temps, il n'a pas pu revenir sur une notion qui, moi, me paraît essentielle..." et donc là le type est sabré ! »[2] Il énumère ensuite les conventions liées au colloque :

Le costume modifier

Franck Lepage explique les conventions vestimentaires du colloque[2],[3],[4],[5] :

  • Le costume : « Le costume est en lin froissé gris-souris. N'allez jamais dans un colloque du ministère de la culture avec des vêtements repassés, on dirait : "Qu'est-ce que c'est que ce type des affaires sociales, qui c'est qui a invité un éduc' spé, qu'est-ce qui fout là ?" [A l'inverse], si vous allez à un colloque des affaires sociales avec des vêtements comme ça, on va dire : "qui c'est qui a un invité un cultureux, qu'est-ce qui fout là ?" [...] Les chaussures sont des Campers neuves. Pourquoi ? Parce que c'est la seule marque de chaussures dans le catalogue duquel il n'y a pas une seule godasse mais que des oeuvres d'art. La DRAC le sait donc, Campers égal subventions. »
  • Certains détails diverges en fonction de la couleur politique du gouvernement en place : « [Si] c'est la droite [...] c'est une chemise, si c'était les socialistes, ça serait un polo noir trois bouton fermés. »
Les entrées en matière modifier

Selon Franck Lepage, les entrées en matière se doivent d'être rassurantes.

  • La première entrée en matière est « au fond »[2],[3],[4],[5] :

« Par exemple vous imaginé un colloque sur "violence et banlieue" [si] c'est un colloque du ministère de la culture vous dite : "Au fond, mesdames et messieurs, on peut se demander si la question de la violence dans les banlieue est un problème de délinquance, est-ce que ce ne serait pas plus profondément une question de nature culturelle ?" Vous imaginez la question traitée par le Ministère de l'Intérieur ou de la Justice, vous dite : "Au fond, mesdames et messieurs, on pourrait se demander si la question de la violence dans les banlieues est une question culturelle, est-ce que ce ne serait pas plus profondément, plus simplement un problème de délinquance »

  • La deuxième entrée en matière est « Mesdames, messieurs j'aimerais revenir dans le temps qui est imparti »[2],[3],[4],[5] :

    « Vous en l'avez pas vu passé, c'est "revenir", le mot important. Ça veut dire que vous n'aller rien dire de nouveau et c'est très très rassurant »

 
Les « concepts opérationnels » modifier

Franck Lepage parle de « concepts opérationnels » soit des mots qui n'ont aucune signification mais donne l'impression de dire quelque chose. Pour les besoins de la démonstration, il utilise 17 « concepts opérationnels » : « acteur », « citoyenneté », « contrat », « décentralisation », « démocratie », « développement », « diagnostique partagé », « habitant », « interculturel », « lien social », « local », « mondialisation », « partenariat », « participation », « projet », « proximité » et « solidarité »[2],[3],[4].

Avec ces mots inscrits sur des cartes qu'il mélangent, il improvise des phrases spécieuses ressemblant à celles qu'il a pu entendre de la bouche d'intervenants[2],[3],[4],[5] :

  • Premier tirage : « habitant », « acteur », « diagnostique partagé », « interculturel », « décentralisation », « citoyenneté », « proximité », « démocratie », « lien social » , « mondialisation », « local », « partenariat », « solidarité », « projet », « développement », « contrat » et « participation » donnant :

« Mesdames, messieurs, monsieur de le Président, monsieur de le Président du Conseil Général, monsieur le maire, je voudrais revenir sur le temps qui m'est imparti sur une notion qui, moi, me paraît essentielle, [c'est] la question des habitants que je voudrais mettre avec cette autre concept qui est celui des acteurs. Si nous voulons considéré les habitants comme des acteurs, c'est à dire réaliser avec eux un authentique diagnostique partagé qui prenne véritablement en compte la dimension interculturelle, alors, à l'heure de la décentralisation, ce que nous appelons encore citoyenneté dois nécessairement s'inscrire dans une proximité parce que la question démocratique est tout entière contenue dans la préservation du lien sociale et, à l'heure de la mondialisation, c'est désormais l’espace du local qui est l'espace du partenariat que nous devons tisser de solidarité faute de quoi, lorsque nous demandons au gens de faire des projets, [il n'y aurait] aucune espèce de développement et c'est pourquoi nous devons inlassablement raisonner avec eux en terme de contrat et faire un effort permanent pour mettre en place une vraie [...] participation avec eux »

