Tribu des fourmis (chinois simplifié: 蚁族; chinois traditionnel: 蟻族; pinyin: yǐzú; zhuyin fuhao: ㄧˇㄗㄨˊ) est une locution métaphorique pour désigner, en Chine, les diplômés universitaires à faible ressource qui s'installent dans des quartiers populaires des grandes villes dans l'attente et l'espoir de trouver un emploi stable et rémunérateur correspondant à leurs diplômes. Ces jeunes diplômés sont considérés comme une classe défavorisée en Chine.

Description modifier

Le terme tribu des fourmis a été utilisé la première fois par Lian Si (Chinois: 廉思), alors qu'il était étudiant post-doctorant en science politique à l'université de Pékin[1], qui a consacré deux ouvrages sur sujet en 2009[2] et 2010[3]. Il décrit une réalité sociale concernant les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d'emploi en correspondance avec leur niveau d'études dans un marché de l'emploi saturé en Chine[4]. Ces jeunes diplômés trouvent à se loger dans les quartiers où se trouvent les logements aux plus faibles loyer et vivent d'emplois précaires mal rémunérés (avec un salaire moyen de 1950 yuans par mois[5]) pour lesquels ils sont surqualifiés[4]. Dans un quartier comme Tang Jia Ling, dans le district de Haidian au nord-ouest de Pékin, au-delà du cinquième périphérique de la ville, sont concentrés 50 000 jeunes diplômés[2],[6] et on compterait 10 quartiers de ce type autour de la capitale[4] . De tels regroupements existent également dans les grandes villes de Shanghai, Wuhan, Guangzhou et Xi'an[2]. Les logements qu'ils habitent se trouvent souvent dans des tongzilou[4], des immeubles communautaires datant des années 50 et devenus vétustes dont ils peuvent partager les lieux avec d'autres classes sociales pauvres, comme les employés d'entreprise d'état ou les sans-emplois délaissés de la réforme économique chinoise[5], et pour lesquels ils paient en moyenne un loyer de 400 yuans par mois[5]. Les espaces de logement dans ces immeubles, véritables chambres dortoirs, font jusqu'à 20 m2 et accueillent plusieurs lits[4].

L'étude sociologique de Lian Si modifier

Lian Si a effectué une étude de terrain de deux ans pour rencontrer et interviewer de jeunes diplômés de la tribu des fourmis dans la périphérie de pékin[2],[4]. L'idée de cette étude lui est venue après avoir lu dans le China Newsweek un article, The Down Youth, relatant la vie quotidienne d'un jeune diplômé à Tang Jia Ling[2]. Il a retiré de son étude trois caractéristiques communes qui permettent de constituer un groupe social pertinent: les individus sont des diplômés universitaires, ont de bas revenus et se regroupent dans des quartiers populaires[4]. Ce regroupement qu'il interprète comme un moyen de trouver du réconfort dans l'adversité[4] lui a inspiré l'expression métaphorique de tribu des fourmis[2]. Lian Si a qualifié les lieux, où les jeunes diplômés résident, de bidonvilles d'intellectuels[2]. Il considère que la situation de précarité des jeunes diplômés universitaires est due à la disparité entre les villes et les campagnes (54.7% d'entre eux viennent des campagnes et 38.3% de régions peu ou pas développées[2]) et à l'augmentation des inscriptions dans le cycle universitaire à la suite de la réforme du système de l'éducation et de l'augmentation des quotas d'entrée aux universités dans les années 1990 [2]. Cette concordance de facteurs a suscité des ambitions et des rêves personnels chez les étudiants[2], et a incité les parents à envoyer leurs enfants faire des études pour obtenir un travail rémunérateur[6]. À ce titre, de plus en plus de jeunes en précarité sont diplômés d'universités de faible réputation ou privées[2], et certains estiment que les étudiants qui sortent de ces universités sont mal préparés à la difficulté du marché vers lequel leurs diplômes les dirigent[3]. Les jeunes cachent souvent l'état du marché de l'emploi et leurs conditions de vie à leurs parents, restés au village, qui se réjouissent du succès universitaire de leur enfant[2]. Ils peuvent rester dans ces quartiers périphériques durant 1 à 5 ans avant de retourner dans leur village d'origine, en cas d'insuccès[4]

Autre modifier

Un film a été réalisé sur le sujet en 2014 par Yang Huilong, intitulé La tribu des fourmis (Titre original : Tang Jia Ling). Il a été tourné à Tang Jia Ling

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • (zh) Lian Si, 蚁族:大学毕业生聚居村实录 [« Tribu de fourmis: une étude des villages peuplés de diplômés universitaires»], Guangxi Normal University Publishing House, 2009, (ISBN 978-7-5633-9006-9).
  • (zh) Lian Si, 蚁族Ⅱ:谁的时代_百度百科 [« Tribu de fourmis II»], Zhongxin Publishing House, 2010, (ISBN 978-7-5086-2503-4).
  • (zh) Yan, Huan, chinois : 蚁族:蚁穴中安放的青春 [« la Tribu de fourmis: place de notre jeunesse dans la foumillière»], The Northern Women and Children Publishing House, 2010, (ISBN 978-7-5385-4439-8).
  • (zh) Lin Shaobo, 向下的青春向上的奋斗 - Xiang xia de qing chun xiang shang de fen dou [« Jeunesse à la baisse, luttes à la hausse »], Petroleum Industry Press, 2012 (ISBN 7-5021-9065-1), (ISBN 978-7-5021-9065-1).

Notes et références modifier

  1. (en) « China's 'ant tribe' still struggling », China daily,‎ (lire en ligne)
  2. a b c d e f g h i j k et l (en) Liu Meng, « Living among the 'Ants' of Beijing », Global Times,‎ (lire en ligne)
  3. a et b (en) Sue Feng, « Eight Questions: Lian Si, author of “Ant Tribe” », Wall Street Journal,‎ (lire en ligne)
  4. a b c d e f g h et i « Les jeunes diplômés s'entassent dans le "village des fourmis" », France 24,‎ (lire en ligne)
  5. a b et c « La "forteresse des cages à cochons" de Shanghaï », France 24,‎ (lire en ligne)
  6. a et b (en) Karita Kan, « The new "lost generation" », China Perspectives,‎ (lire en ligne [PDF])