  • Deuxième tirage : « démocratie », « développement », « interculturel », « projet », « habitant », « proximité », « mondialisation », « citoyenneté », « décentralisation », « diagnostique partagé », « local », « lien social », « partenariat », « contrat », « acteur », « solidarité », « partenariat » donnant :
 

« Si la question de la démocratie avec développement qui est le nôtre aujourd'hui doit prendre en compte la dimension interculturelle lorsque nous montons des projets avec les habitants dans une relation de proximité, c'est parce qu'à l'heure de la mondialisation, ce que nous appelons citoyenneté [...] doit s’inscrire dans une décentralisation qui intègre un authentique diagnostique partagé à l’échelon du local, faute de quoi, ce que nous appelons lien social et qui n'est rien d'autre [...] que la vieille question de la participation ne se réaliserait sous la forme d'aucun contrat c'est-à-dire ne prendrait pas en compte la question des acteurs, eux-même, et alors, si nous parlons de solidarité, est-ce que ça n'est pas, en définitive, [...] de partenariat que nous parlons ? »

Franck Lepage imagine la présence d'une personne du public utilisant « des mots qu'on avaient pourtant retiré de la circulation » comme « lutte des classes », « exploitation », « révolution », « domination », « aliénation » et fait la démonstration de différents stratagèmes permettant d'éviter ou de contrer « ce genre de mot qui donnent aux autres l'envie de penser »[3],[4],[5]:

  • La réponse du public : « Comme ils sont tous là pour se mettre bien avec le maire, il vont s'occuper de lyncher le type à votre place. »
  • L'humour : « Ecoutez monsieur, je m'inquiète quand j'entends les mots que vous utilisez [...] Je ne sais pas pour vous mais j'espère que comme moi vous vous réjouissez de la chute du « mur de Berlin ». Je ne pense pas monsieur que vous troqueriez votre Renault Espace contre une Trabant dont on reconnaît le conducteur au fait qu'il a les deux bras bronzés ou votre Laguna contre une Skoda dont les vitres chauffantes à l'arrière sont là pour qu'on ait les mains au chaud quand on pousse en hiver ou votre Citroën C6 contre une Lada dont la seule différence avec le SIDA, c'est que, elle, on ne peut la refiler à personne. »
  • Le « procès en passéisme » : « Ecoutez monsieur, je connais les mots que vous utilisez, je les ai moi-même utilisés autrefois mais on ne peut pas pensez les problèmes d'aujourd'hui avec les catégories d'hier. » Franck Lepage insiste sur l'absurdité de cette dernière phrase : « si on ne pouvait plus pensez les problèmes d’aujourd’hui avec les catégories d'hier, on ne pourrait plus penser du tout. »
 

Franck Lepage cite Le nouvel esprit du capitalisme de Luc Boltanski et Ève Chiapello portant sur l'analyse du phénomène d'acceptation du capitalisme en dépit de sa dysfonction évidente, selon lui. Pour ce faire, les auteurs relèvent dans leur ouvrages les éléments sémantiques revenant le plus souvent dans 90 ouvrages de management des années 1960 et les ont comparés, utilisant la même méthode, avec ceux provenant d'ouvrages des années 199« Cette idée que si tu jettes de la culture sur la tête d'un pauvre, il va s'élever sur la hiérarchie »0. Ils ont observés que dans le premier cas, le mot « hiérarchie » est le plus souvent cité mais qu'il disparaît intégralement dans le deuxième cas au profit du mot « projet », « autant on peut mobilisé un collectif de travailleur contre une hiérarchie, autant faire chier des gars qui ont un projet, c'est vraiment pas sympa »[2]., selon Franck Lepage, la force du capitalisme moderne est de savoir créer des éléments de langage positifs et se rendre désirable[2],[3],[4],[5] :

« En 20 ans à peine, ce mot (projet) qui était à peu prêt n'existant du discours public est devenu le mot numéro 1 du capitalisme : nous pensons que des jeunes doivent faire des projets [...], nous pensons que les vieux doivent faire des projets, les pauvres doivent faire des projets, parfois leur aide sociale est conditionnée à un projet, nous pensons que les gens qui ont le plus de mal à se projeter dans l'avenir doivent faire des projets. Les seuls à qui ont ne demande pas de faire des projets, ce sont les riches. Nous pensons que nous devons avoir un projet de vie, manifestement vivre ne suffit plus : il nous faut maintenant transformer notre vie en un processus productif permanent. »

Résumé par thèmes (ordre alphabétique) modifier

Art contemporain modifier

Franck Lepage avance que l'art contemporain utilise des procédés de terrorisme intellectuel[4],[6] :

  • En se désignant comme « contemporain », il sous-entend qu'il représente la seule forme d'art actuel ;
  • Il créé une confusion entre sur refus du savoir-faire artisanal, des pattern de création basés sur des matières pauvres (matière fécale, semence, urine...) et sa légitimation par l'Etat et l'élite culturelle inhibant toute critique par « la capacité d'appréciation d'une démarche artistique inexplicable » ;
  • L'art contemporain prétend expulser la question du « beau ». Faisant un parallèle avec la « vérité », décider que la « vérité » ou que le « beau » n'existe est un non sens philosophique et un Etat décrétant que l'une de ces notions n'existe plus deviendrait automatiquement autoritaire ;
     
    Air Pressure, Paul McCarthy, Piggies, 2007
  • L'art contemporain prétends expulser la question du sens, ce n'est plus l'artiste mais le « regardeur » qui fait l'oeuvre. Franck Lepage prend s'exemple d'un simple crochet planté dans un mur qui fait oeuvre d'art mais pour lequel l'artiste n'a pas de justification à donner, ni de savoir-faire à faire valoir puisse que le « regardeur » est responsable du sens de cet oeuvre ;
     
    Ministère de la Culture, rue de Valois, Paris
  • Il génère une confusion entre « transgression » et « subversion ».

Franck Lepage, citant les travaux de Aude de Kerros, Christine Sourgins et Frances Stonor Saunders sur le sujet, parle de l'art contemporain comme un art de marché permettant de créer des œuvres en en série sans savoir-faire requis, légitimées et côtées par le ministère de la Culture. Ce procédé permet de créer des œuvres rapidement, dont l'artiste est connu de son vivant et ainsi créer une valeur marchande et spéculative[4],[6].

Culture modifier

Franck Lepage parle de « la culture », institutionnalisé par l'État par opposition « aux cultures ». Il lui attribut un caractère religieux basé sur des « vérités révélées » amenant le personnel des

institutions culturels à se référer à des notions comme « l'ascenseur sociale » ou la« démocratisation culturelle » sans prendre en compte les preuves de l'échec de cette théorie. Selon Pierre Bourdieu, la culture accentuerait les inégalités sociales plutôt que de les combler, c'est-à-dire que cultiver des pauvres par l'art contemporain pour leurs permettre de montrer dans la hiérarchie. Il résume le concept d'« égalité des chances » par : « pour le lièvre comme pour la tortue, la ligne de départ est la même ». Ce concept apparaissant comme un symbole d'inégalité sociale, au lieu d'un symbole de l'équité[1],[2],[3],[4],[5].

Pour lui, la culture joue le rôle que jouait Dieu jusqu'à la révolution anglaise, c'est-à-dire, la justification des situations d'inégalités sociales, « ne pas bien avoir travaillé à l'école » rendant l'individu responsable de son propre malheur. Théorie formellement démentie par Pierre Bourdieu : « [normalement] avec le boulot que fait l'école, [il ne devrait plus y avoir] que des médecins » ajoute Franck Lepage[1],[2],[3],[4],[5].

Il décrit la décentralisation comme la mise en concurrence des régions sur le model de l'entreprise. Il ajoute que le but d'une association n'est pas de gérer un équipement mais de faire vivre une parole critique mais le système des subventions octroyées pas les collectivités territoriales créé une censure systémique[1].

La théorie de « l’excès de culture » : « La culture, c'est un truc de droite. La culture ça sert à nous définir en manque, en creux. On pourra toujours expliquer votre situation sociale par votre manque de culture : Même quand vous aurez lu Proust et Gide, il restera à vous taper Dostoïevski ».

Langage modifier

 
Institut de l'Entreprise, « Le travail demain », colloque

Franck Lepage dit que les institutions de pouvoir font « un travail considérable sur les mots, il y a des mots qui disparaissent et des mots qui apparaissent régulièrement ». Il l'explique l'intérêt d'un tel travail en paraphrasant Herbert Marcuse[2],[3],[4],[5] :« On pense avec les mots [et] pas le contraire. Ce n'est pas " je pense une réalité sociale et j'invente des mots " [c'est plutôt] " il y a des mots et avec ces mots, je peux penser une réalité sociale ". [...] Quand on m'enlève des mots et qu'on m'en met d'autre à la place, [je] ne pense pas de la même manière la réalité sociale. [...] Marcuse nous avait prévenu [...] nous vivons la toute dernière critique efficace du capitalisme parce qu'on est en train de nous changer les mots et on est en train de nous enlever des concepts qui nous permettent de penser négativement le capitalisme et de nous donner à la place des " concepts opérationnel ", c'est-à-dire des concepts qui ne servent pas à penser mais seulement à agir et qui nous le désigne d'une façon strictement positive." »

Le ministère de la Culture participe à une une rénovation idéologique, dans les années 1980, que Franck Lepage appelle « une catastrophe intellectuelle majeure »[2] : la réduction de la question culturelle à la question artistique, « si "culture" ne veut plus dire que "art", alors le mouvement social n'en fait plus partie, le syndicalisme n'en fait plus partie [...] la politique ne fait plus partie de la culture »[2]. Il fait alors le point sur plusieurs notions[2],[3],[4],[5] :

  • La notion de politique : « le politique, c'est un jugement de valeur [...] "une société qui décrète l'égalité de l'homme et de la femme, c'est mieux qu'une société qui ne la décrète pas", ça c'est un jugement politique. »
  • La notion de culturel : « En culturel, une société qui décrète l'égalité de l'homme et de la femme, c'est une expression culturelle et on ne voit pas bien pourquoi une expression culturelle aurait des leçons à donner à une autre expression culturelle qui a décidé de faire autrement. »

Les institutions utilisent, selon Franck Lepage, des « concepts opérationnels », soit des mots qui n'ont aucune signification mais donne l'impression de dire quelque chose.

Exemple :

« Mesdames, messieurs, monsieur de le Président, monsieur de le Président du Conseil Général, monsieur le maire, je voudrais revenir sur le temps qui m'est imparti sur une notion qui, moi, me paraît essentielle, [c'est] la question des habitants que je voudrais mettre avec cette autre concept qui est celui des acteurs. Si nous voulons considéré les habitants comme des acteurs, c'est à dire réaliser avec eux un authentique diagnostique partagé qui prenne véritablement en compte la dimension interculturelle, alors, à l'heure de la décentralisation, ce que nous appelons encore citoyenneté dois nécessairement s'inscrire dans une proximité parce que la question démocratique est tout entière contenue dans la préservation du lien sociale et, à l'heure de la mondialisation, c'est désormais l’espace du local qui est l'espace du partenariat que nous devons tisser de solidarité faute de quoi, lorsque nous demandons au gens de faire des projets, [il n'y aurait] aucune espèce de développement et c'est pourquoi nous devons inlassablement raisonner avec eux en terme de contrat et faire un effort permanent pour mettre en place une vraie [...] participation avec eux »

Ressources de la conférence modifier

 
L'homme unidimentionnel de Herbert Marcuse, 1963

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Publications modifier

Art contemporain modifier

Politique modifier

Personnalités modifier

Education populaire modifier

Journalisme modifier

Sciences Humaines modifier

Notes et Références modifier

Voir aussi modifier

Versions de la conférence gesticulée modifier

Lien externe modifier

Articles connexes modifier